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21/06/2023 | FRANCE | N°23/00070

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 21 juin 2023, 23/00070


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES



du Mercredi 21 Juin 2023





RG 23/00070 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HIME



Appelant

M. [I] [L]

né le 09 Février 1997 à [Localité 3] (QUEBEC)

SDF

hospitalisé à L'EPSM 74

assisté de Me Florent BRUN, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY
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Appelés dans la demande

EPSM 74

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant



Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 21 Juin 2023

RG 23/00070 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HIME

Appelant

M. [I] [L]

né le 09 Février 1997 à [Localité 3] (QUEBEC)

SDF

hospitalisé à L'EPSM 74

assisté de Me Florent BRUN, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés dans la demande

EPSM 74

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 21 juin 2023 à 10h devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière, et en présence de Madame Viktoria Kvaternik, greffière stagiaire,

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 21 juin 2023 après-midi,

Le 1er juin 2023, M. [I] [L] a été admis, par décision du même jour du directeur de l'Etablissement public de santé mentale 74, en soins psychiatriques sans consentement en raison d'un péril imminent.

Le certificat médical d'admission du Docteur [R] en date du 1er juin 2023 mentionnait que le patient présentait un trouble délirant à thèmes multiples (mystique, érotomanie) avec adhésion complète, une agitation psychomotrice avec logorrhée, une fuite des idées, qu'il n'y avait aucune adhésion au traitement et un déni complet de ses troubles, qu'il se mettait lui-même en danger par ses troubles du comportement (évoque le fait qu'il mangeait au bord de l'autoroute) et qu'il présentait par ailleurs de l'agressivité. Son père n'était pas joignable. Ses troubles rendaient impossible son consentement.

Le certificat médical des 24 heures relevait notamment que le patient se montrait sthénique et presque logorrhéique, qu'il présentait un délire polymorphe à thème principal de mission et de grandeur, qu'il restait dans le déni de sa maladie et se montrait opposé à la reprise d'un traitement, ce qui rendait impossible l'expression d'un consentement aux soins.

Le patient était sorti d'hospitalisation début mai 2023 suite à la levée de la mesure de soins pour 'caducité'.

L'hospitalisation sous contrainte restait justifiée aux fins de surveillance et de réintroduction d'un traitement psychotrope.

Le certificat médical des 72 heures indiquait qu'une tendance à la logorrhée persistait malgré le traitement sédatif, et que les éléments délirants semblaient un peu plus contenus. Le patient n'avait toujours aucune conscience de ses troubles.

L'avis motivé du 5 juin 2023 relevait que le contact restait superficiel, le discours plutôt logorrhéique avec une tendance au paralogisme et à la rationalisation. Des éléments de délire bien construit étaient toujours présents en dépit du traitement psychotrope. Le patient restait dans le déni de ses troubles et de la maladie, l'obtention d'un consentement valable aux soins restait impossible.

Par ordonnance du 7 juin 2023, la juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville a ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [I] [L]. Cette décision lui a été notifiée à une date inconnue.

Par courrier en date du 10 juin 2023, M. [I] [L] a interjeté appel de cette ordonnance.

Les convocations et avis d'audience ont été adressées aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.

L'avis médical prévu par l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique a été communiqué au greffe le 19 juin 2023. Il mentionne que le patient, qui a déjà été hospitalisé pour des épisodes psychotiques dont le suivi est rendu compliqué par une mauvaise adhésion aux soins, présente toujours un vécu délirant à thématique principalement persécutoire et de filiation, délire non critiqué et avec une symptomatologie thymique marquée (logorrhée, tachypsychie, labilité thymique importante). La reconnaissance de ses troubles est très limitée et le patient présente toujours une importante ambivalence quant au traitement et aux soins. Il n'est pas en capacité de consentir valablement aux soins. La mesure d'hospitalisation complète sous contrainte demeure nécessaire.

A l'audience publique du 21 juin 2023, M. [I] [L] a comparu.

Il a pu s'entretenir de manière confidentielle avec son conseil avant l'audience.

M. [I] [L] a indiqué qu'il avait fait appel car il estimait être stabilisé par rapport à son état psychotique, et que le trouble pour lequel il avait été hospitalisé était plutôt psychosomatique. Il reconnaît être logorrhéique. Il estime être assez lucide pour choisir son traitement de façon libre. Il souhaite profiter de son été puis travailler. Il indique que son hospitalisation a été au début assez chaotique. Il estime ne pas représenter un péril imminent pour les autres. Il estime que son traitement actuel est plus adapté que le Loxapac, mais moins adapté que celui qu'on lui a donné à Genève. Il en a parlé au médecin, mais a l'impression de ne pas être écouté. Les médecins n'ont pas évoqué avec lui la question d'une possible permission de sortie.

Il indique être SDF, et qu'une procédure est en cours avec une assistante sociale pour lui trouver un logement, possiblement dans un foyer, procédure qui est en cours depuis qu'il est hospitalisé.

Il estime avoir des pathologies résiduelles des psychoses qui lui étaient propres, liées à son père légal qu'il a renié. Il pense avoir besoin de soins légers, de valériane et de magnésium. Il souhaite la levée de la contrainte et continuer ses soins au CMP d'Evian.

En mai 2023 il n'a pas été suivi avec un programme de soins suite à sa sortie.

Il pense avoir été hétéro-agressif uniquement par le langage verbal, et parfois non verbal. Il indique avoir parfois du mal à garder son sang-froid, mais il sait garder son sang froid dans les situations difficiles.

Il indique ne pas avoir reçu le livret d'accueil à son arrivée à l'hôpital, qu'il a dû le demander et qu'il ne lui a été remis que deux semaines après. Il n'a été avisé qu'au dernier moment de sa comparution devant le JLD, et n'a pas pu préparer sa défense.

Son conseil, Me [P] [K], a soutenu que l'appel de M. [L] était recevable, et que la procédure avait été respectée, que le dernier avis médical était motivé et circonstancié.

Le directeur du centre hospitalier n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais il a requis le 20 juin 2023 la confirmation de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète. Les réquisitions du ministère public ont été mises à la disposition du patient et de son conseil avant l'audience.

La décision a été mise en délibéré au 21 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel est recevable en ce qu'il a été formé dans les formes et délais requis.

En application de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3212-3 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L3211-2-1.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, il résulte du dossier que M. [I] [L] a déjà été hospitalisé pour des épisodes psychotiques dont le suivi est rendu compliqué par une mauvaise adhésion aux soins; qu'une précédente hospitalisation a été levée très récemment, en mai 2023, pour un problème de procédure ; que cette levée d'hosopitalisation a très rapidement débouché sur une dégradation de son état de santé qui a conduit à une nouvelle hospitalisation le 1er juin, objet de cette procédure.

Le certificat médical d'admission en date du 1er juin 2023 mentionne que le patient se mettait lui-même en danger par ses troubles du comportement : il aurait ainsi notamment mangé au bord d'une autoroute ou d'une route à forte circulation. Il présentait par ailleurs de l'agressivité.

A l'audience, les troubles de type loghorée et fuite des idées sont clairement apparus, ainsi que l'absence de réelle conscience de ses troubles et de la nécessité d'un traitement pour les combattre, puisqu'il estime n'avoir besoin que de soins légers à base de valériane et de magnésium.

Il sera par ailleurs relevé que l'hospitalisation a permis de le mettre en lien avec une assistante sociale dans l'objectif de travailler son accès à un logement, au regard de sa situation de sans domicile fixe, accès à un logement de nature à faciliter le suivi de ses soins notamment dans le cadre d'un éventuel programme de soins.

Ainsi que le relevait l'avis motivé du 19 juin 2023, M. [I] [L] ne reconnaît donc que de façon très limitée les troubles dont il souffre et présente toujours une importante ambivalence quant au traitement et aux soins, ce qui laisse craindre, au regard par ailleurs de sa situation de SDF qui ne facilite pas le suivi de soins, une rechute rapide de son état de santé si la mesure d'hospitalisation complète était levée, rechute qui pourrait s'accompagner de mises en danger de lui-même et d'autrui telles que celle évoquées dans le certificat médical d'admission.

Il résulte de ces éléments que ses troubles mentaux rendent impossible son consentement aux soins, et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

En conséquence, l'ordonnance du 7 juin 2023 de la juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire au siège de la Cour d'Appel de Chambéry,

DECLARONS l'appel formé par M. [I] [L] recevable,

CONFIRMONS l'ordonnance déférée,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public,

DISONS que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 21 juin 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00070
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;23.00070 ?
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