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15/06/2023 | FRANCE | N°21/01597

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 15 juin 2023, 21/01597


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023



N° RG 21/01597 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GYRK



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 01 Juillet 2021, RG 2020J00046



Appelante



Mme [E] [R]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]



Représentée par la SCP ARMAND - CHAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY





Intimée



CAISSE REGION

ALE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6] - PAYS DES BAUGES dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023

N° RG 21/01597 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GYRK

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 01 Juillet 2021, RG 2020J00046

Appelante

Mme [E] [R]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

Représentée par la SCP ARMAND - CHAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 6] - PAYS DES BAUGES dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 28 mars 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS [M] et fils échafaudages construction a pour activité la pose et dépose d'échafaudages, ainsi que la construction et démolition de partie de bâtiments. Elle a été immatriculée le 9 février 2018.

Par acte sous seing privé du 1er juin 2018, la Caisse régionale de Crédit mutuel [Localité 6] et pays des Bauges (le Crédit mutuel), a consenti à la société [M] et fils un prêt professionnel d'un montant de 84 000 euros, remboursable en 60 mois au taux de 1,60 %. Ce prêt a été garanti par l'engagement de caution solidaire de:

- Mme [E] [R], présidente de la société, dans la limite de la somme de 36 000 euros, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant les pénalités ou intérêt de retard, et ce pour une durée de 60 mois,

- M. [N] [M], directeur général, dans la limite de la somme de 60 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et ce pour une durée de 84 mois.

Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Annecy a placé la société [M] et fils en liquidation judiciaire. Le Crédit mutuel a déclaré sa créance au passif de la société par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 2019, pour un montant total de 68 392,34 euros.

Par courriers recommandés du même jour, le Crédit mutuel a informé les cautions de la procédure collective et leur a rappelé leurs engagements du 1er juin 2018, les mettant en demeure de lui rembourser la somme de 60 000 euros (pour M. [M]) et la somme de 36 000 euros (pour Mme [R]).

Cette mise en demeure étant restée sans effet, par actes délivrés le 24 février 2020, le Crédit mutuel a fait assigner Mme [R] et M. [M] devant le tribunal de commerce d'Annecy en paiement des sommes précitées.

Les cautions se sont opposées aux demandes en invoquant à titre principal la disproportion de leurs engagements respectifs, mais également le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, le défaut d'information annuelle des cautions, et enfin ont sollicité l'octroi de délais de paiement.

Par jugement contradictoire rendu le 1er juillet 2021, le tribunal de commerce d'Annecy a:

condamné Mme [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 36 000 euros,

dit que Mme [R] dispose d'un délai de 9 mois à compter de la notification de la décision pour payer cette somme,

dit que les sommes dues par Mme [R] porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés,

condamné Mme [R] à régler 30 % des dépens,

condamné Mme [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [M] à payer au Crédit mutuel la somme de 60 000 euros,

dit que les sommes dues par M. [M] porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés,

condamné M. [M] à régler 70 % des dépens,

condamné M. [M] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 29 juillet 2021, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions du jugement qui la condamnent et la déboutent de ses demandes, en intimant le Crédit mutuel seul. Cette affaire a été enregistrée sous le n° R.G. 21/01597. C'est la présente instance.

Par déclaration du 26 août 2021, M. [M] a également interjeté appel de ce jugement, limité aux dispositions du jugement qui le condamnent et le déboutent de ses demandes, en intimant le Crédit mutuel seul. Cette affaire a été enregistrée sous le n° R.G. 21/01746.

Les deux affaires n'ont pas été jointes.

Par conclusions notifiées le 15 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [R] demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les anciens articles L. 331-1, L. 332-1, L. 333-1, L. 343-1, L. 341-4, L. 343-5, du code de la consommation,

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,

Vu l'article L. 622.28 du code de commerce,

Vu l'article 1343-5 du code civil,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné Mme [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 36 000 euros;

- dit que Mme [R] dispose d'un délai de 9 mois à compter de la notification de la présente décision pour payer cette somme ;

- dit que les sommes dues par Mme [R] porteront intérêt au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les intérêts ainsi décomptés par année entière seront capitalisés ;

- condamné Mme [R] à régler 30 % des dépens ;

- condamné Mme [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

En conséquence,

dire et juger que l'engagement de caution de Mme [R] est disproportionné,

dire et juger que le Crédit mutuel ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de Mme [R] du 1er juin 2018,

dire et juger que le Crédit mutuel a manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de Mme [R],

en conséquence, condamner le Crédit mutuel à verser à Mme [R] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Subsidiairement,

constater que le Crédit mutuel ne justifie pas du respect de son obligation d'information annuelle de Mme [R],

constater que le Crédit mutuel ne justifie pas du respect de son obligation d'information dès le premier incident de paiement de la société [M] et fils échafaudages construction,

en conséquence, dire et juger que le Crédit mutuel sera déchu du droit aux intérêts et pénalités de retard,

débouter le Crédit mutuel, faute de produire un décompte précis de nature à permettre l'application de la sanction de déchéance du droit aux intérêts

Très subsidiairement,

constater que la créance du Crédit mutuel à l'encontre du débiteur principal s'élève à 68 392,34 euros,

constater que M. [M] a été condamné, en qualité de caution, à verser au Crédit mutuel la somme de 60 000 euros,

en conséquence, dire et juger que la créance de Mme [R] à l'encontre du Crédit mutuel en qualité de caution ne peut être supérieure à 8 392,34 euros,

Infiniment subsidiairement,

dire et juger que Mme [R] pourra bénéficier d'un délai de paiement sur deux ans pour régler les sommes dont elle serait redevable au Crédit mutuel

En tout état de cause,

condamner le Crédit mutuel à verser à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 29 juillet 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le Crédit mutuel demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Mme [R].

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

déclarer recevable et bien fondée l'action du Crédit mutuel.

en conséquence, condamner Mme [R], en sa qualité de caution solidaire de la société [M] et fils échafaudages construction à payer au Crédit mutuel la somme de 36 000,00 euros en garantie de compte de prêt n°[XXXXXXXXXX01], outre intérêts à compter du 9 décembre 2019, date de la mise en demeure jusqu'à complet paiement.

juger que l'engagement de caution n'est pas disproportionné.

juger que le Crédit mutuel a respecté son obligation de mise en garde et d'information annuelle.

débouter Mme [R] de sa demande en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé un délai de paiement de 9 mois pour payer la somme due,

juger irrecevable le demande de Mme [R] tendant à l'octroi de délai de paiement.

en tout état de cause,

débouter Mme [R] de ses plus amples demandes, fins et prétentions.

condamner Mme [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

condamner Mme [R] aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée à la date du 27 février 2023 et renvoyée à l'audience du 28 mars 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 1er juin 2023, prorogé à ce jour.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la disproportion de l'engagement de caution

Mme [R] soutient que le Crédit mutuel ne peut se prévaloir de son engagement de caution, celui-ci étant manifestement disproportionné à ses revenus.

Conformément aux articles 2288 et suivants du code civil, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

L'article L.332-1 du code de la consommation, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en rapporter la preuve à la date du contrat.

Pour apprécier la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments du patrimoine susceptibles d'être saisis. Viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l'ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l'exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse.

En l'absence d'anomalies apparentes, la fiche déclarative de patrimoine renseignée par la caution au moment de la souscription de l'engagement lui est opposable, conformément à l'article 1104 du code civil, sans que la banque ait à vérifier l'exactitude des éléments financiers déclarés.

En l'espèce, la banque produit la fiche patrimoniale renseignée par Mme [R] le 29 mai 2018 (pièce n° 11 du Crédit mutuel) selon laquelle elle a déclaré percevoir un salaire mensuel de 2700 euros et disposer d'un patrimoine immobilier d'une valeur de 500 000 euros constitué de sa maison d'habitation.

Elle a également déclaré devoir rembourser deux emprunts pour lesquels il restait dû 22 333 euros et 2 135 euros en capital, sans précision de durée. Elle a enfin fait état d'un autre engagement de caution au profit d'une SCI les Capucines, au profit du Crédit agricole, pour un montant de 32 500 euros.

Cette fiche patrimoniale ne comporte aucune anomalie apparente et le fait que Mme [R] ait perdu son emploi ensuite de la liquidation judiciaire de la société [M] et fils ne peut entrer en considération pour l'appréciation de la disproportion de l'engagement de caution à la date à laquelle il a été consenti.

Or Mme [R] ne conteste pas le contenu de la fiche qu'elle a renseignée et sur la foi de laquelle le prêteur s'est fondé pour lui demander sa garantie.

Mme [R] fait aujourd'hui état de ce qu'elle s'était engagée comme caution au profit de la Société Générale pour 195 000 euros. Toutefois, l'absence de mention de ce précédent engagement lui est imputable et elle n'établit pas que le Crédit mutuel en ait eu effectivement connaissance.

En tout état de cause, même en tenant compte de cet engagement, la valeur déclarée de son bien immobilier (500 000 euros), sans aucun emprunt, lui permettait de faire face à l'ensemble de ses engagements dont le montant cumulé s'élevait alors à 287 968 euros, en ce compris l'engagement non déclaré au profit de la Société Générale.

Aussi, c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que le tribunal a retenu que l'engagement de caution de Mme [R] au profit du Crédit mutuel n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Sur le devoir de mise en garde

Mme [R] soutient que le Crédit mutuel ne l'a pas suffisamment mise en garde sur le risque d'endettement lié à l'engagement consenti et elle fait grief au jugement déféré d'avoir retenu qu'elle est une caution avertie.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers la caution, d'un devoir de mise en garde et sa responsabilité peut être engagée pour manquement à ce devoir si l'engagement de caution n'est pas adapté soit aux capacités financières de la caution, soit au risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel s'apprécie compte tenu d'un risque caractérisé de défaillance du débiteur.

La banque n'est tenue de cette mise en garde qu'à l'égard de la caution non avertie, à moins qu'elle ait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

En l'espèce, c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que :

- en l'absence de disproportion manifeste de l'engagement de caution litigieux, le risque d'endettement excessif n'est pas avéré,

- Mme [R] était la présidente de la société débitrice principale, et occupait un poste d'assistante de direction dans la même société,

- qu'elle s'était déjà portée caution par le passé au profit d'une autre société, et, qu'avant même de s'engager au profit du Crédit mutuel, elle avait été assignée en paiement par la Société générale, de sorte qu'elle avait une parfaite conscience des conséquences éventuelles de son engagement en cas de défaillance de l'emprunteur.

Il résulte en outre des pièces produites aux débats que Mme [R] est également dirigeante d'une société AGH Automobile dont elle s'est portée caution en novembre 2019, mais aussi gérante de la SCI les Bleuets, et qu'elle joue un rôle très actif dans la gestion de ces sociétés (pièces n° 16 à 19, et 24 à 28 de l'intimé).

Ainsi, la banque n'était pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [R].

Sur l'information annuelle de la caution

L'article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En application de l'article L. 341-1 du code de la consommation, sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.

Il appartient à la banque de rapporter la preuve de l'envoi effectif de l'information annuelle, la preuve de la réception par la caution n'étant pas exigée.

En l'espèce, il convient de noter que le prêt a été octroyé le 1er juin 2018 et que la société [M] et fils a été placée en liquidation judiciaire dès le 19 novembre 2019, de sorte que la banque doit rapporter la preuve de l'information annuelle devant être délivrée au plus tard le 31 mars 2019. En effet, le prononcé de la liquidation judiciaire a rendu le prêt exigible et la caution a d'ailleurs été recherchée dès la mise en demeure du 9 décembre 2019 (pièce n° 7 de l'intimé), puis assignée en paiement le 24 février 2020, de sorte qu'il n'y a plus lieu à information annuelle postérieure.

Le Crédit mutuel produit le courrier simple adressé à Mme [R] le 18 février 2019 contenant information sur la situation de la société [M] et fils, qui ne présentait alors aucun impayé (pièce n° 8).

Mme [R] conteste avoir reçu ce courrier.

Toutefois, il convient de souligner qu'elle ne conteste pas l'adresse qui y est portée, et, par ailleurs, le Crédit mutuel produit un procès-verbal de constat d'huissier établi le 12 mars 2019 (pièce n° 20) par lequel il est justifié des opérations de mise sous pli et expédition des informations annuelles des cautions, le numéro de lot porté sur le courrier destiné à Mme [R] (GH.20190311) correspondant à ceux objet du constat. Les exemplaires annexés au procès-verbal portent également la date du 18 février 2019.

Il sera enfin ajouté qu'au jour de la liquidation judiciaire aucun incident de paiement n'avait été enregistré, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à information de la caution sur un incident inexistant. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme [R] a été dûment informée du placement en liquidation judiciaire de la société [M] et fils.

Le jugement déféré sera donc encore confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [R] de déchéance de la banque de son droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Mme [R] soutient qu'elle ne serait redevable au plus que de la somme de 8 392,34 euros compte tenu de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [M], autre caution, à 60 000 euros.

L'article 2302 du code civil dispose que, lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.

Aussi, Mme [R], qui n'a pas demandé la division de l'action du créancier dans les conditions de l'article 2303 du code civil, est tenue au paiement de la somme de 36 000 euros, montant de son engagement, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé cette condamnation.

Sur les délais de paiement

En application de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, le tribunal a accordé à Mme [R] un délai de neuf mois pour «mettre en ordre son patrimoine et sa situation professionnelle afin de faire face à ses engagements».

Mme [R] sollicite un délai de 24 mois pour le règlement de sa dette.

Toutefois, force est de constater que Mme [R] ne justifie pas de sa situation financière et professionnelle actuelle, les documents produits étant tous antérieurs à l'année 2022. Elle ne précise pas de quelle manière elle serait en mesure de payer sa dette dans le délai sollicité. Elle ne formule aucune proposition de règlement.

Par ailleurs, par l'effet de la durée de la procédure, elle a d'ores et déjà bénéficié, de fait, de larges délais de paiement, sans avoir procédé au moindre paiement.

Le jugement déféré sera donc réformé et la demande de délais sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit mutuel la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R], qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Annecy le 1er juillet 2021 en ses dispositions concernant Mme [E] [R], sauf en ce qu'il a dit que Mme [E] [R] dispose d'un délai de neuf mois à compter de la notification du jugement pour payer la somme de 36 000 euros,

Réformant de ce chef,

Déboute Mme [E] [R] de sa demande de délais de paiement,

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [R] à payer à la Caisse régionale de Crédit mutuel [Localité 6] - Pays des Bauges, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne Mme [E] [R] aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 15 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01597
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.01597 ?
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