COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023
N° RG 21/00796 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVSI
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 05 Mars 2021, RG 18/01200
Appelante
La SCCV [Adresse 11] dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocat plaidant au barreau de LYON
Intimées
Mme [J] [Y]
née le 30 Janvier 1948 à [Localité 14], demeurant [Adresse 9]
Mme [D] [C]
née le 21 Juin 1966 à [Localité 13], demeurant [Adresse 7]
Représentées par Me Christian FORQUIN, avocat au barreau de CHAMBERY et Me Frédéric CHESNEY, avocat au barreau de LYON
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S.A.R.L. ARCHITECTE EN MONTAGNE, dont le siège social est sis [Adresse 8] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 04 avril 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte de vente du 8 décembre 2016, la Société Civile Immobilière de Construction [Adresse 11], société créée par la SARL Nehome Promotion pour les besoins d'une opération de construction, a acquis de Mme [V] [C] une parcelle section A n°[Cadastre 6], située au lieu-dit [Localité 12] à [Localité 10] (74).
Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] sont, quant à elles, propriétaires de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] jouxtant la parcelle A [Cadastre 6].
Par contrat du 24 février 2014, la société les Grabilles a confié à la société Architecte en Montagne une mission de maîtrise d'oeuvre pour l'établissement d'un dossier de permis de construire relatif à la réalisation d'un ensemble de logements et de commerces.
Par arrêté municipal du 10 décembre 2014, un permis de construire un immeuble collectif de neuf logements et de trois commerces a été délivré au profit de la société les Grabilles. Puis par arrêté municipal du 3 février 2016, le permis de construire a été transféré à la SCCV [Adresse 11]. Un permis modificatif a été accordé le 23 avril 2016.
Par acte de donation-partage du 29 décembre 1988, la parcelle cadastrée section A [Cadastre 6], avait été grevée d'une servitude conventionnelle de passage d'une largeur de 5 mètres située au niveau de sa limite Sud-Est, longeant la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 4]. Cette servitude constitue le chemin d'accès à la parcelle cadastrée section A [Cadastre 2] appartenant à Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] au profit de la parcelle section A [Cadastre 3], divisée ultérieurement et renumérotée [Cadastre 6] et [Cadastre 5].
Lors de la construction des bâtiments, un escalier a été aménagé sur l'assiette de la servitude, aux fins d'accéder à un palier surplombant cette assiette à une hauteur de 2,55 mètres.
Par ordonnance de référé du 7 juillet 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bonneville a :
- constaté que l'escalier avait été démonté,
- débouté Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] de leur demande en suppression du palier au motif qu'il ne constituait pas un trouble manifestement illicite au passage.
Par acte du 25 octobre 2018, Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] ont assigné la société [Adresse 11], au visa notamment des articles 686 et suivants du code civil, de l'article A 424-8 du code de l'urbanisme, aux fins de sa condamnation à détruire à ses frais la partie du palier construit à l'aplomb de la servitude de passage et ce, sous astreinte.
Par acte du 19 juin 2019, la société [Adresse 11] a assigné en intervention forcée la société Architecte en Montagne aux fins de garantie. La jonction des procédures a été prononcée le 19 septembre 2019.
Par jugement contradictoire du 5 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bonneville a :
- constaté que la servitude de passage tous usages créée par l'acte notarié de donation partage en date du 29 décembre 1988, dont l'assiette est annexée audit acte et grevant la parcelle section A [Cadastre 6], à [Localité 10] (74) au profit de la parcelle cadastrée section A [Cadastre 2] à [Localité 10] (74), appartenant à Mesdames [J] [Y] et [D] [C], est d'une largeur de 5 mètres sur toute sa longueur et dit que cette servitude s'exercera sur une hauteur de 3 mètres 50 sur la totalité de son emprise de 5 mètres de large, y compris à l'aplomb du terrain afin de permettre l'accès de tous véhicules et notamment des véhicules de secours,
- dit que la SCCV [Adresse 11] a diminué l'usage de la servitude de passage en construisant un palier surplombant ladite servitude à hauteur de 2 mètres 55,
en conséquence,
- condamné la SCCV [Adresse 11] à détruire, à ses frais, la partie du palier surplombant ladite servitude, et ce, dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement, et au-delà de cette date, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- débouté Mesdames [J] [Y] et [D] [C] de leur demande au titre du compteur électrique,
- dit que la société Architecte en Montagne a commis une faute quasi-délictuelle en signant le permis de construire modificatif,
- débouté la SCCV [Adresse 11] de sa demande de relevé et de garantie par la société Architecte en Montagne de sa condamnation à démolir le palier surplombant la servitude,
- condamné la société Architecte en Montagne à relever et garantir la SCCV [Adresse 11] à hauteur de 20 %, de ses condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
- condamné la SCCV [Adresse 11] aux entiers dépens de l'instance,
- condamné la SCCV [Adresse 11] à payer à Mesdames [Y] et [C] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SCCV [Adresse 11] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Architecte en Montagne,
- débouté la société Architecte en Montagne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 avril 2021, la société [Adresse 11] a interjeté appel du jugement.
Par acte d'huissier du 10 octobre 2021, Mesdames [J] [Y] et [D] [C] ont assigné le syndic gérant la copropriété en intervention forcée.
Par exploit du 11 janvier 2022, le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] a, pour sa part, assigné en intervention forcée la société Nexity en qualité de syndic initial.
Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a notamment :
- dit qu'il n'entre pas dans ses pouvoirs de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre soulevée par la société [Adresse 11],
- déclaré irrecevables les interventions forcées, d'une part, du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 11] et, d'autre part, de la société Nexity,
- les a mis hors de cause et a dit que l'instance ne se poursuivra qu'entre les trois parties suivantes : la SCCV [Adresse 11], Mesdames [Y] et [C] et la société Architecte en Montagne.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société [Adresse 11] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 5 mars 2021 en ce qu'il :
- a constaté que la servitude de passage tous usages créée par l'acte notarié de donation partage en date du 29 décembre 1988, dont l'assiette est annexée audit acte et grevant la parcelle section A numéro [Cadastre 6], à [Localité 10] (74) au profit de la parcelle cadastrée section A numéro [Cadastre 2] à [Localité 10] (74), appartenant à Mesdames [J] [Y] et [D] [C], est d'une largeur de 5 mètres sur toute sa longueur et dit que cette servitude s'exercera sur une hauteur de 3 mètres 50 sur la totalité de son emprise de 5 mètres de large, y compris à l'aplomb du terrain afin de permettre l'accès de tous véhicules et notamment des véhicules de secours,
- a dit qu'elle a diminué l'usage de la servitude de passage en construisant un palier surplombant ladite servitude à hauteur de 2 mètres 55,
- l'a condamnée à détruire, à ses frais, la partie du palier surplombant ladite servitude, et ce, dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, et au-delà de cette date, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- a dit que la société Architecte en Montagne a commis une faute quasi-délictuelle en signant le permis de construire modificatif,
- l'a déboutée de sa demande de relevé et de garantie par la société Architecte en Montagne de sa condamnation à démolir le palier surplombant la servitude,
- a condamné la société Architecte en Montagne à la relever et garantir à hauteur de 20 %, de ses condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,
- l'a condamnée à payer à Mesdames [Y] et [C] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Architecte en Montagne.
ce faisant, statuant à nouveau,
- juger que les demandes formulées par Mesdames [Y] et [C] à égard sont irrecevables, faute de qualité pour agir,
par conséquent,
- débouter Mesdames [Y] et [C] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
à défaut,
- juger que l'assiette de la servitude est de 5 mètres au sol,
- juger que cette servitude ne s'exerce pas sur une hauteur de 3 mètres 50 sur la totalité de son emprise de 5 mètres de large, y compris à l'aplomb du terrain afin de permettre l'accès de tous véhicules et notamment des véhicules de secours,
- juger que la présence, en hauteur, à 2,55 mètres, du palier d'escalier, n'affecte pas la servitude de passage, celle-ci n'étant ni diminuée, ni rendue plus incommode,
en conséquence,
- juger que les travaux entrepris par la SCCV [Adresse 11] et notamment l'édification du palier litigieux n'ont pas porté atteinte au principe de fixité de la servitude de passage,
par conséquent,
- juger que le palier surplombant la servitude ne sera pas détruit,
- débouter purement et simplement Mesdames [Y] et [C] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement Mesdames [Y] et [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de la première instance,
subsidiairement, en cas de condamnation,
- juger que la société Architecte en Montagne a commis une faute qui engage sa responsabilité,
- juger qu'elle est bien fondée à être relevée et garantie de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, tant en principal, intérêts, frais et accessoires, par la société Architecte en Montagne et notamment des conséquences financières liées à la démolition du palier litigieux,
ce faisant,
- juger ainsi que la société Architecte en Montagne devra prendre à sa charge les frais liés à la démolition du palier mais aussi les autres frais et indemnités qu'elle serait susceptible de devoir verser,
- condamner la société Architecte en Montagne à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
- condamner la société Architecte en Montagne aux entiers dépens de la première instance,
en tout état de cause,
- débouter Mesdames [Y] et [C] de leurs demandes visant à la voir condamnée à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,
- débouter Mesdames [Y] et [C] de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- débouter la société Architecte en Montagne de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- condamner solidairement Mesdames [Y] et [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance,
- condamner la société Architecte en Montagne à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de maître Dormeval.
Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 6 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 5 mars 2021,
- condamner la SCCV [Adresse 11] à leur payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile,
- condamner la SCCV [Adresse 11], ou tout succombant, au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCCV [Adresse 11], ou tout succombant, aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2021, la société Architecte en Montagne demande à la cour de :
- statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel mais le déclarer mal fondé en ce qu'il est dirigé à son encontre,
- confirmer le jugement qui a débouté la société [Adresse 11] de sa demande de relevé et de garantie par elle de sa condamnation à démolir le palier surplombant la servitude,
- confirmer le jugement qui a débouté la société [Adresse 11] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée à son encontre,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- a dit que « la servitude s'exercera sur une hauteur de 3 mètres 50 sur la totalité de son emprise de 5 mètres de large, y compris à l'aplomb du terrain afin de permettre l'accès de tous véhicules et notamment des véhicules de secours.
- a dit qu'elle a commis une faute quasi-délictuelle en signant le permis de construire modificatif
- l'a condamnée à relever et garantir la société [Adresse 11] à hauteur de 20 %, de ses condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
Statuant à nouveau
- juger irrecevables et infondées les demandes principales de Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] et en conséquence dire sans objet la demande de garantie de la société [Adresse 11],
- juger que l'assiette de la servitude est de 5 mètres au sol et ne s'exerce pas sur une hauteur de 3mètres 50 sur la totalité de son emprise de 5 mètres de large,
- juger encore que l'accès de tous véhicules et notamment des véhicules de secours est possible et sans difficulté et que la présence, en hauteur, à 2,55 mètres, du palier d'escalier, n'affecte pas la servitude de passage,
En tout état,
- juger irrecevable la société [Adresse 11] en sa demande d'engagement de sa responsabilité contractuelle,
- confirmer la décision qui a estimé l'absence de tout lien contractuel entre elle et la société [Adresse 11],
- juger que, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle, elle ne démontre ni faute ni lien de causalité adéquate et la débouter de plus fort,
- la juger encore non débitrice d'un devoir de conseil sur des faits connus du maître d'ouvrage parfaitement compétent et professionnel de l'immobilier,
- confirmer la décision qui a rejeté sa demande de garantie au titre de la démolition et des conséquences de la démolition du palier
Subsidiairement
- confirmer en tout point la décision querellée qui a limité la garantie exclusivement de la société [Adresse 11] à son égard à 20% de l'article 700 et de dépens,
- juger que sa demande de garantie à une obligation de faire sous astreinte, sollicitée par les demanderesses principales, mal fondée en ce qu'elle est dirigée contre la SARL elle qui ne peut intervertir en démolition d'un ouvrage dont elle n'est pas propriétaire
- juger que sa demande de garantie à des sommes indéterminées «frais et indemnités que la société [Adresse 11] serait susceptible de devoir verser» non recevables et mal fondées - rejeter en tout état sa demande additionnelle de la voir être condamnée à la garantir au titre des frais et indemnités,
- confirmer le jugement qui a débouté la société [Adresse 11] de sa demande,
- rejeter de plus fort sa demande,
- la condamner ou tout succombant à lui régler une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de maître Bérangère Houmani.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la fin de non recevoir
La SCCV [Adresse 11] indique que l'immeuble litigieux a été livré et réceptionné par le syndicat des copropriétaires de sorte qu'elle n'a plus la qualité de propriétaire du sol, ni celle de maître de l'ouvrage. Elle en déduit qu'elle n'a pas qualité pour être partie à la présente procédure. Elle indique que, tant Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] que leur conseil, étaient parfaitement informés du statut juridique de l'immeuble, relevant du régime de la vente en l'état futur d'achèvement et soumis, à la livraison, au statut de la copropriété. Elle précise enfin que le caractère dilatoire de sa fin de non recevoir n'est pas démontré.
Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] exposent, pour leur part, que la fin de non recevoir est un moyen soulevé à titre de défense pour la première fois depuis plusieurs années après le début du litige les opposant à la SCCV [Adresse 11] et que ce n'est que le 9 juillet 2021 que l'appelante a fait état du fait que le palier litigieux, représentant une partie commune de l'immeuble, a été réceptionné et livré au syndicat des copropriétaires. Elles reprochent à la SCCV [Adresse 11] d'être, jusqu'à cette date, demeurée silencieuse sur la date du transfert de propriété lequel aurait eu lieu le 15 février 2019. Elles estiment que l'intention dilatoire de la SCCV [Adresse 11] est parfaitement établie et sollicitent une indemnisation à hauteur de 10 000 euros.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que : 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
L'article 123 du code de procédure civile précise, pour sa part, que : 'les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt'.
Il résulte de ces dispositions que la fin de non recevoir est recevable en cause d'appel.
Les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile prévoient que l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et, pour l'adversaire, le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Enfin, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Il convient de relever que l'action engagée par Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] vise à la destruction du palier litigieux sous astreinte.
Le conseiller de la mise en état, dans son ordonnance du 10 mars 2022, a jugé que Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] ont mis en cause le syndicat des copropriétaires dans la mesure où c'est lui qui, désormais, est propriétaire de la parcelle sur laquelle l'immeuble est construit et de ses parties communes dont le palier litigieux, même si cette mise en cause a, ensuite, été déclarée irrecevable. Cette considération est d'ailleurs conforme à l'article 1603-1 du code civil, selon lequel dans un contrat de vente en l'état futur d'achèvement, le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes, les ouvrages à venir devenant la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution.
Il est constant, en l'espèce, que les parties communes ont été livrées par la SCCV [Adresse 11] à la copropriété le 15 février 2019 (pièce appelant n°16) démontrant ainsi l'existence du syndicat des copropriétaires à cette date. D'ailleurs le tribunal, devant lequel la fin de non recevoir n'était pas soulevée, a bien constaté que la SCCV [Adresse 11] n'avait pas la qualité de propriétaire en la déboutant de sa demande d'être relevée et garantie de sa condamnation à démolir le palier. Enfin, il est notable que Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] ne contestent pas le fait que la SCCV [Adresse 11] n'est plus propriétaire de l'immeuble litigieux, mais arguent de sa mauvaise foi pour solliciter une indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.
Il résulte de ce qui précède que la SCCV [Adresse 11], dépourvue de la qualité de propriétaire, n'a pas qualité pour se défendre contre une action visant à la démolition d'une partie d'un immeuble.
Par conséquent le jugement déféré sera infirmé et Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] seront déclarées irrecevables en leurs demandes contre la SCCV [Adresse 11]. Par conséquent, celle-ci sera déboutée de ses demandes en vue d'être relevée et garantie par la société Architecte en Montagne lesquelles sont devenues sans objet. Sur ce point, le jugement déféré sera confirmé.
Il convient enfin de noter que l'intention dilatoire de la SCCV [Adresse 11], qui n'aurait pas soulevé en première instance la fin de non recevoir dans le seul but de retarder les travaux de remise en état, n'est pas démontrée au regard des pièces versées. La seule pièce concernant la SCCV [Adresse 11] est en effet un courrier qui lui a été adressé le 9 octobre 2018, soit avant la réception des parties communes, lui demandant de faire cesser l'atteinte à la servitude dont Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] s'estimaient être victimes (pièce intimée n°19). Ces dernières seront donc déboutées de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] qui succombent seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile. Elle seront dans le même temps déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la SCCV [Adresse 11] et à la société Architecte en Montagne la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elles ont engagés tant en première instance qu'en appel. Elles seront en conséquence déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la SCCV [Adresse 11] de sa demande d'être relevée et garantie par la société Architecte en Montagne,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] formées contre la SCCV [Adresse 11],
Condamne in solidum Mme [J] [Y] et Mme [D] [C] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute Mme [J] [Y], Mme [D] [C], la SCCV [Adresse 11] et la société Architecte en Montagne de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 15 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente