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13/06/2023 | FRANCE | N°23/00035

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 13 juin 2023, 23/00035


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 23/00035 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHJS débattue à notre audience publique du 09 Mai 2023 - RG au fond n° 2

3/00572 - 2ème section





ENTRE





S.A.S. ALPES EVASION, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par Me El Hem SE...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 23/00035 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHJS débattue à notre audience publique du 09 Mai 2023 - RG au fond n° 23/00572 - 2ème section

ENTRE

S.A.S. ALPES EVASION, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par Me El Hem SELINI, avocat au barreau de CHAMBERY

Demanderesse en référé

ET

M. [L] [Z], demeurant [Adresse 1]

Non présent ni représenté

Défendeur en référé

'''

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant facture établie le 31 août 2017, monsieur [L] [Z] a acquis auprès de la SARL ALPES EVASION un camping-car Carthago Chic 51 QB Fiat Ducato 160 CV moyennant la somme de 76 821,76 euros, financée par la reprise de son ancien camping-car à hauteur de 74 900 euros.

La cour d'appel de Chambéry a, par arrêt du 23 juin 2022, confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry en date du 14 décembre 2020 :

- constatant la résolution de la vente dudit camping-car,

- ordonnant la restitution dudit camping-car par monsieur [L] [Z] et la restitution du prix total de vente, soit 76 821,76 euros,

- condamnant la société ALPES EVASION, à payer à monsieur [L] [Z] la somme de 2868,99 euros à titre de remboursement des dépenses engagées pour la conservation ou l'amélioration du camping-car, la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 4048,64 euros.

Monsieur [L] [Z] a restitué le camping-car le 29 septembre 2022 tandis que la SAS ALPES EVASION a versé la somme de 91 115,53 euros sur le compte CARPA de son conseil le 13 septembre 2022.

Estimant que le véhicule avait été endommagé, la SAS ALPES EVASION a assigné monsieur [L] [Z] d'une part devant le tribunal judiciaire de Chambéry aux fins de le voir condamner à payer une somme de 81 865,60 euros au titre des réparations de remise en état et d'autre part devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Chambéry aux fins d'être autorisée à consigner une somme de 91 115,53 euros dans l'attente de la décision à intervenir au fond.

Considérant qu'il existait des contestations sérieuses à l'obligation de monsieur [L] [Z] à payer une indemnité à la SAS ALPES EVASION, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chambéry, par ordonnance rendue le 14 février 2023, a dit n'y avoir lieu à référé.

En exécution de l'arrêt définitif rendu le 23 juin 2022 et du jugement rendu le 14 décembre 2020, monsieur [L] [Z] a fait procéder, le 22 novembre 2022, à une saisie-attribution sur le compte CARPA du conseil de la SAS ALPES EVASION pour le montant disponible de 91 115,53 euros.

La SAS Alpes Evasion a alors saisi, le 7 décembre 2022, aux fins de mainlevée de ladite saisie-attribution, le juge de l'exécution de Chambéry, qui, par ordonnance rendue le 3 avril 2023, a :

- rejeté la demande de la SAS ALPES EVASION,

- rejeté la demande présentée à titre subsidiaire par la SAS ALPES EVASION et tendant à voir surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au fond par le tribunal judiciaire de CHAMBERY,

- rejeté la demande présentée à titre infiniment subsidiaire par la SAS ALPES EVASION et tendant à voir surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du juge des référés du tribunal judiciaire de CHAMBERY ;

- condamné la SAS ALPES EVASION à payer à Monsieur [L] [Z] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation de son préjudice né d'une procédure abusive, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

La SAS ALPES EVASION a fait appel de cette décision ( n°DA 23/00558 et n°RG 23/00572) le 5 avril 2023, puis, le 17 avril 2023, a fait assigner Monsieur [L] [Z], en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin de voir :

- à titre principal, arrêter l'exécution provisoire de l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Chambéry du 3 avril 2023,

- à titre subsidiaire, ordonner la consignation de la somme de 91 115,53 euros objet de la saisie-attribution pratiquée par Monsieur [L] [Z] entre les mains de la caisse des dépôts et de consignation, en application des articles 514-3 du code de procédure civile et R121-22 et L211-1 du code des procédures civiles d'exécution

- en tout état de cause, condamner Monsieur [L] [Z] à payer à la société ALPES EVASION la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A l'audience du 9 mai 2023, la société ALPES EVASION soutient les termes de son assignation à laquelle il est renvoyé pour de plus amples développements.

Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance du juge de l'exécution en ce que le quantum de la créance doit être justifié par un titre exécutoire pour entraîner une saisie-attribution, que ce n'est pas le cas pour une partie de la somme saisie s'élevant à hauteur de 6 451,21 euros, que le procès-verbal d'une saisie-attribution nécessite à titre de validité de mentionner le titre exécutoire en vertu duquel elle est pratiquée, que le procès-verbal de la saisie attribution contestée mentionne un arrêt rendu le 16 décembre 2022 alors qu'aucun arrêt n'a été rendu dans cette procédure à cette date.

Elle ajoute que l'exécution provisoire fait courir un risque de conséquences manifestement excessives en ce que la société ALPES EVASION a été dépossédée de la somme de 91 115,53 euros, que la somme ayant été séparée des fonds de la demanderesse avant la saisie-attribution ne pouvait tomber sous le coup d'une procédure collective, que l'encaissement possible de ladite somme par Monsieur [Z] pourrait ne jamais être restituée en cas d'infirmation du jugement, que ce dernier ne démontre pas avoir les capacités de restitution en cas de réformation du jugement de première instance.

Par ailleurs, elle fait valoir que la consignation des sommes pourrait être retenue en ce qu'elle permettrait de protéger les intérêts de la société ALPES EVASION en cas de réformation de la décision de première instance.

Elle expose enfin qu'il convient de condamner Monsieur [L] [Z] à payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 en ce qu'en procédant à une mesure d'exécution forcée sur une somme déjà consignée auprès du compte CARPA de son conseil par la société ALPES EVASION, Monsieur [L] a contraint la concluante à saisir le Juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la saisie et de s'exposer à des frais considérables.

Monsieur [L] [Z] régulièrement cité à sa personne le 17 avril 2023, ne s'est pas présenté à l'audience du 9 mai 2023. En ce sens, la présente ordonnance sera réputée contradictoire.

SUR CE :

L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que « En cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.

Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.

Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi. »

En l'espèce, l'ordonnance litigieuse dont appel, étant une ordonnance rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chambéry, la demande de sursis à exécution de l'ordonnance du 3 avril 2023 présentée devant le premier président est recevable.

Le sursis à exécution peut être ordonné lorsqu'est démontré l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée.

Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail ;

L'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que : «Le créancier procède à la saisie par acte de commissaire de justice signifié au tiers.

Cet acte contient à peine de nullité :

1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;

4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;

5° La reproduction du premier alinéa de l'article L. 211-2, de l'article L. 211-3, du

troisième alinéa de l'article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.

L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. » ;

Devant le juge de l'exécution, la SAS ALPES EVASION n'a soulevé aucun moyen de fait ou de droit relatif à la forme de la saisie attribution, aux conditions procédurales de son exercice ou au montant saisi ;

A ce jour, l'appelante expose que pour être valable une saisie attribution impose la détention d'un titre exécutoire d'une créance liquide et exigible, que la saisie attribution a été opérée pour un montant de 97 309,81 euros alors que le titre exécutoire que constituait le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry du 14 décembre 2020 ordonnait le paiement d'une somme à hauteur de 91 035,15 euros ;

Or, l'erreur portant sur la somme réclamée n'est pas une cause de nullité de plein droit de la saisie.

En outre, il convient de constater que seule la somme de 91 115,53 euros a été saisie, correspondant très exactement au montant consigné sur le compte CARPA de son conseil par la SAS ALPES EVASION en exécution de l'arrêt rendu le 23 juin 2022 et du jugement en date du 14 décembre 2020 ;

L'appelante critique également le procès-verbal de saisie-attribution en ce qu'il vise un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 16 décembre 2020 au lieu du 14 décembre 2020 ;

Or, l'erreur portant sur l'énonciation du titre exécutoire dans l'acte de saisie est une nullité de forme subordonnée à la démonstration d'un grief ;

En l'espèce, cette erreur matérielle sur la date du jugement, titre exécutoire en vertu duquel la saisie était pratiquée, n'a entraîné aucune confusion dans l'esprit de la SAS ALPES EVASION, d'autant plus que le procès-verbal vise parfaitement l'arrêt rendu le 23 juin 2022 confirmant le jugement rendu le 14 décembre 2020 ;

Enfin, la société ALPES EVASION fait valoir que par jugement interprétatif rendu le 20 mars 2023, le tribunal judiciaire de Chambéry a dit que la mention du dispositif du jugement rendu le 14 décembre 2020 indiquant « dit que monsieur [L] [Z] sera tenu de restituer le camping-car de marque CARTHAGO CHIC 51QB immatriculé [Immatriculation 2] c'est à dire de le mettre à disposition de la SARL ALPES EVASION et au besoin l'y condamne » doit être entendue comme comportant une obligation pour monsieur [L] [Z] de restituer le camping-car de marque CARTHAGO CHIC 51QB immatriculé [Immatriculation 2] en nature, et la possibilité pour la SAS ALPES EVASION d'obtenir une indemnisation des dégradations ou des détériorations qui ont diminué la valeur dudit camping-car sous réserve de la preuve que ces dernières ne sont pas liées à l'usage qu'en a fait monsieur [L] [Z] ou à l'usure prévisible et qu'elles ont été causées par sa faute ;

Or, la société ALPES EVASION ne dispose d'aucun titre permettant de justifier une limitation de la saisie-attribution réalisée en exécution d'une décision définitive ;

En conséquence, la société ALPES EVASION faillit à rapporter la preuve de l'existence d'un moyen sérieux d'infirmation du jugement du 3 avril 2023. Il convient donc de rejeter la demande de sursis à exécution faite par la société ALPES EVASION. 

Sur la demande de consignation :

La société ALPES EVASION fait valoir que la consignation de la somme due permettrait de la protéger en cas d'infirmation du jugement et de rassurer Monsieur [L] [Z].

L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution régit les pouvoirs du premier président en matière d'exécution provisoire des décisions du juge de l'exécution. Il prévoit que seul « le sursis à exécution peut être demandé au premier président », ce qui exclut l'aménagement de l'exécution provisoire des compétences du premier président.

Ainsi, le premier président n'a pas compétence pour aménager une décision du juge de l'exécution en consignant la somme, objet de la saisie-attribution, étant rappelé que l'arrêt et le jugement exécutés sont définitifs.

Il convient donc de rejeter la demande de la société demanderesse.

L'équité commande de condamner la société ALPES EVASION au paiement de la somme de 1500 euros à Monsieur [L] [Z] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en matière de référé,

DEBOUTONS la société ALPES EVASION de sa demande de sursis à exécution de l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chambéry en date du 3 avril 2023 ;

DEBOUTONS la société ALPES EVASION de sa demande de consignation de la somme de 91 115,53 euros objet de la saisie-attribution pratiquée par Monsieur [L] [Z] ;

CONDAMNONS la société ALPES EVASION au paiement de la somme de 1500 euros à Monsieur [L] [Z] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société ALPES EVASION aux dépens ;

Ainsi prononcé publiquement, le 13 juin 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00035
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;23.00035 ?
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