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13/06/2023 | FRANCE | N°23/00016

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 13 juin 2023, 23/00016


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence









AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 23/00016 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFYA débattue à notre audience publique du 09 Mai 2023 - RG au fond n°22/01932 -

1ère section





ENTRE



M. [R] [E]

demeurant Str. [Adresse 2] (Roumanie)



Mme [T] [U] [E]

demeurant Str. [Adresse 3] (Rou...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 23/00016 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFYA débattue à notre audience publique du 09 Mai 2023 - RG au fond n°22/01932 - 1ère section

ENTRE

M. [R] [E]

demeurant Str. [Adresse 2] (Roumanie)

Mme [T] [U] [E]

demeurant Str. [Adresse 3] (Roumanie)

Ayant pour avocate postulante Me Clarisse DORMEVAL, avocate au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant Me Eugénia MAURICI, avocate au barreau de GRENOBLE

Demandeurs en référé

ET

Société BUYERWINS.COM LLC, société de droit américain constituée conformément au droit de l'Etat d'Arizona, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]/ETATS UNIS D'AMERIQUE

Ayant pour avocat postulant la SCP SAILLET & BOZON, avocats au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant la SELARL FAVAREL ET ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

Défenderesse en référé

'''

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant jugement rendu le 20 juillet 2012, la Cour Supérieure d'Arizona a ' jugé que le plaignant BUYERWINS.COM INC se voit accorder un jugement contre les défendeurs KVG Consultants, Inc, [R] [E], [T] [E] (également connue sous le nom de [T] [E]), tous conjointement et solidairement, pour la somme de 252 977,51 dollars, plus les intérêts postérieurs au jugement jusqu'à leur paiement, plus les honoraires d'avocats d'un montant de 3 321 dollars (contre KVG uniquement) et les frais d'un montant de 1 311,54 dollars'.

Saisi par la société de droit américain, BUYERWINS.COM LLC, suivant assignation délivrée le 11 avril 2017, le tribunal judiciaire de Chambéry a, par décision contradictoire rendue le 7 octobre 2022,

- déclaré exécutoire sur le territoire français ledit jugement condamnant la société KVG CONSULTANTS INC, monsieur [R] [E] et madame [T] [E] au paiement de la somme principale de 252 977,51 dollars ainsi que les intérets postérieurs au jugement jusqu'à leur paiement, plus les honoraires d'avocat d'un montant de 3321 dollars (contre KVG CONSULTANTS INC uniquement) et les frais d'un montant de 1311, 54 dollars,

- condamné Monsieur [R] [E] et Madame [T] [E] à payer à la société BUYERWINS.COM LLC la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Monsieur [R] [E] et Madame [T] [E] ont fait appel de la décision du tribunal judiciaire de Chambéry le 14 novembre 2022 (n°DA 22/01952 et n°RG 22/01932).

Suivant conclusions d'incident notifiées par RPVA les 4 janvier et 3 mai 2023, la société BUYERWINS.COM LLC a soulevé devant le conseiller de la mise en état l'irrecevabilité de l'appel.

Parallèlement, les époux [E] ont saisi, le 5 janvier 2023, la cour supérieure de l'Etat d'Arizona aux fins de voir prononcer la nullité de la décision rendue le 20 juillet 2012. Par décision rendue le 3 mars 2023, la cour supérieure de l'Etat d'Arizona a annulé le jugement par défaut rendu le 20 juillet 2012, a ordonné aux époux [E] de répondre aux demandes du plaignant, à savoir la société BUYERWINS.COM LLC, le 17 mars 2023 au plus tard et a renvoyé l'affaire devant un autre juge pour la suite de la procédure.

Par assignation délivrée le 1er mars 2023, les époux [E] ont assigné la société de droit américain BUYERWINS.COM LLC en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin de voir :

- à titre principal, arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 22 octobre 2022 et de voir condamner la société BUYERWINS.COM LLC à restituer la somme de 460 000 euros aux époux [E],

- à titre subsidiaire, ordonner à la société BUYERWINS.COM LLC de consigner la somme de 460 000 euros sur le compte CARPA ouvert par maître [P] [J] en application des articles 517, 519 et 524 du code de procédure civile

- en tout état de cause, condamner la société BUYERWINS.COM LLC à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois à la demande des parties aux fins d'échange des conclusions et communication des pièces et a été plaidée à l'audience du 9 mai 2023.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 4 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements, Monsieur [R] [E] et Madame [T] [E] concluent au rejet de la demande de sursis à statuer de la société BUYERWINS.COM et maintiennent leurs autres demandes.

Ils font valoir que l'irrecevabilité de la déclaration d'appel soulevée par l'intimé ne fait pas obstacle à l'examen de la demande de sursis à exécution, que l'exécution provisoire fait courir un risque de conséquences manifestement excessives en ce que le jugement du tribunal de Chambéry sera nécessairement réformé puisque le jugement rendu par la Cour Supérieure d'Arizona du 20 juillet 2012, sur lequel porte le jugement d'exéquatur litigieux du 7 octobre 2022, a été annulé par décision du 3 mars 2023 et que l'exécution provisoire fait courir un risque de ne pouvoir recouvrer la somme en cas de réformation du jugement.

Ils ajoutent en outre que ce risque de non restitution justifie la demande de restitution, à défaut de consignation, de la somme de 460 000 euros versées en exécution du jugement.

Suivant conclusions notifiées par RPVA le 5 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements, la société de droit américain BUYERWINS.COM LLC demande :

- in limine litis, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du conseiller de la mise en état et de la cour de céans en cas de déféré,

- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable et sans objet la demande de restitution de la somme de 460 000 euros correspondant à une exécution déjà consommées et la demande de consignation sur le compte CARPA, et en tout état de cause de les débouter de cette demande,

- à titre plus subsidiaire de voir débouter les demandeurs de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire,

- de voir condamner les consorts [E] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'entreprise défenderesse fait valoir que le sursis à statuer est justifié en ce que la renonciation expresse à l'appel et l'acquiescement au jugement par le courrier officiel du conseil des consorts [E] est une cause d'irrecevabilité de l'appel qui doit être tranchée par le conseiller de la mise en état.

Elle ajoute que la demande de restitution des fonds libérés est irrecevable en ce que l'acquiescement du jugement du 7 octobre 2012 a eu pour effet de le rendre définitif.

Elle soutient par ailleurs que l'exécution provisoire ne fait courir aucun risque de conséquences manifestement excessives en ce que le jugement d'exéquatur du 7 octobre 2022 a fait l'objet d'un contrôle au respect de l'ordre public international et qu'elle a la capacité financière de restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire en cas de réformation de la décision de première instance.

SUR CE :

Sur la demande de sursis à statuer :

En application de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine ;

Pour obtenir un sursis à statuer, il faut que le résultat de la procédure à venir ait une conséquence sur l'affaire en cours;

La société BUYERWINS.COM LLC sollicite qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision du conseiller de la mise en état sur la recevabilité de l'appel interjeté devant la cour d'appel de Chambéry par les époux [E] ;

Le premier président n'est pas juge de la recevabilité de l'appel et l'irrecevabilité de l'appel soulevée par l'intimé ne fait pas obstacle à l'examen de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Par ailleurs, l'assignation aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire n'est pas suspensive ;

Aussi, faire droit à la demande de sursis à statuer permettrait à la société BUYERWINS.COM de poursuivre l'exécution de la décision ;

De plus, si l'appel était déclaré irrecevable, ce que soutient la société BUYERWINS.COM, la présente décision serait tout simplement caduque ;

En conséquence, il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer et il convient de rejeter cette demande ;

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

Selon l'article 55-1 du décret du 11 décembre 2019, l'instance visant à arrêter ou aménager l'exécution provisoire reste soumise aux dispositions des anciens articles 514 et suivants du code de procédure civile lorsqu'elle a été engagée avant le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce.

L'article 524 ancien du code de procédure civile prévoit que : « Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants:

Si elle est interdite par la loi;

Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.

Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.

Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. »

En conséquence, il appartient à Madame [T] [E] et Monsieur [R] [E] de démontrer que l'exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives à leur égard.

Il convient de rappeler que le risque de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire est caractérisé lorsque les facultés du débiteur ne lui permettent pas d'exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier. Il appartient au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière

du débiteur ainsi que des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée.

En l'espèce, les époux [E] font valoir que le jugement objet de la demande d'exéquatur que consacre le jugement du 7 octobre 2022 a été annulé par la Cour supérieure d'Arizona et est alors dépourvu de force exécutoire et que la société BUYERWINS.COM LLC n'a pas les moyens de restituer les sommes en cas de réformation de la décision;

Il résulte des pièces du dossier que le compte bancaire de la société BUYERWINS.COM LLC présente un solde créditeur de 385 000 USD (soit 355 355 euros), largement insuffisant pour garantir le remboursement des époux [E] en cas de réformation de la décision, d'autant plus qu'une somme de 460 000 euros a déjà été appréhendée par la société;

Il s'en suit que le risque de conséquences manifestement excessives est caractérisé et qu'il convient d'accueillir la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Sur la demande de restitution et de consignation de la somme versée au titre de l'exécution provisoire :

Les compétences du premier président relatives à l'exécution provisoire se limitent à l'aménagement et à l'arrêt ou la suspension de celle-ci en application des articles 517 à 522 et 524 anciens du code de procédure civile.

Le premier président ne peut remettre en cause les effets des actes d'exécution forcée accomplis ou les engagements effectués antérieurement à sa décision; l'ordonnance du premier président arrêtant l'exécution provisoire ne remet pas en cause les effets des actes d'exécution accomplis et les paiements effectués avant sa décision;

En conséquence, dès lors que le séquestre opéré sur la somme de 460 000 euros correspondant au prix de vente d'un bien immobilier a d'ores et déjà été levé et que les fonds, à concurrence de 445 016,82 euros ont été remis à la société BUYERWINS.COM, il excède les compétences du premier président d'ordonner la restitution des fonds ou leur consignation ;

Dès lors, les demandes de restitution et de consignation de la somme de 460 000 euros seront rejetées.

L'équité n'appelle pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens, la présente décision étant rendue dans l'intérêt des époux [E].

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé,

REJETONS la demande de sursis à statuer ;

ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Chambéry en date du 7 octobre 2022 ;

REJETONS la demande de restitution de la somme de 460 000 euros versée au titre du jugement du 7 octobre 2022 par Monsieur [R] [E] et Madame [T] [E] à l'entreprise BUYERWINS.COM LLC ;

REJETONS la demande de consignation ;

DEBOUTONSles parties des demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS à chaque partie la charge de ses dépens.

Ainsi prononcé publiquement, le 13 juin 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00016
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;23.00016 ?
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