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13/06/2023 | FRANCE | N°21/00626

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 13 juin 2023, 21/00626


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 13 Juin 2023





N° RG 21/00626 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU6I



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Février 2021





Appelante



S.A.S. COMPAGNIE DES BATEAUX DU LAC DU BOURGET ET DU HAUT RHONE, dont le siège social est situé [Adresse 7]



Représentée par Me Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAM

BERY

Représentée par la SCP PIN, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE











Intimées



Mme [T] [U]

née le 04 Juillet 1983 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]



Repr...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 13 Juin 2023

N° RG 21/00626 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU6I

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Février 2021

Appelante

S.A.S. COMPAGNIE DES BATEAUX DU LAC DU BOURGET ET DU HAUT RHONE, dont le siège social est situé [Adresse 7]

Représentée par Me Catherine REY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP PIN, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

Intimées

Mme [T] [U]

née le 04 Juillet 1983 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

Représentée par la SELARL SOCIETE CABINET D'AVOCATS GIABICANI, avocats au barreau de CHAMBERY

S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL CABINET MARC BOUYEURE, avocats plaidants au barreau de LYON

SARL CABINET CHAPON LE HIR, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Marc FORIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

Compagnie d'assurance MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Compagnie d'assurance MUTUELLES DU MANS ASSURANCES VIE, dont le siège social est situé [Adresse 1]

S.A. QUATREM, demeurant [Adresse 4]

Représentées par Me Noemie FRANCOIS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Isabelle GUGENHEIM, avocat plaidant au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 27 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 mars 2023

Date de mise à disposition : 13 juin 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et Procédure

Mme [J] [O] épouse [U], cadre à la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône, décédait le 14 juin 2015, laissant pour unique héritière sa fille, Mme [T] [U]. Au décès de sa mère, celle-ci sollicitait auprès de la société Swisslife Prévoyance et Santé, par le biais de la société Cabinet Chapon Le Hir, courtier en assurance, le capital décès d'un montant de 114 120 euros dû au titre du contrat d'assurance prévoyance souscrit par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône pour ses employés, mais l'assureur s'y opposait, indiquant que le contrat n'avait jamais été valablement conclu, le dossier étant incomplet.

Par jugement contradictoire en date du 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire,

- déclarait recevable l'intervention volontaire de la société Quatrem ;

- mettait hors les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie ;

- constatait l'absence de contrat de prévoyance conclu entre Mme [J] [U] et la société Swisslife Prévoyance et Santé ;

- condamnait la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à payer à Mme [T] [U] , ayant droit de Mme [J] [U] la somme de 114 120 euros en réparation de son préjudice ;

- disait que la somme produira intéréts au taux légal à compter de la présente décision ;

- déboutait Mme [T] [U] de ses demandes de dommages et intéréts à l'encontre de la société Cabinet Chapon Le Hir et de la société Swisslife Prévoyance et Santé ;

- disait que la demande de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à l'encontre de la société Quatrem n'était pas recevable ;

- disait n'y avoir lieu à condamner la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône au paiement d'une indemnité de résiliation au profit de la société Quatrem ;

- déboutait la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de ses demandes à l'encontre de la société Cabinet Chapon Le Hir ;

- condamnait la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à payer à Mme [T] [U], à la société Cabinet Chapon Le Hir, la société Swisslife Prévoyance et Santé et la société Quatrem la somme de 2.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles ;

- condamnait la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me François sur son affirmation de droit ;

- déboutait les autres parties de leur demande d'indemnité procédurale ;

- déboutait les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 18 mars 2021, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône interjetait appel de la décision en toutes ses dispositions.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 6 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

A titre principal,

- débouter Mme [T] [U] de l'ensemble de ses demandes à son égard ;

- condamner Mme [T] [U] à lui verser une indemnité procédurale de 1 500 euros et les dépens de l'instance ;

Subsidiairement,

- condamner les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie à verser à Mme [T] [U], ayant droit de Mme [J] [U] les sommes dues au titre de la prévoyance souscrite par la la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à la date de l'arrêt de travail de Mme [J] [U] ;

- débouter Mme [T] [U] de toutes ses demandes contre la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône,

aux motifs que Mme [J] [U] a été continûment en arrêt de travail pour maladie entre le 4 Décembre 2014 et le mois de Juin 2015, date de son décès et que la prévoyance est acquise au titre du contrat souscrit auprès de la société Quatrem au profit de Mme [J] [U] pour toutes les conséquences de son arrêt de travail à compter du 4 décembre 2014.

Plus subsidiairement,

- condamner la société Swisslife Prévoyance et Santé à verser à Mme [T] [U] , ayant droit de Mme [J] [U] les sommes dues au titre de la prévoyance souscrite par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône pour la période du 1er Janvier 2015 au 16 Juin 2015 ;

aux motifs que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à valablement adressé à la société Cabinet Chapon Le Hir l'ensemble des documents nécessaires à la souscription de contrats de prévoyance et de santé au profit de l'ensemble de ses salariés au titre de l'année 2015 ; que l'ensemble de ces documents a été transmis à la société Swisslife Prévoyance et Santé ; qu'il n'a pas été porté à la connaissance de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône qu'elle n'était pas assurée au titre de la prévoyance avant le décès de Mme [J] [U] ; que Mme [J] [U] ou ses héritiers pouvaient valablement penser qu'à la date du 16 Juin 2015, elle bénéficiait de l'assurance prévoyance souscrite auprès de la société Swisslife Prévoyance et Santé ;

Infiniment subsidiairement,

- condamner la société Cabinet Chapon Le Hir à relever et garantir intégralement la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de toutes les condamnations qui pourraient être prononcée contre elle ;

- condamner la société Cabinet Chapon Le Hir à verser à la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône la somme de 50 000 euros au titre du manquement à ses obligations de mandataire dans le cadre de son activité de courtier en assurances,

aux motifs que la société Cabinet Chapon Le Hir a manqué à ses obligations de mandataire de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône dans le cadre de son activité de courtier en assurances ;

En tous les cas,

- condamner la société Cabinet Chapon Le Hir ou qui mieux les devra à verser à la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône une indemnité procédurale de 3 000 euros ;

- condamner la société Cabinet Chapon Le Hir ou qui mieux les devra à supporter les entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me Catherine Rey sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures en date du 20 décembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Cabinet Chapon Le Hir sollicite la confirmation du juge entrepris et de :

- débouter la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de son appel dirigé contre elle ;

- débouter la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de sa demande en garantie dirigée contre elle et de toutes ses demandes ;

Y ajoutant,

- condamner toute personne succombant à lui verser une indemnité procédurale de 2 500 euros ;

- condamner toute personne succombant aux entiers dépens de l'instance, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Scp Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, société d'avocats, sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures en date du 15 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie et la société Quatrem sollicitent de la cour :

- au vu les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, déclarer irrecevable la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône en ses prétentions formées à l'encontre les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie ;

- juger fondée en droit comme en fait la mise hors de cause des Mutuelles du Mans assurances IARD et des Mutuelles du Mans assurances Vie ;

- juger que la cour d'appel n'est pas saisie de demandes formées à l'encontre de la société Quatrem ;

- confirmer en conséquence le jugement entrepris les concernant ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où par impossible la cour infirmait le jugement rendu en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause des Mutuelles du Mans Iard et des Mutuelles du Mans assurances vie,

- débouter la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions formées à l'encontre des Mutuelles du Mans Iard et des Mutuelles du Mans assurances vie ;

- condamner la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à payer à la société Quatrem d'une part et aux Mutuelles du Mans assurances Iard et des Mutuelles du Mans assurances Vie d'autre part, la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnité procédurale en appel ;

- condamner la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Noémie François, avocate sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures en date du 24 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Swisslife Prévoyance et Santé sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et,

- en toutes hypothèses, débouter la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône et Mme [T] [U] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Swiss Life ;

- condamner qui de droit à payer à la société SwissLife la somme supplémentaire de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner toute personne succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [T] [U], intimée en date du 20 septembre 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 28 mars 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

I - Sur la fin de non recevoir soulevée par les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile : 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'examen de la fin de non recevoir relative à l'obligation pour les parties de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relève de l'appel et donc de la cour d'appel.

Mais contrairement à la position des sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie qui soutiennent que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône, dans ses écritures déposées dans le délai de l'article 908, n'a pas sollicité l'infirmation ou la réformation du jugement rendu le 25 février 2021 et n'a pas précisé le fondement de sa demande, la lecture des premières conclusions déposées régulièrement par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône dans le délai de l'article 908, permet de constater que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône a demandé l'infirmation du jugement et a formé les mêmes prétentions contre les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie fondées sur le contrat de prévoyance collective souscrit en 1998, de sorte que la fin de non recevoir soulevée par ces dernières n'est pas fondée et sera écartée.

II - Sur la mise hors de cause des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et sur l'absence de prétention contre la société Quatrem

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que le contrat de prévoyance collective souscrit le 21 décembre 1998 à effet au 1er janvier 1999 par la société GWEL aux droits de laquelle se trouve la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône a été transféré dans le cadre d'un transfert de portefeuille à la société Quatrem suivant arrêté de transfert en date du 10 octobre 2000 publié au journal officiel du 13 octobre 2000.

Il sera ajouté que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône ne conteste pas ce transfert et d'ailleurs, elle limite son argumentation à l'encontre de la société Quatrem.

Ainsi, la mise hors de cause des sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie ne peut qu'être confirmée, d'autant que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône ne peut solliciter directement la condamnation de ces compagnies à verser une somme d'argent au profit d'une personne tierce, en l'espèce, Mme [T] [U].

S'agissant de la société Quatrem, l'article 954 al3 du code de procédure civile dispose 'la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'. En l'absence de toute prétention formée à l'encontre de la société Quatrem dans le dispositif des conclusions de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône, la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris concernant cette société.

III - Sur l'absence de conclusions recevables de Mme [T] [U]

Il est de droit que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ; la cour d'appel doit donc statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé dont les conclusions sont déclarées irrecevables, lorsque ces prétentions ont été accueillies par les premiers juges ; elle ne doit examiner que celles des prétentions de l'intimé qui avaient été accueillies en première instance.

En première instance, comme déjà rappelé, le premier juge a fait droit aux demandes de condamnation de Mme [T] [U] formées contre la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à lui payer la somme de 114 120 euros au titre de son préjudice et la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnité procédurale et les dépens.

IV - Sur les prétentions de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône concernant la société Swisslife Prévoyance et Santé

La société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône ne demande pas une condamnation de la société Swisslife Prévoyance et Santé à lui payer la somme de 114 120 euros quelque soit le fondement ou encore éventuellement à la relever et garantir, mais sollicite la condamnation de l'assureur à payer la somme de 114 120 euros à Mme [T] [U] personne tierce, au titre du contrat d'assurances dont elle allégue l'existence, alors qu'elle n'a pas qualité à agir au lieu et place de Mme [T] [U]. D'ailleurs, elle ne pouvait pas faire appel à sa place de ce chef. En conséquence, cette prétention est irrecevable.

A titre surabondant, la motivation du premier juge pour écarter la demande de condamnation de la société Swisslife Prévoyance et Santé au paiement de cette somme sollicitée par Mme [T] [U] ne pourrait être que reprise, soit l'absence de preuve de l'obligation de garantie contractuelle de prévoyance à la charge de la société Swisslife Prévoyance et Santé dès lors qu'aucune partie ne rapportait la preuve d'un contrat valablement conclu entre Mme [J] [U] et la société Swisslife Prévoyance et Santé et qu'aucune faute de nature délictuelle ne pouvait être reprochée à cette compagnie d'assurance qui n'avait commis aucune carence dans la gestion du dossier.

V - Sur la demande de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône tendant au débouté de la demande de condamnation de Mme [T] [U] à son encontre  et sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Cabinet Chapon Le Hir

Fin 2014, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône souhaitant changer de compagnie d'assurance pour ses contrats collectifs Santé et Prévoyance s'adressait à un courtier, en l'espèce, la société Cabinet Chapon Le Hir qui lui proposait la société Swisslife Prévoyance et Santé pour les deux contrats. Le contrat d'assurance collective Santé a été souscrit sans difficulté mais le contrat Prévoyance n'a en réalité pas été conclu.

La société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône estime n'avoir commis aucune faute dans le changement d'assureur pour garantir ses employés au titre de la prévoyance.

' elle dit avoir adressé au courtier :

- sa demande de souscription et la liste de 18 salariés concernés par ce contrat dont Mme [J] [U].

- le 2 février, les dossiers des personnels, accompagnés du bulletin individuel d'adhésion au contrat collectif,

et avoir chaque mois prélevé les cotisations sur les fiches de paie des salariés concernés.

' elle soutient avoir reçu dès mars, les listes du personnel garanti avec, en en-tête, la mention 'prévoyance et santé' et avoir réglé les cotisations ;

' la société Cabinet Chapon Le Hir ne fournit aucune explication sur le fait que les volets Prévoyance et santé étaient inclus dans le même document, que chaque document a été rempli et signé une seule fois par chaque salarié visé par les deux garanties et que l'employeur n'a fait qu'un envoi avec la liste des salariés bénéficiaires, et la société Cabinet Chapon Le Hir ne démontre pas qu'il existait deux dossiers à remplir, sachant que la notion d'éléments manquants invoquée par la société Swisslife Prévoyance et Santé pour ne pas avoir conclu le contrat est particulièrement imprécise ;

' elle n'avait pas été prévenue que la garantie prévoyance n'avait pas été souscrite et la société Cabinet Chapon Le Hir ne lui a jamais précisément indiqué explicitement les éléments qui manquaient.

La société Cabinet Chapon Le Hir soutient n'avoir pour sa part commis aucune faute. Elle fait valoir que malgré ses demandes répétées d'envoi de documents pour le contrat prévoyance, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône n'a pas fourni les bulletins d'adhésion complétés et signés par l'ensemble des salariés. Par ailleurs, elle indique que la liste des salariés reçue effectivement par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône ne concernait que le contrat santé et qu'aucune prime n'a été perçue par la société Swisslife Prévoyance et Santé au titre du contrat Prévoyance qui n'a jamais été finalisé.

Sur ce,

La société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône s'est adressée en fin d'année 2014 à la société Cabinet Chapon Le Hir en vue d'assurer ses salariés au titre de la santé (mutuelle collective) et de la prévoyance comme le lui imposait la réglementation. Elle était d'ailleurs régulièrement assurée pour ces deux types de risques auprès de la société Quatrem jusqu'au 31 décembre 2014.

Chaque type de risque fait l'objet d'un contrat distinct de sorte que deux contrats devaient être conclus entre la société Swisslife Prévoyance et Santé et la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône : Santé (mutuelle) et Prévoyance (décès, invalidité, ITT..). Seul le contrat Santé a été finalisé.

Les moyens pertinents du premier juge qui a retenu la faute de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône engageant sa responsabilité et en lien avec le préjudice subi par Mme [T] [U] lié à la non perception par la société Swisslife Prévoyance et Santé du montant du capital décès auquel elle pouvait prétendre seront repris par la cour avec des éventuelles précisions et ajouts :

' la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône s'y est effectivement prise tardivement pour changer d'assureur alors qu'elle souhaitait une prise d'effet au 1er janvier 2015. D'ailleurs, la société Swisslife Prévoyance et Santé avait adressé sa proposition pour les deux types de garanties le 24 décembre 2014. Alors que la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône aurait dû être particulièrement diligente et prévoyante, elle n'a adressé les dossiers que d'un certain nombre de salariés et ce le 5 février 2015 puisqu'il en manquait encore 5 selon son mail et le contrat Santé signé par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône n' a été renvoyé à la société Cabinet Chapon Le Hir que le 24 mars avec le double de chaque contrat salarié (mail de Mme [H] du 24 mars 2015). Par mail du 22 avril 2015, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône retournait encore des attestations de salariés qui n'avaient pas pris la mutuelle mais qui devaient bénéficier du contrat prévoyance.

' la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône aurait dû s'assurer que le contrat prévoyance avait été valablement souscrit, avec les pièces nécessaires, conformément à l'engagement que son gérant a signé et que le premier juge a rappelé dans sa décision. A ce sujet, la demande de souscription produite par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône diffère de celle produite par la société Swisslife Prévoyance et Santé, car sur sa demande figurent les noms des salariés ce qui n'est pas le cas sur celle produite par la société Swisslife Prévoyance et Santé, sachant que la liste comporte 16 noms alors qu'il est indiqué un nombre de 22 salariés à assurer sur la première page pour les deux demandes de souscription produites. Or, si elle a effectivement reçu le contrat Santé, portant le numéro 013059726 comme annoncé dans le mail de la société Cabinet Chapon Le Hir du 24 mars 2015, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône n'a jamais reçu le contrat Prévoyance, et la liste des salariés qu'elle dit avoir reçue ainsi que le détail des cotisations ne concernent que le contrat Santé dont ils portent la référence par le numéro. D'ailleurs, le courrier adressé par la société Swisslife Prévoyance et Santé le 29 juillet 2015 n'est pas contradictoire avec celui adressé par la compagnie le 6 août 2015 contrairement à ce que soutient la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône puisque le premier concerne le contrat Prévoyance non conclu et le second la liste des salariés affiliés au contrat Santé.

' le fait qu'il manquait des documents dont il appartenait à la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de s'assurer de la communication au nouvel assureur résulte des courriels de la société Cabinet Chapon Le Hir produits aux débats en date des 24 avril 2015 et 6 mai 2015 :

- mail du 24 avril 2015 : « Cependant, même les personnes ne voulant pas adhérer à la mutuelle doivent adhérer « au contrat prévoyance, c'est pourquoi la compagnie nous réclame impérativement « leur bulletin d'adhésion complété et signé. D'autre part la compagnie nous confirme que les arrêts de travail en cours doivent être déclarés dans l'encart prévu à cet effet sur la demande d'adhésion, or cela n'a pas été indiqué......

La compagnie nous rappelle qu'à ce jour, aucune garantie n'est acquise ».

- mail du 6 mai 2015 ' je reviens vers vous suite au mail ci-dessous resté sauf erreur, sans réponse. la compagnie nous réclame les documents afin de finaliser le dossier de prévoyance, d'autre part, la compagnie réclame également en formulaire en pj complété signé par Mme [U]'.

D'ailleurs, non seulement la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône ne justifie pas avoir répondu à ces demandes réitérées de son courtier mais elle écrit dans un courriel de son gérant du 22 juillet 2015 : ' je souhaite vivement que malgré le retard de la transmission de certains dossiers le contrat de prévoyance commence bien au 1er janvier 2015...'. En outre, s'agissant plus particulièrement du bulletin d'adhésion de Mme [J] [U], celui n'avait pas été rempli par elle comme l'a souligné le premier juge et était incomplèt et la date de l'arrêt de travail n'était pas mentionnée.

C'est également à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive, exempte d'insuffisance que le premier juge a estimé que la société Cabinet Chapon Le Hir n'avait commis aucun manquement à son devoir de conseil, devoir auquel elle était soumise en tant que courtier. En effet, la société Cabinet Chapon Le Hir a informé à au moins deux reprises sa cliente qu'il manquait des documents pour finaliser le contrat Prévoyance, comme rappelé ci-dessus et que la garantie Prévoyane n'était pas acquise. Les difficultés pour la mise en place de ce contrat Prévoyance ont perduré encore après le décès de Mme [J] [U] survenu le 14 juin 2015. Ainsi, il n'est pas démontré par la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône que la société Cabinet Chapon Le Hir ait commis un manquement à son obligation de conseil.

En conséquence, la décision sera confirmée en ce qu'elle a condamnée la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à payer à Mme [T] [U] la somme de 114 120 euros au titre de son préjudice en lien direct avec la faute de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône qui aurait du s'assurer de la souscription effective du contrat Prévoyance auprès de la société Swisslife Prévoyance et Santé et en ce qu'elle a débouté la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Cabinet Chapon Le Hir en l'absence de faute de cette dernière, et de sa demande au paiement par la société Cabinet Chapon Le Hir de la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts.

VI - Sur les demandes accessoires

Succombant, la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône sera tenue aux dépens d'appel distraits au profit de Me Noémie François et de la SCP Bollonjeon, avocats sur leurs affirmations de droit.

L'équité commande de faire droit aux demandes d'indemnité procédurale de les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie et la société Quatrem ensemble, de la société Cabinet Chapon Le Hir et de la société Swisslife Prévoyance et Santé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la fin de non recevoir soulevée par les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie tirée de la violation des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dans les limites de l'appel,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône de condamnation formée à l'encontre de la société Swisslife Prévoyance et Santé d'avoir à payer au profit de Mme [T] [U] les sommes dues au titre de la prévoyance souscrite par l'employeur pour la période du 1er janvier 2015 au 16 juin 2015,

Condamne la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône aux dépens de l'instance, distraits au profit de Me Noémie François et de la SCP Bollonjeon, avocats sur leurs affirmations de droit,

Condamne la société Compagnie des Bateaux du Lac du Bourget et du Haut-Rhône à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Assurances Vie et la société Quatrem ensemble une indemnité procédurale de 2 500 euros et à payer à la société Swisslife Prévoyance et Santé et à la société Cabinet Chapon Le Hir la somme de 2 500 euros à chacune au titre de l'indemnité procédurale.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 13 juin 2023

à

Me Catherine REY

la SELARL SOCIETE CABINET D'AVOCATS GIABICANI

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL BOLLONJEON

Me Noemie FRANCOIS

Copie exécutoire délivrée le 13 juin 2023

à

la SELARL SOCIETE CABINET D'AVOCATS GIABICANI

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL BOLLONJEON

Me Noemie FRANCOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00626
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.00626 ?
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