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06/06/2023 | FRANCE | N°21/00588

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 06 juin 2023, 21/00588


MR/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 06 Juin 2023





N° RG 21/00588 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU2P



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 05 Février 2021





Appelantes



Mme [R] [X] [C]

née le 17 Juillet 1964 à [Localité 19], demeurant [Adresse 3]



Mme [G] [F] [W] [C]

née le 06 Juin 1968 à [Localité 19], demeurant [Adresse 8]r>


Mme [M] [L] [J] [C]

née le 22 Juillet 1969 à [Localité 19], demeurant [Adresse 4]



Représentées par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocats au barreau d'ALBERTVILLE









Intimés



Mme [T] ...

MR/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 06 Juin 2023

N° RG 21/00588 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GU2P

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 05 Février 2021

Appelantes

Mme [R] [X] [C]

née le 17 Juillet 1964 à [Localité 19], demeurant [Adresse 3]

Mme [G] [F] [W] [C]

née le 06 Juin 1968 à [Localité 19], demeurant [Adresse 8]

Mme [M] [L] [J] [C]

née le 22 Juillet 1969 à [Localité 19], demeurant [Adresse 4]

Représentées par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocats au barreau d'ALBERTVILLE

Intimés

Mme [T] [C] épouse [Z]

née le 23 Juin 1963 à [Localité 19], demeurant [Adresse 18] (USA)

M. [H] [C]

né le 20 Juin 1966 à [Localité 19], demeurant [Adresse 6]

Représentés par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocats au barreau d'ALBERTVILLE

Mme [K] [B] Es qualité d'administrateur provisoire de la succession de Monsieur [S] [C], demeurant [Adresse 9]

Sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 27 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mars 2023

Date de mise à disposition : 06 juin 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

[L] [P] veuve [C] est décédée le [Cadastre 5] avril 2012 à [Localité 19], laissant pour lui succéder :

- [S] [C], son fils,

- [T] [C] épouse [Z] et [D] [C], ses petits-enfants venant en représentation de leur père prédécédé, [O] [C],

- [G], [R] et [M] [C], petits-enfants venant en représentation de leur père prédécédé, [N] [C].

Selon exploit d'huissier en date des 20, 23 et 28 août 2013, Mme [T] [C] épouse [Z] et M. [H] [C] ont assigné M. [S] [C], Mme [G] [C], Mme [R] [C] et [M] [C] devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux fins d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de leur grand-mère.

Par jugement rendu le 4 juillet 2014, le tribunal judiciaire de grande instance d'Albertville ordonnait l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision née de la succession d'[L] [P], commettait Me [E], notaire, pour y procéder et désignait M. [CR] en qualité d'expert judiciaire pour évaluer les biens.

[S] [C] est décédé le 9 octobre 2015.

Le rapport de M. [CR] a été déposé le 20 juin 2016.

Par ordonnance du 25 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance d'Albertville a désigné Me [A], notaire à [Localité 14], à l'effet d'administrer provisoirement la succession de [S] [C]. La durée de la mission a été fixée à un an renouvelable. Me [E] a été remplacé par Me [I], lui-même remplacé par Me [B].

Le 27 avril 2018, Me [E] a dressé un procès-verbal de difficultés auquel est notamment annexé un projet d'état liquidatif qui tient compte des conclusions de l'expertise.

Par jugement du 5 février 2021, le tribunal judiciaire d'Albertville a :

- dit que la valeur des meubles dépendant de la succession d'[L] [P] veuve [C] est fixée à la somme de quatre mille euros ;

- dit que l'indivision a une dette envers Mme [G] [C], Mme [R] [C] et Mme [M] [C] au titre de la cotisation d'assurance 2019 pour l'immeuble indivis de [Localité 19] pour la somme de 477,13 euros ;

- dit que la valeur de l'immeuble donné à Mme [G] [C], Mme [R] [C] et Mme [M] [C] par [L] [P], suivant acte du 15 juin 2002, au jour du décès et du jour de l'aliénation est fixée à la somme de 372 050 euros ;

- fixé l'indemnité de réduction due par Mme [G] [C], Mme [R] [C] et Mme [M] [C] à la somme de 103 251,62 euros ;

- homologué pour le surplus le projet d'état liquidatif établi par Me [E] ;

- débouté Mme [G] [C], Mme [R] [C] et Mme [M] [C] de leurs demandes d'intégration à la succession des retraits opérés sur les comptes d'[L] [P] de son vivant et de recel successoral, ainsi que leur demande tenant à fixer une valeur de rapport au titre de l'occupation gratuite dont a bénéficié [S] [C] et de leur demande concernant l'évolution de la valeur des meubles ;

- désigné Me [E], notaire à [Localité 19], pour dresser l'acte de partage, conformément au présent jugement, en application de l'article 1375 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- débouté Mme [T] [C] épouse [Z] et M. [H] [C] de leur demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Le tribunal a motivé notamment ainsi :

' l'expert n'a pas retenu que les retraits effectués durant la vie d'[L] [P] à un moment où [S] [C] avait procuration l'ont été au bénéfice de ce dernier et non pour couvrir les frais de la de cujus, qui avait l'habitude de dépenses alimentaires, de loisirs (presse) et d'alcool plus importantes que la moyenne ;

' la défunte avait clairement manifesté son intention libérale en ce qui concerne le don de sommes d'argent, mais non en ce qui concerne la mise à disposition de son fils [S] d'un bien immobilier, que celle-ci doit s'interpréter comme étant un commodat ;

' la valeur de la donation de parcelles à [R], [G] et [M] [C] doit être retenue à 372 050 euros au jour du décès ;

' l'indemnité de réduction due par [R], [G] et [M] [C] doit en conséquence s'élever à 103 251,62 euros.

Par déclaration au greffe en date du 15 mars 2021, Mmes [R], [G] et [M] [C] interjetaient appel de cette décision en ce qu'elle a dit que la valeur de l'immeuble donné, suivant acte du 15 juin 2002, au jour du décès et au jour de l'aliénation est fixée à la somme 372 050 euros et en ce que l'indemnité de réduction des appelantes est de 103 251,62 euros, en ce qu'elle a homologué le projet d'état liquidatif et a débouté Mmes [C] de leur demande d'intégration à la succession des retraits opérés sur les comptes de feue [L] [P] et de recel de succession, ainsi que de leur demande aux fins de rapport de l'occupation gratuite dont a bénéficié Mr [S] [C] et de leur demande sur l'évolution de la valeur des meubles.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 23 décembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mmes [R], [G] et [M] [C] sollicitent l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

- réformer le jugement susvisé ;

- dire que la valeur de la parcelle D [Cadastre 13] est inférieure à la valeur retenue de 363 500 euros en raison d'une mauvaise appréciation des contraintes techniques et obligations des monuments historiques affectant cette parcelle et confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la valeur des parcelles non constructibles D [Cadastre 10] et D [Cadastre 11] à 8 550 euros ;

- à titre subsidiaire, dire que la valeur des trois parcelles n'excède pas celle fixée dans la donation à leur mère du 27 décembre 2012, soit 300 000 euros ;

- dire et juger qu'il y a lieu à recalcul de l'indemnité de réduction s'il devait y en avoir une au regard des montants à retenir sur les points litigieux des retraits bancaires injustifiés de [S] [C] outre son avantage indirect résultant de l'occupation du bien de sa mère pendant 47 ans et en tenant compte :

- concernant les biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 19] de leur prix de vente de 130 000 et 299 500 euros ;

- concernant la parcelle D[Cadastre 12] située sur la commune de [Localité 15] soit :

- de la valeur fixée dans l'acte de donation du 27 décembre 2012 qui intègre aussi la valeur des parcelles non constructibles situées sur la même commune ;

- de la valeur de 310 000 euros correspondant à la promesse de vente de la parcelle constructible signée par le propriétaire actuel de la parcelle constructible ;

- soit de la valeur de cette parcelle D[Cadastre 12] à la somme de 150 000 euros comme figurant dans les conclusions d'appel dans l'éventualité où il ne serait pas tenu compte de la donation du 27 décembre 2012 ou la promesse de vente passée par le nouveau propriétaire de la parcelle constructible ;

- ordonner la réintégration à la succession de prélèvements injustifiés opérés par M. [S] [C] à hauteur de 118 221 euros ;

- dire et juger que [S] [C] a commis un recel successoral et faire application de l'article 778 du code civil ;

- dire et juger que l'hébergement du premier étage de l'habitation par [S] [C] de 1965 à 2012 constitue un avantage indirect rapportable à la succession d'[L] [P] veuve [C] à hauteur de 146 370 euros, et en ordonner le rapport ;

- rejeter les demandes adverses sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et en ordonner distraction au profit de la SCP Louchet-Capdeville.

Par dernière écritures en date du 24 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [T] [C] épouse [Z] et M. [H] [C] sollicitent de la cour de :

- confirmer le jugement du 5 février 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé la valeur de l'immeuble donné à 372 050 euros et la fixer à 400 000 euros, conformément au rapport d'expertise judiciaire ;

- dire que la réduction des dons dépassant la quotité disponible s'élève à la somme de 122 786,62 euros, conformément au projet d'acte liquidatif de Me [E] arrêté à la date d'avril 2018, tel qu'annexé à son PV de difficultés en date du 27 avril 2018 ;

- constater que les concluants s'en rapportent à la sagesse de la Cour concernant l'intégration à la succession de prélèvements opérés par M. [S] [C] à hauteur de 118 221 euros ;

- dire et juger que l'occupation gratuite du premier étage de l'habitation de Mme [L] [C] par [S] [C] n'a pas à donner lieu à rapport ;

- intégrer au passif de la succession le coût de l'assurance de la maison pour l'année 2021 à hauteur de 547,27 euros ;

- condamner solidairement Mmes [R], [G] et [M] [C] à payer aux concluants la somme de 8 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et en ordonner la distraction au profit de la SCP Milliand-Dumolard-Thill.

Une ordonnance en date du [Cadastre 5] mars 2023 clôture l'instruction de la procédure à la date du 21 mars 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

Les copartageants sont en litige sur trois points principaux, après abandon des réclamations sur le mobilier, la demande de rapport à la succession de 118 221 euros, dites recelés par [S] [C], la demande de rapport à la succession d'une indemnité d'occupation devant être qualifiée d'avantage indirect au bénéfice de [S] [C], et enfin la demande concernant l'évaluation du bien immobilier donné à Mmes [R], [M] et [G] [C].

I- Sur le recel successoral

Le recel successoral, prévu et sanctionné par l'article 778 du code civil par une perte des droits sur les biens recelés, tel qu'invoqué par les appelantes, Mmes [R], [G] et [M] [C], suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel.

Il ne suffit pas à ce sujet d'affirmer que, du simple fait de l'existence d'une procuration, les sommes retirées en espèces sur le compte bancaire de feue [L] [P] ont été distraites par le titulaire d'une procuration. Dans la mesure où la charge de la preuve du recel successoral repose sur les héritières qui s'en prévalent, il appartient aux appelantes de démontrer que le train de vie d'[L] [P] a augmenté de façon significative après la mise en place d'une procuration au bénéfice de son fils, [S] [C], en 1999, et que celui-ci a bénéficié des sommes détournées.

Contrairement à ce qu'affirment les appelantes, les retraits d'espèces sont restés stables au cours de la décennie 2001-2012, avec des montants variant de 8 240 euros en 2008 à 13 160 euros en 2010, démontrant une habitude de feue [L] [P] d'utilisation d'espèces. Les retraits plus faibles en 2001 et 2012 s'expliquent, pour la première, par l'existence de la transition de monnaie, du franc à l'euro, et pour la seconde, par l'hospitalisation et le décès de la de cujus au cours de l'année 2012.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant qu'[L] [P] avait l'habitude d'un train de vie supérieur à la moyenne nationale des personnes de sa tranche d'âge, et que ses dépenses courantes étaient significativement importantes, incluant notamment des boissons alcoolisées, des abonnements de presse et des confiseries, et qu'il n'est pas démontré que les retraits d'espèces, d'un montant de 118 221 euros sur la période de 2001 à 2012 aient profité à [S] [C] du seul fait qu'il bénéficiait d'une procuration sur les comptes de sa mère.

La demande de rapport à la succession de la somme de 118 221 euros et de privation de la succession de [S] [C] des droits sur ces sommes sera rejetée.

II- Sur l'indemnité d'occupation

Ainsi que le prévoit l'article 843 du code civil, le rapport à la succession de l'héritier ayant bénéficié d'une donation indirecte, suppose qu'une intention libérale du de cujus soit démontrée.

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a considéré que le courrier d'[L] [P] du 22 avril 2008 ne contenait pas d'intention libérale, la défunte ayant écrit 'Il ([S]) s'est installé dans la maison familiale à la demande de ses frères qui lui garantissaient une location gratuite. Il m'offrait alors l'assurance de pouvoir y vivre sans être seule.' Sur ce point, les allégations des appelantes portant sur le fait que l'initiative de la rédaction du courrier viendrait de [S] [C] ne correspondent pas à la réalité de l'écriture correspondant à celle du signataire, le paraphe n'étant pas contesté, et aucun élément ne permet d'affirmer que l'âge d'[L] [P] l'aurait rendue particulièrement influençable. Enfin, le juge ne doit répondre que sur les moyens soulevés par les parties, et n'est pas tenu de répondre point par point aux différents arguments soulevés.

En l'espèce, il ressort également du courrier du 5 mars 2001 d'[L] [P] que celle-ci entendait réaliser une égalité entre les dons d'argent qu'elle faisait à ses enfants et petits-enfants, ou terrains : 'je sousignée, [L] [C] née [P], demeurant à [Adresse 20], rappelle avoir fait les avances suivantes : à mon fils [N], de la somme de 200 000 francs le 8 juillet 1998 par versement en espèces retirées de la Caisse d'épargne de [Localité 19] pour lui permettre d'acheter un appartement pour sa filla [R] à [Localité 17], 2) le 12 janvier 2001 de la somme de 200 000 francs à mon fils [S], à mon petit-fils [H] de la somme de 100 000 francs et à ma petite-fille [T] [Z] née [C] de la somme de 100 000 francs. Je déclare convertir en autant de legs préciputaires toutes ces avances de manière à ce que mes héritiers n'aient pas de compte de rétablissement à effectuer entre eux après mon décès.' mais qu'elle n'a jamais considéré l'occupation gratuite d'une partie de la maison dont elle était usufruitière comme une donation, et concevait cette occupation comme une aide qui lui était apportée, étant précisé qu'elle était veuve depuis 1944, avait perdu un de ses fils en 1966, et qu'il est soutenu dans le dossier, sans être démenti par aucun élément, qu'elle redoutait la solitude.

En dernier lieu, le premier juge a justement qualifié l'occupation gratuite de [S] [C] de commodat, et le départ de celui-ci, à la demande de ses cohéritiers après le décès de sa mère, ne peut être interprété comme l'absence d'existence du commodat et la reconnaissance de l'existence d'une libéralité.

Faute de démontrer l'existence d'une intention libérale d'[L] [P], la décision du premier juge sera également confirmée sur le rejet de la demande de fixation d'une indemnité d'occupation.

III- Sur l'évaluation des biens immobiliers

L'article 922 du code civil dispose 'La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. Les biens dont il a disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes et charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de l'acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.'

Mmes [G], [R] et [M] [C] ont bénéficié d'une donation, par préciput et hors part, de trois parcelles D[Cadastre 10] de 57 ares, D[Cadastre 11] de 28 ares et 50 centiares et D[Cadastre 12]de 26 ares et 50 centiares [Adresse 16] sur la commune de [Localité 15], réalisée par acte authentique de Me [Y] le 15 juin 2002. Les parcelles étaient évaluées à 3 415 euros. Par acte du 27 décembre 2012, soit quelques mois après le décès d'[L] [P], les donataires ont à leur tour, fait donation des trois parcelles susvisées à leur mère, [U] [V] veuve [C], les biens étant évalués à 300 000 euros, correspondant à l'abattement applicable aux donations en ligne directe.

En application du texte précité, le bien donné doit être évalué à la date de la donation de 2012 pour le calcul de l'indemnité de réduction des copartageantes de la lignée [N] [C], sans que la valeur retenue dans l'acte de donation ne s'impose au juge dans le cadre de la présente instance.

Deux évaluations distinctes ont été réalisées :

- une expertise privée de l'agence immobilière Chauvin, datant d'octobre 2012, estimant que les parcelles peuvent être valorisées au mieux sous forme de vente en deux lots, pour un montant global de 524 000 euros,

- l'expertise judiciaire réalisée par M. [CR], déposée le 16 juin 2016, qui retient une valeur de 363 500 euros pour la parcelle D[Cadastre 12] située en zone Uac2 (zone constructible avec conditions liées à a proximité d'un château classé), et 42 700 euros pour les parcelles D[Cadastre 10] et D[Cadastre 11] pouvant être venues en tant que terrain d'agrément, valable au jour du décès d'[L] [P] et au jour de l'expertise.

Les appelantes contestent ces évaluations, au motif que la parcelle D[Cadastre 12] ferait l'objet d'un compromis de vente par le donataire, au prix de 310 000 euros pour obtention d'un permis de construire autorisant la construction de 1 100 m² de surface de plancher, outre 280 euros par m² de supplémentaire de construction autorisée au-delà de 1 100 m². Pour autant, la vente n'est pas encore intervenue, et le prix définitif de la transaction n'est pas encore connu, dans la mesure où le projet de la société SJO Conseil et notamment l'étendue de son projet de construction n'est pas connu. Enfin, cet élément ne peut entrer en ligne de compte dans la mesure où le bien doit être évalué au moment de l'ouverture de la succession, et non postérieurement, s'agissant, de surcroît, d'un bien qui est sorti du patrimoine des donataires.

Concernant la demande des intimés de voir retenir la valeur retenue dans l'expertise dans sa globalité, il y a lieu d'observer que les parcelles D[Cadastre 10] et D[Cadastre 11] étaient bien occupées au terme d'un bail rural en 2012, de sorte qu'il n'est pas possible de retenir le prix du terrain d'agrément tel que fixé par l'expert.

C'est donc par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a considéré que la valeur retenue dans l'acte de donation était inopposable aux tiers, en raison de sa sous-évaluation et de la volonté de fixer la valeur du bien à une valeur inférieure à sa valeur, de sorte que le montant de 363 500 euros devait être retenu pour la parcelle D[Cadastre 12], l'expert ayant tenu compte de l'absence de viabilisation actuelle de la parcelle constructible et des contraintes spécifiques liées à la proximité du château, et que celle de 8 550 euros devait être incluse pour les deux autres parcelles, qui font actuellement l'objet de baux ruraux.

Enfin, en ce qui concerne le surplus des biens immobiliers donnés par feue [L] [C] à ses enfants [N] et [S] par acte notarié du 20 mai 1989, compte tenu des ventes immobilières qui sont intervenues, il n'y a pas de difficultés à ce que le prix de vente soit inclus au lieu et place de l'évaluation faite par l'expert, soit 130 000 euros pour la parcelle AS[Cadastre 5] commune de [Localité 19] et 299 500 euros pour la parcelle bâtie AS[Cadastre 2], [Adresse 7], à [Localité 19], ayant fait l'objet d'une donation en 1989 à [N] [C] (1/3), à [S] [C] (1/3) et à [T] et [H] [C] (1/6 chacun).

IV- Sur les autres demandes

La demande d'intégration au passif de la succession de l'assurance 2021 du bien immobilier bâti [Adresse 7] à [Localité 19], de 547,27 euros, justifiée, doit être accueillie.

V- Sur les demandes accessoires

Mmes [R], [G] et [M] [C] succombant en leur appel supporteront le paiement à leurs copartageants [T] et [N] [C] d'une somme de 3 000 euros. Les dépens seront enfin employés en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit de la société Milliand-Dumolard-Thill.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé l'indemnité de réduction due par Mme [G] [C], Mme [R] [C] et Mme [M] [C] à 103 251,62 euros et homologué pour le surplus le projet d'état liquidatif de Me [E],

Dit que la valeur des biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 19] est de 130 000 euros pour la parcelle AS[Cadastre 5] et de 299 500 euros pour la parcelle bâtie AS[Cadastre 2], [Adresse 7], à [Localité 19],

Dit qu'il y a lieu d'intégrer au passif de la succession le montant de l'assurance habitation 2021 pour le bien immobilier sis AS[Cadastre 1], [Adresse 7] pour 547,27 euros,

Homologue pour le surplus le projet d'état liquidatif de Me [E],

Condamne Mmes [G], [R] et [M] [C] à payer à Mme [T] [C] et M. [N] [C] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit de la SCP Milliand-Dumolard-Thill.

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 06 juin 2023

à

la SCP LOUCHET CAPDEVILLE

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA

Copie exécutoire délivrée le 06 juin 2023

à

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00588
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.00588 ?
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