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31/05/2023 | FRANCE | N°23/00048

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 31 mai 2023, 23/00048


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 31 Mai 2023









N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HH4B



Appelante

Mme [T] [N] [U]

née le 16 Décembre 1946 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

actuellement en programme de soins

représen

tée par Maître Elodie BRET, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

non comparante



M. LE PREFET DE LA ...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 31 Mai 2023

N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HH4B

Appelante

Mme [T] [N] [U]

née le 16 Décembre 1946 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

actuellement en programme de soins

représentée par Maître Elodie BRET, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

non comparante

M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 31 mai 2023 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 31 mai 2023 après-midi,

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Mme [T] [N] [U], née le 16 décembre 1946, a été admise à l'établissement public de santé mentale de [6] (EPSM 74) en soins psychiatriques sans son consentement sur décision du préfet de la Haute-Savoie en date du 24 mars 2014.

Par arrêté du 09 octobre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a décidé que la prise en charge de Mme [N], eu égard à l'évolution de ses troubles mentaux, s'effectuerait sous une autre forme qu'en hospitalisation complète, sur la base d'un programme de soins du 06 octobre 2017 joint.

La mesure de soins psychiatriques sans consentement a été maintenue sous cette forme par arrêtés préfectoraux successifs.

Par ailleurs, de très nombreuses demandes ont été formées par Mme [T] [N] [U] dans le but d'obtenir du juge des libertés et de la détention de Bonneville la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement, lesquelles ont toutes fait l'objet de décisions de rejet, confirmées en appel.

Mme [T] [N] [U] a fait l'objet d'une réintégration en hospitalisation complète au sein de l'EPSM 74 en date du 2 décembre 2022, avant de bénéficier, à nouveau, d'un programme de soins psychiatriques en ambulatoire à compter du 6 janvier 2023.

Les 27 et 28 février 2023, Mme [T] [N] [U] a fait, à nouveau, parvenir deux requêtes auprès du juge des libertés de la détention de Bonneville qui, par décision du 8 mars 2023, sur la base d'un avis motivé du Docteur [H] du 2 mars 2023 a, après en avoir ordonné la jonction, rejeté les demandes de mainlevée du programme de soins psychiatriques présentées par cette patiente au motif que « elle présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins psychiatriques que nécessite son état, lesquels imposent le maintien d'une surveillance médicale régulière sous la forme du programme de soins psychiatriques sans consentement auquel elle est soumise ».

Mme [N] [U] [T] a interjeté appel de cette ordonnance, au travers d'un courrier réceptionné le 23 mai 2023, dans lequel elle écrit , notamment : 'Cette décision est nulle et non avenue car Mme la juge [O] [D] est schizophrène et elle délire. Elle obéit au Docteur [H] du CMP de [Localité 8] qui est lui-même schizophrène', demandant, par ailleurs, une expertise psychiatrique de ces professionnels 'déments' dont elle se dit 'victime'.

Par réquisitions écrites du 26 mai 2023, le parquet général conclut à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 08 mars 2023.

L'avis motivé rédigé par le Docteur [H] en date du 26 mai 2023 mentionne : « Patiente actuellement en programme de soins SPDRE, suivie mensuellement en ambulatoire au CMP de [Localité 8]. Patiente présentant des idées délirantes à thème persécutif à mécanisme interprétatif dans le cadre d'une pathologie psychique de type paranoïaque. Patiente compliante à la prise en charge avec bonne observation du traitement, ceci dans le cadre de la contrainte du programme de soins. Hors de cette contrainte, l'expérience clinique montre que la compliance et l'adhésion aux soins cessent, ce qui à chaque fois entraîne la décompensation psychique et la nécessité d'une réhospitalisation à temps plein. Par ailleurs, patiente dont le contact relationnel thérapeutique reste superficiel, dans la réticence et la méfiance. Situation clinique à la stabilité fragile, la dispensation des soins ne pouvant se faire que dans le cadre du programme de soins. Présentation habituelle, souvent de mauvais contact, renfrognée et quasi mutique la plupart du temps. Se présente néanmoins régulièrement. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision du directeur ou sur décision du représentant de l'État restent justifiés et doivent être maintenus sous la forme du programme de soins établi le 6 octobre 2017 ».

Lors de l'audience du 31 mai 2023, Mme [N] [U] [T], comme à son habitude, n'a pas comparu, bien que régulièrement convoquée.

Son conseil, Maître Bret Elodie, a été entendue en ses observations.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

Le représentant de l'Etat n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2023 après-midi.

En cours de délibéré, il a été demandé et communiqué par l'EPSM74 la décision de réintégration du 2 décembre 2022 et le programme de soins du 5 janvier 2023, lesquels ont été transmis de manière contradictoire aux parties pour observations éventuelles.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [N] [U] [T] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 08 mars 2023 par courrier réceptionné au greffe de la cour le 23 mai 2023.

N'allant jamais chercher ses courriers recommandés de notification, il convient de considérer que son appel a été effectué dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique, et qu'il est donc recevable.

Force est de déplorer, une nouvelle fois, son absence injustifiée à l'audience. Pour autant, et même s'il s'agit d'une procédure orale, il n'est pas possible, en cas d'absence du requérant régulièrement convoqué à l'audience, de considérer que son appel n'est pas soutenu, du fait du caractère obligatoire de l'assistance ou de la représentation du patient par un avocat, et du caractère, en revanche, facultatif de la comparution des parties et des personnes avisées (article R.3211-21).

Saisi par la déclaration motivée prévue par l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, il incombe au 1er président de répondre aux moyens qui figurent dans cette déclaration d'appel, même en l'absence de l'appelant et de son représentant (1ère Civ. 16 décembre 2015, pourvoi n°15-12.400 Bull. 2015, I, n° 331).

Il résulte des articles L.3211-2 et L. 3213-1 du code de la santé publique que :

-une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur décision du préfet, représentant de l'Etat dans le département, que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public.

-les soins psychiatriques libres doivent être privilégiés dès lors que l'état de la personne le permet.

Il découle de l'article L.3211-12 du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, y compris celle se basant sur un programme de soins, à la requête, notamment, de la personne faisant l'objet de tels soins.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste, alors, à opérer un contrôle de la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement, puis de son bien-fondé.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la Cour d'Appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant déjà donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont il ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, la procédure relative aux soins psychiatriques de Mme [N] [U] [T], suivie depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention, apparaît régulière.

Toutefois, comme soulevé, à juste titre, par l'avocate de la patiente à l'audience, il convient de constater que les deux 'avis motivés' du 2 mars 2023 et du 26 mai 2023 du Docteur [H] figurant au dossier sont rédigés en des termes strictement identiques, ce qui pourrait s'apparenter à un défaut ou une insuffisance de motivation.

Si une telle pratique, dite du 'copier-coller', émanant d'un même professionnel de santé peut se concevoir dans l'hypothèse, comme en l'espèce, d'une prolifération de demandes de mainlevée d'une mesure formées par un patient sur un court laps de temps ne permettant pas d'observer la moindre évolution clinique, il convient, toutefois, d'en faire un usage fortement restreint, au risque, pour les certificats médicaux concernés, de ne pas satisfaire à l'exigence de motivation, ainsi privée d'efficience.

Il ressort des pièces transmises que Mme [T] [N] [U] souffre d'une 'pathologie psychique de type paranoïaque' qui, si elle n'est pas correctement traitée, donne lieu à des décompensations psychiques susceptibles de faire naître un danger pour elle-même et pour autrui.

Elle a réintégré l'EPSM74 durant plusieurs semaines entre décembre 2022 et janvier 2023 suite à une rupture de suivi et de traitement.

Le programme de soins du 5 janvier 2023, objet de la présente contestation, prévoit des soins ambulatoires, à savoir un suivi médical mensuel et un suivi infirmier mensuel au CMP de [Localité 8] avec IMR tous les 28 jours, ainsi que des soins à domicile, notamment une visite à domicile mensuelle par l'équipe infirmière du CMP de [Localité 8], et enfin la prise d'un traitement médicamenteux.

L'avis médical du 26 mai 2023 se prononce en faveur du maintien de ce programme de soins, aux motifs que si la patiente est compliante à sa prise en charge avec une bonne observation du traitement, cela n'est rendu possible que par l'existence du cadre de la contrainte, l'expérience ayant montré que la levée, ou même seulement l'assouplissement de celui-ci avait eu, systématiquement, pour effet d'entrainer une décompensation psychique, suivie d'une réhospitalisation à temps complet. Il est également mentionné que la stabilité de son état de santé mentale reste fragile et son adhésion aux soins, superficielle.

Le contenu des courriers de Mme [T] [N] [U], particulièrement révélateur du caractère encore bien actuel de sa problématique de santé ('pathologie psychique de type paranoïaque'), démontre, par ailleurs, qu'elle conteste fermement être atteinte de troubles psychiatriques, ainsi que la nécessité des soins qui lui sont imposés, dont elle ne cesse de demander la suppression.

Il résulte de ces éléments que Mme [T] [N] [U] est atteinte de troubles mentaux dont elle n'a pas conscience, lesquels nécessitent des soins.

Les soins imposés, tels que définis actuellement, apparaissent adaptés aux besoins de Mme [N] [U] et ne portent pas atteinte, de manière disproportionnée, à ses libertés individuelles, de sorte qu'il y a lieu, pour l'instant, de maintenir la mesure mise en 'uvre sur décision du préfet de la Haute-Savoie du 6 janvier 2023.

A la lecture des pièces figurant au dossier, il existe, en effet, un risque important qu'une levée de la contrainte aboutisse à une rupture des soins, alors même que ceux-ci demeurent indispensables à une stabilisation de son état de santé psychique et à la prévention d'une décompensation susceptible de compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

En conséquence, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 08 mars 2023 sera confirmée, sans qu'il apparaisse nécessaire, à ce stade, d'ordonner une expertise psychiatrique de Mme [N] [U], tant il apparaît clair, à travers les éléments de la procédure, que son état de santé mentale commande toujours le maintien d'un programme de soins sous contrainte.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant par ordonnance contradictoire le 31 mai 2023, après débats en audience publique, au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de Mme [N] [U] [T],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 08 mars 2023,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 31 mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00048
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;23.00048 ?
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