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17/05/2023 | FRANCE | N°23/00039

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 17 mai 2023, 23/00039


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES



du Mercredi 17 Mai 2023









RG 23/00039 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHTK



Appelant

M. [F] [I]

né le 28 Août 1964 à [Localité 2] (ISRAEL)

actuellement au CHS [6] (avec permission de sortie)

assisté de Me Jessica KOLLI, avocate désignée d'office inscrit

e au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE [6]

[Localité 1]

non comparant



M. LE PREFET [6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

non comparant
...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 17 Mai 2023

RG 23/00039 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHTK

Appelant

M. [F] [I]

né le 28 Août 1964 à [Localité 2] (ISRAEL)

actuellement au CHS [6] (avec permission de sortie)

assisté de Me Jessica KOLLI, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE [6]

[Localité 1]

non comparant

M. LE PREFET [6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 17 mai 2023 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 17 mai 2023 après-midi,

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Le 19 mai 2016, le Docteur [G] [T], médecin libéral, faisait l'objet d'une violente agression, à coups de batte de base-ball, à son cabinet situé à [Localité 4], à la suite de laquelle il présentait une ITT de 45 jours. Les investigations permettaient d'en identifier l'auteur, en la personne de M.[F] [I], individu connu des services de police, présentant une psychose paranoïaque, l'ayant conduit à effectuer plusieurs séjours en établissement psychiatrique, lequel était passé à l'acte dans le cadre d'un délire de persécution centré sur le placement de sa fille [O] [C].

Par arrêt du 15 juin 2017, la chambre de l'instruction près la cour d'appel de Chambéry a dit que M.[F] [I] avait commis de tels faits de violence aggravée, tout en le déclarant irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes lors de leur commission. Au visa de l'article 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sans consentement a été ordonnée. Il a été admis à l'EPSM74 le jour même, puis été transféré au CHS [6].

Cette mesure, au regard de certificats médicaux mensuels indiquant qu'elle était toujours justifiée, a été maintenue, sans discontinuité, par les différents juges des libertés et de la détention ayant eu à la contrôler, étant précisé que, par ailleurs, M.[F] [I] a sollicité, à plusieurs reprises, la mainlevée de son hospitalisation complète.

Par requête réceptionnée le 27 avril 2023, M. [F] [I] a, de nouveau, demandé la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Le dernier certificat mensuel du 17 avril 2023, rédigé par le Docteur [A] [E], mentionne: «patient hospitalisé au décours d'une décision d'irresponsabilité pénale après un séjour de quelques mois à l'UMD du Vinatier. Ces quelques années d'hospitalisation n'ont été émaillées d'aucun acte de violence. Le patient a pu bénéficier d'une ouverture très progressive du cadre qui s'est matérialisée dans un premier temps par des temps de sortie seul dans le parc, à la bibliothèque de la ferme de [Localité 3]. Plus récemment, une équipe dédiée à l'accompagnement vers le logement a accepté de prendre en charge le patient, prise en charge qui a rapidement permis à M. [I] de signer le bail d'un appartement situé à [Localité 4]. Le patient a pu commencer à investir ce lieu de manière plutôt adaptée. Pour autant, le maintien d'un cadre de contrainte étayant et limitant parait indispensable à la poursuite d'une prise en charge rendue délicate par l'anosognosie du patient, les éléments persécutoires, mégalomaniaques et particulièrement disqualifiant à mon égard repérés à travers les courriers peu flatteurs qu'il m'adresse régulièrement. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) sont justifiés et doivent se poursuivre en hospitalisation complète.'

L'avis du collège, composé de deux psychiatres et d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge du patient, en date du 03 mai 2023, a décidé que l'actuelle mesure de contrainte devait être maintenue pour les motifs suivants : « Patient hospitalisé depuis plusieurs années dans les suites d'une décision d'irresponsabilité pénale relative à un passage à l'acte hétéroagressif grave sur la personne d'un médecin pédiatre. La mise en place d'un traitement dans le cadre d'un séjour en UMD a permis une circonscription relative des éléments persécutoires. M. [I] adopte un comportement calme, à peu près adapté dans son ensemble, mais ne critique que partiellement la gravité de ce passage à l'acte. Les capacités d'empathie restent pauvres, les aménagements projectifs sont toujours actifs. Il est inscrit dans un projet d'intégration progressive d'un logement privatif dont le déroulement se révèle pour l'instant satisfaisant. Pour autant, au vu de son statut juridique et du risque d'échappement à des soins qui sont pourtant bien nécessaires, le maintien de la mesure de contrainte reste indispensable.'

Deux expertises psychiatriques ont été réalisées sur la personne de M. [F] [I], suivant ordonnance du 27 janvier 2022 du juge des libertés et de la détention de Chambéry.

Ainsi, l'expertise du Docteur [M] [R] du 04 février 2022 conclut que le patient a souffert d'une grave maladie psychotique qui est une psychose avec une tendance paranoïde à l'origine de l'acte pour lequel il a été déclaré irresponsable pénalement. Au jour de l'examen, il ne présente pas de signe de maladie psychotique, pas de troubles paranoïdes, pas de sentiment de toute-puissance, avec une critique des faits qu'il a commis. L'expert indique qu'il est bien stabilisé par le cadre institutionnel et thérapeutique institués. La prise de conscience qu'il exprime ne s'inscrit pas dans un cadre manipulatoire ou pervers. Un cheminement psychologique est noté. Sa maladie chronique nécessite un traitement médicamenteux constant et un suivi spécialisé régulier. L'absence de prise de son traitement peut être à l'origine de décompensations psychiatriques graves qui peuvent compromettre la sécurité des personnes ou porter atteinte à l'ordre public. Sa prise de conscience et son évolution psychique, avec une reconnaissance des faits et surtout des regrets, rendent possible, d'après l'expert, un allégement de son hospitalisation actuelle. La levée de la mesure ne paraît pas inadéquate, mais il s'avère important de maintenir un suivi psychiatrique et un cadre pour éviter toute éventuelle inobservance thérapeutique qui reste possible.

L'expertise du Docteur [J] [L] du 04 février 2022 conclut, quant à elle, que le patient présente des troubles psychiques caractérisés par une personnalité paranoïaque dont l'équilibre est très fragile avec des passages psychotiques à la moindre tension psychique, troubles qui nécessitent des soins psychiatriques conséquents associant un traitement pharmacologique de la famille des antipsychotiques et une prise en charge psychothérapeutique, et qui peuvent compromettre gravement la sûreté des personnes ou porter atteinte à l'ordre public notamment s'ils ne sont pas correctement traités. L'hospitalisation complète reste nécessaire, dans un premier temps, afin d'initier une prise de conscience et lui permettre une ébauche d'autocritique. Un programme de soins en ambulatoire pourra ensuite être discuté en fonction du projet médico-social, du suivi psychiatrique et de l'assurance d'un traitement retard.

Par ordonnance du 05 mai 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a rejeté la requête de M. [I] [F] et ordonné la poursuite de son hospitalisation complète au sein du CHS de Bassens.

M. [I] [F] a interjeté appel de cette décision par courrier réceptionné au greffe le 10 mai 2023 à 12h30.

Par réquisitions écrites du 12 mai 2023, le parquet général conclut à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 05 mai 2023.

Suivant le certificat de situation du 15 mai 2023 émanant du Docteur [A] [E], il est indiqué : «a été admis en soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) en date du 15 juin 2017. Patient hospitalisé dans les suites d'une décision d'irresponsabilité pénale en lien avec un passage à l'acte hétéro agressif particulièrement violent sur la personne d'un médecin, au cabinet de celui-ci. La mise en place d'un traitement dans le cadre d'un séjour en UMD a permis une circonscription relative des éléments persécutoires et un total infléchissement de l'hétéro agressivité physique. M. [I] adopte désormais un comportement apaisé, à peu près adapté dans son ensemble, mais ne critique que partiellement la gravité de ce passage à l'acte. Les capacités d'empathie restent pauvres, les aménagements projectifs sont toujours très actifs. Un projet de réinsertion sociale est en cours avec intégration progressive d'un logement privatif dont le déroulement se révèle pour l'instant satisfaisant. Pour autant, au vu de son statut juridique et du risque d'échappement à des soins dont il persiste à contester la pertinence, le maintien de la mesure de contrainte reste indispensable'.

Lors de l'audience du 17 mai 2023, M. [F] [I] a sollicité l'infirmation de la décision attaquée et la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement, expliquant qu'il avait pu bénéficier, chaque semaine depuis le mois d'avril, de permissions de sortir comprenant plusieurs nuitées, qu'il avait passées seul, ou avec sa compagne, à son nouveau domicile, qu'il a équipé petit à petit. Il a exposé avoir de plus en plus de mal à supporter le comportement des autres patients de l'hôpital atteints de troubles psychiatriques, et aspirer à davantage de libertés de manière à vivre ' normalement'. Il a indiqué accepter de poursuivre ses soins, notamment dans le cadre d'une hospitalisation de jour, de manière à 'rassurer', même s'il considère qu'il n'est 'pas parano'.

Son conseil, Maître [U], a été entendue en ses observations, soulignant sa belle évolution, son encadrement pluridisciplinaire et son autonomie actuelle, M. [I] [F] se présentant seul à l'audience dans le cadre d'une permission de sortir. Elle a confirmé la volonté de M. [I] [F] d'obtenir une mainlevée de l'hospitalisation complète, précisant que celui-ci adhérait aux soins et reconnaissait la gravité des faits.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le représentant de l'Etat et le directeur d'établissement n'ont point comparu, bien que régulièrement avisés.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 mai 2023 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclaration motivée transmise au greffe de la cour d'appel le 10 mai 2023 à 12h30, M. [F] [I] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 05 mai 2023, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

En raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

L'article L.3211-12 du code de la santé publique prévoit que :

'I.-Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.

Il peut également être saisi aux fins de mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention prise en application du troisième alinéa du II de l'article L. 3222-5-1.

La saisine peut être formée par :

1° La personne faisant l'objet des soins ;

2° Les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins ;

4° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

5° La personne qui a formulé la demande de soins ;

6° Un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins ;

7° Le procureur de la République.

Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'une personne faisant l'objet d'une mesure mentionnée au premier alinéa du présent article ou d'une mesure d'isolement ou de contention.

II.-Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, d'isolement ou de contention.

Lorsqu'il ordonne la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la phrase précédente, la mesure d'hospitalisation complète prend fin'.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article R.3211-30 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats, notamment les certificats médicaux mensuels (article L.3213-3 du code de la santé publique) et l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du code de la santé publique.

Il en ressort que la procédure relative aux soins psychiatriques de M. [I] [F], depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention, apparaît régulière et que les certificats et avis médicaux figurant au dossier sont motivés.

Ces certificats et avis médicaux, ainsi que les deux expertises psychiatriques effectuées en février 2022, sus-rappelés, font tous état d'une stabilisation de l'état de santé psychique de M. [I] [F], acquise de manière relativement ancienne.

Depuis plus d'une année, l'autorité judiciaire, à travers plusieurs décisions, a fait savoir qu'elle estimait, au même titre que le Docteur [R] dans son rapport d'expertise du 04 février 2022, qu'il était temps d'envisager un allégement de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de M. [I] et l'établissement d'un projet de sortie.

En effet, rien ne garantit, en l'état de la procédure, qu'un maintien de ladite mesure pourrait être de nature à permettre, à plus ou moins long terme,une évolution plus favorable et un cheminement plus avancé de M. [I] [F], au sujet notamment de la prise de conscience de sa maladie psychiatrique, sachant que son hospitalisation sous contrainte a débuté le 15 juin 2017 et qu'elle a été précédée d'une période de détention provisoire légèrement supérieure à une année.

M. [I] [F], qui vit en milieu fermé depuis presque 8 ans, ne saurait indéfiniment être privé de sa liberté et séjourner en hôpital psychiatrique, en se voyant objecter, continuellement, les mêmes arguments, alors que, sur les deux dernières périodes de six mois écoulées, aucun élément nouveau ne vient infirmer son évolution positive, bien au contraire.

Ainsi, M. [I] a su prouver, à plusieurs reprises, qu'il était en capacité de se soumettre au cadre fixé, notamment au travers des sorties qui lui sont accordées, lesquelles n'ont donné lieu à aucun incident signalé.

Il est parvenu à s'investir dans la construction d'un projet de réinsertion, démontrant, à cette occasion, ses facultés en terme d'autonomie et sur le plan cognitif, puisqu'il ne fait l'objet d'aucune mesure de protection judiciaire.

En outre, il convient d'observer que le corps médical, dans ses écrits les plus récents, n'évoque pas expressément l'existence d'une dangerosité actuelle et de troubles mentaux susceptibles de compromettre la sûreté des personnes ou de porter gravement atteinte à l'ordre public, comme exigé par les articles L.3213-1 du code de la santé publique et 706-135 du code de procédure pénale, applicables en l'espèce.

Dans ces conditions, le maintien d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte et son fondement juridique actuel questionnent.

Pour autant, compte tenu des données de l'espèce sus-rappelées et, notamment, des contours de la pathologie psychiatrique de M. [I] [F], il apparait de l'intérêt commun, de ce patient, mais aussi de la société, de préparer au mieux son 'retour à la vie civile', lequel ne peut se faire que de manière progressive et strictement encadrée par la mise en oeuvre d'un programme de soins adapté, dont le contenu reste à définir, notamment au travers d'échanges pluridisciplinaires associant l'intéressé.

Par conséquent, au regard des troubles dont reste, toutefois, atteint M. [I] [F] (anosognosie, éléments persécutoires et mégalomaniaques, aménagements projectifs), il convient de rejeter sa demande et de maintenir, provisoirement, la mesure d'hospitalisation complète sans consentement dont il fait l'objet, le temps d'élaborer, avec les différents partenaires concernés, un tel programme de soins, ce qui ne peut matériellement se faire dans le délai de 24 heures évoqué par l'article L.3211-12 III du code de la santé publique, compte tenu de la complexité de la situation et de la nécessité de l'assortir de solides garanties.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 05 mai 2023 sera, donc, confirmée.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la première présidente, statuant le 17 mai 2023, par ordonnance contradictoire, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M. [I] [F],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 5 mai 2023.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 17 mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00039
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;23.00039 ?
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