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11/05/2023 | FRANCE | N°23/00038

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 11 mai 2023, 23/00038


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 11 Mai 2023





RG : N° RG 23/00038 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHM2





Appelant

M. [N] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

actuellement hospitalisé à L'EPSM74

assisté de Maître Souheïla KERBOUA, avocate désignée d'office in

scrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

non comparant



M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Ad...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 11 Mai 2023

RG : N° RG 23/00038 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHM2

Appelant

M. [N] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

actuellement hospitalisé à L'EPSM74

assisté de Maître Souheïla KERBOUA, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

non comparant

M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 10 mai 2023 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 11 mai 2023,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Par arrêté municipal du 20 avril 2023, le maire de [Localité 3] a prononcé à titre provisoire l'admission en soins psychiatriques d'urgence de M. [D] [N], domicilié dans cette commune, auprès de l'établissement public de santé mentale de [6] situé à [Localité 5] (74), sur la base d'un certificat médical du docteur [Z], rédigé le même jour, faisant état de : 'dégradation de biens, menaces avec armes blanches sur directeur, personnel et autres résidents du centre'.

Par arrêté du 20 avril 2023, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M. [D] [N] à l'EPSM74 jusqu'au 20 mai 2023 inclus, sous réserve de la décision éventuelle prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique.

Le certificat médical de 24 heures rédigé le 21 avril 2023 à 10h15 par le Docteur [K] [O], psychiatre exerçant à l'EPSM 74 décrivait ainsi l'état mental de la personne et la nécessité de maintenir les soins à temps complet : 'patient ayant eu des hospitalisations antérieures en psychiatrie admis pour troubles du comportement avec destruction d'objets dans sa chambre au foyer sous l'influence des hallucinations auditives exacerbées ces derniers mois. Il est en rupture de soins sans suivi ni prise de traitement depuis plusieurs mois. Ce jour il a un bon contact, il décrit l'évolution de ses hallucinations intrapsychiques qui deviennent de plus en plus importantes jusqu'à lui donner des ordres et commentent ses actions. D'après lui l'usage de toxique reste occasionnel. Les pensées sont désorganisées. Son consentement ne peut être recevable en vue de la pathologie qu'il présente et il a besoin de reprise de traitement avec surveillance en milieu intra hospitalier'.

Le certificat médical de 72 heures rédigé le 23 avril 2023 à 9 heures par le Docteur [M] [H], psychiatre à l'EPSM74, mentionnait: 'Arrivé suite à une crise classique dans son foyer,le comportement est plus calme et adapté depuis 24 heures. Description d'une diminution des hallucinations auditives et de l'anxiété. Critique sa rupture de suivi psychiatrique. Le recul sur sa stabilité reste toutefois insuffisant'.

Par arrêté du 25 avril 2023, le préfet de la Haute-Savoie a maintenu les soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, de M. [D] [N], à l'EPSM74.

Par avis motivé du 24 avril 2023, le Docteur [U] [T], psychiatre à l'EPSM74, sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, indiquait : 'patient admis dans notre service à la suite de troubles du comportement sous-tendus par des éléments délirants et hallucinatoires. Ce jour à l'examen on retrouve un envahissement hallucinatoire avec des hallucinations accoustico-verbales qui s'apaisent progressivement depuis son arrivée à l'hôpital, il décrit également des injonctions hallucinatoires, des idées de référence, des éléments en faveur d'une désorganisation ideique. La conscience des troubles et de la nécessité des soins reste fragile'.

Saisi le 24 avril 2023 par le préfet de la Haute-Savoie sur le fondement de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention de Bonneville, par ordonnance du 26 avril 2023, a ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [D] [N].

Par déclaration adressée au greffe le 2 mai 2023, M. [D] [N] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Suivant réquisitions écrites du 5 mai 2023, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry s'est prononcé en faveur d'une confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 avril 2023.

L'avis motivé du Docteur [V] [Y] du 5 mai 2023, se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, mentionne : « Patient admis dans notre service à la suite de troubles du comportement à type d'agressivité importante sous-tendus par des éléments délirants et hallucinatoires. Présence d'activité psychique délirante, avec une adhésion totale au délire. Désorganisation psychique et comportementale avec risque de mise en danger de lui-même et d'autrui. Patient qui a tenté de fuguer du service le 4 mai 2023 puis a accepté de revenir dans le service. Instabilité psychomotrice importante. Patient dans le déni de ses troubles psychiques. Le patient n'est pas en capacité psychique de donner son consentement éclairé aux soins'.

Lors de l'audience publique du 10 mai 2023 à 10 heures, M. [D] [N] a expliqué avoir 'pété les plombs' dans sa chambre au foyer et 'tout cassé', que ce n'était pas la première fois, de sorte que la directrice avait appelé la gendarmerie. Il a évoqué son isolement social, son ennui, sa consommation quotidienne d'alcool et de cannabis, son absence de suivi médical, et ses hallucinations auditives, comme pouvant être à l'origine de cette nouvelle crise. Il s'est déclaré satisfait de sa prise en charge à l'EPSM74, précisant qu'il allait mieux et que les 'voix' avaient diminué depuis la prise de son traitement. Considérant qu'il était prêt à sortir, et disant consentir à la mise en 'uvre d'un programme de soins, il a sollicité la mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète, de manière à pouvoir réintégrer son centre d'hébergement.

L'avocate de M. [D] [N] a été entendue en ses observations. Considérant la procédure régulière et la mesure bien fondée, elle a évoqué la situation dans laquelle son client se trouvait, à savoir qu'il était totalement isolé et sans famille dans la région, qu'il s'était réfugié dans les addictions, et qu'il avait désormais pris conscience de la nécessité de prendre un traitement, reconnaissant ses troubles et adhérant aux soins proposés.

Le préfet de la Haute-Savoie et le directeur d'établissement, avisés de l'audience, n'ont point comparu.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Chambéry le 02 mai 2023 à 09h15, M. [D] [N] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 avril 2023, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

En raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3213-2 du code de la santé publique que :

'En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 7], les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L.3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.

La période d'observation et de soins initiale mentionnée à l'article L.3211-2-2 prend effet dès l'entrée en vigueur des mesures provisoires prévues au premier alinéa'.

L'article L.3213-1 du code de la santé publique mentionne, quant à lui, que :

'I.-Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L.3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.

Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 :

1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3211-2-2 ;

2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.

II.-Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l'article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.

Dans l'attente de la décision du représentant de l'Etat, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.

III.-Lorsque la proposition établie par le psychiatre en application de l'article L. 3211-2-2 recommande une prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat ne peut modifier la forme de prise en charge des personnes mentionnées au II de l'article L. 3211-12 qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9.

IV.-Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l'article L. 3212-11".

En vertu de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique :

'I.-L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission ;

2° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

3° Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois prévu au présent 3°.

Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné, avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° à 3° du présent I, une expertise soit en application du III du présent article, soit, à titre exceptionnel, en considération de l'avis mentionné au II, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.

II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, l'avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l'article L. 3211-9.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Lorsqu'il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa, la mesure d'hospitalisation complète prend fin.

Toutefois, lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.

IV.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'ordonne pas la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, il statue, le cas échéant, y compris d'office, sur le maintien de la mesure d'isolement ou de contention.

V.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué avant l'expiration du délai de douze jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de six mois prévu au 3° du même I, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète est acquise à l'issue de chacun de ces délais.

Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense'.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration du délai de 12 jours prévu à l'article L.3211-12-1 I 1° du code de la santé publique.

Les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats.

Le greffe a également été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort, ainsi, à l'examen des pièces fournies, que la procédure relative aux soins psychiatriques de M. [D] [N] apparaît régulière et que les certificats et avis médicaux figurant au dossier sont motivés conformément aux textes précédemment rappelés.

Quant au bien-fondé de la mesure, il apparait que M.[D] [N], suite à un nouvel épisode délirant, au cours duquel il s'est montré particulièrement agité, agressif et menaçant ('crise clastique'), a du être hospitalisé, en urgence, au sein d'une structure spécialisée pour mise en oeuvre de soins psychiatriques sous contrainte, n'étant pas en capacité, à ce moment là, d'y consentir librement.

Si une amélioration clinique de ses troubles a été observée durant le temps de son hospitalisation complète, qui lui a permis, rapidement, de retrouver un comportement plus calme et adapté, le dernier avis motivé du 5 mai 2023 fait, toutefois, état, de la persistance d'une activité psychique délirante, à laquelle il adhère totalement et d'une instabilité psychomotrice importante.

Les échanges lors de l'audience du 10 mai 2023, au cours de laquelle M.[D] [N] s'est montré particulièrement ému à l'évocation du contenu de ses hallucinations auditives (voix insultantes à son égard), témoignent d'une survivance de celles-ci et d'une mise à distance encore insuffisante.

Par ailleurs, si M.[D] [N] se dit prêt à poursuivre un suivi médical à l'extérieur, dans le cadre, notamment, d'un programme de soins, son adhésion demeure, à ce jour, beaucoup trop fragile, étant rappelé qu'il a tenté de fuguer de l'hôpital de manière très récente, le 4 mai 2023, et qu'il a toujours refusé, jusqu'à présent, de prendre un traitement adapté à sa pathologie psychiatrique, bien qu'il reconnaisse être sujet à des hallucinations auditives depuis plus d'une dizaine d'années. A ce sujet, l'avis motivé du 5 mai 2023 expose que le patient est dans le déni de ses troubles psychiques.

Enfin, nonobstant ses déclarations lors de l'audience, il demeure des incertitudes quant au fait que M. [D] [N], qui ne dispose pas d'une autre solution d'hébergement, puisse réintégrer, dès à présent, sa chambre au sein du CHRS [8] de [Localité 3], au regard, notamment, des actes agressifs, voire violents, posés à l'encontre du personnel et des résidents, qui ont pu légitimement se sentir en danger à son contact.

Compte tenu de ses antécédents sur le plan psychiatrique ayant amené à plusieurs hospitalisations, de l'absence de stabilisation suffisante de son état de santé psychique, et des aléas existant quant au respect de ses soins, le risque d'une mise en danger personnelle ou d'autrui apparait non négligeable, ainsi que mentionné dans le dernier avis motivé du 5 mai 2023, de sorte qu'il convient, pour l'instant, de maintenir l'hospitalisation sous contrainte dont il fait l'objet.

M. [D] [N] souffrant de troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public, il convient de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 avril 2023, qui a autorisé la poursuite de son hospitalisation complète, mesure qui lui procure, actuellement, l'apaisement et le cadre sécurisant dont il a besoin.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente, statuant par ordonnance contradictoire le 11 mai 2023, après débats tenus en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M. [D] [N],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 26 avril 2023,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 11 mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00038
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;23.00038 ?
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