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11/05/2023 | FRANCE | N°23/00012

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 11 mai 2023, 23/00012


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 23/00012 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFXG débattue à notre audience publique du 14 Mars 2023 - RG au fond n° 22/

01637 - 1ère section





ENTRE





S.A.S. APC DEVELOPPEMENT, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par Me Jérôme O...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 23/00012 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFXG débattue à notre audience publique du 14 Mars 2023 - RG au fond n° 22/01637 - 1ère section

ENTRE

S.A.S. APC DEVELOPPEMENT, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par Me Jérôme OLIVIER, avocat au barreau d'ANNECY

Demanderesse en référé

ET

SARL NEPTUNE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice demeurant es qualité audit siège situé [Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant la SELURL BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant Me Julien COMBIER, avocat au barreau de LYON

Défenderesse en référé

'''

Exposé du litige

 

Saisi par la SARL NEPTUNE aux fins notamment de fixation d'une indemnité d'éviction à la suite du refus du renouvellement de son bail commercial par la SAS SOGELAC au droit de laquelle intervient la SAS APC DEVELOPPEMENT, le tribunal judiciaire d'Annecy, suivant jugement rendu 9 juin 2022, a :

- Condamné la SAS APC DEVELOPPEMENT à payer à la SARL NEPTUNE au titre de l'indemnité d'éviction, les sommes suivantes :

* Indemnité principale : 325 665 euros

* Indemnité de remploi : 32 566,50 euros

* Indemnité de déménagement : 2 500 euros

* Indemnité pour trouble commercial : 12 560 euros

* Frais divers : 14 190 euros

- Rejeté la demande de la SARL NEPTUNE concernant les travaux non amortis et le coût des licenciements

- Débouté la SAS APC DEVELOPPEMENT de sa demande au titre des frais de remise en état et de compensation

- Condamné la SAS APC DEVELOPPEMENT à payer à la SARL NEPTUNE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté la SAS APC DEVELOPPEMENT de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- Rejeté toutes autres demandes plus amples et contraires

- Condamné la SAS APC DEVELOPPEMENT aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître DEFAUX en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

La SAS APC DEVELOPPEMENT a fait appel de cette décision le 14 septembre 2022 (n°DA 22/01665 et n°RG 22/01637) puis le 13 janvier 2023 a fait assigner la SARL NEPTUNE, en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry afin, à titre principal, de voir suspendre l'exécution provisoire de la décision, à titre subsidiaire, de voir ordonner la consignation de la somme de 150 000 euros dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Chambéry, à titre infiniment subsidiaire, de voir ordonner la consignation des sommes exigées par la société NEPTUNE dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Chambéry, en application des articles 1343-5 du code civil, 514-3, 514-4, 519 et 521 du code de procédure civile. Enfin, elle demande en tout état de cause, de voir condamner la société NEPTUNE à la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.

 

L'affaire a fait l'objet d'un renvoi à la demande des parties aux fins de communication des pièces et échange des conclusions et a été débattue à l'audience du 14 mars 2023.

 

La SAS APC DEVELOPPEMENT soutient les termes de ses conclusions récapitulatives le 13 mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements.

 

Elle fait valoir qu'il existe des conséquences manifestement excessives apparues après le jugement de première instance, que ces conséquences n'étaient pas prévisibles au moment du jugement puisque le départ du locataire a mis fin à la

possibilité de repentir de la société APC DEVELOPPEMENT, que ce départ est à l'origine de l'application de l'exécution provisoire ce qui explique qu'à la date du jugement où le locataire était encore dans les lieux elle n'ait pas été débattue, que la découverte d'une occupation sans droit ni titre a été faite après la date du jugement, que des travaux très importants de remise en état des lieux se sont révélés après la sortie du locataire, que le départ précipité du locataire et l'état des lieux ne permettent pas de mettre en place un plan de financement et de remettre en location le bien, que la société NEPTUNE ne dispose pas de la capacité à rembourser le trop versé, qu'en tant que détentrice d'un seul bien immobilier elle est dans l'incapacité de régler les sommes mises à sa charge et qu'à défaut elle sera dans l'incapacité de recommencer son activité et de se voir allouer des prêts bancaires.

 

Elle ajoute qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement de première instance en ce que le départ du locataire inconnu lors du jugement implique nécessairement la révision du montant de l'indemnité d'éviction, que la méthode de calcul retenue initialement par le tribunal était inadaptée et que la méthode de l'EBE sera celle retenue par la cour d'appel, qu'en l'absence d'exercice d'une nouvelle activité par la société NEPTUNE l'indemnité de réemploi, les frais divers, les contrats d'abonnement ne sont plus dus, qu'enfin, la société locataire a occupé sans droit ni titre 200m2 représentant une somme totale impayée tout au long du bail de 350 000 euros.

 

La SARL NEPTUNE conclut au débouté de la société demanderesse et sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de la SELURL BOLLONJEON.

 

Elle soutient les termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 13 mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements.

 

Elle fait valoir que la société APC DEVELOPPEMENT n'a formulé aucune observation relative à l'exécution provisoire au cours de la première instance devant le tribunal judiciaire d'ANNECY, que par conséquent seules des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance sont recevables, qu'en l'espèce la société demanderesse n'apporte aucune preuve qu'il existerait des conséquences manifestement excessives liées à l'exécution provisoire qui se seraient révélées postérieurement au prononcé du jugement en ce que le départ du locataire est un droit dont l'exercice ne saurait constituer une conséquence manifestement excessive, que la société APC DEVELOPPEMENT a eu 4 ans pour exercer son droit de repentir, que le contentieux relatif à l'occupation sans droit ni titre de la société NEPTUNE ne caractérise pas l'existence de conséquences manifestement excessives et fait déjà l'objet d'une action autonome introduite devant le tribunal de commerce d'Annecy, que les travaux coûteux de remise en état des lieux relèvent des obligations du bailleur et que l'hôtel était décrit comme étant en bon état au départ du locataire par un rapport d'expertise et un constat d'huissier, que la société APC DEVELOPPEMENT ne saurait se prévaloir d'une situation dont elle est à l'origine, que la société demanderesse est en bonne santé financière en ce qu'elle fait partie d'un groupe de sociétés, qu'elle dispose de disponibilités supérieures à 150 000 euros, que la société APC DEVELOPPEMENT est de mauvaise foi en ce qu'elle n'a toujours pas réglé des frais irrépétibles datant de presque 5 ans ni restitué le dépôt de garantie d'un montant de 15 000 euros.

 

Elle ajoute qu'il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation du jugement en ce que la méthode utilisée par le juge de première instance pour déterminer l'indemnité d'éviction postérieure à la crise sanitaire implique l'examen des effets de cette crise, que le choix de la méthode de calcul ne constitue pas un moyen sérieux d'annulation d'un jugement, que le rapport d'expertise fourni est critiquable en ce que plusieurs erreurs de sous-estimation ont été commises, que l'indemnité de remploi est une indemnité de droit qui peut et non doit être écartée s'il est établi que le locataire ne va pas se réinstaller.

 

Sur ce :

 

Selon l'article 55-1 du décret du 11 décembre 2019, l'instance visant à arrêter ou aménager l'exécution provisoire reste soumise aux dispositions des anciens articles 514 et suivants du code de procédure civile lorsqu'elle a été engagée avant le 1er janvier 2020.

           

La procédure de première instance ayant été introduite le 27 mars 2020, la présente procédure est soumise aux dispositions relatives à l'exécution provisoire telles qu'elles résultent du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

 

- Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

 

En application de l'article 514 nouveau du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Selon l'article 514-3 du même code : « En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

 

Ainsi, en l'absence de discussion sur l'exécution provisoire en première instance, la demande d'une partie comparante en première instance tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire n'est recevable que lorsqu'il existe un risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement de première instance.

 

En l'espèce, la société APC DEVELOPPEMENT a comparu en première instance devant le tribunal judiciaire d'Annecy et n'a pas fait valoir d'observations relatives à l'exécution provisoire. Ainsi, pour que sa demande soit recevable, elle doit démontrer que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au 9 juin 2023, date de la décision rendue par le tribunal judiciaire d'Annecy.

 

Il convient de rappeler que le risque de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire est caractérisé lorsque les facultés du débiteur

ne lui permettent pas d'exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier. Il appartient au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière du débiteur ainsi que des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée.

 

Le départ d'un locataire notamment lorsqu'un renouvellement de contrat de bail est refusé est un droit et seul l'exercice abusif d'un droit peut être reproché. Or, un droit ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

 

En l'espèce, le départ de la société NEPTUNE est reproché par la société APC DEVELOPPEMENT, alors que cette dernière ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi ou de l'erreur grossière de la société locataire. En outre, la société demanderesse avance que le départ du locataire a eu pour conséquences de mettre fin à sa possibilité de repentir. Toutefois le bail litigieux a pris fin quatre années avant le départ du locataire, lui laissant ainsi un délai suffisant pour exercer son droit de repentir.

 

Le départ ne saurait constituer un élément nouveau caractérisant l'existence de conséquences manifestement excessives.

 

Par ailleurs, le litige concernant l'occupation sans droit ni titre de la société locataire dans une partie des locaux appartenant à la société APC fait déjà l'objet d'une instance distincte qui n'a aucune conséquence directe sur le montant de l'indemnité d'éviction ;

La société APC développement fait valoir que l'état des locaux au départ du locataire impose la réalisation de travaux coûteux qui empêche toute relocation ce qui impacte fortement ses finances et ne lui permet pas de procéder au paiement de l'indemnité d'éviction. Or, aucun état des lieux ou rapport d'expertise contradictoire réalisés après le jugement du tribunal judiciaire d'Annecy n'est fourni pour attester de la véracité ou de l'ampleur des dégâts imputable à l'une ou l'autre des parties. De plus en l'absence d'éléments comptables postérieurs au 9 juin 2022 pour les parties, aucun élément ne permet de caractériser l'incapacité de remboursement de la société NEPTUNE, ni ne permet de démontrer l'incapacité nouvelle de règlement de la somme due au titre de l'exécution provisoire.

En l'état, aucun évènement postérieur à la décision du tribunal judiciaire d'Annecy ne permet de caractériser l'existence d'un risque de circonstances manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire.

- Sur les demandes de consignation :

Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ».

En l'espèce, la condamnation litigieuse porte sur le paiement d'une somme d'argent autre que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.

L'article 521 du code de procédure civile est donc applicable au cas d'espèce.

Les documents financiers transmis ne permettent pas de s'assurer de la capacité de la SARL NEPTUNE à restituer l'intégralité des sommes auxquelles la SAS APC DEVELOPPEMENT a été condamnée ;

Aussi, le principe d'une consignation au moins partielle doit être retenu pour éviter des difficultés à la SARL NEPTUNE en cas d'infirmation partielle ; dans ces conditions, la SAS APC DEVELOPPEMENT est autorisée à consigner une somme de 150 000 euros et devra exécuter le surplus des causes de condamnation de la décision du tribunal judiciaire d'Annecy ;

Quand la loi permet une consignation sans en indiquer le lieu, les juridictions ne peuvent autoriser de consignations auprès d'organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations, par application des article 2-14° de l'ordonnance du 3 juillet 1816 et L. 518-19 du code monétaire et financier. Ainsi la société APC DEVELOPPEMENT procèdera à la consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations. Les intérêts servis par la Caisse des dépôts et consignations seront payés à la partie au profit de laquelle les fonds seront déconsignés, il n'est pas nécessaire de prendre une disposition spécifique à cet égard.

La présente décision étant rendue dans le seul intérêt de la société APC DEVELOPPEMENT, ces derniers conserveront la charge des dépens, sans distraction au profit de la SELURL BOLLONJEON dès lors que la constitution d'avocat n'est pas obligatoire devant la première présidente;

En équité, il convient de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en matière de référé,

DECLARONS irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du Tribunal judiciaire d'Annecy en date du 9 juin 2022 et en tout état de cause la rejetons ;

AUTORISONS la SAS APC DEVELOPPEMENT à consigner la somme de 150 000 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

DISONS que la SARL NEPTUNE peut poursuivre l'exécution provisoire du surplus des causes de condamnation de la décision du tribunal judiciaire d'Annecy en date du 9 juin 2022 ou de la totalité des causes à défaut de consignation dans le délai prescrit ;

REJETONS les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSONS les dépens à la charge de la SAS APC DEVELOPPEMENT.

Ainsi prononcé publiquement, le 11 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00012
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;23.00012 ?
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