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03/05/2023 | FRANCE | N°23/00037

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 03 mai 2023, 23/00037


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 03 Mai 2023





RG n° 23/00037 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHGZ





Appelant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Madame [H], cheffe du bureau de la sécurité intérieure et en présence de Madame

[P] (représentante de l'ARS)



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 2]

non comparant



M. [S] [L]

[Adresse 6]

[Localité 1]

assisté de Me Pascale GAB...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 03 Mai 2023

RG n° 23/00037 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HHGZ

Appelant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Madame [H], cheffe du bureau de la sécurité intérieure et en présence de Madame [P] (représentante de l'ARS)

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 2]

non comparant

M. [S] [L]

[Adresse 6]

[Localité 1]

assisté de Me Pascale GABORIEAU, avocate au barreau de CHAMBERY

Mme [W] [U] (curatrice)

Préposée aux tutelles CHS

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparante (bien que régulièrement avisée)

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 3 mai 2023 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 3 mai 2023 après-midi,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Le 31 août 2015, la directrice du CHS de [Localité 2] avisait les services de police qu'un viol venait d'être commis, aux alentours de 00h15, au sein de l'établissement. [S] [L], âgé de 18 ans, était rentré vers 23h45, alcoolisé, après avoir été déclaré en fugue. Alerté par des gémissements provenant de sa chambre, le personnel le surprenait nu, le sexe à la main, derrière le dos de son compagnon de chambre, [N] [X], schizophrène de 69 ans, lequel révélait avoir subi, sous la menace, une relation anale non protégée.

Par arrêt du 14 décembre 2017, la chambre de l'instruction près la cour d'appel de Chambéry a dit que M.[S] [L] avait commis de tels faits de viol sur personne vulnérable, tout en le déclarant irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes lors de la commission de tels faits. Au visa de l'article 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sans consentement a été ordonnée.

Le 19 Décembre 2017, le préfet de la Savoie prenait un arrêté maintenant l'hospitalisation complète d'[S] [L] au CHS de la Savoie à [Localité 2].

Cette mesure, au regard des certificats médicaux mensuels et des avis du collège, indiquant qu'elle était toujours justifiée, a été maintenue, sans discontinuité, par les différents juges des libertés et de la détention ayant eu à la contrôler, la dernière ordonnance datant du 18 octobre 2022 (confirmée en appel par décision du 27 octobre 2022).

Par requête du 31 mars 2023, le Préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention de [Localité 4] afin qu'il soit statué sur la poursuite de l'hospitalisation complète de M.[S] [L] en joignant l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil, ainsi que l'avis du collège prévu par l'article L.3211-9 du code de la santé publique.

L'avis pour la saisine à 6 mois du Docteur [B] [A] du 31 mars 2023 mentionnait, ainsi: 'Il est hospitalisé de longue date après le prononcé d'une irresponsabilité pénale, en lien avec des faits graves. Il souffre depuis l'enfance d'une pathologie psychiatrique l'amenant à des troubles du comportement avec mise en danger mais aussi risque pour les autres (dont, par le passé, une agression sexuelle sur un patient vulnérable). Depuis plusieurs mois, il est plus stable, ce qui a permis une ouverture du cadre et un travail sur son projet de vie futur. Mais le cadre doit être régulièrement revu en fonction de son comportement. En effet, le cadre restrictif est la seule façon pour M. [L] de comprendre la mesure de ses actes et permet de faire diminuer rapidement la tension psychique et d'éviter l'escalade de troubles du comportement. Pour autant, malgré ces mouvements d'instabilité, le projet de M. [L] avance. Il a commencé à aller à la résidence [T] [R] deux demi-journées par mois et pourra peut-être y faire des petits séjours. L'objectif est de tester petit à petit ses capacités à être à l'extérieur de l'hôpital et voir si la résidence [T] [R] peut être un projet de vie cohérent pour lui. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) sont justifiés et doivent se poursuivre en hospitalisation complète.'

L'avis du collège, composé de deux psychiatres et d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge du patient, en date du 28 mars 2023, avait décidé que : 'L'état clinique de M. [L] lui permet de bénéficier d'un séjour d'essai à la résidence [T] [R], à [Localité 1] à compter du mardi 11 avril 2023, 14h00. Un projet d'admission dans cette structure est en cours et par ailleurs il s'y rend régulièrement pour participer à des activités, accompagné par une éducatrice de l'équipe ELAE.'

Selon le dernier certificat mensuel du 07 avril 2023 du Docteur [B] [A] : 'Il est hospitalisé de longue date après le prononcé d'une irresponsabilité pénale, en lien avec des faits graves. Il souffre depuis l'enfance d'une pathologie psychiatrique l'amenant à des troubles du comportement avec mise en danger mais aussi risque pour les autres (dont, par le passé, une agression sexuelle sur un patient vulnérable). Depuis plusieurs mois, il est plus stable, ce qui a permis une ouverture du cadre et un travail sur son projet de vie futur. Mais le cadre doit être régulièrement revu en fonction de son comportement. En effet, le cadre restrictif est la seule façon pour M. [L] de comprendre la mesure de ses actes et permet de faire diminuer rapidement la tension psychique et d'éviter l'escalade de troubles du comportement. Pour autant, malgré ces mouvements d'instabilité, le projet de M. [L] avance. En effet, il se rend régulièrement à la résidence [T] [R], et va l'intégrer pour un séjour temporaire de 3 nuits du 11 au 14 avril. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision d'irresponsabilité pénale (122.1) sont justifiés et doivent se poursuivre en hospitalisation complète.'

Par arrêté du 6 avril 2023, le préfet de la Savoie a décidé que les soins psychiatriques de M.[S] [L] seraient pris en charge à compter du 11 avril 2023 sous une autre forme qu'une hospitalisation complète, sur la base d'un programme de soins joint, revêtant les modalités suivantes : existence d'un traitement médicamenteux, soins dans une structure d'hébergement (résidence [T] [R] à [Localité 1] à compter du 11 avril 2023), consultation médicale mensuelle au CHS de la Savoie.

Par arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Savoie a décidé d'une réintégration de M.[S] [L] en hospitalisation complète auprès du CHS de la Savoie de [Localité 2] sur la base d'un certificat établi le même jour par le Docteur [D] [F], psychiatre de l'établissement d'accueil, faisant état de l'achèvement du séjour d'essai organisé auprès de la résidence [T] [R] à [Localité 1], 'qui s'est bien déroulé' .

Par requête du 17 avril 2023, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention de [Localité 4] afin qu'il soit statué sur la poursuite de l'hospitalisation complète de M.[S] [L] suite à sa réadmission du 14 avril 2023.

Par ordonnance du 19 avril 2023, le juge des libertés et de la détention de [Localité 4] a :

- constaté que la requête portant sur le contrôle à 6 mois de la mesure d'hospitalisation complète est devenue sans objet ;

- constaté que la juridiction est saisie du contrôle de la procédure de réadmission de M.[S] [L] ;

- ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de M.[S] [L] au sein du CHS de [Localité 2] ;

- dit que la mainlevée prendra effet dans un délai de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse être établi ;

- rappelé que le régime dérogatoire applicable au patient interdit toute mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète en dehors de l'hypothèse du recueil de l'avis de deux experts psychiatres sur la nécessité de maintenir une telle mesure.

Le préfet de la Savoie a interjeté appel à l'encontre de cette décision par mail envoyé le 21 avril 2023 à 16h41, au motif que le juge des libertés et de la détention devait recueillir deux expertises psychiatriques (article L.3211-12-1 III alinéa 3 du code de la santé publique), préalablement à la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Par réquisitions écrites du 27 avril 2023, le parquet général a conclu à la recevabilité de l'appel et à l'infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de [Localité 4] du 19 avril 2023, considérant que M.[S] [L] n'avait pas fait l'objet 'd'une réintégration en hospitalisation complète décidée suite à l'échec du séjour à la résidence [T] [R] et de ce fait d'un changement de régime, mais d'une sorte de permission de sortie temporaire'.

Le certificat de situation actualisé du 28 avril 2023 du docteur [B] [A] transmis en vue de l'audience indique : 'Il est hospitalisé de longue date après le prononcé d'une irresponsabilité pénale, en lien avec des faits graves. Il souffre depuis l'enfance d'une pathologie psychiatrique l'amenant à des troubles du comportement avec mise en danger mais aussi risque pour les autres (dont, par le passé, une agression sexuelle sur un patient vulnérable). Depuis plusieurs mois, il est plus stable, ce qui a permis une ouverture du cadre et un travail sur son projet de vie futur. Mais le cadre doit être régulièrement revu en fonction de son comportement. En effet, le cadre restrictif est la seule façon pour M. [L] de comprendre la mesure de ses actes et permet de faire diminuer rapidement la tension psychique et d'éviter l'escalade de troubles du comportement. Pour autant, malgré ces mouvements d'instabilité, le projet de M. [L] avance avec un projet vers un lieu de vie, la résidence [T] [R], où il a pu effectuer un premier séjour d'essai de 3 nuits qui s'est globalement bien passé, et un prochain prévu début mai. Le juge des libertés a ordonné la semaine dernière la mise en place d'un programme de soins et la fin de l'hospitalisation à temps complet. Or, une sortie définitive de l'hôpital sans domicile fixe remettrait en cause tout le projet en cours et déstabiliserait psychiquement M. [L] qui lui-même ne demande pas à sortir définitivement mais à avoir un cadre plus assoupli. En témoigne les anciennes fugues où il s'était retrouvé à la rue, complétement démuni et très mal psychiquement. Ainsi du fait des éléments sus-décrits et de l'évolution globalement favorable sur ces derniers mois, malgré des mouvements d'impatience et d'intolérance à la frustration, et du fait que M. [L] est en accord avec le projet de soins vers la résidence [T] [R], je solliciterai ces prochaines semaines, si le prochain séjour à la RDB se passe bien, une levée de la mesure de contrainte qui nécessitera deux expertises nécessaires dans le cadre de cette irresponsabilité pénale'.

Lors de l'audience du 3 mai 2023, M. [S] [L] a comparu, exposant le contenu du programme de soins mis en place suite à la décision du 19 avril 2023 de mainlevée de son hospitalisation complète rendue par le juge des libertés et de la détention de [Localité 4]. Il a indiqué que celui-ci lui convenait, même s'il aurait souhaité disposer de davantage de libertés, aspirant à retrouver une 'vie normale' en attendant d'intégrer à temps complet la résidence [T] [R].

Sa curatrice, Mme [U], n'a pas comparu, bien que régulièrement avisée.

Mme [H], représentant le préfet de la Savoie, a été entendue en sa demande et en ses observations, sollicitant une infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention du 19 avril 2023. Elle a souligné que M. [S] [L] relevait d'un statut juridique particulier imposant la tenue d'une double expertise psychiatrique avant toute décision de mainlevée de sa mesure d'hospitalisation sous contrainte. Elle a transmis, par ailleurs, les pièces suivantes, communiquées à l'audience de manière contradictoire :

- le programme de soins défini par le Docteur [B] [A] en date du 20 avril 2023, comportant l'existence d'un traitement médicamenteux et une hospitalisation séquentielle,

- l'avis du collège en date du 20 avril 2023,

- le certificat de proposition de transformation de l'hospitalisation complète en programme de soins ambulatoires et à temps partiel du 20 avril 2023,

- l'arrêté du préfet de la Savoie modifiant la forme de prise en charge d'une personne faisant déjà l'objet de soins psychiatriques sous une autre forme qu'une hospitalisation complète du 21 avril 2023.

L'avocate de M. [S] [L], Maître [G], a été entendue en ses observations. Elle a sollicité la confirmation de la décision attaquée, évoquant l'existence d'irrégularités de fond, tenant au fait, notamment, que la mesure d'hospitalisation complète de M. [L] n'était plus motivée. Elle a souligné que celui-ci avait beaucoup progressé au point qu'il n'existerait plus de risques de troubles à l'ordre public et qu'il était capable de respecter ses soins librement, sans contrainte.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 03 mai 2023 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclaration motivée transmise au greffe de la cour d'appel le 21 avril 2023 à 16h41, le préfet de la Savoie a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 19 avril 2023, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. L'appel du représentant de l'Etat est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou de son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

En raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Suivant les dispositions de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique :

'I.-L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission ;

2° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

3° Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L.3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles L.3211-12, L.3213-3, L.3213-8 ou L.3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois prévu au présent 3°.

Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné, avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° à 3° du présent I, une expertise soit en application du III du présent article, soit, à titre exceptionnel, en considération de l'avis mentionné au II, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.

II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, l'avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l'article L. 3211-9.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Lorsqu'il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa, la mesure d'hospitalisation complète prend fin.

Toutefois, lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.

IV.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué avant l'expiration du délai de douze jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de six mois prévu au 3° du même I, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète est acquise à l'issue de chacun de ces délais.

Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense'.

L'article L.3213-3 du code de la santé publique prévoit que :

'I.-Dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.

II.-Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l'article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5.

III.-Après réception des certificats ou avis médicaux mentionnés aux I et II du présent article et, le cas échéant, de l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 et de l'expertise psychiatrique mentionnée à l'article L. 3213-5-1, et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade.

IV.-Lorsque le représentant de l'Etat décide de ne pas suivre l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 recommandant la prise en charge d'une personne mentionnée au II de l'article L. 3211-12 sous une autre forme que l'hospitalisation complète, il ordonne une expertise dans les conditions prévues à l'article L. 3213-5-1.

Lorsque l'expertise confirme la recommandation de prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat décide d'une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1, conformément à la proposition mentionnée au premier alinéa du I du présent article.

Lorsque l'expertise préconise le maintien de l'hospitalisation complète et que le représentant de l'Etat maintient l'hospitalisation complète, il en informe le directeur de l'établissement d'accueil, qui saisit le juge des libertés et de la détention afin que ce dernier statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l'article L. 3211-12. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la décision du représentant de l'Etat intervient dans les délais mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L. 3211-12-1".

L'article L.3211-12 II du code de la santé publique précise : 'Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L.3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement'.

L'article L.3216-1 du code de la santé publique prévoit en son deuxième alinéa que les irrégularités affectant les décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre n'entraînent la mainlevée de la mesure concernée « que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ».

Les juges du fond sont souverains dans l'appréciation qu'ils font de l'existence ou de l'absence d'un grief causé à la personne.

En l'espèce, le juge des libertés et de la détention de [Localité 4] a motivé sa décision de mainlevée différée de l'hospitalisation complète de M. [S] [L] ainsi :

'En premier lieu, la juridiction ne peut que constater que la réintegration du patient en hospitalisation complète depuis le 14 avril 2023 n'est fondée que sur l'avis médical établi par le docteur [D] [F] le 14 avril 2023 alors même que l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du code de la santé publique s'imposait en l'espèce : en effet, au regard des faits pour lesquels le patient a été pris en charge sous la forme d'une mesure d'hospitalisation complète le 14 décembre 2017 (un acte de pénétration sexuelle), il est soumis à un régime dérogatoire faisant obligation au collège de soignants d'émettre un avis à l'occassion de toute transformation de la mesure de soins.

En second lieu, la juridiction ne peut que constater qu'elle ne dispose d'aucun avis motivé émis par le collège mentionné à l'article L.3211-9 du code de la santé publique à l'appui de la demande de contrôle de la procédure de réadmission. Si la procédure de contrôle à 6 mois comportait un avis médical établi le 31 mars 2023 par le docteur [B], il n'en demeure pas moins que ce seul avis était insuffisant à défaut d'être complété par un avis du collège de soignants et qu'en toutes hypothèses, cet avis ne portait pas sur la situation de réadmission du patient à l'issue de la transformation du programme de soins en hospitalisation complète.

En conséquence, au regard de cette double irrégularité, il convient d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète.

Pour autant, eu égard aux problèmes de santé du patient et au régime dérogatoire auquel il est soumis, il y a lieu de prévoir que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-2-1.

Enfin, il convient de rappeler que le régime dérogatoire auquel le patient' (est soumis) 'interdit toute mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète en dehors de l'hypothèse du recueil de l'avis de deux experts psychiatres sur la nécessité de maintenir une telle mesure.'

A la lecture des notes d'audience et des pièces figurant au dossier, il apparait que 'la double irrégularité', ayant, à elle-seule, motivé la décision de mainlevée différée de l'hospitalisation complète de M. [S] [L], a été soulevée d'office par le juge des libertés et de la détention de [Localité 4].

Or, les parties, notamment le préfet de la Savoie et la curatrice du patient, qui n'ont pas comparu et n'étaient pas représentés lors de l'audience en 1ère instance, n'ont pas été mises en mesure de formuler des observations sur les moyens d'irrégularité soulevés d'office par le juge des libertés et de la détention, de sorte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

Par ailleurs, il n'est pas fait mention, dans la décision attaquée, de l'existence d'un grief causé à la personne hospitalisée par les irrégularités soulevées, notamment l'absence de l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 du code de la santé publique dans le cadre de la saisine du juge des libertés et de la détention du 17 avril 2023 portant sur le contrôle de la procédure de réadmission en hospitalisation complète.

Il convient, dès lors, d'infirmer, l'ordonnance de mainlevée différée d'une hospitalisation complète rendue par le juge des libertés et de la détention de [Localité 4] le 19 avril 2023.

Pour autant, cette décision, à défaut d'appel suspensif du parquet, ayant eu pour effet, de facto, de mettre fin à l'hospitalisation complète sous contrainte de M. [S] [L], la cour se trouve dans l'impossibilité, à ce stade, d'en ordonner le maintien, ainsi que sollicité par le préfet de la Savoie, dès lors qu'une telle mesure de soins psychiatriques ne s'exerce plus.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la première présidente, statuant par ordonnance contradictoire le 3 mai 2023, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.le préfet de la Savoie,

Infirmons l'ordonnance de mainlevée différée d'une hospitalisation complète du juge des libertés et de la détention de [Localité 4] du 19 avril 2023,

Constatons, cependant, que ladite ordonnance, à défaut d'appel suspensif, a mis fin à la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [S] [L],

Disons, dans ces conditions, ne pouvoir ordonner la poursuite d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, qui ne s'exerce plus,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 03 mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00037
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;23.00037 ?
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