MR/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 02 Mai 2023
N° RG 21/00439 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUL4
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 14 Janvier 2021
Appelante
S.A.R.L. ALAIN ROUGIER CARRELAGES, dont le siège social est situé [Adresse 5]
Représentée par la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimés
M. [V] [T]
né le 03 Septembre 1972 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Mme [S] [Y] épouse [T]
née le 21 Août 1973 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Christophe TRABBIA, avocat postulant au barreau d'ANNECY
Représentés par la SCP LEPRETRE, avocats plaidants au barreau d'AMIENS
Compagnie d'assurance L'AUXILIAIRE, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATRINI ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau d'ANNECY
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Date de l'ordonnance de clôture : 09 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 février 2023
Date de mise à disposition : 02 mai 2023
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Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
M. [V] [T] et Mme [S] [Y] épouse [T] sont propriétaires d'un terrain à [Localité 6]. En 2012, ils y ont fait édifier une maison d'habitation modulaire avec piscine extérieure devant être livrée le 31 mars 2013 pour laquelle sont notamment intervenus :
- la société Home métal bois concept (SARL) en tant qu'entreprise générale de construction et terrassement liée par un contrat de construction de maison individuelle ;
- la compagnie European insurance services Ltd, assureur dommages-ouvrage ;
- la société Wood & parquet (SARL) sous traitante chargée du montage du bassin de la piscine extérieure dont le gérant était aussi celui de la société Home métal bois concept ;
- la société Alain Rougier carrelages (SARL) sous-traitante chargée de la pose du carrelage intérieur.
Les travaux n'ont pas été achevés en totalité par la société Home métal bois concept et n'ont pas donné lieu à réception formelle.
En raison de désordres et inachèvements multiples tant intérieurs qu'extérieurs, les époux [T], par ordonnance de référé du 24 février 2014, ont obtenu la désignation de M.'[G] en qualité d'expert judiciaire qui a déposé son rapport le 5 janvier 2016.
Par actes du 2 septembre 2016, M. [V] [T] et Mme [S] [Y] épouse [T] assignaient la société Home métal bois concept, la société Alain Rougier carrelages et la société Wood & parquet devant le tribunal judiciaire d'Annecy aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 7 mars 2017, la société Wood & parquet a été placée en redressement judiciaire. Par actes du 24 mars 2017, les époux [T] ont assigné Me [W] [K] en qualité de mandataire judiciaire représentant des créanciers et la société AJ Up (SELARL) en qualité d'administrateur judiciaire.
La société Wood & parquet a été placée ultérieurement en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 6 mars 2018.
Par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 14 novembre 2017, la société Home métal bois concept a été placée en redressement judiciaire. Par actes du 12 juin 2018, les époux [T] ont assigné la société Bouvet & Guyonnet (SELARL) en qualité de mandataire judiciaire représentant des créanciers et la société AJ Up en qualité d'administrateur judiciaire.
La société Home métal bois concept a été placée ultérieurement en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 15 janvier 2018.
Par actes des 10 et 14 mai 2019, la société Alain Rougier carrelages a appelé en cause :
- son propre assureur décennal la société d'assurances mutuelles l'Auxiliaire ;
- la compagnie Elite insurance company limited - Gibraltar - domiciliée en son établissement secondaire [Adresse 2] en qualité d'assureur décennal de la société Home métal bois concept.
La jonction de ces appels en cause tardifs a été ordonnée par le juge de la mise en état le 2 octobre 2019.
Par jugement rendu le 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy a :
- déclaré le jugement commun à la société Bouvet & Guyonnet ès qualités de mandataire judiciaire de la société Home métal bois concept et à Me [W] [K] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Wood & parquet ;
- fixé la créance de M. et Mme [T] au passif de la liquidation judiciaire de la société Wood & parquet à la somme de 36'769,09'euros outre intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle jusqu'au 7 mars 2017 à titre chirographaire, conjointement avec la société Home métal bois concept ;
- fixé la créance de M. et Mme [T] au passif de la liquidation iudiciaire de la société Home métal bois concept à la somme de 170'801,76'euros outre intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle jusqu'au 14 novembre 2017 à titre chirographaire dont 36'769,09'euros en principal conjointement avec la société Wood & parquet ;
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser à M. [V] [T] et Mme'[S] [Y] épouse [T] la somme de 35'002'euros outre intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle ;
- condamné in solidum la société Home métal bois concept, la société Alain Rougier carrelages et la société Wood & parquet à verser à M. et Mme [T] la somme de 8'000'euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser à la société d'assurance mutuelle à cotisations variables l'Auxiliaire la somme de 2 400'euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile ;
- condamné in solidum la société Home métal bois concept, la société Alain Rougier carrelages et la société Wood & parquet aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Christophe Trabbia et de la société Trequattrini & associés (Selarl) ;
- déclaré le présent jugement exécutoire par provision ;
- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.
Le tribunal a retenu que :
' la piscine est impropre à sa destination car le bassin n'est pas étanche et fuit, elle doit être complètement refaite pour un coût évalué par l'expert de 23'040'euros, ce désordre relève de la responsabilité contractuelle de plein droit de la société Home métal bois concept mais aussi de la responsabilité pour faute délictuelle de la société Wood & parquet, sa sous-traitante ayant réalisé cet ouvrage au mépris des règles élémentaires de l'art ;
' les autres désordres et absences d'ouvrages ou de finitions concernent exclusivement la société Home métal bois concept et ressortent du rapport d'expertise et n'ont pas été contestés ;
' en l'absence de réception des travaux, les assureurs décennaux Elite insurance et l'Auxiliaire n'ont pas vocation à garantir le désordre affectant le carrelage ;
' M.et Mme [T] sont fondés à retenir un manquement de la société Alain Rougier carrelages aux règles de l'art dans la pose du carrelage dont l'encollage a été négligé constitutif d'une faute délictuelle en relation de causalité avec le désordre qu'ils subissent.
Par déclaration au Greffe en date du 1er mars 2021, la société Alain Rougier carrelages interjetait appel de cette décision en ce qu'elle l'a condamné à verser la somme de 35'002'euros TTC aux époux [T] au titre de désordres et des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M.et Mme [T] et la société d'assurance l'Auxiliaire.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date de 31 mai 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Alain Rougier carrelages sollicitait l'infirmation du jugement déféré et demandait à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy le 14 janvier 2021 en ce qu'il a :
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser à M. et Mme [T] une somme de 35'002'euros, outre intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle ;
- condamné in solidum la société Home métal bois concept, la société Alain Rougier carrelages et la société Wood & parquet à verser à M. et Mme [T] la somme de 8 000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser à la société l'Auxiliaire une somme de 2 400'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum la société Home métal bois concept, la société Alain Rougier carrelages et la société Wood & parquet aux dépens ;
Par l'effet dévolutif de l'appel,
A titre principal,
- dire et juger que les époux [T] ne rapportent pas la preuve d'une faute imputable à la société Alain Rougier carrelages de nature à engager sa responsabilité délictuelle à leur égard ;
- dire et juger que le chiffrage retenu par l'expert judiciaire au titre de la réfection du carrelage des époux [T] est insuffisamment détaillé et ne peut être imputé en totalité à la société Alain Rougier carrelages ;
- débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'endroit de la société Alain Rougier carrelages ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les travaux réalisés par la société Home métal bois concept ont été tacitement réceptionnés le 23 décembre 2012 par les époux [T] ;
- à tout le moins, prononcer judiciairement la réception de ces travaux à la date du 23 décembre 2012 ;
- dire et juger que les dommages affectant le carrelage sont de nature à engager la responsabilité décennale de la société Home métal bois concept ;
- constater que la société Alain Rougier carrelages a souscrit auprès de la société l'Auxiliaire un contrat d'assurance couvrant sa responsabilité pour les travaux qu'elle a réalisés en sous-traitance en cas de dommages de nature décennale ;
- condamner en conséquence la société l'Auxiliaire à relever et garantir la société Alain Rougier carrelages de toute condamnation prononcée à son encontre ;
En toute hypothèse,
- dire et juger que la société Alain Rougier carrelages ne peut être tenue à aucune condamnation solidaire ou in solidum avec les sociétés Home métal bois concept et Wood & parquet';
- condamner M. et Mme [T], in solidum le cas échéant avec la société l'Auxiliaire, à payer à la société Alain Rougier carrelages la somme de 10'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. et Mme [T], in solidum le cas échéant avec la société l'Auxiliaire, aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Elodie Perdrix, avocat au barreau de Chambéry, sur son affirmation de droit.
Par dernières écritures en date du 30 août 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [V] [T] et Mme [S] [Y] épouse [T] sollicitaient de la cour de':
- débouter la société Alain Rougier carrelages de tous ses fins, moyens et prétentions, purement et simplement ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Annecy du 14 janvier 2021 dans ses dispositions entreprises, en ce qu'il a :
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser aux époux [T] la somme de 35'002'euros, en principal et intérêts légaux à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle ;
- condamné la société Alain Rougier carrelages, in solidum avec la société Home métal bois concept et la société Wood & parquet à payer aux époux [T] la somme de 8 000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Alain Rougier carrelages, in solidum avec la société Home métal bois concept et la société Wood & parquet aux dépens de première instance ;
- dire et juger, en tant que de besoin, que les frais et dépens de première instance comprendront également :
- les frais d'expertise judiciaire de M. [Z] [G] taxés à la somme de 8 318,37'euros'TTC';
- les frais d'investigation du cabinet Ginger CEBTP s'élevant à 4 158'euros TTC ;
- les frais de la SMAC s'élevant à 900'euros TTC ;
- condamner la société Alain Rougier carrelages à payer aux époux [T] une somme de 4 000'euros au titre de leurs frais irrépétibles devant la cour, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Alain Rougier carrelages aux dépens d'appel et en prononcer la distraction au profit de Me Christophe Trabbia, avocat aux offres de droit, conformément aux articles 696 et 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures en date du 19 août 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la compagnie d'assurance l'Auxiliaire sollicitait de la cour de':
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy en date du 14 janvier 2021 en ce qu'il a :
- débouté la société Alain Rougier carrelages de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la mutuelle l'Auxiliaire ;
- condamné la société Alain Rougier carrelages à verser à la mutuelle l'Auxiliaire la somme de 2 400 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
- débouter la société Alain Rougier carrelages ou toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de la mutuelle l'Auxiliaire ;
- condamner la société Alain Rougier carrelages, ou qui mieux que devra, à payer à la mutuelle l'Auxiliaire la somme de 3 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la même ou qui mieux que devra aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Cochet-Barbuat en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Une ordonnance en date du 9 janvier 2023 clôture l'instruction de la procédure.
MOTIFS ET DECISION
L'arrêt est définitif en ce qui concerne les condamnations prononcées au bénéfice des époux [T] à l'encontre des sociétés Home Métal Bois concept et Wood & parquet, ces deux parties n'ayant pas été intimées.
L'appelante sollicite qu'il soit retenu qu'une réception tacite a eu lieu, et à défaut, de voir prononcer la réception judiciaire à la date du 23 décembre 2012. Elle conteste également sa responsabilité ainsi que le montant des réparations mises à sa charge.
I- Sur la réception de l'ouvrage
L'article 1792-6 du code civil dispose 'La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.'
En premier lieu, ainsi que l'a retenu le tribunal judiciaire d'Annecy, aucune réception expresse n'a eu lieu entre les parties à l'acte de construction.
En second lieu, la société appelante soutient qu'une réception tacite est intervenue le 23 décembre 2012, lorsque les époux [T] ont pris possession des lieux, et dans la mesure où ils avaient réglé 95% du prix convenu avec la société HMBC à cette date.
Toutefois, les travaux n'étaient pas terminés à la date du 23 décembre 2012 (terrasse, piscine), et il résulte également des nombreux courriels adressés à la société HMBC au mois de juillet 2013 que les maîtres d'ouvrages considéraient que la maison d'habitation était affectée de malfaçons, une liste de désordres ayant notamment été jointe à un courrier avec accusé de réception du 19 juillet 2013, les anomalies ayant été signalées pour la première fois par sms en janvier 2013, sans que la copie du sms soit fournie, mais sans qu'il soit démontré l'existence d'une contestation de la part de la société HMBC.
Il ne peut être considéré dans ces conditions qu'une réception tacite de l'ouvrage est intervenue à la date du 23 décembre 2012, aucune volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, avec ou sans réserve n'ayant été manifestée par les époux [T].
En troisième lieu, si la réception judiciaire peut être prononcée dès lors que l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire en état d'être habité, la demande peut être faite seulement par une des parties ayant qualité pour la solliciter, soit le maître d'ouvrage ou le locateur d'ouvrage, à l'exclusion du sous-traitant ou de l'assureur décennal qui n'ont pas de lien contractuel avec les époux [T] (3ème civ. 23 avril 1997, pourvoi n°95-18.387, 3ème civ. 20 octobre 2009, pourvoi n°08-15-381).
La demande de réception judiciaire doit donc être rejetée, la société Alain Rougier Carrelage n'ayant pas qualité pour la solliciter.
II- Sur la garantie de l'assureur
Selon l'attestation de responsabilité décennale obligatoire de la société l'Auxiliaire, la société Alain Rougier Carrelages était assurée pour sa responsabilité de sous-traitant en cas de dommages de nature décennale.
Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, la réception n'a été prononcée ni de façon expresse, ni de façon tacite, et le sous-traitant n'a pas qualité pour solliciter une réception judiciaire. En outre, même si une réception avait été prononcée, les désordres ne seraient pas couverts par l'assureur, dans la mesure où ils ont fait l'objet de réserves des maîtres de l'ouvrage dès leur entrée dans les lieux.
III- Sur la responsabilité de la société Alain Rougier Carrelage
Les moyens soutenus par la société Alain Rougier Carrelage ne font que réitérer, sans pièce justificative complémentaire, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation. Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu, après examen du rapport d'expertise judiciaire de M. [G], que la mauvaise adhérence entre la chape et la couche de colle du fait d'une application très parcimonieuse, voire inexistante de colle était à l'origine du dégarnissage des joints de fractionnement entre les modules et du fait que la quasi-totalité des carrelages du rez-de-chaussée sonnait creux. L'expert a, en outre, constaté que les désordres affectaient la totalité du carrelage ('résonnance creuse aux bruits d'impact sur la quasi-totalité des carreaux de sol au rez-de-chaussée, irrégularité de finition des joints de carrelage, certains en creux, certains en affleurement, défaut de finition de lissage des joints entre carreaux'), et pas seulement les joints dits de fractionnement entre modules préfabriqués de la maison qui relevaient de la société HMBC à défaut de preuve contraire.
En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les manquements de la société Alain Rougier Carrelage aux règles de l'art dans la pose du carrelage sont constitutifs d'une faute délictuelle en relation de causalité avec le dommage qu'ils subissent.
IV- Sur le montant de la réparation du dommage
L'expert a évalué le montant de la réparation des dommages à la somme de 31 820,00 euros HT, incluant les frais de pose-dépose du mobilier de cuisine et sanitaire (5 500 euros HT) et la réfection du carrelage sur 112 m² (26 320 euros HT).
Le montant de 31 820 euros HT paraît très important, au regard de la facture établie par la société appelante, de 2 000 euros, et du standing de la maison, qui est une construction modulaire. Force est toutefois de constater que ni les maîtres d'ouvrage intimés, ni l'appelant ne fournissent de devis de professionnel. Il y a donc lieu de se fonder sur les éléments du dossier pour calculer le coût de la réfection du carrelage des époux [T].
Ainsi, le coût prévisionnel retenu par M. [G] apparaît excessif dans la mesure :
- où la facture de la société Rougier Carrelages du 29 novembre 2012 démontre que 60 m² de carrelages sol ont été posés seulement, et non 112 m² qui sont notés dans l'expertise,
- où le mobilier de cuisine était posé sur des socles aisément déposables et remontables sans que tous les meubles bas aient à être enlevés, ce qui ressort du devis et facture des éléments de cuisine versés aux débats (pour environ 4 000 euros),
- le prix de 235 euros le m² n'est pas explicité par l'expert. Or, ce coût est manifestement exhorbitant et hors de proportion avec le bien, qui n'est pas une construction architecturale destinée à recevoir des prestations haut de gamme.
Toutefois, si la prestation initiale du carreleur ne comportait pas la fourniture du revêtement de sol, mais seulement la pose (à 20 euros le m²), ce sont bien les carences dans celle-ci qui ont rendu nécessaire la dépose de l'ancien carrelage et repose d'un nouveau, étant précisé que rien ne permet d'affirmer que les anciens carreaux soient récupérables et réutilisables.
Il convient donc d'estimer les frais de réfection de 60 m² de carrelage, à la charge de l'appelante à hauteur de :
- 1000 euros de frais de dépose-repose des socles de cuisine et du mobilier de salle de bains,
- à 100 euros le m² le coût de la pose et fourniture du nouveau carrelage (20 à 70 euros par m² pour un carrelage 60X60), outre 30 euros le m² de frais de pose, soit 6 000 euros.
- outre 1 000 euros de frais de dépose de l'ancien revêtement de sol sonnant creux et dont les joints se délitent.
Soit un total de 8 000 euros TTC que la société Rougier Carrelages sera condamnée à payer aux époux [T].
V- Sur les demandes accessoires
L'équité commande de limiter la condamnation de la société Alain Rougier Carrelage à payer aux époux [T] la somme de 2 000 euros en première instance et de rejeter la demande en cause d'appel.
Enfin, l'appelante a interjeté appel sur les dispositions portant sur l'article 700 du code de procédure civile prononcées à son encontre au bénéfice de la société d'assurance l'Auxiliaire. Aucun moyen et aucun argument n'est soumis à la cour d'appel de ce chef, il paraît toutefois équitable de limiter cette condamnation à 1 500 euros en cause de première instance et la rejeter en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel,
Condamne la société Alain Rougier Carrelages à payer à M.[V] [T] et Mme [S] [Y] épouse [T] la somme de 8 000 euros TTC au titre de leurs préjudices, outre intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2016 avec capitalisation annuelle,
Condamne la société Alain Rougier Carrelages à payer à M.et Mme [T] in solidum avec les les sociétés Home Métal Bois Concept et Wood & Parquet la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance,
Condamne la société Alain Rougier Carrelages à payer à la société d'assurance l'Auxiliaire la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance,
Rejette les demandes des parties de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Alain Rougier Carrelages aux dépens en cause d'appel, avec distraction du profit de la Selarl Lexavoué Grenoble- Chambéry, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 02 mai 2023
à
la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE
Me Christophe TRABBIA
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Copie exécutoire délivrée le 02 mai 2023
à
Me Christophe TRABBIA
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY