COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 27 Avril 2023
N° RG 21/00969 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GWGV
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 04 Décembre 2020, RG 17/01016
Appelant
M. [H] [N], demeurant [Adresse 1]
Représenté par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Intimé
M. [D] [Y]
né le 26 Mars 1987 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 2]
Représenté par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 25 mai 2017, Monsieur [H] [N] a vendu à Monsieur [D] [Y], au prix de 12 500 euros, un véhicule Bmw série 3 immatriculé [Immatriculation 3] affichant 169 505 kilomètres.
Un désaccord concernant le kilométrage réel du véhicule est survenu entre le vendeur et l'acheteur.
Par courrier recommandé du 8 juin 2017, l'acheteur a mis en demeure le vendeur de lui rembourser la somme de 12 500 euros contre la restitution du véhicule.
Faute d'accord amiable, Monsieur [Y] a obtenu du juge des référés d'Albertville, selon ordonnance du 18 octobre 2019, le bénéfice d'une expertise judiciaire. Monsieur [O] [E], désigné à cet effet, a déposé son rapport le 14 mai 2019.
Postérieurement, par acte du 7 septembre 2017, Monsieur [Y] a fait assigner Monsieur [N] aux fins d'annulation ou de résolution de la vente du véhicule.
Par jugement contradictoire du 4 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Albertville a :
- débouté Monsieur [Y] de sa demande tendant à écarter des débats les pièces et dires transmis à l'expert judiciaire par Monsieur [N],
- débouté Monsieur [Y] de sa demande de résolution du contrat de vente sur le fondement des vices cachés,
- débouté Monsieur [Y] de sa demande d'annulation du contrat de vente pour dol,
- prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule Bmw série 3 immatriculé [Immatriculation 3] conclu le 25 mai 2017 au titre du défaut de délivrance conforme,
- condamné Monsieur [N] à payer à Monsieur [Y] la somme de 12 500 euros, en restitution du prix de vente,
- condamné Monsieur [N] à reprendre le véhicule au domicile de Monsieur [Y],
- condamné Monsieur [N] à payer à Monsieur [Y] la somme de 10,10 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté Monsieur [Y] de ses autres demandes,
- condamné Monsieur [N] à payer à Monsieur [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [N] au paiement des dépens,
- autorisé la Scp Padzunass-Salvisberg à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par acte du 5 mai 2021, Monsieur [N] a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [N] demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- prononcé la résolution du contrat de vente litigieux au titre du défaut de délivrance conforme,
- condamné Monsieur [N] à reprendre le véhicule au domicile de Monsieur [Y],
- condamné Monsieur [N] à payer à Monsieur [Y]:
la somme de 12 500 euros, en restitution du prix de vente,
la somme de 10,10 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné Monsieur [N] aux dépens de l'instance,
- autorisé la Scp Padzunass-Salvisberg à recouvrer les dépens dont elle a fait l'avance,
- ordonné l'exécution provisoire,
Et, statuant de nouveau,
- dire que le véhicule ne souffre d'aucun défaut de conformité,
- débouter Monsieur [Y] de sa demande tendant à la résolution du contrat de vente sur le fondement du défaut de conformité,
A titre subsidiaire, si la cour estimait qu'il existe un défaut de conformité affectant le véhicule,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à verser à Monsieur [Y] la somme de 12 500 euros en restitution du prix de vente,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a :
- condamné à verser la somme de 10,10 euros à titre de dommages et intérêts,
- et en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de l'ensemble du surplus de ses demandes indemnitaires,
Et, statuant de nouveau,
- constater l'absence d'intention dolosive de sa part,
- dire qu'il ne peut en conséquence être tenu qu'au paiement de dommages et intérêts,
- juger que Monsieur [Y] ne subit aucune perte de valeur en raison du défaut de conformité affectant le véhicule,
- débouter purement et simplement Monsieur [Y] de sa demande de restitution du prix de vente,
- dire et juger que les intérêts au taux légal assortissant le paiement de la somme de 10,10 euros à titre de dommages et intérêts courant à compter de l'arrêt à intervenir et non pas du jugement de première instance,
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [Y] à lui verser la somme de 4 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [Y] aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.
En réplique, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [Y] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré
Y ajoutant,
- condamner Monsieur [N] à lui payer les sommes de :
- 500 euros au titre des frais engagés (émission chèque de banque, trajet pour aller chercher le véhicule, assurance, contrôle technique et expertise),
- 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 1 500 euros au titre du préjudice moral,
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de sa résistance abusive,
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- condamner Monsieur [N] aux dépens de première instance et d'appel,
Subsidiairement, si le jugement déféré était réformé par la cour, il est demandé à la cour,
- écarter les dires et pièces produites par le défendeur dans le cadre de l'expertise judiciaire,
- dire et juger que le véhicule présente un vice caché lors de la vente, qui rend le véhicule impropre à sa destination,
- dire et juger que Monsieur [N] s'est rendu coupable de manoeuvres dolosives qui ont vicié son consentement, et sans lesquels, il n'aurait pas contracté,
Et, en conséquence,
- prononcer la nullité ou la résolution de la vente du véhicule Bmw série 3 immatriculé [Immatriculation 3], n° de série wbavd71040ft65521,
- ordonner de remettre chacune des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion dudit contrat,
- condamner Monsieur [N] à lui payer, au titre du remboursement des frais engagés du fait de cette vente nulle, outre les intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 8 juin 2017, les sommes de :
- 500 euros au titre des frais engagés,
- 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 1 500 euros au titre du préjudice moral,
- ordonner à Monsieur [N] de venir chercher le véhicule à ses frais en tout lieu où il se trouvera au jour de l'arrêt,
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de sa résistance abusive,
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- condamner Monsieur [H] [N] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des articles 1604 et suivants du code civil que le vendeur est tenu de délivrer la chose telle qu'elle est portée au contrat. L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage.
Il n'est en l'espèce pas discuté que Monsieur [N] et Monsieur [Y] ont convenu, le 25 mai 2017, de la vente d'un véhicule Bmw d'occasion présentant 169 505 km au compteur.
Faute d'élément contraire probant, il ne peut être raisonnablement soutenu que le candidat acquéreur pouvait s'attendre à un kilométrage réel distinct de celui affiché au compteur, et ce d'autant plus que ce kilométrage était mentionné dans le procès-verbal de contrôle technique, précédant la vente d'une journée (24 mai 2017), puis reproduit dans le certificat de cession du 25 mai 2017.
Il est démontré au moyen d'une expertise privée, corroborée par une expertise judiciaire ultérieure, que la différence de kilométrage est d'une ampleur importante (74 000 kilomètres selon l'expert judiciaire) ce qui, quand bien même le véhicule acquis se trouvait en bon état général au jour de la vente, modifie de façon incontestable la qualité du bien offert à la vente compte tenu du caractère déterminant que revêt, pour un véhicule d'occasion, la distance totale parcourue dans l'appréciation de son prix et dans l'évaluation de sa fiabilité, tant en ce qui concerne sa longévité potentielle que l'absence d'entretien à bonne date en lien avec l'erreur d'affichage précitée.
Il en résulte ainsi un défaut de conformité manifeste quant aux caractéristiques essentielles de l'automobile cédée justifiant, sans qu'il soit besoin de démontrer l'existence d'un dol, le prononcé la résolution de la vente au visa de l'article 1604 du code civil précité, étant par ailleurs précisé que le vendeur ne saurait imposer à l'acquéreur le mode de réparation de son préjudice, le juge du fond disposant en outre d'un pouvoir d'appréciation souverain en pareille matière.
Au titre des frais indûment engagés du fait de la résolution de la vente, Monsieur [Y] justifie du coût d'émission du chèque de banque nécessaire à l'acquisition du véhicule en 2017 (10,10 euros) ainsi que du coût du contrôle technique du 2 juin 2019 (50 euros). Aucun autre préjudice n'étant objectivé, son indemnisation sera donc limitée à la somme de 60,10 euros.
Le préjudice de jouissance allégué n'est aucunement étayé compte tenu de l'usage que l'acquéreur a pu faire du bien depuis la date de son achat, aucun dysfonctionnement en lien avec le défaut de conformité retenu par la cour n'étant étayé par [C] [Y]. De même, aucun préjudice moral n'est démontré par Monsieur [Y] qui a pu user du véhicule malgré l'erreur de kilométrage affiché.
Enfin, quoique l'essentiel de ses prétentions aient été rejetées en première instance puis en appel, la défense de Monsieur [N], lequel conteste être à l'origine de la manipulation effectuée sur le compteur de l'automobile, ne saurait caractériser un abus susceptible de générer un dommage excédant celui des intérêts moratoires. Aussi, Monsieur [Y] doit être débouté de sa demande indemnitaire pour résistance abusive.
Monsieur [N], qui succombe en principal, est condamné aux dépens d'appel.
Il est en outre condamné à verser la somme de 3 000 euros à Monsieur [Y] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme la décision déférée, sauf en ce qu'elle a condamné Monsieur [H] [N] à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 10,10 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, et débouté en conséquence Monsieur [D] [Y] de sa demande indemnitaire au titre du contrôle technique du 2 juin 2019,
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [H] [N] à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 60,10 euros à titre de dommages et intérêts relatifs aux frais indûment engagés du fait de la résolution de la vente,
Dit que cette somme portera intérêts à compter du présent arrêt,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [H] [N] aux dépens d'appel
Condamne Monsieur [H] [N] à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 27 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente