La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2023 | FRANCE | N°22/00067

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 25 avril 2023, 22/00067


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







Première Présidence

Indemnisation des détentions provisoires



Ordonnance du Mardi 25 Avril 2023





Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la Cour d'Appel de CHAMBERY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante, après audience publique tenue le vingt et un mars deux mille vingt trois :



N° RG 22/00067 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G62U





REQUÉRANT



M. [G] [J]

né le [Date naissance 3] 199

6 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me Sarah-Emmanuelle POZZALLO, avocat au barreau de CHAMBERY





EN PRÉSENCE DE :



Monsieur l'Agent Judiciai...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Première Présidence

Indemnisation des détentions provisoires

Ordonnance du Mardi 25 Avril 2023

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la Cour d'Appel de CHAMBERY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante, après audience publique tenue le vingt et un mars deux mille vingt trois :

N° RG 22/00067 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G62U

REQUÉRANT

M. [G] [J]

né le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Sarah-Emmanuelle POZZALLO, avocat au barreau de CHAMBERY

EN PRÉSENCE DE :

Monsieur l'Agent Judiciaire de l'Etat, représentant l'Etat Français, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, [Adresse 4]

représenté par Maître Antoine GIRARD-MADOUX, avocate au barreau de Chambéry

Le Ministère Public, pris en la personne de Madame la procureure générale près la cour d'appel de Chambéry, représenté par Monsieur Pierre BECQUET, avocat général domicilié en cette qualité au parquet général de la cour d'appel de Chambéry - Palais de Justice - 73018 Chambéry cedex

DÉBATS :

Madame la première présidente a donné lecture des éléments du dossier,

Maître Sarah-Emmanuelle POZZALLO, avocate de M. [G] [J], a été entendue en ses observations,

Maître Antoine GIRARD-MADOUX avocat de l'agent judiciaire de l'Etat, a été entendu en ses observations,

Monsieur Pierre BECQUET, avocat général, a été entendu en ses conclusions,

Maître Sarah-Emmanuelle POZZALLO, avocate de M. [G] [J], ayant eu la parole en dernier,

Madame la première présidente a déclaré que la décision serait rendue le 25 Avril 2023.

'''''

Monsieur [G] [J], mis en examen du chef de complicité de tentative de meurtre commis le 17 mars 2019, a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention le 28 mars 2019. Il a été libéré le 20 janvier 2020 par une ordonnance de mise en liberté du juge d'instruction et a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Chambéry le 13 décembre 2021. Cette décision n'a pas été frappée d'appel.

Par requête déposée à la cour d'appel de Chambéry le 13 avril 2022, Monsieur [G] [J] né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 5], de nationalité française, a sollicité la réparation du préjudice subi du fait de cette détention de 9 mois et 23 jours (du 28 mars 2019 au 20 janvier 2020) et a réclamé les sommes de 15 000 euros au titre du préjudice moral, 5000 euros au titre d'une perte de chance professionnelle, outre la somme de 2400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le dossier a été retenu à l'audience du 21 mars 2023.

Monsieur [G] [J] maintient ses demandes et fait valoir qu'au moment de son incarcération il venait de trouver un emploi auprès de [6] et devait commencer son activité professionnelle la semaine suivante. Il avait donc la chance d'intégrer une équipe après de multiples difficultés pour retrouver un emploi. Il indique avoir clairement indiqué qu'il venait de trouver cet emploi au juge des libertés et de la détention dans le cadre du procès-verbal de débat contradictoire du 28 mars 2019.

Il ajoute concernant le préjudice moral que la privation de liberté a été particulièrement difficile pour lui alors qu'il n'a eu de cesse de clamer son innocence, qu'il a formulé plusieurs demandes de mise en liberté toutes rejetées, alors que la preuve de son innocence était au dossier dès son interrogatoire de première comparution.

L'agent judiciaire de l'Etat, aux termes de ses conclusions développées à l'audience, conclut à la recevabilité de la requête mais souhaite que l'indemnité au titre du préjudice moral soit ramenée à de plus justes proportions et que la demande au titre de la perte de chance soit rejetée. Il sollicite également la réduction de la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle qu'aux termes des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, le requérant ne peut réclamer que l'indemnisation du préjudice qu'il a personnellement subi en relation de causalité directe et certaine avec la détention provisoire, ce qui pour un préjudice matériel s'entend d'une perte de revenus pendant l'incarcération. Or Monsieur [G] [J] ne produit aucune pièce de nature à justifier qu'il devait bénéficier d'un contrat de travail la semaine suivant son placement en détention provisoire. Il ne produit aucune promesse d'embauche ou contrat de travail justifiant de ses affirmations.

Il fait valoir concernant le préjudice moral que l'argument relatif au fait qu'il n'a jamais cessé de clamer son innocence ne peut être qu'écarté puisque la commission nationale de réparation des détentions juge de façon constante que les protestations d'innocence du requérant au cours de l'instruction ou durant l'incarcération, le sentiment éprouvé par le demandeur de n'avoir pu se faire entendre par les juges, les nombreuses demandes de liberté, sont sans portée sur le montant de la réparation. Il rappelle en outre que seul le préjudice moral en relation de causalité avec la détention peut être indemnisé.

Le procureur général conclut à un rejet de l'indemnité au titre de la perte de chance de trouver un emploi. Il constate qu'aucun justificatif n'est versé au dossier confirmant les déclarations du requérant sur le fait qu'il allait commencer un emploi chez [6] la semaine suivant son incarcération. Le requérant évoque en effet lors du premier débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention qu'il va commencer ce nouvel emploi, mais il ne produit à aucun moment de documents justifiant ses allégations.

Il conclut à l'existence d'un préjudice moral du fait de l'incarcération pendant 9 mois et 23 jours mais constate que monsieur [G] [J] avait déjà été condamné à 5 reprises et incarcéré, qu'aucun élément n'est produit concernant son état de santé psychique et/ou psychologique durant la période de détention provisoire. Il estime que l'indemnité qui correspond à une juste indemnisation doit être fixée à la somme de 4000 euros.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, il s'en rapporte à la jurisprudence habituelle de la cour en fonction de la facture d'honoraires produite.

Le conseil de Monsieur [G] [J] a eu la parole en dernier.

SUR CE,

En application des articles 149 à 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une période terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice matériel et moral causé directement par la privation de liberté.

Sur la recevabilité de la demande :

Monsieur [G] [J] a saisi le premier président de la cour d'appel de Chambéry par requête déposée le 13 avril 2022 après qu'une ordonnance de non-lieu ait été rendue par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Chambéry le 13 décembre 2021. Cette décision a acquis un caractère définitif comme l'atteste le certificat de non-appel du 24 janvier 2022.

La requête est donc présentée dans les formes et délais légaux et sera déclarée recevable.

Sur la période de détention indemnisable :

Il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale qu'aucune réparation n'est due lorsque la personne était dans le même temps détenue pour autre cause.

En l'espèce, Monsieur [G] [J] a été placé en détention provisoire le 28 mars 2019 et a été libéré le 20 janvier 2020 avant de bénéficier d'une ordonnance de non-lieu le 13 décembre 2021.

La période d'indemnisation s'étend donc du 28 mars 2019 au 20 janvier 2020 soit 9 mois et 23 jours.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel :

Au moment de l'incarcération, Monsieur [G] [J] n'avait aucun emploi et il ne produit aucun document permettant de justifier qu'il allait commencer une activité professionnelle la semaine suivant son incarcération comme allégué. Il ne s'agit que d'éléments déclaratifs non étayés.

Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande formée à ce titre.

Sur l'indemnisation du préjudice moral :

Monsieur [G] [J] est en droit d'obtenir l'indemnisation du préjudice moral résultant de sa détention pendant 9 mois et 23 jours ;

Si le casier judiciaire de monsieur [G] [J] mentionne trois condamnations prononcées avant le 28 mars 2019, en revanche, il n'avait jamais été incarcéré avant cette date ; en effet, la révocation du sursis avec mise à l'épreuve prononcé le 27 juin 2018 par le président du tribunal de grande instance de Chambéry a été ordonné suivant jugement rendu le 15 novembre 2019 par le tribunal correctionnel de Chambéry, soit postérieurement à son placement en détention ;

En conséquence, le choc carcéral n'a pu être diminué s'agissant d'une première incarcération ;

Aucun justificatif n'est produit justifiant d'un état psychologique particulièrement dégradé du fait de cette incarcération.

Ces éléments conduisent à allouer à Monsieur [G] [J] la somme de 12 000 euros.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge la totalité des frais qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits et il lui sera alloué à ce titre la somme de 2000 euros, mise à la charge du Trésor public, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire rendue en premier ressort

Déclarons recevable la requête de Monsieur [G] [J] ;

Accordons à Monsieur [G] [J] une indemnité à la charge du Trésor Public d'un montant de 12 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Lui allouons une somme de 2000 euros à la charge du Trésor Public sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi prononcé le vingt cinq Avril deux mille vingt trois par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente , qui a signé la présente ordonnance avec Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00067
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;22.00067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award