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19/04/2023 | FRANCE | N°23/00032

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 19 avril 2023, 23/00032


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 19 Avril 2023





RG n° 23/00032 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HG7L





Appelante

Mme [W] [P]

née le 19 Mars 1998 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

hospitalisée au CHS de la Savoie

assistée de Me Jordan GOURMAND, avocat dés

igné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant



M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[A...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 19 Avril 2023

RG n° 23/00032 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HG7L

Appelante

Mme [W] [P]

née le 19 Mars 1998 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

hospitalisée au CHS de la Savoie

assistée de Me Jordan GOURMAND, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du Mercredi 19 avril 2023 à 10h devant Madame Elsa LAVERGNE, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 19 avril 2023 dans l'après-midi,

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS :

Par arrêté du Préfet de la Savoie en date du 31 mars 2023, Mme [W] [P] née le 19 mars 1998 à [Localité 6], a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier de la Savoie, à [Localité 3], dans la suite de mesures provisoires ordonnées par le maire de la commune de [Localité 2], par arrêté municipal du 30 mars 2023, en application des articles L.3213-1 et L.3213-2 du code de la santé publique.

Ces mesures provisoires étaient fondées sur un premier certificat médical du Docteur [X] [E], en date du 30 mars 2023, faisant état notamment de troubles délirants, éléments persécutoires et 'extravagance idéique et comportementale', sur fond d'arrêt de suivi au centre médico-psychologique malgré des troubles de type psychose paranoïaque.

Le certificat médical établi à 24 heures de l'admission par le Docteur [B] [G] praticien hospitalier auprès du CHS de [Localité 3], a confirmé l'état de Mme [P], présentant une nouvelle décompensation psychique, dans un contexte d'arrêt de traitement depuis août 2022, et l'attitude opposante de celle ci aux soins.

Le certificat médical établi à 72 heures par le Docteur [M] [L] a relevé la nécessité de la poursuite des soins en hospitalisation complète, compte tenu des troubles persistants de Mme [P], exprimant notamment des idées délirantes de persécution et ' restant peu accessible quant à la critique des troubles'.

Par arrété du 04 avril 2023, le préfet de la Savoie a décidé de la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète,

Le même jour, il a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry aux fins d'autorisation de la poursuite de l'hospitalisation au delà de 12 jours, requête accompagnée d'un nouveau certificat médical, établi le 04 avril 2023 par le Docteur [T] [O] décrivant Mme [P] comme une patiente ' au contact altéré' ' de personnalité rigide, sure de ses droits, adhérant à un délire persécutoire à mécanimse interprétatif contre elle et son fils' et restant dans le déni total de ses troubles.

Par ordonnance du 06 avril 2023, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Chambéry, conformément à l'avis du Procureur de la République, a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète au delà du 12éme jour.

Mme [P] a interjeté appel de cette décision, par courrier du 12 avril 2023, alléguant être maintenue de force à l'hopital malgré la prise en charge seule de son fils de 3 ans et demi, à l'extérieur, critiquant les conditions de son interpellation par les forces de l'ordre avant l'hospitalisation et les conséquences sur son fils, ayant fait l'objet d'une mesure de placement temporaire.

Par réquisitions écrites du 12 avril 2023, le Parquet Général a conclu à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry.

Le dernier certificat médical circonstancié, en date du 17 avril 2023, établi par le Docteur [B] [G] décrit notamment : « ce jour la patiente est revendicative, tendue, l'alliance thérapeutique est impossible, elle n'arrive pas se contenir. Elle est persécutée par la police, certains soignants et par les médecins psychiatres qu'elle a rencontrés lors de son hospitalisation actuelle. Elle refuse régulièrement la prise de traitement depuis son arrivée et elle est dans le déni total de ses troubles. Elle nie avoir menacé une infirmière avec un couteau la semaine dernière. Le risque d'hétéro agressivité reste présent. »

Au cours de l'audience tenue ce jour, Madame [P] comparante, sollicite la mainlevée de la mesure d'hospitalisation. Elle estime que la mesure n'est pas justifiée mais liée à « l'ego surdimensionné » des personnels soignants, dont elle met en cause le comportement et déclare être en capacité de poursuivre un suivi à l'extérieur auprès d'un psychiatre qu'elle consulte en libéral. Elle décrit une hospitalisation avec « des hauts et des bas » , reconnaît ne pas prendre l'intégralité des traitements et nie tout acte menaçant à l'égard des personnels soignants. Elle exprime son souhait de reprendre du lien avec son fils, qui a fait l'objet d'une mesure de placement provisoire à l'issue d'une audience tenue par le juge des enfants le 13 avril 2023 à laquelle elle n'a pu participer, faute de permission de sortir à cette date. Elle indique vouloir exercer un recours contre cette décision.

Son conseil, entendu en ses observations, ne soulève pas d'irrégularités procédurales et sollicite la mainlevée de l'hospitalisation pour privilégier un suivi hors cadre contraignant.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le représentant de l'Etat et le Directeur d'établissement n'ont pas comparu, bien que régulièrement avisés.

L'affaire a été mise en délibéré au 19 avril 2023, dans l'après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclaration motivée transmise au greffe de la cour d'appel le 12 avril 2023, Mme [P] a fait appel de la décision du Juge des Libertés et de la Détention de Chambéry, en date du 6 avril 2023, soit dans les délais et les formes prescrites par les articles R3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il résulte de l'article L.3213-1 du code de la santé publique que 'Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire'.

L'article L.3211-2-2 du code de la santé publique énonce: 'Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article ».

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort, par ailleurs, des éléments de procédure, que les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats. A cet égard, il convient de constater que les décisions des diverses autorités administratives et médicales sont motivées et qu'aucune irrégularité n'est caractérisée.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure de l'hospitalisation complète sous contrainte doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, il résulte des certificats médicaux concordants versés en procédure, et des déclarations de Mme [P] à l'audience, que celle-ci a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, sur décision du représentant de l'État, à compter du 30 mars 2023, après une intervention, à son domicile, des forces de l'ordre saisies de la situation de son fils mineur, faisant l'objet, à ce jour, d'une mesure de placement suivi par le juge des enfants de tribunal judiciaire de Chambéry. Les certificats médicaux produits confortent tous l'existence d'une nouvelle décompensation psychique, dans un contexte d'arrêt des traitements depuis l'été 2022, générant des troubles persécutifs, idées délirantes, et de fortes tensions psychiques.

Le dernier certificat médical transmis par le centre hospitalier spécialisé, daté du 17 avril 2023, décrit toujours la patiente comme « revendicative, tendue », dans l'incapacité de se contenir et dans une attitude d'opposition aux soins. Ces éléments font écho aux déclarations de Mme [P] au cours de l'audience, laquelle se montre peu consciente du caractère envahissant des troubles constatés, reconnaît ne pas prendre l'intégralité des traitements prescrits par le personnel soignant, et nie toute attitude menaçante à l'égard de ceux-ci, en dépit des éléments circonstanciés figurant au certificat du Docteur [G] (épisode de menace d'une infirmière avec un couteau et risque d'hétéro agressivité mentionné).

Aussi, si Mme [P] se montre plus apaisée, dans l'échange, au cours de l'audience, et attachée à son suivi psychiatrique à l'extérieur, auprès d'un autre praticien, les différents certificats médicaux produits confortent la persistance de ses troubles, nécessitant des soins et pouvant compromettre la sûreté des personnes, notamment celle de son fils, à l'égard duquel le juge des enfants a manifestement estimé qu'il existait des critères de danger. Il résulte,

en outre, de l'évolution décrite dans les certificats médicaux établis sur une période de plus de 15 jours, que la poursuite des soins ne peut, en l'état, être envisagée en dehors d'un cadre contraignant, en l'absence d'adhésion complète de Mme [P], d'autant plus fragilisée qu'elle semble relativement isolée au niveau familial et exprime de vives inquiétudes sur la suite de la procédure en cours à l'égard de son fils.

Dès lors, l'état mental de Mme [P] imposant une prise en charge médicale spécialisée immédiate avec une surveillance continue, la décision du juge des libertés de la détention de Chambéry en date du 6 avril 2023 sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS,

Nous Elsa LAVERGNE, conseillère à la cour d'appel de CHAMBERY, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, statuant après débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire au siège de la Cour d'Appel de Chambéry,

Déclarons recevable l'appel de Mme [P] [W],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry en date du 6 avril 2023,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 19 avril 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Elsa LAVERGNE, à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00032
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;23.00032 ?
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