IRS/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 11 Avril 2023
N° RG 22/01332 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBL4
Décision attaquée : Jugement du Président du TJ de BONNEVILLE en date du 30 Juin 2022
Appelant
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 3] représenté par son syndic en exercice, la Société LA [Adresse 4],, dont le siège social est situé [Adresse 1] et [Adresse 1]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par l'ASSOCIATION CABINET RIBES ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE
Intimée
Mme [R] [B] épouse [P]
née le 13 Janvier 1957 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C73065-2022-002192 du 19/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
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Date de l'ordonnance de clôture : 30 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 janvier 2023
Date de mise à disposition : 11 avril 2023
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Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Par jugement rendu le 10 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Bonneville condamnait M. [W] [P], dans le cadre de la procédure accélérée au fond, à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] la somme de 17 050, 20 euros au titre des charges impayées arrêtées au 24 novembre 2020 et des frais nécessaires de recouvrement des charges, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 sur la somme de 14 240, 30 euros et à compter de l'assignation sur le surplus.
Par jugement rendu sur requête en omission de statuer du 18 février 2021, le juge du fond déboutait M. [W] [P] de sa demande en délais de paiement.
Par acte en date du 28 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] assignait, selon la procédure accédérée au fond, Mme [R] [P] devant le président du tribunal judiciaire de Bonneville afin de la voir condamner au paiement des charges impayées, des frais nécessaires de recouvrement des charges, des dommages et intérêts et à une indemnité procédurale.
Par jugement rendu le 17 mars 2022, le président du tribunal judiciaire ordonnait la réouverture des débats et invitait les parties à conclure sur le titre de copropriétaire de Mme [R] [P], en précisant par quel époux et à quelle date les parts de la société l'[Adresse 3] avaient été acquises, et invitait Mme [R] [P] à verser aux débats l'acceptation de son plan de surendettement.
Par jugement rendu le 19 mai 2022, le président du tribunal judiciaire invitait les parties à conclure sur la recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] à l'encontre de Mme [P].
Par jugement en date du 30 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bonneville :
- déclarait la demande du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] recevable à hauteur de la somme de 1 240, 34 euros et pour les sommes dues à compter du 24 novembre 2020 ;
- rejetait les demandes de paiement d'arriérés de charges ;
- rejetait la demande de dommages et intérêts ;
- rejetait les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe en date du 15 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 30 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier l'[Adresse 3] sollicite l'infirmation du jugement déférée et demande à la cour de :
- Juger que le jugement du 30 juin 2022 a statué sur des éléments de fait et de droit non soumis au débat des parties, contrairement aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ;
Réformant le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :
- déclaré la demande du syndicat des copropriétaires recevable à hauteur de la somme de 1 240,34 euros et pour les sommes dues à compter du 24 novembre 2020
- rejeté les demandes de paiement d'arriérés de charges
- rejeté la demande de dommages et intérêts
- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 3] aux entiers dépens de l'instance.
Et statuant à nouveau,
- Condamner Mme [R] [P] née [B], à payer au syndicat des copropriétaires :
- A titre principal, la somme de 18 765,02 euros, selon décompte de charges arrêté au 11 août 2022, et au titre des frais nécessaires de recouvrement des charges, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 sur la somme de 14 240,30 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, sous réserve de la suspension des intérêts entre la date de recevabilité de la procédure de surendettement (1er juillet 2021) jusqu'à l'adoption définitive du plan de surendettement (24 février 2022).
- A titre subsidiaire, la somme de 7 434,35 euros au titre des appels de fonds pour la période du 1er janvier 2021 au 19 juillet 2022 inclus, outre intérêts au taux légal :
- à compter de la mise en demeure du 8 novembre 2021 (cf. pièce n° 10) sur la somme de 4 117,34 € (montant des charges dues sur l'année 2021)
- à compter du 23 février 2022 (date de notification des conclusions actualisant la demande ' pièce n° 23) sur la somme de 858,00 euros correspondant à l'appel de provision de janvier 2022,
sous réserve de la suspension des intérêts entre la date de recevabilité de la procédure de surendettement (1er juillet 2021) jusqu'à l'adoption définitive du plan de surendettement (24 février 2022)
En tout état de cause,
- Condamner Mme [P] née [B] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence L'[Adresse 3] :
- la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner Mme [P] à payer les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux de première instance au profit de Me Ribes et pour ceux d'appel, au profit de la selurl Bollonjeon, avocat associée, conformément aux dispositions du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 26 janvier 2023, la présidente de chambre a débouté Mme [B] épouse [P] de sa demande tendant à voir déclarer caduc l'appel interjeté par le syndicat des copropriétaires et déclaré irrecevables les conclusions de l'intimée communiquées le 19 décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 30 janvier 2023 clôture l'instruction de la procédure.
Motifs et décision
Au préalable, il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, compte tenu de l'irrecevabilité de ses conclusions d'intimée, Mme [B] est réputée demander la confirmation du jugement et s'en approprier les motifs.
Sur la fin de non recevoir résultant de l'autorité de la chose jugée du jugement du 10 décembre 2020
Selon l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Selon l'article 1421 du code civil, « chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion ».
Le principe est que les actes accomplis par un conjoint sont opposables à l'autre exceptions telles que la disposition entre vifs de biens de communauté (art. 1422 du code civil), l'aliénation d'immeubles de la communauté (art. 1424 du code civil), la conclusion d'un contrat de bail rural sur un bien de communauté (art. 1425 du code civil).
Il en résulte que la décision relative au sort d'un bien de communauté, rendue à l'égard d'un des époux, a autorité de chose jugée à l'égard de l'autre (Civ., 2è, 21 janv. 2010, n°08-17.707).
En l'espèce, par jugement en date du 10 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Bonneville, dans le cadre de la procédure accélérée au fond, a condamné M. [W] [P] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 3] la somme de 17 050,20 euros au titre des charges impayées arrêtées au 24 novembre 2020 et des frais nécessaires de recouvrement des charges, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 sur la somme de 14 240,30 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, et par jugement statuant sur omission de statuer du 18 février 2021, a débouté M. [P] de sa demande en délais de paiement.
Par ailleurs, il résulte de l'acte de mariage des époux [P], produit par le syndicat des copropriétaires, que ces derniers se sont mariés sans contrat de mariage préalable de sorte qu'ils sont soumis au régime légal de la communauté.
En outre, l'acte notarié de dissolution de la société civile immobilière L'[Adresse 3] du 16 janvier 1985 dont M. et Mme [P] étaient associés, précise que ces derniers sont mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union célébrée à la mairie de [Localité 2] le 26 novembre 1977.
Aux termes de cet acte notarié, les époux [P] titulaires des groupes de parts 39, 36 et 23 correspondant aux lots 113, 110 et 27 se sont vus attribuer ces derniers constitués d'un appartement situé au rez de chaussée du bâtiment B (lot 113), un local à usage de cave (lot 110) et un local à usage de garage (lot 27).
En conséquence, la demande en paiement de la somme de 18 765,02 euros selon décompte de charges arrêté au 11 août 2022, se heurte pour partie à l'autorité de la chose jugée et est irrecevable en ce qu'elle inclut l'arriéré que M. [P] a déjà été condamné à payer.
Sur la demande en paiement de la somme de 7 434,35 euros
Le syndicat des copropriétaires sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation de Mme [B] épouse [P] à payer la somme de 7 434,35 euros au titre des appels de fonds pour la période allant du 1er janvier 2021 au 19 juillet 2022 inclus, outre intérêts au taux légal.
Selon l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable aux faits, « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.
Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes générales et spéciales et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2-1 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.
Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges »
Par ailleurs l'article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :
« Pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. L'assemblée générale des copropriétaires appelée à voter le budget prévisionnel est réunie dans un délai de 6 mois à compter du dernier jour de l'exercice comptable précédent.
Les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté. Toutefois l'assemblée générale peut fixer des modalités différentes.
La provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale. »
En application de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353, il appartient au syndicat des copropriétaires, qui poursuit le recouvrement de charges de copropriété, de produire le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice correspondant ainsi que les documents comptables et le décompte de répartition des charges.
Dès lors qu'un syndicat des copropriétaires produit des appels de fonds, historiques du compte relevés individuels, décomptes de charges, procès-verbaux d'assemblées générales de copropriétaires ayant approuvé les comptes et voté les budgets prévisionnels et que les appels de fonds adressés au copropriétaire portent sur un nombre de tantièmes correspondant aux tantièmes de charges communes générales affectées aux lots de ce copropriétaire, la créance du syndicat est justifiée.
L'approbation rend ces comptes opposables à tous les copropriétaires, sous réserve de l'éventuel recours qu'un d'entre eux pourrait exercer en application de l'article 42 de la loi précitée. Les copropriétaires sont tenus de régler leur part de charges, telle qu'elle résulte des comptes approuvés.
En l'espèce, le syndicat des copropriétaires produit à l'appui de sa demande notamment les procès-verbaux d'assemblée générale des 28 mai 2021 et 19 juillet 2022 concernant les exercices 2020, 2021 et les budgets des années 2021, 2022, l'état des dépenses concernant les exercices 2020 et 2021, les appels de fonds depuis 2016, le relevé de comptes des époux [P] au 11 août 2022 avec les appels de fonds pour la période allant du 1er avril 2022 au 19 juillet 2022.
Il en résulte que la créance du syndicat s'établit à la somme de 7 434,35 euros pour la période allant du 1er janvier 2021 au 19 juillet 2022, étant précisé que les acomptes versés sur cette période n'ont pas à être déduits dans la mesure où ils s'imputent sur les dettes les plus anciennes.
La somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 novembre 2021 sur 4 117,34 euros, à compter du 23 février 2022, date de notification des conclusions actualisant la demande, sur la somme de 858 euros, sous réserve de la suspension des intérêts durant la procédure de surendettement, étant précisé que cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le syndicat des copropriétaires obtienne un titre à l'encontre de Mme [P].
Sur la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol laquelle n'est pas établie en l'espèce.
Au surplus, une action en justice ainsi que la défense à une action, ne peuvent sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré.
La demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires sera dès lors rejetée.
Sur les mesures accessoires
En revanche, l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat des copropriétaires.
Mme [P] qui échoue en ses prétentions est tenue aux dépens exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires de la résidence L'[Adresse 3],
L'infirme pour le surplus,
Déclare le syndicat des copropriétaires de la résidence L'[Adresse 3] recevable en sa demande en paiement de la somme de 7 434,35 euros et irrecevable pour le surplus,
Condamne Mme [R] [B] épouse [P] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence L'[Adresse 3] la somme de 7 434,35 euros au titre des appels de fonds pour la période allant du 1er janvier 2021 au 19 juillet 2022 inclus outre intérêts au taux légal :
- à compter du 8 novembre 2021 sur la somme de 4 117, 34 euros,
- à compter du 23 février 2022 sur la somme de 858 euros,
sous réserve de la suspension des intérêts entre la date de recevabilité de la procédure de surendettement (1er juillet 2021) et la date d'adoption définitive du plan de surendettement (24 février 2022),
Condamne Mme [R] [B] épouse [P] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence L'[Adresse 3] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [R] [B] épouse [P] aux dépens de première instance distraits au profit de Me Ribes et d'appel distraits au profit de la selurl Bollonjeon, avocats,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 11 avril 2023
à
la SELARL BOLLONJEON
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Copie exécutoire délivrée le 11 avril 2023
à
la SELARL BOLLONJEON