La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2023 | FRANCE | N°22/01467

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 07 mars 2023, 22/01467


IRS/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 07 Mars 2023





N° RG 22/01467 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HB6C



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 27 Juin 2022





Appelante



S.A. ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la compagnie AVIVA ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, a

vocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE-MAT, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE











Intimés



M. [N] [D]

né le 25 ...

IRS/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 07 Mars 2023

N° RG 22/01467 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HB6C

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 27 Juin 2022

Appelante

S.A. ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la compagnie AVIVA ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE-MAT, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

Intimés

M. [N] [D]

né le 25 Août 1988 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]

Mme [X] [E]

née le 21 Septembre 1985 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par la SCP PIANTA & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

S.A.R.L. MPA INGENIERIE dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par l'EURL P.O. SIMOND AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

SA MIC INSURANCE COMPANY (anciennement MILLENIUM INSURANCE COMPANY) dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELASU CABINET PERREAU, avocats plaidants au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 décembre 2022

Date de mise à disposition : 07 mars 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

Par acte notarié du 25 août 2017 , M. [D] et Mme [E] ont fait l'acquisition d'un terrain à bâtir cadastré section C n°[Cadastre 2] sis lieudit [Adresse 7], d'une superficie de 813 m2, afin d'y faire édifier une maison d'habitation.

Il était prévu un bâtiment composé d'un rez de chaussée et d'un étage, outre un garage non accolé.

Sont notamment intervenus à l'acte de construction :

- La société MPA ingénierie (MPA) assurée auprès de la société Aviva assurances en qualité de maître d''uvre de conception et d'exécution, suivant contrat de maîtrise d''uvre en date du 9 mars 2017 moyennant des honoraires d'un montant de 29 330 euros TTC

- M. [G], assuré auprès de la société Millenium insurance compagny, titulaire du lot « Maçonnerie Gros 'uvre » moyennant la somme de 55 622 euros TTC,

- M. [L], assuré auprès de la société Aviva assurances, titulaire du lot charpente-couverture moyennant la somme de 30 286,29 euros TTC,

- La société Remat menuiseries, titulaire du lot « Menuiserie ».

Au cours des travaux, les consorts [D]-[E] ont signalé à la société MPA des désordres relatifs à la conformité des fondations aux plans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mai 2018, les consorts [D]-[E] ont mis en demeure la société MPA de leur adresser les coordonnées de son assureur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 juillet 2018, ils ont notifié à la société MPA l'arrêt immédiat du chantier.

Saisi par les consorts [D]-[E], le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon les bains, par ordonnance en date du 14 juin 2019, a ordonné une expertise confiée à M. [A] remplacé ultérieurement par Mme [W] [C], expertise ordonnée au contradictoire de la société MPA, de M. [L], et de la société Remat menuiseries.

Les opérations d'expertise ont été étendues aux assureurs de ces locateurs d'ouvrage suivant ordonnance en date du 14 mai 2019, ainsi qu'à Me [Y] [U] es qualité de liquidateur de M. [G] à la demande de la société MPA.

L'expert a déposé son rapport définitif le 7 octobre 2021.

Autorisés par ordonnance sur requête du 17 février 2022, les consorts [D]/[E] ont fait assigner à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Thonon les bains, la société MPA, la société Aviva, es qualité d'assureur de la société MPA, et la société Millenium es qualité d'assureur de M. [G] aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Thonon les Bains a :

- Condamné in solidum la société MPA et la société Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 125 350 euros au titre des travaux de reprise nécessaires pour remédier aux désordres structurels affectant la maçonnerie de leur habitation,

- Condamné in solidum la société MPA et la société Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 40 000 euros au titre des travaux de reprise nécessaires pour remédier aux discordances altimétriques et autres discordances au vu des plans de permis de construire,

- Condamné in solidum les sociétés MPA et Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 900 euros au titre des travaux de reprise nécessaires pour remédier aux non conformités au vu des plans du permis de construire,

- Condamné in solidum les sociétés MPA et Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 47 734,50 euros au titre du préjudice de jouissance outre la somme de 1 200 euros par mois à compter du 1er février 2022 jusqu'au règlement intégral des indemnités allouées au titre de la réfection des désordres,

- Débouté les consorts [D]-[E] de leurs demandes formulées à l'encontre de la société Millénium devenue MIC insurance compagny,

- Condamné la société Aviva à relever et garantir la société MPA de ces condamnations,

- Condamné la société MPA à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral,

- Condamné in solidum les sociétés MPA et Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum les consorts [D]-[E] à verser à la société MIC la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum les sociétés MPA et Aviva aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de référé,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes comprenant les demandes plus amples ou contraires.

La société Abeille iard et santé (Abeille), venant aux droits de la société Aviva assurances, laquelle n'avait pas comparu en première instance, a interjeté appel de cette décision en intimant les consorts [D]-[E], la société MPA et la société Millénium (MIC).

Autorisés par ordonnance sur requête en date du 17 octobre 2022, de la première présidente de la présente cour, les consorts [D]-[E] ont fait assigner devant la présente section les sociétés MPA, Abeille et MIC pour l'audience du 13 décembre 2022.

Aux termes de ses conclusions en date du 12 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Abeille demande à la cour de :

- Donner acte à la société Abeille de sa nouvelle dénomination et de ce qu'elle vient aux droits de la société Aviva,

- Confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a écarté la garantie de la société Aviva aujourd'hui Abeille s'agissant du préjudice moral,

- Ce faisant, débouter les consorts [D]-[E] et la société MPA de leur appel incident sur ce point,

- Juger recevable et fondé l'appel de la société Abeille sur les autres points,

- Réformer le jugement susvisé en ce qu'il a :

-

Jugé que les garanties, et notamment la garantie « responsabilité professionnelle » de la société Abeille étaient mobilisables en l'espèce,

-

Condamné in solidum la société MPA et la société Aviva à verser à M. [N] [D] et à Mme [X] [E] :

- la somme totale de 125 350 euros au titre des travaux de remise en état des désordres structurels affectant la maçonnerie de l'habitation, tels que chiffrés par l'expert judiciaire,

- la somme de 40 000 euros à parfaire au titre des travaux de reprise des discordances au permis de construire, correspondant à la dépose et à la réfection du toit ;

- la somme de 47 734,50 euros au titre du préjudice de jouissance, outre la somme de 1 200 euros par mois à compter du 1er février 2022, jusqu'au règlement intégral des indemnités allouées au titre de la réfection des désordres,

-

Condamné la société Aviva à relever et garantir la société MPA de ces condamnations,

- Ecarté la garantie de la société MIC,

- Condamné in solidum la société MPA et la société Aviva à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 5 000 euros au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens (en ce compris les frais d'expertise judiciaire et de la procédure de référé),

Statuant à nouveau,

- Juger que les garanties de la société Aviva aujourd'hui Abeille ne sont pas mobilisables en l'espèce,

En conséquence,

- Débouter les consorts [D]-[E] de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à tort contre la société Abeille,

- Débouter la société MPA de sa demande tendant à être relevée garantie par son assureur,

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la société MIC à relever et garantir indemne la société Abeille des condamnations éventuellement prononcées à son encontre, ou à tout le moins dans une proportion ne pouvant être inférieure à 80 %,

- Juger recevable et fondée la société Abeille à opposer les franchises contractuelles de son contrat n° 77 810 089, au regard des conditions particulières et conditions générales versées aux débats,

En tout état de cause,

- Réformer le jugement s'agissant des condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- Condamner les consorts [D]-[E] ou qui mieux le devra des sociétés MPA ou MIC à payer à la société Abeille une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner les consorts [D]-[E] ou qui mieux le devra des sociétés MPA ou MIC, aux entiers dépens d'appel, en ce compris ceux de première instance, du référé et de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP Girard-Madoux et associés, avocat constitué.

Aux termes de ses conclusions en date du 8 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société MPA demande à la cour de :

Confirmant la décision entreprise,

- Juger que la société Abeille sera tenue à garantir la société MPA de l'intégralité des condamnations pouvant être prononcées à son encontre, au titre des désordres structurels affectant la maçonnerie, des discordances altimétriques, des travaux de reprises, du préjudice de jouissance et moral.

Réformant la décision entreprise,

- Limiter à proportion de 20% la responsabilité de la société MPA, concernant les désordres structurels affectant la maçonnerie de l'habitation,

- Condamner la société MIC, assureur de responsabilité civile de l'entreprise [G] et la société Abeille à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

Concernant « les discordances altimétriques »,

- Débouter en l'absence de dommages, de préjudices actuels et certains, M. [D] et Mme [E] de l'intégralité de leurs demandes.

Subsidiairement,

- Limiter leur indemnisation à la somme de 5 000 euros,

- Condamner la société Abeille à relever et garantir la société MPA de l'intégralité des condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

- Débouter M. [D] et Mme [E] de toutes indemnisations au titre d'un trouble de jouissance et, du préjudice moral,

- Condamner la société MIC et la société Abeille, in solidum entre elles, à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations pouvant être prononcées à son encontre,

- Condamner la société Abeille à verser à la société MPA une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 9 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société MIC demande à la cour de :

- Rejeter toute demande dirigée à l'encontre de MIC faute de garantie mobilisable,

- Confirmer la condamnation des consorts [D]-[E] prononcée par le tribunal à verser à MIC la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Abeille aux entiers dépens et à verser à MIC la somme de 3 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait le jugement déféré et condamnait MIC,

- Condamner in solidum la société MPA et son assureur Abeille, à relever et garantir MIC de toute condamnation qui serait par extraordinaire prononcée à son encontre,

- Faire application des plafonds et franchises stipulés dans sa police, notamment la franchise de 1 500 euros,

- Condamner la société Abeille aux entiers dépens et à verser à MIC la somme de 3 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure, avec pour les dépens d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selurl Bollonjeon, avocat associée.

Aux termes de leurs conclusions en date du 8 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie électronique, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, les consorts [D]-[E] demandent à la cour de :

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Abeille à l'encontre du jugement déféré,

En conséquence,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné in solidum les sociétés MPA, et Abeille, ès qualité d'assureur de la société MPA à payer à M. [D] et Mme [E] la somme totale de 125 350 euros au titre des travaux de remise en état des désordres structurels affectant la maçonnerie de l'habitation, tels que chiffrés par l'expert judiciaire,

- condamné in solidum la société MPA et son assureur la société Abeille, à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 40.000 euros à parfaire au titre des travaux de reprise des discordances au permis de construire, correspondant à la dépose et à la réfection du toit,

- condamné in solidum la société MPA et son assureur la société Abeille, aux entiers dépens en ce compris les dépens de l'instance en référés, de première instance et les frais d'expertise judiciaire.

- Infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,

- Condamner in solidum la société MPA son assureur la société Abeille, à payer à M. [D] et Mme [E] la somme totale de 1.500 euros TTC au titre des préjudices subis du fait des non-conformités mineures relevées par l'expert judiciaire et se décomposant comme suit :

' 600 euros TTC au titre de l'impossibilité d'utiliser le placard de l'entrée encombré par les réseaux

' 600 euros TTC pour la modification du positionnement du robinet du garage

' 300 euros TTC au titre des travaux d'enfouissement du Janolène s'agissant de l'alimentation en eau du garage,

- Condamner in solidum les sociétés MPA et Abeille son assureur, à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 58 800 euros, correspondant au préjudice de jouissance subi d'octobre 2018 à fin octobre 2022, soit 1200 euros x 49 mois, jusqu'à la date du paiement définitif du coût des travaux de reprise des désordres,

- Condamner in solidum les sociétés MPA et Abeille, à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- Condamner in solidum les sociétés MPA et Abeille à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

- Débouter la société MIC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- Débouter l'ensemble des parties de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires devant la cour,

- Condamner MPA et Abeille aux dépens avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Dormeval, avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Motifs et décision

A titre liminaire, sur le cadre juridique

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge a retenu que les travaux de construction de la maison des consorts [D]-Ankadis n'ayant fait l'objet d'aucune réception, le chantier ayant été interrompu à leur demande en vue de l'institution d'une expertise alors que l'ouvrage n'était ni hors d'eau ni hors d'air, le litige relevait de la responsabilité contractuelle de droit commun, supposant d'établir de la part des locateurs d'ouvrage l'existence d'une faute et d'un préjudice en lien de causalité avec cette dernière, fondement juridique au demeurant non contesté par l'ensemble des parties.

I - Sur l'existence et l'imputabilité des désordres

1 - Le lot « maçonnerie- gros 'uvre »

a) les désordres

Mme [W] [C] et son sapiteur, le cabinet Esba, qui a procédé à des sondages destructifs, ont constaté des désordres structurels majeurs et des non conformités parasismiques affectant la maçonnerie, soit :

- un dimensionnement insuffisant de la dalle entre le rez de chaussée et l'étage, celle-ci présentant une épaisseur moyenne de 23 centimètres au lieu des 26 centimètres attendus selon le calcul des fournisseurs, et des 30 centimètres requis selon le calcul réalisé par le sapiteur, soit une différence de 7 centimètres, de sorte que la dalle ne présente pas la capacité portante suffisante pour reprendre les futures charges,

- de nombreuses fissures dans le dallage de la maison avec un affaiblissement par des passages de réseaux affleurants alors qu'ils auraient dû circuler sous dallage de manière dédiée,

- des chaînages verticaux et horizontaux ponctuellement présents voire absents : sur 12 sondages aléatoires effectués, deux seulement étaient conformes aux règles parasismiques,

- un sous-dimensionnement et une absence de liaisonnement des ferraillages,

- l'absence d'encadrement périphérique règlementaire des baies.

Ainsi que l'ont retenu l'expert et le premier juge, ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination.

b) l'imputabilité des désordres affectant le lot gros-oeuvre maçonnerie

Ces désordres majeurs, graves et généralisés compromettant la stabilité de l'édifice, relèvent de la responsabilité principale du maçon, M. [G], réputé maître des règles de son art et tenu d'une obligation de résultat impliquant la réalisation par ses soins de travaux exempts de tout vice et conformes aux règlements et normes techniques en vigueur, mais qui, selon l'expert, « a brillé par son incompétence ».

C'est dès lors à bon droit que le premier juge, par une juste motivation que la cour fait sienne, a retenu que ce dernier avait manqué à son obligation contractuelle de résultat.

L'expert a par ailleurs retenu les manquements suivants de la société MPA, maître d''uvre :

- la transmission par cette dernière de plans d'exécution incomplets et imprécis, sur lesquels sont uniquement indiqués quelques chaînages verticaux sans justification structurelle, sans précision de la section des aciers et du nombre de barres à mettre en place et sur lesquels ne sont pas indiqués les chaînages horizontaux, ni les encadrements de baies,

- l'absence de constatation par la société MPA des désordres majeurs affectant le lot maçonnerie alors même que les non conformités étaient suffisamment nombreuses et visibles à tous les étages pour pouvoir les relever lors des réunions de chantier, manquement qui a ainsi laissé perduré un chantier malgré l'existence de non-conformités facilement décelables,

- l'absence par la société MPA de rédaction de compte-rendus de chantiers sur lesquels les entreprises auraient dû s'appuyer.

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que la société MPA avait commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles soit :

- un manquement de la société MPA dans sa mission de conception du fait de la réalisation de plans d'exécution totalement insuffisants,

- un manquement dans sa mission de direction de l'exécution en s'abstenant de s'assurer que les travaux du maçon étaient conformes aux règles de l'art, et l'absence de compte-rendus de chantier, étant précisé que rien n'établit que des rendez-vous de chantier aient eu lieu.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, la nature et la généralisation des défauts d'exécution commis par M. [G], caractérisent incontestablement une défaillance de la part du maître d''uvre dans le suivi du chantier, engageant sa responsabilité contractuelle dans l'apparition des désordres structurels affectant la maçonnerie.

2 - Le non-respect du permis de construire quant à l'altimétrie de la toiture

a) L'existence d'une non-conformité

Mme [W] [F], a effectué des recherches auprès des services d'urbanisme de la mairie d'[Localité 6] afin d'obtenir le dossier de permis de construire et déterminer quels plans correspondaient à la demande de permis déposée 10 mars 2017, un permis tacite ayant été accordé le 24 mai 2017.

Il résulte de ses démarches que :

- La demande de permis de construire initiale est datée du 10 mars 2017 signée par les maîtres d'ouvrage.

- Le 28 avril 2017, la commune réclamait une coupe et rappelait que la hauteur maximale de 6 mètres prévue par le PLU n'était pas respectée sur les plans remis le 10 mars 2017.

- De nouveaux plans datés du 11 mai 2017 ont été communiqués à la commune sans qu'une demande modificative de permis de construire ne soit exigée par cette dernière.

- Le 24 mai 2017, un certificat de permis de construire tacite a été délivré par la commune, autorisation tacite donnée à compter du 11 mai 2017, alors que les plans modifiés ne pouvaient avoir été instruits dans un délai aussi proche.

- Selon la commune, ce sont les plans déposés le 10 mars 2017 qui sont aujourd'hui valides et non ceux datés du 11 mai 2017.

L'expert a ainsi précisé dans son rapport :

« Des plans modificatifs du PC ont été directement remis par MPA ingenierie à la commune.

N'ayant fait l'objet d'aucune demande de PC modificatif des pétionnaires encore moins d'un arrêté de PC modificatif, la commune a indiqué à l'expert que ces plans ne pouvaient être pris en considération.

Ainsi, les seuls plans PC à retenir sont les plans du PC initial 074 005 17 B 0014 ».

Il s'agit donc du seul référentiel règlementaire à retenir.

Sur la base de ce référentiel, l'expert a examiné les relevés d'altimétrie effectués le 25 juillet 2018 par le géomètre [H] [P], mandaté par les consorts [D]-[E].

Selon, Mme [W] [F] il n'existe aucune anomalie notoire en ce qui concerne les niveaux du rez et la dalle brute du R+1.

En revanche, elle a indiqué que les hauteurs relevées à la sablière et au faîtage étaient fausses, trop basses au vu des altimétries annoncées aux plans PC et qu'ainsi le toit était trop bas pour être conforme au permis.

Elle a relevé par ailleurs, les discordances suivantes par rapport aux plans du permis de construire initial :

- Façades sud nord : toit surbaissé et ne respectant pas les plans du permis

- Décroché non conforme de la toiture au vu des plans du permis précisant :

« En réalité il est dénoncé le profil de la ligne de faîtage entre les deux volumes et plus particulièrement la cassure qui vraisemblablement se justifie pour tenter de gagner de la hauteur à l'intérieur du volume habitable.... 

Au plan de masse, le plan de la toiture est vicié; le raccordement entre les volumes notamment à la jonction des pentes est incertain voire irréalisable.

La toiture ne correspond pas aux plans du PC initial et ne pourra jamais être conforme en raison d'un vice de conception ».

C'est ainsi qu'elle a conclu s'agissant des discordances altimétriques au vu des plans du permis de construire :

« Les seules discordances relevées concernent l'altimétrie plus basse de 67 cm du faitage et des sablières. Ces discordances sont dues à des plans PC erronés : façades et plan de toiture figurant au plan de masse. Le raccordement entre les deux toits chapeautant l'habitation principale n'était pas réalisable, le décrochement de 30 cm des sablières anéantissait tout aménagement du niveau supérieur dans la partie la plus basse.

C'est donc une adaptation technique du projet qui a été effectuée par le maître d''uvre sans en aviser les maîtres d'ouvrage, projet qu'ils refusent aujourd'hui ».

L'expert a noté plus loin dans son rapport :

« La modification du profil de la ligne de faitage est une adaptation technique aux plans erronés du PC. N'ayant pas fait l'objet d'un PC MOD, cette adaptation est illégale pour la commune. Pour mémoire le profil du toit dessiné au PC en vigueur est irréalisable techniquement. Un PC modificatif devra être régularisé; le profil du toit devra être redéfini pour d'une part convenir aux maîtres d'ouvrage, et d'autre part être faisable techniquement ».

Dès lors, et contrairement aux assertions de la société MPA, qui fait état d'un simple désordre esthétique, le désordre de non-conformité de la toiture par rapport aux plans du permis de construire est bien avéré.

b) sur l'imputabilité de la non-conformité

Au titre de ses obligations, le maître d''uvre de conception doit notamment s'assurer de la conformité du projet avec les règles d'urbanisme. Il lui appartient de respecter les dispositions des règlements d'urbanisme dont la connaissance relève de son art.

Il doit, par ailleurs, concevoir un projet réalisable tenant compte des contraintes de l'existant.

En l'espèce, aux termes du contrat régularisé le 9 mars 2017, la société MPA avait en charge une mission de maîtrise d''uvre globale incluant :

- une mission A dite de conception partielle, correspondant à l'ensemble des documents nécessaires à l'obtention du permis de construire : « plans, pièces écrites, selon les demandes administratives de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation sur le secteur géographique du projet. »

- une mission B soit : « après obtention du permis de construire, réalisation des plans, du devis descriptif et des pièces nécessaires à la consultation des entreprises pour les offres de prix. »

- une mission C définie ainsi :

« Rédaction des pièces écrites : cahier des prescriptions spéciales etc...; dépouillement des offres, marchés avec entreprises, suivi des travaux avec réunions périodiques de chantier, établissement des procès-verbaux de ces réunions, visites inopinées, comptabilité des travaux : vérification et contrôles des situations de travaux des entreprises, certificats de paiement, vérifications de mémoires, établissement du décompte définitif, réception provisoire et définitive avec rédaction des procès-verbaux correspondants. »

Dans le cadre de sa mission de conception, la société MPA devait établir les plans pour la demande de permis de construire.

Or, les plans, joints à la demande de permis déposée le 10 mars 2017, étaient erronés en ce qu'ils prévoyaient, d'une part, un faîtage de toit d'une hauteur excédant les règles du PLU, d'autre part, une toiture techniquement irréalisable.

Si un nouveau plan a été adressé au service de l'urbanisme de la commune le 11 mai 2017, pour autant aucune demande de permis modificatif n'a été déposée.

Dès lors, la réalisation de la charpente ne pouvait correspondre aux plans erronés du permis de construire et l'expert a relevé que le charpentier n'a pas eu d'autre choix que d'adapter la réalisation de son toit aux volumes édifiés par le maçon.

Ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, il appartenait à la société MPA de concevoir des plans qui pouvaient être mis en 'uvre techniquement et compte tenu de l'adaptation nécessaire apparue en cours de chantier du fait d'une erreur entachant les plans du permis de construire initial, d'en informer les maîtres de l'ouvrage lorsqu'elle a établi ses plans d'exécution, de rechercher leur accord sur la solution à adopter afin d'y remédier, et de s'assurer de l'obtention préalable d'un permis de construire modificatif, toutes démarches dont elle ne justifie pas.

En faisant procéder en cours de travaux à des adaptations entrainant une modification de l'altimétrie de l'immeuble et en faisant exécuter des travaux non conformes au permis de construire délivré, elle a failli à sa mission et engagé sa responsabilité contractuelle.

3 - Sur les non conformités mineures

L'expert a, par ailleurs relevé des non-conformités mineures, au vu du stade des travaux, qui sont les suivantes :

- l'obstruction d'un placard d'entrée par des réseaux,

- un mauvais positionnement d'un robinet d'eau qui est positionné au fond à droite à l'opposé de son évacuation à gauche en entrant dans le garage, le robinet et l'évacuation n'ayant pas été positionnés sur les plans d'exécution transmis,

- l'absence de mise hors gel de tubes de protection des conduites entre la villa et le garage de l'alimentation en eau potable.

S'agissant de l'obstruction du placard, cette dernière résulte, selon l'expert, de l'absence de prévision, avant même le début des travaux, de réservation pour un espace technique dédié aux divers réseaux sur les plans d'exécution. L'espace technique oublié en conception a alors été aménagé autoritairement dans le placard d'entrée, en l'absence d'autre espace disponible.

Ces manquements caractérisés par un défaut de conception et d'information engagent la responsabilité contractuelle de la société MPA.

Il en est de même du mauvais positionnement d'un robinet d'eau situé dans le garage qui ne figurait pas sur les plans d'exécution et résulte d'un manque de prévision du maître d''uvre, l'expert ayant cependant relevé qu'au stade de travaux atteint, cet ouvrage pouvait être rectifié.

En revanche, s'agissant de l'alimentation en eau du garage, l'expert a relevé que si cette alimentation en eau potable était munie d'un robinet de purge, le défaut d'enfouissement est sans conséquence sur la pérennité de l'installation.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, en l'absence d'élément démontrant l'absence de prévision d'un robinet de purge, ce dommage hypothétique ne peut être retenu.

II - Sur les préjudices

Les travaux pour remédier aux désordres

a) Les désordres structurels affectant la maçonnerie de l'habitation

L'expert a retenu que la déconstruction de l'ouvrage était la seule alternative, les sondages aléatoires ayant montré que les non-conformités et les malfaçons étaient bien trop nombreuses pour envisager des reprises partielles : dalle haute du rez de chaussée sous dimensionnée, chaînages verticaux et horizontaux absents, ferraillages sous-dimensionnés et non liaisonnés, pas d'encadrement périphérique aux baies....

Mme [W] [F] a procédé à l'estimation du coût de la destruction/reconstruction qu'elle a estimé à un total de 115 000 euros TTC auquel il convient d'ajouter le coût de la maîtrise d''uvre représentant 9% soit une somme de 10 350 euros TTC et une somme totale de 125 350 euros TTC.

La solution préconisée par l'expert, et le quantum des sommes proposées ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des parties et le jugement qui a retenu ces dernières sera confirmé.

b) Les discordances altimétriques

Selon l'expert, le toit de l'habitation principale doit être déposé en raison de la déconstruction de la maçonnerie, il ne pourra être ni adapté ni conservé puisqu'il ne correspond pas aux plans du permis de construire.

La modification du profil de la ligne de faitage est une adaptation technique aux plans erronés du permis de construire, adaptation illégale faute d'obtention d'un permis de construire modificatif, alors que le profil du toit dessiné au permis de construire en vigueur est irréalisable techniquement.

L'expert a retenu qu'un permis de construire modificatif devrait être régularisé et le profil du toit redéfini pour, d'une part convenir aux maîtres d'ouvrage, d'autre part être faisable techniquement.

Le coût précis ne peut dès lors être défini et l'expert a retenu une enveloppe de 40 000 euros pour la dépose du toit et sa réfection.

Là encore, ni la solution préconisée par l'expert ni le quantum de la somme proposée ne font débat, et le jugement qui a retenu cette somme sera confirmé.

c) Les non conformités mineures

L'expert a chiffré ainsi les préjudices :

Obstruction d'un placard par les réseaux : 300 euros

Robinet d'eau situé dans le garage mal positionné: 600 euros

Le jugement qui a retenu une somme de 900 euros au titre de ce poste de préjudice sera confirmé.

Le préjudice de jouissance

Sur la base d'une somme de 1 200 euros mensuelle retenue par l'expert et correspondant à la valeur locative du bien, dont le quantum ne fait l'objet d'aucune contestation, les consorts [D]-[E] sollicitent la somme de 58 800 euros en indemnisation du préjudice de jouissance qu'il subissent du fait de l'inachèvement de la construction et des multiples malfaçons et non conformités l'affectant, rendant le bien inhabitable, sur la période allant d'octobre 2018, date à laquelle le bien aurait dû être livré, à fin octobre 2022 soit 49 mois, ce jusqu'à la date de paiement définitif du coût des travaux de reprise des désordres.

La société MPA s'oppose à toute indemnisation faisant valoir que le délai d'achèvement était conditionné à l'établissement préalable du planning d'exécution de l'ensemble des corps de métiers lequel n'a jamais pu être établi du fait des atermoiements des maîtres d'ouvrage confrontés au service d'urbanisme de la commune d'[Localité 6], de la liquidation judiciaire du maçon en avril 2018, de sa propre éviction en janvier 2018 par les maîtres d'ouvrage et de la résolution du contrat de maîtrise d''uvre dès janvier 2018.

Le contrat de maîtrise d''uvre régularisé entre les consorts [D]-[E] et la société MPA le 9 mars 2017, prévoyait que le maître d''uvre devait établir et soumettre aux entreprises un planning des travaux d'une durée globale de douze mois, le point de départ de ce planning étant fixé le jour de la mise en 'uvre des fondations de la construction.

Par ailleurs, le marché de travaux concernant le lot « Maçonnerie ' Gros oeuvre » a été régularisé en octobre 2017 et tous les obstacles à l'établissement d'un planning d'exécution invoqués par la société MPA sont bien postérieurs étant rappelé que les travaux avaient débuté antérieurement à la signature du marché puisque la déclaration d'ouverture de chantier datée du 17 octobre 2017 fait état d'un chantier ouvert depuis le 11 septembre 2017.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a retenu que le délai de douze mois avait commencé à courir le 9 octobre 2017 pour s'achever le 10 octobre 2018 et qu'à compter de cette date les consorts [D]-[E] ont subi un préjudice indemnisable correspondant à la perte de jouissance d'une maison inachevée.

Alors qu'ils auraient dû habiter cette maison depuis octobre 2018, ils ne peuvent toujours pas l'occuper et ils ont donc été privés totalement de la jouissance de leur bien.

Le premier juge a justement indemnisé cette privation de jouissance par référence à la valeur locative mensuelle du bien retenue par l'expert et le jugement sera confirmé en ce sens.

Le préjudice moral

Il n'est pas discutable que les consorts [D]-[E] ont subi durant quatre ans une procédure judiciaire du fait des graves désordres constructifs aboutissant à la solution extrême de démolition/reconstruction de la maison qu'ils avaient fait construire pour y établir leur lieu de vie.

Ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, leur préjudice moral résultant des ennuis et tracasseries causés par cette opération de construction qui s'est révélée désastreuse et par les conséquences financières qui l'ont nécessairement accompagnée est ainsi caractérisé.

Le jugement, qui leur a alloué une somme de 4 000 euros en réparation de ce préjudice, sera confirmé.

III - Sur la garantie des assureurs

La garantie de la société MIC assureur de M. [G]

a) Sur l'opposabilité des conditions générales de la police d'assurances

A titre liminaire il sera constaté que les consorts [D]-[E] ne forment, en appel, aucune demande à l'encontre de la société MIC de sorte que les dispositions du jugement qui les ont déboutés de leurs demandes dirigées à l'encontre de cet assureur, sont définitives.

En revanche, tant la société MPA que la société Abeille sollicitent la condamnation de cet assureur à les relever et garantir des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre.

La société MIC, qui sollicite la confirmation du jugement l'ayant mise hors de cause, leur oppose la teneur des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par son assuré M. [G] et en application de ces dernières, l'absence de mobilisation de ses garanties.

Selon l'article L 112-6 du code des assurances : « L'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice, les exceptions opposables au souscripteur originaire. »

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers victime, qui agit par la voie de l'action directe contre l'assureur de responsabilité, peut contester la validité d'une exclusion de garantie même si l'assuré a renoncé à le faire.

L'article L 112-2 du code des assurances dans sa version applicable à la date de souscription de la police d'assurance, soit le 15 mars 2015, dispose :

« L'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat.

Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.(...) Un décret en Conseil d'Etat définit les moyens de constater la remise effective des documents mentionnés à l'alinéa précédent. Il détermine, en outre, les dérogations justifiées par la nature du contrat ou les circonstances de sa souscription. »

L'article R 112-3 dans sa version antérieure au 1er avril 2018, énonce :

« La remise des documents visés au deuxième alinéa de l'article L. 112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise. »

La jurisprudence est fixée en ce sens que les stipulations d'une police d'assurance ne peuvent être opposées à l'assuré que s'il en a eu connaissance lors de la souscription du contrat ou au plus tard avant la survenance du sinistre.

Le mécanisme du renvoi aux conditions générales dans les conditions particulières du contrat d'assurance n'est pas prohibé. La jurisprudence conditionne cependant l'efficacité d'un tel renvoi à la preuve que les pièces auxquelles il est renvoyé ont été communiquées à l'assuré.

En l'espèce, le contrat souscrit par M. [G] auprès de la société MIC, à effet du 1er mars 2005, a pour objet de garantir sa responsabilité décennale et sa responsabilité professionnelle.

Or, force est de constater que tant le projet de contrat signé le 24 mars 2015, que les conditions particulières signées le 6 juin 2015, ne mentionnent pas que l'assuré reconnaît avoir eu communication ou pris connaissance des conditions générales.

Au contraire, il est stipulé dans les conditions particulières signées le 6 juin 2015 que les conditions générales sont disponibles sur demande ou en téléchargement sans même l'indication d'un site internet à consulter, ce qui tend à montrer qu'elles n'ont pas été portées préalablement à la connaissance de l'assuré.

Il résulte ainsi de ces éléments que la société MIC échoue à établir que son assuré, M. [G], avait pris connaissance des conditions générales, de sorte que les sociétés MPA et Abeille sont fondées à les voir déclarer inopposables à leur égard.

b) Sur la nature de la garantie en application des conditions particulières

Il convient donc de se référer aux conditions particulières et à l'attestation d'assurance.

Les conditions particulières font, tout d'abord, état de la responsabilité décennale qui, en l'espèce, ne s'applique pas, s'agissant de désordres avant réception.

Il est ensuite fait mention de la responsabilité professionnelle en ces termes :

« La garantie couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'Assuré pour les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers et résultant de ses activités professionnelles déclarées, que ce soit au cours ou après exécution des travaux. »

La garantie proposée ne peut engager l'assureur en dehors des termes et limites précisées par les clauses et conditions de la garantie. »

L'attestation d'assurance fournie au maître d'ouvrage mentionne quant à elle :

« Responsabilité professionnelle

La garantie couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'Assuré pour les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers et résultant de ses activités professionnelles déclarées, que ce soit au cours ou après exécution des travaux.

Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles au sens du II de l'article 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de construction et dans les limites de cette responsabilité. »

Il résulte très clairement de ces clauses que le contrat couvre la responsabilité professionnelle de l'entreprise pour les dommages résultant de l'exécution des travaux et non pas les dommages affectant ces travaux.

Ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge :

- L'économie de cette garantie repose sur une distinction traditionnelle entre les dommages causés aux tiers, y compris les clients, par l'ouvrage et les dommages subis à l'ouvrage.

- Seuls sont garantis les premiers, les seconds relevant du risque d'entreprise dont la charge n'a pas à être reportée sur la collectivité des assurés.

Il est indéniable qu'une telle garantie couvre les conséquences corporelles, matérielles et immatérielles des dommages que peut occasionner le constructeur à ses clients et à des tiers dans le cadre de son activité professionnelle.

Elle n'a pas vocation à couvrir la reprise des désordres, malfaçons ou non finitions affectant les ouvrages ou travaux réalisés par l'assuré.

Cette fonction, est dévolue avant réception à la garantie de livraison qui protège le maître de l'ouvrage à compter de la date d'ouverture du chantier contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat de construction, en cas de défaillance du constructeur, et après réception à la garantie décennale obligatoire, inapplicable en l'espèce.

Il sera ajouté que le deuxième paragraphe de la clause figurant dans l'attestation d'assurance, conforte cette analyse en ce que s'agissant du paiement des travaux de réparation de l'ouvrage, il vise uniquement le cas de la responsabilité décennale sans faire mention de la reprise des travaux défectueux en cours de chantier, hors responsabilité décennale.

Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la responsabilité civile exploitation n'avait pas vocation à s'appliquer et le jugement qui a rejeté l'ensemble des demandes formulées contre la société MIC sera confirmé.

Sur la garantie de la société Abeille (Aviva) assureur de la société MPA

La société Aviva (Abeille) a été recherchée devant le tribunal en qualité d'assureur de la société MPA au terme d'un contrat Baticoncept n°77 810 089, souscrit le 13 décembre 2017 à effet du 1er décembre 2018.

La garantie de responsabilité professionnelle en cas de dommages aux tiers, souscrite par la société MPA auprès d'Aviva, a pour objet selon l'article 9 des conditions générales, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers par suite de fautes, erreurs de fait ou de droit, omissions ou négligences commises par lui ou par toute personne dont il répond comme ses préposés et sous-traitants dans l'accomplissement des missions relevant des activités mentionnées aux conditions particulières.

Ce même article précise encore qu'est couvert le coût des travaux nécessaires, en l'absence de dommages matériels à l'ouvrage, pour remédier aux conséquences de fautes, erreurs de fait ou de droit, omissions ou négligences commisses par l'assuré.

Pour s'opposer à la mobilisation de ses garanties, la société Abeille fait valoir qu'elle n'était pas l'assureur de la société MPA lors de la première réclamation, que lors de la souscription de la police l'assuré avait connaissance du fait dommageable et enfin oppose deux clauses d'exclusion figurant aux conditions générales.

a) Sur la qualité d'assureur de la société Aviva au jour de la première réclamation

Pour soutenir qu'elle n'était pas l'assureur de la société MPA, la société Abeille fait valoir que :

- les conditions générales applicables au contrat notamment à l'article 14 « période de garantie » prévoient que le fonctionnement des garanties « responsabilité civile exploitation et professionnelle » est déclenché par la réclamation,

- en l'espèce la première réclamation faite à l'assuré étant en date du 5 novembre 2017, l'assureur de la société MPA était encore à cette date la société SMABTP, seule tenue à garantie.

Selon l'article L 124-5 alinéa 4 du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres.

En base réclamation, l'assureur est tenu à garantie si le fait dommageable, qui en matière de travaux immobiliers se situe à la date de leur exécution défectueuse, est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et si la première réclamation est adressée à l'assuré entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration du délai subséquent, d'au moins cinq ans, qui court de la date de résiliation ou d'expiration (3e Civ., 4 mars 2021, n°19-26.333).

Lorsque le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la résiliation ou à l'expiration de la garantie, la garantie subséquente n'a vocation à jouer que si l'assuré n'a pas souscrit auprès d'un autre assureur une même garantie ou a souscrit une garantie en base fait dommageable.

Il s'ensuit, à contrario, que, lorsque le fait dommageable a été connu de l'assuré après le premier contrat et s'il a souscrit une même garantie en base réclamation auprès d'un second assureur, c'est la garantie de ce second contrat, en vigueur à la date de la réclamation, qui jouera seule, sans que la garantie subséquente attachée au premier contrat puisse être mobilisée.

Par ailleurs, aux termes de la fiche d'information n°17555 relative au fonctionnement des garanties « responsabilité civile » dans le temps, produite par la société Abeille, qui fait partie intégrante du contrat souscrit, la réclamation est définie comme étant « la mise en cause de la responsabilité de l'assuré, soit par lettre ou tout autre support durable adressé à l'assuré ou à l'assureur, soit par assignation devant un tribunal civil ou administratif. »

En l'espèce, le courriel du 5 novembre 2017 dont fait état la société Abeille, est ainsi rédigé :

« Bonjour à tous,

Nous vous écrivons ce mail aujourd'hui pour vous faire part de notre mécontentement et notre colère suite aux trop nombreux problèmes que nous rencontrons avec la construction de notre projet de vie, notre maison !

Suite à notre rendez-vous du 1er août trop de choses ont été oubliées, à ce jour les travaux n'avancent pas assez vite et nous peinons à obtenir des plans (juste!) en temps et en heure et n'avons toujours pas de planning de chantier.

Au vu de ces points nous avons pris la décision de passer contrôler le petit avancement du chantier afin de vérifier sa conformité et nous avons malheureusement constaté au fur et à mesure du temps tous les points ci-dessous :

Le 1er août rendez-vous avec Mme [B] et M. [I] afin de tout mettre au point avant le commencement des travaux.

M. [I] avait en sa possession les anciens plans, Mme [B] devait donc lui fournir les plans corrects.

Nous avons également demandé une modification des plans intérieurs qui ont tardé à venir puis qui sont arrivés faux et de nouveau une attente beaucoup trop longue pour obtenir des plans justes.

Malgré cela ouverture de chantier le 11 septembre et les fondations sont coulées.

Rendez-vous avec M. [I] pour une mise au point.

Nous constatons que les fondations ont été coulées sur la base des anciens plans et non sur la base des plans validés par la mairie !

Cela engendre une hauteur de maison fausse, une hauteur sous sablière qui sera fausse ''

De plus les fondations du box ont été coulées sans les attentes électriques et eau et cela engendre une alimentation d'eau pas hors gel (norme moins 80 cm).

Ensuite M. [I] nous a fourni des plans avec des attentes pour le box au mauvais endroit.

Nous lui avons fait mail et message afin de lui faire part des rectifications à apporter avant de couler la dalle mais la dalle a été coulée sans les modifications.

Avec toutes ses erreurs nous avons pris la décision de mesurer la maison afin de vérifier la conformité avec les plans.

Mauvaise surprise !

Notre porte d'entrée est décalée de 30 cm trop à droite ce qui engendre :

Une buanderie plus petite, des chambres à l'étage plus petites, un escalier décalé, un poteau porteur décalé ce qui veut dire des fondations qui sont fausses et des points de ferraillages qui sont faux !

Nous pensons qu'il impératif de programmer en urgence une réunion afin de faire une importante mise au point.

Le chantier est tout simplement à reprendre à zéro car tout est faux depuis les fondations. »

Or, le nom des destinataires de ce courriel n'y figure pas, mais de toute évidence, M. [I] de la société MPA n'en faisait pas partie compte tenu de la teneur du mail qui ne s'adresse pas à lui, mais décrit ses manquements.

En effet, il ressort des productions que les consorts [D]-Ankiatis étaient en contact avec plusieurs intervenants qui les conseillaient, avec qui ils échangeaient régulièrement et qui étaient en lien avec la société MPA :

- M. [T] [O] de la société Caplotissement qui a répondu à ce courriel, dont il a donc été destinataire, en indiquant être à la disposition des consorts [D]-Ankiatis pour un rendez-vous et s'engageant à ce que tous les problèmes soient réglés.

- Mme [B] qui travaille au sein de la société Capmaison et qui est citée dans le courriel.

Par ailleurs, lors des opérations d'expertise la société MPA a indiqué ne pas avoir été l'auteur des plans de permis et l'expert, Mme [W] [F], a relevé l'intervention de M. [S] (société Alpes bâtiment expertise) sur demande des consorts [D]-[E] et a considéré qu'il avait effectué une mission d'assistant à maître d'ouvrage.

C'est ainsi que ce dernier, par courriel du 20 février 2018, adressait les plans à M. [I] de la société MPA avec quelques annotations de M. [D] lui demandant de bien en prendre note.

En tout état de cause, rien n'établit que M. [I] de la société MPA ait été destinataire de ce courriel et tout laisse à penser le contraire, de sorte que la société Abeille n'établit pas que ce courriel constitue une réclamation qui doit nécessairement être adressée à l'assuré ou son assureur.

Par ailleurs, il résulte des termes de ce courriel, qu'à l'époque, il n'était aucunement question d'engager la responsabilité de la société MPA mais de trouver des solutions pour remédier à la situation.

La réclamation des consorts [D]-[E] est bien postérieure et résulte du courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 juillet 2018 qu'ils ont adressés à la société MPA, lui notifiant l'arrêt immédiat du chantier, ce après avoir fait établir un constat d'huissier listant les désordres et mandaté un géomètre expert aux fins d'établissement d'un plan d'état des lieux nivelé de l'ouvrage en cours de construction.

C'est donc à tort que la société Abeille pour échapper à la mobilisation de ses garanties fait valoir l'existence d'une réclamation à la date du 5 novembre 2017.

b) Sur la connaissance par l'assuré du dommage lors de la souscription du contrat

La société Abeille fait encore valoir les dispositions de l'article L 124-5 alinéa 4 du code des assurances reproduites dans les conditions générales de la police et selon lesquelles « l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de souscription de la garantie. »

Elle soutient qu'en l'espèce, lorsqu'elle a souscrit le contrat le 17 décembre 2017 auprès d'Aviva, la société MPA avait une parfaite connaissance du fait dommageable ne serait-ce que par l'existence du courriel du 5 novembre 2017.

Or d'une part ainsi qu'il a été indiqué, rien n'établit que la société MPA ait été destinataire du courriel précité.

D'autre part, il résulte de l'expertise judiciaire que les fautes commises par la société MPA consistent précisément en un mauvais suivi de chantier et qu'il est reproché à cette dernière de n'avoir pas prévenu et détecté les désordres affectant les travaux de maçonnerie.

Enfin s'agissant de la toiture rien n'établit qu'à la date du 1er janvier 2018, la charpente et la couverture avaient été posées.

A cet égard, il convient de se référer au « rapport d'expertise » effectué par M. [S] à la suite d'une visite sur le chantier qui s'est déroulée le 26 janvier 2018.

Il n'est fait état que d'un poteau central mal positionné avec des préconisations pour y remédier et de la pose de caissons pour volets roulant trop haute, en cours de reprise.

Il est précisé qu'une visite sera effectuée avant la réception des travaux de maçonnerie et de charpente.

Ainsi, la société Abeille échoue à établir la connaissance par son assuré du fait dommageable lors de la souscription de la police d'assurance.

c) Sur l'existence d'exclusions dans les conditions générales

La société Abeille fait enfin valoir qu'en l'espèce, il existe des exclusions, opposables figurant à l'article 10 des conclusions générales « Exclusions responsabilité civile professionnelle ».

Elle excipe tout d'abord de la clause suivante qui exclut de la garantie :

« Les dommages affectant les ouvrages pour lesquels il n'a pas été tenu compte de réserves techniques notifiées, avant réception des travaux, par un contrôleur technique, le maître d''uvre principal, les bureaux d'études techniques spécialisés, l'entrepreneur ou le maître d'ouvrage, si le dommage trouve son origine dans l'objet même des réserves. »

Et elle se réfère au courriel précité du 5 novembre 2017 pour soutenir qu'il n'a pas été tenu compte par la société MPA des observations techniques du maître d'ouvrage, faisant valoir que l'expert judiciaire a relevé des non-conformités sur les points précités.

Or d'une part ainsi qu'il a été indiqué, rien n'établit que le courriel précité ait été à destination de la société MPA, les destinataires pluriels n'étant pas mentionnés.

D'autre part, les observations formulées à l'époque par les consorts [D]-Ankiatis reposaient sur le postulat erroné, que les plans du permis de construire étaient ceux du 11 mai 2017 alors que le permis tacite a été accordé sur la base des plans initiaux du 10 mars 2017, dont l'expert judiciaire a indiqué qu'il constituait le seul référentiel réglementaire.

Dès lors, il est normal que les fondations aient été coulées sur la base des « anciens plans », et elles n'étaient pas « fausses » contrairement à ce qui était soutenu.

A cet égard, il sera noté que les reproches concernant les décalages de la porte d'entrée, de l'escalier, du poteau porteur n'ont pas été repris par l'expert judiciaire.

Quand aux désordres concernant les attentes pour le box et l'absence de hors gel pour la canalisation desservant ce dernier, désordres dont l'expert a chiffré la reprise à un montant TTC de 900 euros, il s'agit de points mineurs qui pouvaient parfaitement être repris.

Enfin s'agissant de la hauteur sous sablière, les consorts [D]-Ankiatis n'ont pas émis des réserves mais une question.

Dès lors, cette exclusion de garantie ne saurait être retenue.

La société Abeille, se fondant toujours sur le même courriel, fait encore valoir l'exclusion de garantie visant :

« Les dommages résultant d'erreur d'implantation de l'opération de construction pour laquelle l'assuré n'a pas fait appel aux services d'un géomètre expert ou n'a pas tenu compte des conclusions de son rapport ayant servi à l'implantation, ni dressé de procès-verbal d'implantation. »

Or, contrairement à ce que soutient la société Abeille, il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une erreur concernant l'implantation de l'ouvrage, laquelle se définit comme étant l'emplacement choisi pour une construction par rapport aux limites du terrain, mais d'un problème d'altimétrie.

Le rapport d'expertise judiciaire ne fait état d'aucune erreur d'implantation mais, en revanche, pointe les discordances altimétriques précisant qu'elles résultent de l'adaptation, non autorisée par un permis de construire modificatif, d'un ouvrage, en l'occurrence la charpente/couverture, à des plans de permis de construire viciés.

Dès lors cette autre exclusion de garantie ne saurait être retenue et le jugement qui a retenu que la garantie de la société Aviva (devenue Abeille) était mobilisable, sera confirmé.

IV ' Sur les condamnations

1) Les travaux de reprise

a) Sur les travaux de déconstruction/reconstruction en lien avec les désordres affectant la structure de l'ouvrage

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des troubles indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ses préjudices.

Partant chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte à l'égard de la victime de l'importance de son action dans la production du dommage et donc du partage de responsabilité auquel il peut être procédé, celui-ci ne pouvant affecter l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

Les fautes commises par M. [G] et la société MPA ont contribué à la réalisation de l'entier dommage pour les maîtres de l'ouvrage, chaque coauteur étant bien à l'origine d'un fait générateur lié au dommage unique subi par les victimes par un lien de causalité.

C'est ainsi par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge, retenant que la garantie de l'assureur de M. [G] n'était pas mobilisable, a déclaré la société MPA tenue à garantie intégrale envers les maîtres de l'ouvrage et qu'elle devait supporter l'intégralité des coûts afférents aux travaux de reprise nécessaires pour faire cesser les désordres.

Le jugement qui a condamné la société MPA in solidum avec son assureur à verser aux consorts [D]-[E] la somme de 125 350 euros à ce titre et condamné la société Aviva (devenue Abeille) à garantir son assuré sera confirmé.

b) Les travaux de reprise concernant les discordances altimétriques

Ce préjudice doit être indemnisé par la société MPA, seule responsable, avec son assureur de sorte que le jugement qui a condamné in solidum cette dernière avec la société Aviva devenue Abeille sera confirmé, la société Abeille étant condamnée à relever et garantir son assuré.

c) les non conformités mineures

Il en est de même de ces préjudices évalués à la somme de 900 euros et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société MPA et son assureur in solidum au paiement de ladite somme, la société Abeille étant condamnée à garantir son assuré.

2) le préjudice de jouissance

Les conditions générales produites par la société Abeille contiennent à la fin du document un lexique qui, page 43, définit le préjudice immatériel comme « tout préjudice pécuniaire résultant d'une privation de jouissance totale ou partielle d'un bien ou d'un droit, de la perte d'un bénéfice, de la perte de clientèle, de l'interruption d'un service ou d'une activité. »

Le préjudice de jouissance imputable aux désordres affectant l'ouvrage a été évalué sur la base de la valeur locative du bien de sorte qu'il constitue bien un préjudice pécuniaire garanti au sens du lexique précité.

Compte tenu de l'actualisation de ce préjudice par les consorts [D]-[E], le jugement sera infirmé quant au quantum des sommes allouées mais confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société MPA et son assureur au paiement desdites sommes et condamné la société Aviva devenue Abeille à garantir la société MPA.

Ainsi que le fait valoir la société Abeille à titre subsidiaire, il y a lieu, s'agissant d'une assurance non obligatoire, de faire application des plafonds et franchises contractuelles qui sont opposables aux tiers lésés que sont les consorts [D]-[E].

3) Le préjudice moral

Le préjudice moral alloué aux consorts [D]-[E] ne constituant pas un préjudice immatériel au sens des conditions générales de la police souscrite par la société MPA, la garantie de l'assureur est exclue et seule la société MPA sera condamnée au paiement de ce poste de préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

V ' Sur les mesures accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit des consorts [D]-[E].

En revanche, la société MIC sera déboutée de ses demandes formées en appel sur ce fondement.

La société Abeille et la société MPA qui échoue en leurs prétentions devant la cour sont tenues aux dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné in solidum la société MPA ingénierie et la société Aviva à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 47 734,50 euros au titre du préjudice de jouissance, outre celle de 1 200 euros par mois à compter du 1er février 2022 jusqu'au règlement intégral des indemnités allouées au titre de la réfection des désordres

L'infirme sur ce seul point,

Condamne in solidum la société MPA ingénierie et la société Abeille iard & santé, venant aux droits de la société Aviva assurances, à payer à M. [D] et Mme [E] la somme de 58 800 euros en indemnisation du préjudice de jouissance, outre celle de 1 200 euros à compter du 1er novembre 2022 jusqu'au règlement intégral des indemnités allouées au titre de la réfection des désordres,

Y ajoutant,

Déclare la société Abeille iard & santé, venant aux droits de la société Aviva assurances fondée à opposer les franchises contractuelles de son contrat n° 77 810 089, au regard des conditions particulières et conditions générales versées aux débats,

Déboute la société MPA ingénierie et la société Abeille de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société MIC insurance compagny,

Déboute la société MIC insurance compagny de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

Condamne in solidum la société MPA ingénierie et la société Abeille iard & santé à verser à M. [D] et Mme [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société MPA ingénierie et la société Abeille iard & santé aux dépens exposés en appel avec distraction de ces derniers au profit de Me Dormeval et de la selurl Bollonjon avocat associée.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 07 mars 2023

à

la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

Me Clarisse DORMEVAL

Me Michel FILLARD

la SELARL BOLLONJEON

Copie exécutoire délivrée le 07 mars 2023

à

Me Clarisse DORMEVAL

la SELARL BOLLONJEON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01467
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;22.01467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award