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07/03/2023 | FRANCE | N°21/01811

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 3ème chambre, 07 mars 2023, 21/01811


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







3ème Chambre



Arrêt du Mardi 07 Mars 2023





N° RG 21/01811 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GZOY



Décision attaquée : jugement du juge aux affaires familiales de BONNEVILLE en date du 27 Juillet 2021, RG 20/00444





Appelant



M. [N], [G], [C] [D]

né le 03 Janvier 1968 à PARIS (75017), demeurant [Adresse 4]



Représenté par Me Audrey BOLLONJEON de la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

et par Me Agnès

PEETERS, avocat plaidant au barreau de PARIS





Intimée



Mme [V] [E] [L]

née le 02 Mars 1973 à GENEVE (SUISSE), demeurant [Adresse 1]



Représentée par Me Clarisse DORMEVAL...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

3ème Chambre

Arrêt du Mardi 07 Mars 2023

N° RG 21/01811 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GZOY

Décision attaquée : jugement du juge aux affaires familiales de BONNEVILLE en date du 27 Juillet 2021, RG 20/00444

Appelant

M. [N], [G], [C] [D]

né le 03 Janvier 1968 à PARIS (75017), demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Audrey BOLLONJEON de la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

et par Me Agnès PEETERS, avocat plaidant au barreau de PARIS

Intimée

Mme [V] [E] [L]

née le 02 Mars 1973 à GENEVE (SUISSE), demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

et par Me Stéphanie AMBIAUX, avocat plaidant au barreau de THONON LES BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 03 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Laurence VIOLET, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Madame La Première Présidente,

- Madame Esther BISSONNIER, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [N] [D], né le 3 janvier 1968 à [Localité 7] et Mme [V] [L], née le 2 mars 1973 à Genève (Suisse) se sont mariés le 3 décembre 2010, après avoir conclu un contrat de séparation de biens le 19 janvier 2009.

Le 4 octobre 2012, ils ont acquis en indivision à hauteur de 50% chacun un chalet situé [Adresse 3] (74), au moyen d'apports de chacun d'eux et d'un crédit commun en devises.

Ce bien est devenu ultérieurement le domicile conjugal.

Par une ordonnance de non-conciliation en date du 22 avril 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bonneville a notamment :

' attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse à titre gratuit au titre du devoir de secours, à charge pour l'époux de s'acquitter provisoirement des mensualités du prêt immobilier,

' fixé à 1400 € le montant de la part contributive mise à la charge de M. [N] [D] au titre de son devoir de secours envers Mme [V] [L],

' fixé à 500 € le montant de la contribution paternelle à l'entretien et à l'éducation de chacun des trois enfants dont la résidence a été fixée chez leur mère.

Le 30 juin 2016, le bien immobilier a été vendu au prix de 931'200 €, dont

222'500 € ont été employés à solder le crédit immobilier. Chacun des époux a prélevé 200'000 € sur ce bonus à titre d'avance sur ses droits dans la liquidation de leur indivision. Le surplus a été séquestré en l'étude du notaire ayant instrumenté la vente.

Par la suite des sommes ont été prélevées sur ces fonds afin de régler des sommes dues par M. [N] [D] à Mme [V] [L] en exécution de l'ordonnance de non-conciliation et du jugement de divorce. Le montant demeurant séquestré en étude du notaire s'élève à 243'378,96 euros.

Par un arrêt en date du 21 novembre 2017, la cour d'appel de Chambéry, saisi par M. [N] [D] d'un recours contre l'ordonnance de non-conciliation, a confirmé cette dernière sur l'intégralité des points évoqués à l'exception du montant de la pension alimentaire due par M. [N] [D] au titre du devoir de secours, dont le montant mensuel a été porté à 2800 €.

Par un jugement en date du 15 mars 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bonneville a notamment :

' fixé la date des effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens au 22 avril 2016,

' condamné M. [N] [D] à payer à Mme [V] [L] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts,

' rejeté la demande de prestation compensatoire formée par Mme [V] [L],

' fixé à 500 € mensuels par enfant le montant de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de ces derniers.

Par un acte d'huissier en date du 2 juin 2020, M. [N] [D] a fait assigner Mme [V] [L] aux fins de partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Par un jugement en date du 27 juillet 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bonneville a :

' dit que les droits de M. [N] [D] comme ceux de Mme [V] [L] au titre de la liquidation de l'indivision ayant existé entre eux s'élèvent à 355'317,50 euros chacun,

' attribué à Mme [V] [L], outre la somme de 200'000 € qu'elle a déjà perçue, celle de 155'317,50 euros, séquestrée en l'étude de la Selarl Nicolas Daudruy [V] Degonde, notaires à [Localité 6] correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision,

' attribué à M. [N] [D], outre la somme de 267'256,04 euros qu'il a déjà perçue, celle de 88'061,46 euros séquestrée en l'étude de la Selarl Nicolas Daudruy [V] Degonde, notaires à [Localité 6] correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision,

' rejeté la demande indemnitaire formée par Mme [V] [L],

' condamné M. [N] [D] à supporter la charge des entiers dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Virginie Combépine,

' condamné M. [N] [D] à payer à Mme [V] [L] la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' constaté que la présente décision est assortie d'exécution provisoire.

Par une déclaration en date du 10 septembre 2021, M. [N] [D] a relevé appel de ce jugement en visant l'intégralité du dispositif.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2022, M. [N] [D] demande à la cour de :

'infirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Bonneville le 27 juillet 2021 en toutes ses dispositions, et notamment en qu'il a :

- dit que les droits de M. [N] [D] comme de Mme [V] [L] au titre de la liquidation de l'indivision ayant existé entre eux s'élèvent à 355.317,5 Euros chacun ;

- attribué à Mme [V] [L], outre la somme de 200.000 Euros qu'elle a déjà perçue, celle de 155.317,50 Euros séquestrée en l'étude de la SELARL Nicolas DAUDRUY [V] DEGONDE, Notaires à [Localité 6], correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision ;

- attribué à Mme [V] [L], outre la somme de 267.256,04 Euros qu'il a déjà perçue, celle de 88.061,46 Euros séquestrée en l'étude de la SELARL Nicolas DAUDRUY [V] DEGONDE, Notaires à [Localité 6], correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision ;

- condamné M. [N] [D] à supporter la charge des entiers dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Madame [B] [T];

- condamné M. [N] [D] à payer à Mme [V] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- constaté que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ; En ce qu'elle a invité la partie qui y a intérêt à signifier le présent jugement,

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [N] [D] recevable et bien fondé en ses demandes et y faisant droit,

- débouter Mme [V] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire que les droits de M. [N] [D] au titre de la liquidation ayant existé avec Mme [V] [L] s'élèvent à la somme de 586 567,50 euros en principal ;

- dire que les droits de Mme [V] [L] au titre de la liquidation ayant existé avec M. [N] [D] s'élèvent à la somme de 124 067,50 euros en principal ;

- condamner Mme [V] [L] à payer à M. [N] [D] la somme de 231 250 euros en remboursement du trop-perçu en exécution du jugement entrepris au titre du principal.

- condamner Mme [V] [L] à payer à M. [N] [D] la somme de 5 955 euros en remboursement du trop-perçu en exécution du jugement entrepris au titre des intérêts sur les fonds séquestrés.

- condamner Mme [V] [L] à payer à M. [N] [D] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

À l'appui de ses demandes, M. [N] [D] expose que les époux ont acquis le 4 octobre 2012 alors qu'ils habitaient en Suisse, une résidence secondaire située aux [Localité 5] pour un montant total de 564'000 € qu'ils ont financée au moyen d'un apport en capital de Mme [V] [L] de 180'000 €, d'un apport en capital de M. [N] [D] de 154'000 € et d'un emprunt de 280'500 CHF, soit 230'000 €, qu'il affirme avoir remboursé seul avec ses deniers personnels entre octobre 2012 et juin 2016 pour un montant total de 61'300 €. Il précise encore qu'il a fait réaliser d'importants travaux dans le bien immobilier pour un montant total de 243'228 € qu'il a financé seul à l'aide de capitaux provenant du prix de vente d'un appartement à [Localité 7] pour lequel il avait perçu la somme de 358'272 € en août 2010 et d'une donation de ses parents d'un montant de 279'433 € le 27 octobre 2014. Il précise encore que ce bien immobilier a été vendu le 30 juin 2016 au prix de 931'200 €, que l'emprunt restant à courir s'élevait à 222'500 €, qu'ils ont remboursé de manière anticipée. Il estime dès lors que le prix de vente net s'élève à 710'635,01 euros, ce qui constitue le patrimoine à partager. Il reconnaît que par la suite divers prélèvements ont été effectués par les parties : 200'000 € chacun et que le solde, soit 310'635,01 euros est resté séquestré entre les mains du notaire. Il ne conteste pas que par la suite, étant dans l'incapacité totale de faire face à la pension alimentaire mise à sa charge, il a prélevé des sommes dues au profit de Mme [V] [L] sur les fonds séquestrés soit un total de 67'256,05 euros. Il précise dès lors que le 9 mars 2020, le montant des fonds restants séquestré chez le notaire s'élève à la somme de 243'378,96 euros.

Concernant les droits de chacun des époux au titre de la liquidation, M. [N] [D] conteste le partage par moitié du solde du prix de vente du chalet, faisant valoir qu'il détient deux créances sur l'indivision. L'une au titre d'un apport en capital provenant de ses deniers personnels et par lequel il a financé les travaux d'amélioration. Il affirme ainsi avoir investi la somme de 243'228 € entre novembre 2012 et septembre 2015, détaillant l'ensemble des factures réglées par ses soins qui seraient selon lui des travaux structurels ayant notamment permis d'augmenter la superficie du chalet. Il soutient que l'ensemble de ces améliorations ont augmenté la valeur du bien, avec une plus-value de 401'200 € alors même que le marché immobilier était resté stable sur la période. Il relève que Mme [V] [L] ne conteste pas le fait qu'il ait financé seul l'intégralité de ces dépenses ; il produit ses relevés de compte et des justificatifs relatifs à l'origine des fonds provenant pour partie de ses économies, du prix de vente de son appartement parisien et d'une donation de ses parents. Il rappelle que pour sa part Mme [V] [L] disposait également de fonds propres qu'elle a néanmoins décidé de ne pas investir dans les travaux du chalet, ayant en réalité déjà pris la décision de divorcer. Il estime dès lors à ce titre détenir une créance sur l'indivision à hauteur de 401'200 €. Il affirme encore en équité que durant le mariage, il a surcontribué aux charges en réglant leur intégralité, en investissant la totalité de son patrimoine alors même que son épouse avait fait le choix de ne pas travailler et de conserver ses fonds propres. Il soutient encore que le chalet était une résidence secondaire puisque leur domicile était situé en Suisse jusqu'à la fin de l'année 2014 ; qu'il assurait un train de vie extrêmement confortable à sa famille et en particulier son épouse au détriment de ses intérêts personnels, ayant du encore faire face à une pension alimentaire astronomique postérieurement à la séparation.

Concernant la situation de Mme [V] [L], M. [N] [D] affirme qu'elle bénéficie de la fortune de son père, n'ayant jamais eu réellement besoin de travailler, ne recherchant pas d'emploi à partir de la naissance des enfants, bien que disposant d'une nourrice à domicile à temps plein qu'il a financé seul. Il estime que Mme [V] [L] a profité de la prise en charge par ses soins de l'intégralité du niveau de vie de la famille, qu'elle a pu placer ses fonds propres, bénéficier d'une importante pension alimentaire, de diverses donations de son père outre le partage de ses avoirs de prévoyance et qu'elle dispose désormais d'une confortable épargne contrairement à lui. Il conteste pour sa part disposer d'un patrimoine dissimulé en Suisse, affirmant être transparent sur sa situation patrimoniale. Il indique d'ailleurs ne pas être opposé si besoin à une expertise comptable, relevant que pour sa part Mme [V] [L] qui est de nationalité suisse n'a communiqué que partiellement ses justificatifs bancaires.

Concernant la créance qu'il revendique au titre du remboursement de l'emprunt immobilier au moyen d'un apport en capital provenant de ses fonds personnels, M. [N] [D] indique qu'il s'agit d'une dépense de conservation ; que l'emprunt souscrit s'élevait à la somme de 230'000 €; qu'il a acquitté seul l'intégralité des échéances d'octobre 2012 à juin 2016 pour un montant de 61'300 €, affirmant avoir utilisé à cette fin l'apport constitué par le prix de vente de son appartement parisien et le montant de la donation-partage de ses parents.

Il conteste l'analyse réalisée par le premier juge qui a considéré que le financement des travaux d'amélioration et le remboursement de l'emprunt immobilier constituaient une charge du mariage en faisant état du fait que l'apport provenant de fonds personnels ne participait pas de son obligation de contribution. Il soutient qu'il a apporté le capital provenant de la vente de son appartement et d'une donation-partage ; qu'il s'agissait d'une opération d'investissement de la totalité de son patrimoine et qu'il ne peut dès lors s'agir d'une contribution charge du mariage, soutenant par ailleurs que le solde de ces fonds ont servi à financer le train de vie de la famille puisqu'il ne disposait plus au moment de la séparation que de la somme de 45'072 €.

Il affirme encore que le chalet ne constituait pas la résidence principale du couple mais une résidence secondaire jusqu'à la fin de l'année 2014, date de son licenciement et ce afin de réduire les dépenses de la famille ; que la deuxième tranche de travaux entre juin 2014 et septembre 2015 n'a eu pour objectif que d'améliorer la plus-value après l'échec d'une première mise en vente.

Il soutient enfin que le financement des travaux est excessif eu égard à ses revenus pour être considéré comme une contribution charge du mariage, la présomption contenue dans le contrat de mariage étant une présomption simple autorisant la preuve contraire. Il estime dès lors qu'il a contribué au-delà de son obligation et ce au regard de l'absence totale de participation financière de Mme [V] [L] aux dépenses familiales.

M. [N] [D] revendique par conséquent une créance sur l'indivision d'un montant total de 462'500 €.

Concernant la masse partageable et les comptes entre les parties, M. [N] [D] ne conteste pas la fixation par le premier juge de la masse active à partager à la somme de 710'635,01 euros. Compte-tenu de sa créance, il estime que doit lui être attribuée la somme de 586'567,50 euros, soit (compte-tenu des prélèvements déjà effectués) la somme finale de 231'250 €. Il estime que dans ces conditions Mme [V] [L] est redevable d'une somme de 231'250 € qu'elle devra être condamnée à lui verser.

Concernant la condamnation de Mme [V] [L] à lui payer la somme de 5955 € en remboursement du trop-perçu à titre d'intérêt sur les fonds séquestrés, M. [N] [D] en demande le remboursement.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2022, Mme [V] [L] demande à la cour de :

' déclarer M. [N] [D] recevable mais non fondée en ses demandes,

' confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en date du 27 juillet 2021 en ce qu'il a :

- dit que les droits de M. [N] [D] comme de Mme [V] [L] au titre de la liquidation de l'indivision ayant existé entre eux s'élèvent à 355 317,5 € chacun ;

- attribué à Mme [V] [L], outre la somme de 200 000 € qu'elle a déjà perçues, celle de 155 317,50 séquestrée en l'étude de la SELARL Nicolas Daudry [V] Degonde, notaires à [Localité 6], correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision ;

- attribué à M. [N] [D], outre la somme de 267 256,04 € qu'il a déjà perçue, celle de 88 061,46 € séquestrée en l'étude de la SELARL Nicolas Daudry [V] Degonde, notaires à [Localité 6], correspondant à ses droits dans le cadre du partage de cette indivision ;

- condamné M. [N] [D] à payer à Mme [V] [L] la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

' débouter M. [N] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' condamner M. [N] [D] à payer à Mme [V] [L] la somme de

5 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec pour ceux d'appel distraction au profit de Maître Dormeval en applications des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes, Mme [V] [L] expose que le solde de la vente a été partagé entre les parties conformément aux jugement déféré, de même que les intérêts qui s'élevaient à la somme de 10'554 €, à hauteur de 5955 € pour elle et 4599 € pour M. [N] [D].

Concernant l'actif net à partager, Mme [V] [L] rappelle que le bien immobilier constituant le domicile conjugal était un bien indivis détenu par moitié chacun alors même qu'elle avait réalisé un apport plus important lors de l'acquisition ; que selon le décompte du notaire il restait à partager la somme de 243'378,96 euros. Elle ne conteste pas la fixation de l'actif net par le premier juge à la somme de 710'635,01 euros et affirme que chacun des époux a droit à la moitié soit 355'317,50 euros.

Concernant les créances revendiquées par M. [N] [D], Mme [V] [L] indique relativement au financement des travaux que l'appelant produit diverses factures notamment relatives à des travaux d'élagage, d'aménagement ou encore d'achat électroménager ou du mobilier. Elle rappelle que le bien immobilier a été acquis aux fins de devenir leur domicile conjugal ; que si M. [N] [D] a bien vendu un appartement à [Localité 7] pour un montant de 356'770,59 euros, il ne démontre pas que ces fonds aient été investis dans le financement des travaux ; que d'ailleurs les époux ont disposé d'apports initiaux inégaux. Elle relève que la donation-partage du 27 octobre 2014 dont M. [N] [D] a été bénéficiaire est postérieure aux travaux effectués entre octobre 2012 et l'année 2013 ; qu'il ne démontre dès lors pas que ces sommes aient été investies à ce titre ; qu'en réalité les travaux ont été financés par les revenus de M. [N] [D] et de fonds propres. Elle note qu'au regard des revenus très confortables de M. [N] [D], les époux avaient d'un commun accord décidé qu'elle ne travaillerait pas pour s'occuper des trois enfants dont l'aîné présentait un handicap ; qu'elle ne disposait donc d'aucune ressource et d'aucune économie permettant de financer les travaux d'agrandissement décidés par M. [N] [D] ; que les dépenses qu'il a ainsi réalisées relèvent de la contribution aux charges du mariage conformément à leur contrat nuptial, ses propres espérances successorales étant sans intérêt.

Concernant la créance revendiquée par M. [N] [D] au titre du prêt immobilier, Mme [V] [L] sollicite la confirmation du premier jugement qui a considéré que les remboursements effectués par l'époux constituaient une contribution aux charges du mariage au regard des revenus de ce dernier, du fait que le logement constituait le domicile familial et de la clause introduite dans le contrat de mariage.

La clôture est intervenue par une ordonnance en date du 16 décembre 2022.

SUR QUOI, LA COUR :

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

L'appel principal ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.

A titre liminaire, il y a lieu de constater que Mme [V] [L] ne forme pas d'appel incident relatif au rejet de sa demande de dommages et intérêts; ces dispositions seront donc confirmées.

Sur les créances revendiquées par M. [N] [D]

Il découle de l'article 815-13 du code civil que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Il est acquis que constituent une dépense de conservation, le remboursement des emprunts souscrits pour financer une acquisition immobilière. Les travaux ayant permis d'améliorer l'état du bien constituent des travaux d'amélioration.

En l'espèce, il est constant que M. [N] [D] et Mme [V] [L] ont acquis le 4 octobre 2012 un bien immobilier situé [Adresse 2] pour la somme globale (frais inclus) de 564 000 euros. En l'absence de production de l'acte de vente (seule une attestation est versée aux débats), il convient de se référer aux écritures des parties et à la consultation effectuée auprès de Me [F] pour en déduire que le bien a été acquis par M. [N] [D] et Mme [V] [L] en indivision, à hauteur de 50 % en pleine propriété pour chacun.

Le coût de cette acquisition a été financé par:

- un crédit immobilier de 230 000 euros

- un apport personnel de Mme [V] [L] de 180 000 euros

- un apport personnel de M. [N] [D] de 154 000 euros.

M. [N] [D] et Mme [V] [L] ont par la suite entrepris des travaux d'agrandissement et d'amélioration du bien. Selon le calcul proposé par M. [N] [D], ceux-ci s'élèvent à la somme totale de 243 228 euros.

Compte tenu de l'acquisition par moitié indivise, chaque partie était tenue au paiement par moitié de l'ensemble du coût d'acquisition et des travaux.

Il n'est pas contesté par Mme [V] [L], qu'en réalité M. [N] [D] a assumé seul le remboursement du crédit immobilier à compter du mois d'octobre 2012 et jusqu'en juin 2016 inclus (date de la vente), soit selon son décompte la somme de 61300 euros (intérêts compris) dont il justifie le paiement par la production de l'intégralité des relevés bancaires de son compte personnel au Crédit Mutuel pour la période concernée.

Il n'est pas plus contesté par Mme [V] [L] que M. [N] [D] a financé également seul l'intégralité des travaux entrepris.

En conséquence, M. [N] [D] dispose théoriquement d'une créance à l'encontre de Mme [V] [L] au titre de la moitié du remboursement du crédit et du financement des travaux.

Il découle cependant de la jurisprudence constante que les créances établies sur le fondement de l'article 815-13 du code civil peuvent être neutralisées dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial au titre de la contribution aux charges du mariage dès lors qu'elles ont eu pour objectif de financer le logement de la famille. Il en est ainsi du financement du domicile conjugal, mais également de celui d'une résidence secondaire si le train de vie de la famille le permet et si son usage est effectivement familial.

En l'espèce, il est constant que M. [N] [D] disposait de très importants revenus lors de l'acquisition du bien immobilier en cause, le jugement de divorce ayant ainsi retenu un revenu mensuel de 18876 euros par mois en 2012, 28685 euros en 2013 et 14402 euros en 2014, avant une baisse importante à compter de 2015 (5669 euros puis 918 en 2016). Dans ce contexte économique, l'acquisition d'une résidence secondaire qui au surplus est devenue par la suite la résidence principale de la famille à compter a minima, comme retenu par le premier juge, d'avril 2015 permet de considérer que l'ensemble des dépenses relatives au remboursement et aux travaux peuvent ressortir de la contribution aux charges du mariage.

Il existe cependant des limites à ce raisonnement, notamment celle tenant au mode de financement des dépenses elle-mêmes. En l'espèce, si M. [N] [D] démontre avoir perçu des fonds personnels issus de donations de ses parents mais aussi de la vente d'un bien propre, il échoue à établir que ces fonds aient servi à alimenter de manière exclusive le compte bancaire courant ouvert à son seul nom auprès du Crédit Mutuel, lequel était approvisionné par des virements dont l'origine reste indéterminée, étant observé qu'à l'époque M. [N] [D] travaillait en Suisse et percevait son salaire dans ce pays. Il verse des relevés de comptes de 2012 et de 2016 montrant une baisse de ses avoirs, néanmoins il n'est pas possible de déduire de ces seuls documents que les fonds n'ont servi qu'au financement des travaux.

Cependant, il n'est pas contestable au vu du régime matrimonial adopté par les parties, que les fonds ayant servi à faire fonctionner le compte de M. [N] [D] étaient à tout le moins des fonds personnels de ce dernier; Mme [V] [L] ne verse d'ailleurs aucun document permettant d'établir qu'elle aurait participé au paiement des diverses factures.

Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que l'apport en capital ne peut être considéré comme constituant une modalité de contribution aux charges du mariage lorsqu'il a servi au financement de l'acquisition ou à son amélioration.

Ainsi, concernant le remboursement du prêt, les règlements périodiques doivent être considérés comme relevant de l'obligation de contribution aux charges du mariage pesant sur M. [N] [D]. Cette contribution, au regard des développements du jugement attaqué, de la clause spécifique contenue dans le contrat de mariage mais également des revenus respectifs des parties ne paraît pas en l'espèce disproportionnée. La demande formée à ce titre par M. [N] [D] sera donc rejetée.

Concernant le paiement des travaux, il convient de déterminer s'il peut être considéré comme constituant un apport en capital de fonds personnels. Il y a lieu de relever que les paiements en cause n'ont pas été réalisés sous la forme d'un seul versement mais de divers règlements échelonnés de novembre 2012 à septembre 2015; qu'ils sont de montants très variables (de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros); qu'ils ont été honorés à partir du compte bancaire courant de M. [N] [D] et non d'un compte épargne.

Il doit aussi être relevé que si les travaux d'amélioration en cause ont été particulièrement importants puisque représentant plus d'un tiers du prix d'acquisition initial, ils ont consisté à la fois en une rénovation globale du bien en cause qui a été réalisée dans l'intérêt de la famille afin de lui assurer des conditions de logement adaptées mais également en un agrandissement du bâti existant au cours de l'année 2015, soit postérieurement à la perte d'emploi de l'époux et dès lors à un moment où ses revenus avaient fortement diminué.

Il y a lieu dès lors d'effectuer une distinction entre les dépenses d'amélioration qui ont eu pour but de rénover le bien et celles relatives à l'extension par la construction d'une nouvelle pièce et ce d'autant plus que le financement total des travaux d'amélioration par M. [N] [D], représente un coût mensuel de 6949,37 euros, qui s'ajoute au remboursement du crédit immobilier de 1633,03 euros outre l'ensemble des frais de la vie courante de la famille, Mme [V] [L] ne travaillant pas et étant dépourvue de revenus. Ce montant excède la contribution aux charges du mariage normale même au regard des importants revenus de l'époux, et ce particulièrement en 2015 puisqu'il était alors au chômage.

Il doit dès lors être considéré comme ne relevant pas de la contribution aux charges du mariage et ouvrant dès lors droit à créance au profit de M. [N] [D] les sommes suivantes :

- facture [Y] 7 juillet 2014 : 4175,40 euros,

- note d'honoraire 29 juillet 2014 : 1522,58 euros,

- APÉlectricité 26 mars 2015 : 3217,28 euros,

- Cénédèse 10 juin 2015 : 7149,99 euros,

- facture [S] 22 juin 2015 : 4382,40 euros,

- facture [S] 22 juin 2015 : 32602,92 euros,

- APElectricité 10 juillet 2015 : 314,96 euros,

- facture Cénédèse 28 septembre 2015 : 570 euros

soit un total de 54205,53 euros, soit selon les règles de revalorisation édictées par l'article 815-13 du code civil : (54205,53 / 530 000) x 931 200 = 95238,09 euros.

La créance de M. [N] [D] à l'encontre de Mme [V] [L] sera donc fixée à la somme de : 47619,04 euros.

Compte final

actif net : 710 635,01 euros

droits des parties : 50 % chacune soit 355 317,50 euros, dont il convient de déduire :

- pour Mme [V] [L] :

- avance de 200 000 euros

- créance à l'égard de M. [N] [D] : 47619,04

donc à percevoir: 107 698,46 euros,

- pour M. [N] [D]:

- avance de 200 000 euros

- utilisation de 67 256,04 euros

- à ajouter: créance à l'encontre de Mme [V] [L]: 47619,04,

donc à percevoir : 135 680,50 euros.

Soit un total de 243 378,96 euros correspondant à la somme initialement séquestrée par le notaire.

Le premier jugement sera dès lors infirmé.

Les parties s'étant déjà partagées le solde conformément au jugement attaqué, il y a lieu de condamner Mme [V] [L] à verser à M. [N] [D] la somme de 47619,04 euros, qu'elle a perçu indûment.

M. [N] [D] forme également des demandes au titre des intérêts produits par les sommes séquestrées. Les parties se sont partagées les intérêtsen octobre 2021, Mme [V] [L] ayant perçu à ce titre la somme de 5955 euros. Il doit être relevé que les intérêts représentaient la somme globale de 10554 euros; que le partage a été réalisé au prorata des sommes laissées par chacun des époux sur le compte chez le notaire, soit selon les retraits effectués par chacun avant le partage ce qui n'est pas modifié par la présente décision. Il y a donc lieu de rejeter la demande de remboursement telle que formée par M. [N] [D].

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes formées en première instance et en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement du Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Bonneville en date du 27 juillet 2021 en ses dispositions relatives au rejet de la demande indemnitaire de Mme [V] [L],

Infirme le jugement du Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Bonneville en date du 27 juillet 2021 pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que les droits de M. [N] [D] au titre de la liquidation ayant existé avec Mme [V] [L] s'élèvent à la somme de 402963,54 euros

Dit que les droits de Mme [V] [L] au titre de la liquidation ayant existé avec M. [N] [D] s'élèvent à la somme de 307698,46 euros,

Dit que M. [N] [D] dispose d'une créance à l'encontre de Mme [V] [L] d'un montant de 47 619,04 euros au titre des dépenses d'amélioration,

Condamne Mme [V] [L] à payer à M. [N] [D] la somme de

47 619,04 euros,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les parties aux dépens par moitié,

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées par M. [N] [D] au titre des trop perçus par Mme [V] [L] en ce qui concerne le partage des intérêts,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les parties à supporter par moitié les dépens d'appel.

Ainsi rendu le 07 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Laurence VIOLET, Greffier.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01811
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;21.01811 ?
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