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07/03/2023 | FRANCE | N°21/00521

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 3ème chambre, 07 mars 2023, 21/00521


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







3ème Chambre



Arrêt du Mardi 07 Mars 2023





N° RG 21/00521 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUWM



Décision attaquée : jugement du juge aux affaires familiales de THONON LES BAINS en date du 22 Février 2021, RG 19/00470





Appelant



M. [N], [M] [F]

né le 23 Août 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Pascale ESCOUBES de la SCP FAVRE-ESCOUBES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS





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Intimée



Mme [A], [U] [L] divorcée [F]

née le 28 Mai 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]



Représentée par Me Luc HINTERMANN, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS





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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

3ème Chambre

Arrêt du Mardi 07 Mars 2023

N° RG 21/00521 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUWM

Décision attaquée : jugement du juge aux affaires familiales de THONON LES BAINS en date du 22 Février 2021, RG 19/00470

Appelant

M. [N], [M] [F]

né le 23 Août 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Pascale ESCOUBES de la SCP FAVRE-ESCOUBES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimée

Mme [A], [U] [L] divorcée [F]

née le 28 Mai 1972 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Luc HINTERMANN, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 03 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Laurence VIOLET, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Madame La Première Présidente,

- Madame Esther BISSONNIER, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,

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FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [N] [F], né le 23 août 1972 à [Localité 5] (74) et Mme [A] [L], née le 28 mai 1972 à [Localité 5] (74) se sont mariés le 17 août 2002 à [Localité 5], sans contrat de mariage préalable.

Deux enfants sont issus de cette union :

' [E], né le 4 février 2004,

' [C], né le 28 mars 2011.

Par un jugement en date du 15 décembre 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a prononcé le divorce de M. [N] [F] et de Mme [A] [L], décision confirmée en appel par arrêt le 20 mars 2018.

Par un acte du huissier en date du 18 février 2019, Mme [A] [L] a fait assigner M. [N] [F] en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Par un jugement en date du 22 février 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

' déclaré recevable l'action en partage,

' dit que l'actif de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé comme suit :

' récompense due par M. [N] [F] à la communauté : 556'445 euros,

' parts sociales de la SARL [F] : 10'626 euros,

' meubles meublants : 14'063,40 euros,

' véhicule Mégane : 8125 euros,

' véhicule Clio : 500 euros,

' dit que le passif de la communauté ayant existé entre les époux M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé comme suit :

' prêt Caisse d'Epargne : 69'647,77 euros,

' prêt familial : 18'561,68 euros,

' dit que l'actif net de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] s'élève à la somme de 501'549,95 euros,

' dit que les droits des parties s'élèvent à 250'774,97 euros pour chacun des époux,

' attribué à M. [N] [F] :

' parts sociales de la SARL [F] : 10'626 euros,

' meubles meublants : 14'063,40 euros,

' véhicule Clio : 500 euros,

' récompense due à la communauté : 501'549,95 euros,

' le passif d'un montant global de 88'209,45 euros,

' la soulte à verser à Mme [A] [L] : -242'649,97 euros,

' attribué à Mme [A] [L] :

' le véhicule Mégane : 8125 euros,

' la soulte à recevoir de M. [N] [F] : 242'649,97 euros,

' dit que les dépens seront partagés par moitié et employés en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit de la SCP Favre Escoubes.

Par une déclaration en date du 11 mars 2021, M. [N] [F] a relevé appel de ce jugement en le limitant aux dispositions relatives à la composition de l'actif et aux attributions à chacun des époux.

Par une ordonnance en date du 24 mars 2022, le conseiller de la mise en état a:

' déclaré l'incident formé par M. [N] [F] recevable en la forme,

' déclaré irrecevable l'appel incident formé par Mme [A] [L] au terme des conclusions de fond notifiées le 8 juillet 2021,

' dit qu'il n'entre pas dans l'office du conseiller la mise en état de se prononcer sur la recevabilité des demandes présentées au fond par Mme Mme [A] [L],

' dit que les dépens de l'incident seront joints au fond.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2022, M. [N] [F] demande à la cour de :

'confirmer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a déclaré l'action en partage recevable,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il n'a pas statué sur les reprises, sur l'absence de récompense due par la communauté à M. [N] [F] et sur l'absence de récompense due à ou par la communauté par Mme [A] [L],

statuant à nouveau :

' dire que M. [N] [F] procédera à la reprise du prix de vente de son bien propre pour 810'000 euros,

' dire que M. [N] [F] procédera la reprise du véhicule Clio immatriculé 1064 wh 74,

' dire que Mme [A] [L] ne doit aucune somme à la communauté et que la communauté ne lui doit une somme et qu'elle n'a aucune reprise à opérer,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que l'actif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme Mme [A] [L] est composé de la récompense due par M. [N] [F] à la communauté à 556'445 euros,

' statuant à nouveau sur le montant de la récompense due par M. [N] [F] à la communauté et la valeur de l'actif communautaire, juger que M. [N] [F] doit récompense à la communauté pour une somme de 286'011,19 euros et que cette somme doit figurer à l'actif de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L],

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que l'actif de communauté ayant existé entre les les époux M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé des parts sociales de la SARL [F] pour 10'626 euros,

' statuant à nouveau sur la valeur des parts sociales de la SARL [F] et la valeur de l'actif communautaire, juger que la valeur des parts sociales de la SARL [F], propriété de la communauté est fixée à 9660 euros et que l'actif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé des 42 parts sociales de la SARL [F] pour 9960 euros,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que l'actif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé des meubles meublants pour 14'063,40 euros,

' statuant à nouveau sur le montant des meublés la valeur de l'actif communautaire, juger que l'actif de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé des meubles meublants pour 12'805 euros,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que l'actif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé comme suit :

' récompense due par M. [N] [F] à la communauté : 556'445 euros,

' parts sociales de la SARL [F] : 6626 euros,

' meubles meublants : 14'063,40 euros,

' véhicule Mégane : 8125 euros,

' véhicule Clio : 500 euros,

' statuant à nouveau, juger que l'actif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé comme suit :

' récompense due par M. [N] [F] à la communauté : 286'011,19 euros,

' parts sociales de la SARL [F] : 9660 euros,

' meubles meublants : 12'805 euros,

' véhicule Mégane : 8125 euros,

' confirmer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit le passif de communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est composé comme suit :

' prêt Caisse d'Epargne : 69'647,77 euros,

' prêt familial : 18'561,68 euros,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] en ce qu'il a dit que l'actif communautaire est composé du véhicule Clio pour 500 euros et en ce qu'il a attribué le véhicule Clio à M. [N] [F] pour 500 euros,

' statuant à nouveau, juger que le véhicule Clio immatriculé [Immatriculation 1] est un bien propre exclu de l'actif communautaire,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que l'actif net de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] et de 501'549,95 euros,

' statuant à nouveau, juger que l'actif net de la communauté ayant existé entre M. [N] [F] et Mme [A] [L] est de 228'391,74 euros,

' réformer le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 5] du 22 février 2021 en ce qu'il a dit que les droits des parties s'élèvent à 250'774,97 euros pour chacun des époux et en ce qu'il a attribué à M. [N] [F] :

' parts sociales de la SARL [F] : 10'626 euros,

' meubles meublants : 14'063,40 euros,

' véhicule Clio : 500 euros,

' récompense due à la communauté : 501'549,95 euros,

' le passif d'un montant global de 88'209,45 euros,

' la soulte à verser à Mme [A] [L] : -242'649,97 euros,

et en ce qu'il a attribué à Mme [A] [L] :

' le véhicule Mégane : 8125 euros,

' la soulte à recevoir de M. [N] [F] : 242'649,97 euros,

' statuant à nouveau, juger que les droits des parties s'élèvent à 114'195,87 euros pour chacun des époux,

' attribuer à M. [N] [F] :

' parts sociales de la SARL [F] : 9660 euros,

' meubles meublants : 12'805 euros,

' récompense due à la communauté : 286'011,19 euros

' le passif d'un montant global de 88'209,45 euros,

' la soulte à verser à Mme Mme [A] [L] : -106'078,87 euros,

' attribuer à Mme [A] [L] :

' véhicule Mégane : 8125 euros,

' soulte à recevoir de M. [N] [F] : 106'078,87 euros,

' dire que moyennant ces attributions, chacune des parties est remplie de ses droits dans le partage,

' juger l'appel incident de Mme [A] [L] irrecevable et dans tous les cas mal fondé, l'en débouter,

' confirmer le jugement en ce qu'il a partagé les dépens par moitié dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Favre Escoubes,

' partager les dépens d'appel par moitié et dire qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Favre Escoubes.

À l'appui de ses demandes, M. [N] [F] expose concernant les reprises que Mme [A] [L] n'en n'a aucune à faire valoir. Pour sa part il indique qu'il était propriétaire avant le mariage d'un terrain acquis le 3 décembre 2001, qu'il a revendu le 29 mars 2019 pour un prix de 810'000 euros qu'il doit effectuer la reprise du prix de vente de son bien immobilier. Il expose encore qu'il était propriétaire avant le mariage du véhicule Clio immatriculé [Immatriculation 1] et qu'il doit de même procéder à sa reprise. Il précise que ces points ne sont pas discutés par Mme Mme [A] [L].

Concernant les récompenses, M. [N] [F] indique que Mme Mme [A] [L] ne doit aucune récompense à la communauté et que cette dernière n'en doit aucune à Mme Mme [A] [L].

Le concernant, M. [N] [F] reconnaît devoir une récompense à la communauté dans la mesure où celle-ci a financé durant le mariage la construction d'une maison sur le terrain dont il était propriétaire. Il rappelle qu'un expert a été désigné, que celui-ci a déposé un rapport le 6 novembre 2014 en retenant une valeur de 790'000 euros; que néanmoins le bien a été vendu 850'000 euros dont à déduire la commission d'agence de 40'000 euros dont il justifie du paiement. Il estime dès lors que le prix de vente net vendeur est de 810'000 euros en ce compris la valeur des meubles meublants d'un montant de 12'805 euros, soit une valeur de l'immeuble de 797'195 euros. Il indique que le montant de la récompense doit être calculé conformément à l'article 1469 du code civil. Il conteste le mode de calcul proposé par Mme [A] [L], indiquant que cette proposition réalisée dans l'acte introductif d'instance a été très vite corrigée en cours d'expertise et que durant toute la procédure de divorce il a maintenu sa position actuelle qui a d'ailleurs servi de base de calcul de la prestation compensatoire, tel que cela découle de l'arrêt de la cour d'appel qui l'a fixée à la somme de 125'000 euros. Il relève d'ailleurs que le montant de la récompense qu'il propose au profit de Mme [A] [L] correspond au montant du prêt contracté pour le financement des travaux en 2004 et que Mme [A] [L] qui fait état de ses revenus occultes n'établit pas que ces derniers aient servi au paiement de travaux. Il s'en remet dès lors à l'évaluation réalisée par l'expert, en notant que les contestations élevées par Mme [A] [L] l'avaient déjà été devant ce professionnel qui y a répondu. Il estime que le premier juge a fait une mauvaise appréciation du droit applicable, affirmant que son apport en industrie n'a pas à être pris en compte au titre de la récompense au profit de la communauté s'agissant d'un bien propre, aucun mouvement de fond ne pouvant en découler entre la communauté et le patrimoine propre. Il sollicite dès lors la fixation du profit subsistant et donc de la récompense qu'il doit à la communauté à la somme de 286'011,19 euros.

Concernant l'actif de communauté, M. [N] [F] précise que les meubles meublants ont été vendus avec la maison pour un prix de 12'805 euros, affirmant que leur liste figure dans l'acte notarié, relevant par ailleurs que ces meubles n'avaient aucune valeur particulière compte-tenu de leur vétusté. Il conteste en conséquence l'évaluation retenue par le premier juge au regard de la date d'achat des meubles en cause et du fait que Mme [A] [L] ne rapporte pas la preuve d'une valeur supérieure à celle retenue dans l'acte de vente. Par ailleurs, il soutient que le véhicule Clio lui appartient en propre puisqu'acquis avant le mariage et qu'il y a lieu de réformer sur ce point le jugement attaqué. Il ne remet pas en cause l'évaluation du véhicule Mégane qui a été attribué à Mme [A] [L]. Concernant les parts sociales, M. [N] [F] sollicite que leur valeur tienne compte d'un abattement tel que proposé par l'expert-comptable au regard de la nature familiale de ses parts et de l'absence de possibilité de cession libre. Il expose dès lors que l'actif brut s'élève à la somme de 316'601,19 euros, dont il convient de déduire le passif qui n'est pas contesté par les parties à hauteur de 88'209,45 euros, soit un actif net de communauté de 228'391,74 euros. Chacune des parties a droit à la moitié soit 114'195,87 euros.

Concernant les attributions, M. [N] [F] sollicite la réformation du premier jugement au regard des contestations élevées précédemment.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2021, Mme [A] [L] demande à la cour de :

' procéder au partage judiciaire du régime matrimonial des époux [F] / [L] comme suit :

ACTIF : 692.727euros

- Meubles : 68.175euros(inclus Mégane),

- Compte bancaire : 0euros

- Parts sociales : 15.918 euros

- Récompense construction : 608.634 euros

PASSIF : 88.209,45euros

- Prêt Caisse d'Epargne : 69.647,77 euros

- Prêts : 18.561,68 euros

ACTIF NET : 604.517,55 euros

DROIT DES PARTIES : 302.258,77 eurospour chaque époux

ATTRIBUTIONS Mr [F] :

- Meubles (hors Mégane) : 61.185 euros

- Parts sociales : 15.918 euros

- Récompense construction : 608.634 euros

- Déduction Prêt Caisse Epargne : - 69.647,77 euros

- Déduction autres prêts : - 18.561,68 euros

- Soulte à verser à Mme [L] : - 295.2678,78 euros

ATTRIBUTION Mme [L] :

- Véhicule Mégane : 6.990 euros

- Soulte à recevoir de Mr [F] : 295.678,78 euros

' subsidiairement, désigner tel notaire qu'il plaira pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage et tel juge qu'il plaira pour surveiller les opérations.

À l'appui de ses demandes, Mme [A] [L] expose que le juge conciliateur a désigné M. [V], expert immobilier, aux fins de donner tous éléments permettant d'établir le montant de la récompense due par M. [N] [F] à la communauté, ce dernier ayant acquis avant le mariage un terrain sur la commune de [Localité 4] pour un montant de 89'944,92 euros, sur lequel la communauté a bâti une maison.

Concernant la récompense due par M. [N] [F] pour le financement de la construction de la maison, Mme [A] [L] indique que M. [N] [F] a vendu le bien pour un prix déclaré hors meubles de 837'195 euros ; qu'il s'agit dès lors de la valeur du bien conformément à l'attestation notariée, sans qu'il n'y ait lieu de prendre en compte la commission de l'agence immobilière. Elle affirme que le terrain a une valeur actualisée qui doit être fixée à la somme de 228'561 euros; qu'elle produit des éléments d'évaluation dans ce sens ; que la valeur de la construction peut donc être évaluée à 608'634 euros et ses droits à la somme de 304'317 euros. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement attaqué sauf à modifier le montant retenu au vu des éléments relatifs à la valeur du terrain. Elle soutient que durant toute la procédure M. [N] [F] a tenté de minorer la valeur de la maison et ce afin de réduire la prestation compensatoire due à son épouse ; elle conteste l'évaluation de l'expert qui aurait selon elle reconstitué de manière erronée le coût de la construction alors même que les deux parties étaient initialement d'accord sur la méthodologie à retenir pour évaluer la récompense, soit la simple différence entre la valeur totale du bien et la valeur du terrain. Elle soutient en effet que les deux époux considèrent que l'intégralité de la construction est le produit de la communauté; que cela ressort de l'assignation en divorce délivrée par M. [N] [F] lui-même ; qu'il s'agit d'une méthode simple et de bon sens et que M. [N] [F] ne peut pas remettre en cause ce calcul dès lors qu'il en a fait état pour obtenir la fixation d'une prestation compensatoire minorée. Elle précise encore que M. [N] [F] a profité d'être à la tête d'une entreprise de construction pour faire supporter à sa société certains coûts ; que des travaux ont été réalisés par les deux époux et leurs familles respectives sans qu'il soit possible de quantifier les apports des un et des autres ; que M. [N] [F] ne peut en profiter seul. Elle détaille elle-même les travaux réalisés par des entreprises, avec leur coût soit selon elle un montant total de 281'478,58 euros, contestant ainsi l'évaluation réalisée par l'expert à hauteur de 191'020,64 euros. Elle estime en outre qu'il convient de rajouter encore la somme de 38'121,69 euros au titre de l'acquisition de matériaux, soit un montant total de 164'953,65 euros. Elle affirme en conséquence que le coût global de la construction entièrement financée par la communauté peut être évaluée à la somme de 446'432,23 euros, évaluant encore le profit subsistant à la somme de 647'132 euros, soit une récompense à son profit de 323'566 euros, ce qui correspond finalement à peu près au résultat obtenu avec la méthode envisagée initialement par les deux époux. Elle sollicite dès lors que la méthode retenue par le premier juge soit confirmée.

Concernant les parts sociales, Mme [A] [L] conteste l'abattement de

30 % tel que retenu par l'expert-comptable qui selon elle n'est pas justifié, sollicitant que leur valeur soit retenue à hauteur de 15'918 euros, soit une récompense à son profit de 7959 euros.

Concernant les biens meubles, Mme [A] [L] indique que M. [N] [F] a conservé l'ensemble du mobilier acquis durant le mariage ; qu'il reconnaît avoir vendu une partie de celui-ci pour une somme de 12'805 euros mais se refuse à verser aux débats le détail des biens vendus. Elle affirme que M. [N] [F] en a conservé une partie ; qu'elle verse au débat une liste complète l'évaluant à la somme globale de 68'175 euros dont la moitié doit lui revenir soit la somme de 34'087,50 euros.

La clôture est intervenue par ordonnance en date du 5 décembre 2022.

SUR QUOI, LA COUR :

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

L'appel principal ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.

A titre liminaire, il est rappelé que la Cour n'a pas à statuer sur les demandes des parties tendant à la confirmation de dispositions du jugement qui n'ont fait l'objet d'un appel par aucune d'entre eux - soit en l'espèce la recevabilité de l'action en partage.

L'appel incident formé par Mme [A] [L] a été déclaré irrecevable selon ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 24 mars 2022 mais il n'en demeure pas moins qu'en matière de partage, toute demande ou défense doit être considérée comme une défense à une prétention adverse. Il y a donc lieu d'examiner les demandes formées par Mme [A] [L] en réponse aux prétentions formées par M. [N] [F].

Sur la liquidation de la communauté

1- Reprises et récompenses

Il découle de l'article 1467 du code civil que la communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n'étaient point entrés en communauté, s'ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés.

Il résulte aussi de l'article 1468 du même code qu'il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté, d'après les règles prescrites aux sections précédentes.

a) Mme [A] [L]

Mme [A] [L] ne revendique aucune reprise ou récompense.

b) M. [N] [F]

- Reprises

M. [N] [F] revendique la reprise d'un véhicule Renault Clio immatriculé [Immatriculation 1].

Il produit une carte grise à son nom établie 11 janvier 1999, soit antérieurement au mariage. Il doit donc être considéré que ce bien est un propre de M. [N] [F] et qu'il doit donner lieu à reprise. Le premier jugement sera infirmé sur ce point.

M. [N] [F] revendique aussi la reprise du prix de vente de l'ancien domicile conjugal. Il n'est en effet pas contesté par Mme [A] [L] que M. [N] [F] a, selon acte authentique établi par Me [K], acquis le 3 décembre 2011, soit avant le mariage, pour la somme de 89944,92 euros, un terrain sur lequel une maison d'habitation ayant constitué le domicile conjugal a été édifiée. Du fait de la théorie de l'accession, le bien immobilier a nécessairement constitué un bien propre de M. [N] [F]. Ce bien a été vendu le 29 mars 2019 au prix de 850000 euros dont 12805 euros de meubles meublants (dont le caractère commun n'est pas contesté), soit la somme de 837 195 euros conformément à l'attestation notariée. Les frais d'agence d'un montant de 40 000 euros, que M. [N] [F] souhaite voir déduits du prix de vente lui revenant, doivent être considérés comme étant une charge de M. [N] [F] dès lors qu'il s'agit de la vente d'un bien lui appartenant et de frais qu'il a engagés de sa propre initiative. Il sera donc reteu une somme de 837 195 euros à titre de reprise au profit de M. [N] [F]; le premier jugement sera complété sur ce point. En revanche ces frais d'agence pourront être pris en compte au moment de l'évaluation de la valeur du bien au moment de sa vente, dans le cadre du calcul de la récompense.

- Récompense

L'article 1437 du code civil dispose que toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.

Il découle encore des dispositions de l'article 1469 du code civil que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

En l'espèce, M. [N] [F] ne conteste pas que la maison d'habitation édifiée sur son terrain propre l'a été au cours du mariage et à l'aide de fonds communs, ce qui ouvre droit à récompense au profit de la communauté.

Comme rappelé par le premier juge, le montant des travaux réalisés par M. [N] [F] lui-même (ou ses proches) par son industrie (étant observé qu'il est lui-même artisan dans le bâtiment) ne peut donner lieu à récompense dès lors qu'il n'y a pas eu d'apauvrissement de la communauté (seul le patrimine propre de M. [N] [F] ayant été augmenté).

Il est constant que le terrain a été acquis pour un montant de 89944,92 euros et réévalué par l'expert à la somme de 250 euros par m² soit la somme de 280 750 euros, ce qui n'est pas utilement contesté par Mme [A] [L] qui ne verse aux débats qu'un acte de vente relatif à un terrain situé à [Localité 4] en 2018, dans un autre lotissement situé à 1,3 km (selon le plan fourni), sans toutefois qu'il ne soit possible, à partir des pièces produites, d'établir que les deux terrains en cause disposent des mêmes caractéristiques notamment en terme de situation, de vue etc.

L'ensemble immobilier (terrain et maison) a été vendu pour un prix net vendeur (déduction faite de la commission d'agence de 40 000 euros dont M. [N] [F] justifie) de 797 195 euros. La valeur de la seule construction doit dès lors être évaluée à la somme de 516 445 euros (797 195 - 280 750).

M. [N] [F] soutient que la décision du premier juge quant au montant du profit subsistant est erronée en ce qu'elle a retenue l'intégralité de la plus value au titre de l'actif de communauté, sans exclure la part découlant de sa seule industrie. Il fait valoir que l'expert a adopté sa méthode de calcul et qu'il en a aussi été tenu compte lors du divorce en ce qui concerne le calcul de la prestation compensatoire.

Il est en effet constant en l'espèce que le profit subsistant découle à la fois de l'industrie personnelle de M. [N] [F] (ou des proches de la famille, ce qui est indifférent) et de fonds de la communauté (remboursement du crédit, paiement des matériaux, règlement de factures). Il convient dès lors de rechercher la part relevant de la communauté (CIV 1ère 26 octobre 2011).

L'expertise réalisée par M. [W] en 2014 a chiffré le montant des fonds communs utilisés à la somme de 266 181 euros (soit le montant des échéances du prêt qui avaient été remboursées au 13 mars 2014 et le reliquat de travaux auto financés par la communauté). Il doit être noté que l'expert a pris connaissance de l'ensemble des justificatifs transmis par Mme [A] [L] et dont elle a fait état tant en première instance qu'en appel. Mme [A] [L], qui conteste la méthode de reconstitution des travaux, ne propose cependant aucune autre méthode de calcul. Le fait par ailleurs que M. [N] [F] ait proposé initialement dans son assignation en divorce de partager par moitié la plus value globale de la maison ne peut suffire à estimer qu'il a volontairement trompé le juge du divorce quant au calcul de la prestation compensatoire dès lors que ce dernier n'a pas expressément fait mention de la somme revenant à Mme [A] [L] dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, les développements à ce titre étant succincts tant en première instance qu'en cause d'appel. Au demeurant les conclusions prises en première instance ne sont pas produites aux débats.

Dans ces conditions et en l'absence d'éléments de preuve permettant de contester utilement les conclusions de l'expertise ordonnée, il y a lieu de dire que la récompense due par M. [N] [F] à la communauté s'établit ainsi:

516445 x (266181/480638) = 286011,16 euros.

2- Actif de communauté

a) biens communs

- Les meubles meublants ont été évalués selon M. [N] [F] au moment de la vente de la maison par ce dernier à la somme de 12805 euros. Mme [A] [L] conteste cette évaluation en affirmant qu'ils doivent être valorisés à la somme de 68175 euros, en ce compris le véhicule Mégane.

Mme [A] [L] produit une liste détaillée des meubles se trouvant dans chacune des pièces de la maison accompagnée de divers justificatifs d'achats et verse aux débats un constat d'huissier qui a dressé le 2 mars 2014 un inventaire des meubles se trouvant dans le logement au moment de son départ.

M. [N] [F] pour sa part verse l'inventaire du mobilier vendu aux acquéreurs du bien immobilier dont il ressort qu'il s'agit essentiellement de la cuisine intégrée avec son électroménager, des luminaires, des meubles de rangements et des stores. Comme justement observé par le premier juge, une grande partie des meubles meublants au sens strict n'apparaissent pas sur cette liste. Faute d'autres éléments relatifs à un éventuel partage des meubles entre les ex époux, il y a lieu de les intégrer dans l'actif communautaire.

Il doit ainsi être pris en compte à ce titre:

- les meubles vendus par M. [N] [F]: 12805 euros

- les autres meubles: selon les justificatifs produits par Mme [A] [L] (sont retenus à ce titre: 6 chaises, buffet, meubles suspendus, meuble TV, canapé, table basse, lampe suspendue, home cinéma, lecteur DVD, platine): 16649 euros avec une décote de 30% du fait de la vétusté soit 11654,30 euros

soit un total de 24459,30 euros.

- le véhicule Mégane: l'évaluation du premier juge à hauteur de 8125 euros sera confirmée en l'absence d'élément nouveau.

- les parts sociales de la SARL [F]: comme relevé par le premier juge, elles ont été évaluées en 2014 à la somme de 253 euros par part sociale soit un total de 10626 euros.

M. [N] [F] produit une nouvelle attestation de son expert comptable datée du 4 juin 2021 lequel propose une évaluation à la somme de 239 euros par part sociale au regard de la situation résultant de la crise sanitaire; les bilans 2019 et 2020 sont produits mais aucun élément plus récent notamment quant à l'activité sur la totalité de l'année 2021.

Il y a dès lors lieu de retenir une valeur de 319 euros comme initialement proposé par l'expert comptable en l'absence de justification de la persistance de difficultés économiques dans un secteur géographique dynamique. Il sera donc retenu à ce titre la somme totale de 13398 euros.

b) Récompense

M. [N] [F] doit une récompense de 286 011,16 euros.

L'actif brut s'élève dès lors à la somme de 331 993,46 euros.

3- Passif de communauté

Les parties ne contestent pas qu'il s'élève à la somme de 88 209,45 euros (solde du prêt immobilier de 69647,77 euros et prêt familial de 18 561,68 euros).

4- Balance et droits des parties

L'actif net de communauté s'élève à la somme de 243 784,01euros (331 993,46 -88 209,45).

Les droits des parties s'élèvent à la moitié de cette somme soit pour chacun: 121892 euros.

Sur le partage

M. [N] [F] ne conteste pas l'attribution à son profit des parts sociale de la SARL [F] et des meubles meublants soit la somme de 37 857,30 euros (24459,30 +13398).

Mme [A] [L] ne conteste pas l'attribution à son profit du véhicule Mégane soit la somme de 8125 euros outre la soulte due par M. [N] [F] au titre de la liquidation de la communauté soit 113767 euros.

Sur les dépens

Il y a lieu de partager les dépens de première instance et d'appel par moitié.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l'appel formé par M. [N] [F] recevable en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement du Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en date du 22 février 2021 en ses dispositions relatives au passif de la communauté et aux dépens,

Infirme le jugement du Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en date du 22 février 2021 en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le véhicule Renault Clio immatriculé [Immatriculation 1] est un bien propre de M. [N] [F] et qu'il fait l'objet d'une reprise par M. [N] [F],

Dit que M. [N] [F] a droit à la reprise du produit de la vente de son bien immobilier propre situé à [Localité 4] soit la somme de 837 195 euros ,

Dit que Mme [A] [L] n'a pas droit à des reprises ou des récompenses et qu'elle n'en doit pas à la communauté,

Dit que M. [N] [F] doit à la communauté une récompense d'un montant de 286011,16 euros,

Dit que la valeur des parts sociales de la SARL [F] s'élève à la somme de 13398 euros,

Dit que la valeur des meubles meublants s'élève à la somme de 24459,30 euros,

Dit que la valeur du véhicule Mégane s'élève à la somme de 8125 euros,

Dit que l'actif brut de communauté s'élève à la somme de 331993,46 euros,

Dit que le passif de la communauté s'élève à la somme de 88 209,45 euros,

Dit que l'actif net de communauté s'élève à la somme de 243 784,01euros,

Dit que les droits de M. [N] [F] et de Mme [A] [L] s'élèvent pour chacun à la moitié de l'actif net soit la somme de 121 892 euros,

Attribue à M. [N] [F] pour le remplir de ses droits les 42 parts sociales de la SARL [F] et les meubles meublants,

Attribue à Mme [A] [L] pour la remplir de ses droits le véhicule Mégane, outre la soulte due par M. [N] [F],

Condamne M. [N] [F] à verser à Mme [A] [L] une soulte de 113 767 euros,

Y ajoutant,

Partage les dépens d'appel par moitié et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Favre Escoubes.

Ainsi rendu le 07 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine LEGER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Laurence VIOLET, Greffier.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00521
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;21.00521 ?
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