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07/03/2023 | FRANCE | N°20/01075

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 07 mars 2023, 20/01075


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 07 Mars 2023





N° RG 20/01075 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQTR



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 22 Juillet 2020





Appelants



M. [T] [P]

demeurant [Adresse 1]



S.A.S. T-CONNECT, dont le siège social est situé [Adresse 8]



Représentés par Me Alexandre DESSAIGNE, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par Me

Gaël BOUSQUET, avocat plaidant au barreau de LYON









Intimés



M. [U] [L]

né le 13 Avril 1976 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]



S.A.S. NET AND YOU, dont le siège social e...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 07 Mars 2023

N° RG 20/01075 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQTR

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 22 Juillet 2020

Appelants

M. [T] [P]

demeurant [Adresse 1]

S.A.S. T-CONNECT, dont le siège social est situé [Adresse 8]

Représentés par Me Alexandre DESSAIGNE, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par Me Gaël BOUSQUET, avocat plaidant au barreau de LYON

Intimés

M. [U] [L]

né le 13 Avril 1976 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]

S.A.S. NET AND YOU, dont le siège social est situé [Adresse 6]

S.A.R.L. REAL PROJECT PARTNER, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Association LABEL CONNECT, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentés par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentés par la SELEURL Sud Nord Jointure Avocat, avocats plaidants au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 05 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 janvier 2023

Date de mise à disposition : 07 mars 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

La société T-connect (s.a.s) et la société Net and You (s.a.s) sont des opérateurs de télécommunication fixe, mobile, internet et télévision qui déploient chez leurs clients des réseaux internet et de fibre optique à très haut débit.

La société Net and You a été créée par statuts signés le 11 mai 2012 entre M. [U] [L] (45%), qui en est devenu président, M. [T] [P] (45%), qui en est devenu directeur général, le troisième associé étant M. [H] [L] (10%).

Cette société a démarché au cours de l'année 2012 divers acteurs locaux, et notamment la commune de [Localité 9] [Localité 4], en employant pour son offre commerciale les termes de '[Localité 4] networks', et en utilisant le nom de domaine 'www.courchevel-networks.fr' et 'www.courchevel-networks.com'.

La société T-connect a été créée selon statuts du 17 décembre 2012 entre M. [T] [P] (50%), président, et M. [U] [L] (50%), directeur général.

Des conflits sont nés entre les associés des deux sociétés, et M. [P] a été évincé de la société Net and You à la suite de l'assemblée générale du 25 mars 2013. Les associés se sont cédés en 2013 leurs participations réciproques dans les sociétés Net and You et T-connect.

M. [U] [L] est par ailleurs associé dirigeant de la SARL Réal Project Partner et président de l'association Label Connect.

Les entités dirigées par M. [U] [L] sont des concurrents de la société T-connect notamment sur les départements de la Savoie et de la Haute-savoie.

Par actes en date des 6, 8 et 13 août 2019, la société T-connect a fait assigner M. [U] [L], la société Net and you, la société Réal Project Partner et l'association Label connect devant le tribunal de commerce de Chambéry pour concurrence déloyale par dénigrement et parasitisme.

Par jugement rendu le 22 juillet 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a :

- déclaré irrecevables les demandes de la société T-connect à l'encontre de la société Réal Project Partner et de l'association Label connect pour défaut d'intérêt à agir, aucun agissement ne leur étant reproché ;

- déclaré irrecevables les demandes de la société T-connect à l'encontre de la société Net and you et de M.'[U] [L], au titre de prétendus faits de dénigrement, en raison de la prescription attachée aux dits faits ;

- déclaré irrecevables les demandes de la société T-connect à l'encontre de la société Net and you et de M.'[U] [L], au titre de prétendus faits de parasitisme, en raison du défaut de qualité et de prescription ;

- en conséquence, débouté le société T-connect de toutes ses demandes ;

- rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Net and you, de la société Réal Project Partner, de l'association Label connect et de M.'[U] [L], présentée à l'encontre de la société T-connect.

Le tribunal a retenu notamment que :

' la marque «'[Localité 4] networks'» a été déposée au profit de M. [P], président de la société T-connect, que ce dernier n'est pas personnellement dans la cause et qu'il n'a pas été justifié par la société T-connect qu'elle intervienne au bénéfice d'un contrat de licence concernant cette marque ;

' la société T-connect et son président, M. [T] [P], ne pouvaient pas ignorer dès la fin de l'année 2013 le parasitisme allégué né de l'utilisation de la marque «'[Localité 4] networks'» et du nom de domaine www.courchevel-networks.fr par la société Net and you ;

' l'action prétendument abusive de la société T-connect n'est pas caractérisée par une faute susceptible d'avoir fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice.

Par déclaration au Greffe en date du 23 septembre 2020, la Société T-connect a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 21 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société T-connect et M. [T] [P] sollicitaient l'infirmation du jugement déféré et demandaient à la cour de :

- recevoir l'intervention volontaire de M. [T] [P] ;

- débouter la société Net and you, la société Réal Project Partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] de leur appel incident ;

- déclarer la société T-connect recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Net and you, de la société Réal Project Partner, de l'association Label Connect et de M. [U] [L], présentée à l'encontre de la société T-connect ;

- infirmer le jugement rendu le 22 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Réal Project Partner et de l'association Label Connect pour défaut d'intérêt à agir ;

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Net and You et de M.'[U] [L], au titre de prétendus faits de dénigrement, en raison de la prescription attachée aux dits faits ;

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Net and You et de M.'[U] [L], au titre de prétendus faits de parasitisme, en raison du défaut de qualité et de prescription ;

- en conséquence, débouté la Société T-connect de toutes ses demandes ;

- condamné la Société T-connect à payer la somme de 4 000'euros, à la Société Net and You, à la Société Réal Project Partner, à l'association Label connect et à M. [U] [L], à titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour eux de se répartir équitablement la somme globale de 4 000'euros entre eux;

- laissé les dépens à la charge de la Société T-connect ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

- dire que la société Net and You, la société Real project partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] se sont rendus coupables de parasitisme à l'encontre de la société T-connect ;

- dire que la société Net and You et M.'[U] [L] se sont rendus coupables de dénigrement à l'encontre de la société T-connect ;

- en conséquence, condamner in solidum la société Net and you, la société Real Project Partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] à payer à la société T-connect:

- 270'775'euros au titre de la clientèle perdue suivant leurs actes de parasitisme et de concurrence déloyale ;

- 70'000'euros au titre du préjudice subi suivant les efforts financiers réalisés par la société T-connect mis à néant par les actes de M.'[U] [L] et ses entités ;

- condamner la société Net and You, la société Real Project Partner et l'association Label Connect à publier un message informant la clientèle de leurs actes de parasitisme et de concurrence déloyale ;

- débouter la société Net and You, la société Real project partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions ;

- condamner in solidum la société Net and You, la société Real Project Partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] à payer à la société T-connect une somme de 12'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société Net and you, la société Real project partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures en date du 31 août 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [U] [L], la société Net and You, la société Réal Project Partner et l'association Label Connect sollicitaient de la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Réal Project Partner et de l'association Label Connect pour défaut d'intérêt à agir ;

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Net and You et de M.'[U] [L], au titre des prétendus faits de dénigrement, en raison de la prescription attachée aux dits faits ;

- déclaré irrecevables les demandes de la Société T-connect à l'encontre de la Société Net and You et de M.'[U] [L], au titre des prétendus faits de parasitisme, en raison du défaut de qualité et de prescription ;

- en conséquence, débouté la Société T-connect de toutes ses demandes ;

- condamné la Société T-connect à payer la somme de 4 000'euros, à la Société Net and You, à la Société Réal Project Partner, à l'association Label Connect et à M.'[U] [L], à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour eux de se répartir équitablement la somme globale de 4 000'euros entre eux;

- laissé les dépens à la charge de la Société T-connect ;

- liquidé les frais de greffe à la somme de 136,58'euros TTC avec TVA au taux de 20 %, comprenant les frais de mise au rôle et de la décision ;

- l'infirmer pour le surplus ;

A titre subsidiaire,

- juger mal fondé l'appel interjeté par la société T-connect ;

En conséquence ;

- débouter la société T-connect de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Recevant les sociétés Net and You et Real Project Partner, l'association Label Connect et M. [U] [L] et y faisant droit ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la Société Net and You, de la Société Réal Project Partner, de l'association Label Connect et de M.'[U] [L], présentée à l'encontre de la Société T-connect ;

En conséquence,

- condamner la société T-connect à payer aux sociétés Net and You et Real Project Partner, l'association Label Connect et M.'[U] [L], la somme de 55'000'euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, répartie comme suit :

- 20'000'euros allouée à M. [U] [L] y compris la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 15'000'euros à l'association Label Connect ;

- 10'000'euros à la société Net and You ;

- 10'000'euros à la société Real Project Partner.

Une ordonnance en date du 5 décembre 2022 clôture l'instruction de la procédure.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

MOTIFS ET DÉCISION

L'intervention volontaire de M. [T] [P] n'est pas contestée par les intimés. Il sera également constaté que celui-ci soutient sans que cela ne soit remis en cause, qu'il a déposé le 3 avril 2013 la marque semi-figurative 'courchevel networks', représentant un flocon de neige à 6 branches, et un chevron sur chaque branche, reposant sur un disque bleu et rouge, et sur un écusson brodé en périphérie de couleur grise/sable. Il n'est pas non plus remis en cause que cette marque a été mise à disposition de la société T-connect, dont il est le dirigeant.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans l'article 1240 du code civil qui dispose : 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.' Il est encore évoqué par les parties que cette action spécifique pour les acteurs économiques peut se définir comme une usurpation de la notoriété, des efforts intellectuels et des investissements d'un concurrent, ou encore des actions de dénigrement consistant à jeter le discrédit sur un concurrent, en répandant à son propos ou au sujet de ses produits ou services, des informations malveillantes.

Sur l'intérêt et la qualité à agir

La société T-connect conteste en premier lieu le défaut d'intérêt à agir qui lui a été opposé à l'encontre des société Réal Project Partner et association Label Connect, soutenant que l'intérêt à agir ne se confond pas avec le bien-fondé de l'action.

La société T-connect a pour activité principale d'être un 'opérateur de télécommunication fixe et mobiles, internet et télévision, investissement, réalisation et déploiement de réseaux internet et télécommunications, exploitation de réseaux internet, télécommunication fixe et mobile, télévision, réalisation, développement de tous services permettant de proposer des offres y compris interactifs'.

La société Net and You a pour activité 'réseaux de télécommunication par fibre optique, service de diffusion de contenus numériques (TV, internet, téléphone)', la société Réal Partner Project exerce 'tous les services aux entreprises et plus généralement toutes opérations de quelque nature qu'elles soient économiques ou juridiques financières.' Enfin, l'association Label Connect a pour objet de 'créer, valider et faire évoluer, avec l'appui de représentant du marché et des marchés annexes la standardisation, certification et la labellisation des services technologiques délivrés par les hébergeurs de voyageurs et les organismes ou collectivités souhaitant faire la promotion de leur territoire ou leurs services.'

Au regard des domaines d'activités respectifs des diverses entités présidées par M. [U] [L], il y a lieu de considérer que la société T-connect dispose d'un intérêt personnel, actuel et direct à agir à leur encontre en concurrence déloyale.

Enfin, l'intervention volontaire de M. [T] [P], dirigeant de la société T-connect, et qui énonce dans le cadre de la présente instance mettre à disposition de la société précitée la marque qu'il a déposée à titre personnel permet d'écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir qui a été retenue par le premier juge.

Sur la prescription de l'action en parasitisme et dénigrement :

L'article 2224 du code civil dispose que 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

La prescription est soulevée par les intimés concernant les demandes sur :

- l'utilisation du nom de domaine 'courchevel-networks', lequel renvoie automatiquement sur le site internet de la société Net and You,

- l'utilisation par la société Net and You de leur marque déposée, '[Localité 4] telecom', ressemblant à la marque semi-figurative [Localité 4] networks déposée le 30 avril 2013 par M. [T] [P], et mise à disposition de la société T-Connect,

- des propos de dénigrement et diffamation, contenus dans des courriels envoyés par M. [U] [L] à ses clients le 28 avril 2013, annonçant le départ de M. [T] [P] du capital de la Société Net and You et lui reprochant de se prévaloir de références de clients tels que Flaine ou [Localité 4], et pouvant semer le trouble dans l'esprit des administrés/collectivités.

Il résulte des éléments du dossier que la société Net and You, créée en 2012, a démarché au cours de la même année divers clients potentiels locaux, en utilisant la dénomination commerciale de '[Localité 4] networks'. M. [T] [P], alors directeur commercial de ladite société, écrivait ainsi un mail à un responsable de la commune de [Localité 9] Courchevel le 23 juillet 2012 'nous procédons à l'envoi de propositions de raccordement et d'abonnement fibre optique pour des services d'internet & Tv sous le nom de [Localité 4] networks auprès des professions de Courchevel 1850", le 3 septembre 2012 : 'Net &You opérateur de très haut débit vient de recevoir l'accord et le soutien de la Mairie de [Localité 9] pour déployer son réseau de fibre sur Courchevel 1850m et ainsi permettre l'accès internet d'un débitsymétrique certifié de 10 à 40 Mbps ainsi que la possibilité de recevoir jusqu'à 100 chaines de TV& radios satelliques en qualité numérique. Ces offres proposées sous la marque [Localité 4] Networks sont disponibles et seront en service au 1er décembre 2012 (...)', et le 12 septembre 2012 'nous vous invitons à consulter le site www.courchevel-networks.com pour y découvrir les offres, la technique, télécharger la brochure et restons à votre disposition.'

Les documents techniques déposés par la société Net and You démontrent que la société avait proposé de construire et exploiter de façon pérenne un réseau physique de fibre optique sur la commune précitée afin de proposer à la clientèle professionnelle des services à valeur ajoutée sous la marque dédiée [Localité 4] Networks, et que la mairie de [Localité 5] mettait à disposition son logo (un flocon de neige à 6 branches, blanc, avec un chevron sur chaque branche, et reposant sur un disque bleu et rouge), figurant en page 7 de la réponse à appel d'offres concernant location de fourreaux passifs pour l'exploitation de réseaux de télécommunication.

M. [P] ne saurait dès lors prétendre qu'il n'avait pas connaissance que l'offre commerciale qui était développée par la société dont il était associé, et utilisait le nom '[Localité 4] networks'. Si l'intervenant volontaire a acquis le domaine courchevel-networks et l'a payé de ses deniers personnels, il s'agissait néanmoins d'une utilisation faite dans le périmètre de l'activité professionnelle de la principale intimée. L'intervenant volontaire n'ignorait pas, non plus, pour avoir reçu une copie de la facture, que la société dirigée par M. [U] [L] finançait le référencement dudit domaine, et a nécessairement, le 3 avril 2013, déposé la marque semi-figurative querellée en sachant pertinemment que le domaine portant le même nom continuait d'être utilisé par la société Net and You.

Dès lors, la Société T-Connect, bien que créée seulement début 2013 et immatriculée en juin 2013, ne pouvait valablement ignorer qu'un domaine courchevel-networks était utilisé par la Société Net and You. En effet, les deux seuls et uniques associés de la société appelante en avaient connaissance pour être à l'origine de la création du logo confectionné à partir de celui de la commune de [Localité 4], laquelle avait signé une convention de mise à disposition des fourreaux communaux disponibles pour développer son réseau de fibre optique avec la société principale intimée.

Ainsi, M. [T] [P] et la Société T-connect et lui-même ne peuvent avoir découvert à la suite d'un constat d'huissier du 23 mai 2019 que le domaine courchevel-networks qu'ils estimaient être leur et finançaient annuellement était utilisé et référencé par la Société Net and You. Le domaine a été acquis initialement pour la principale intimée, et l'appelant indique lui-même dans ses conclusions que 'le parasitisme perdure et continue depuis l'éviction de M. [T] [P] de la société NET AND YOU en mars 2013" (et alors que la marque n'avait pas encore déposée).

Il est donc certain que l'utilisation du domaine 'courchevel-networks' par la société Net and You, était connue dès sa création le 22 mai 2012, et connue également dès la création de la société T-connect, de sorte que l'action, engagée par actes d'huissier des 6, 8 et 13 août 2019, est prescrite à l'encontre des intimés.

En dernier lieu sur le point de la recevabilité, les courriels évoqués par M. [T] [P], émanant de M. [U] [L] et rédigés dans les suites de l'implosion des relations d'associés, soit en 2013, sont également couverts par la prescription qui conduit à déclarer l'action en dénigrement irrecevable.

Sur les demandes dirigées contre les intimés

- Sur le parasitisme

Il est évoqué par les appelants que la marque '[Localité 4] télécom', qui a été déposée le 22 août 2014 par la société Réal Project Partner utiliserait à dessein un logo proche de la marque déposée '[Localité 4] networks' et chercherait ainsi à bénéficier de la notoriété de la seconde en créant une confusion. Eu égard à la date du dépôt de la marque '[Localité 4] télécom', à la fin de l'année 2014, et à la date des assignations en justice, l'examen de cet élément doit être étudié au fond, et n'est pas couvert par la prescription de l'action des appelants.

Il y a lieu de rappeler en premier lieu que le terme '[Localité 4]' est le nom d'une commune, et n'appartient pas spécifiquement à M. [P], ni à la Société T-connect, et que le terme 'télécom' est lui aussi utilisé dans le langage courant par de nombreuses sociétés intervenant dans ce domaine.

Le logo de la société Real Partner Project représente un flocon de neige à 6 branches, comportant 2 chevrons sur chaque branche, cet élément étant inclus dans un disque de couleur. Les deux logos sont différents quant au flocon de neige employé (un chevron pour le premier 'courchevel networks' et deux pour le second 'courchevel télécom'), ainsi que par les éléments qui y sont associés (utilisation d'un disque bicolore et d'un flocon dont les branches dépassent le disque, logo de la ville de [Localité 4], pour M. [T] [P], et emploi d'un disque monochrome dans lequel le flocon est inclus pour la société Real Partner Project). Il n'apparaît en définitive pas qu'il y ait eu de la part de l'intimée une volonté de créer une confusion avec '[Localité 4] networks' dans l'esprit des potentiels clients. En effet, l'emploi de flocons de neige, de couleur blanche, paraît naturel pour caractériser une entreprise intervenant dans des régions de montagne et auprès de communes sur lesquelles sont installées des stations de ski.

En second lieu, il est reproché à M. [L] d'avoir créé une association en 2018, cette entité portant le nom de 'label connect' et dont le nom serait -volontairement- proche de celui de l'appelante T-'connect'. Pour autant, le terme 'connect' ou 'connection' est utilisé habituellement dans le domaine des télécommunications et réseaux divers dans lesquels interviennent l'intimée concernée et l'appelante, et il ne peut être soutenu que la société T-connect devrait disposer d'un monopole sur le terme 'connect'.

- Sur le dénigrement

Le dernier élément apporté à l'appui du dénigrement reproché à M. [U] [L] est l'attestation établie en justice et datée du 17 mars 2019, dont il est possible de se demander si elle n'est pas à l'origine du présent procès, et qui, au vu de sa date, n'est pas prescrit.

Si cet élément constitue bien un acte de dénigrement, il ne peut être considéré comme susceptible d'étayer l'action en concurrence déloyale, alors que l'attestation était produite dans un procès opposant un client déjà mécontent de la société T-connect et qu'elle n'a pu avoir aucun impact, même minime, sur le comportement économique des clients potentiels ou existants de M. [P] et de sa société, au vu de sa publicité très restreinte.

L'action en concurrence déloyale sera donc rejetée au fond à l'encontre de M. [U] [L], de l'association Label Connect, et de la société Réal Project Partner.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

L'article 32'1 du code de procédure civile dispose que : 'celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum 10.000 euros sans préjudice de dommagesintérêts qui seraient réclamés.'

Le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la partie adverse du projet contesté. Le principe du droit d'agir implique que retenir le caractère fondé des prétentions d'une partie ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit.

Les intimés seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts reposant sur du harcèlement qu' aurait fait subir M. [T] [P] à M. [U] [L], en 2013, dans le cadre de leurs relations professionnelles et alors que le premier demandait de remboursement de ses frais professionnels. En effet, quelles qu'aient été les demandes répétés de M. [P], l'indemnisation du préjudice subi du fait de ces agissements repose sur une action prescrite.

Enfin, la solution du litige a nécessité un examen approfondi, de sorte que le caractère infondé de l'action n'était pas évident, et que celle-ci ne peut être qualifiée d'abusive. La demande de dommages et intérêts des intimés sera rejetée.

Sur l'article 700 et les dépens

M. [P] et la Société T-connect assumeront les dépens de l'instance, ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité commande de fixer à la somme de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Reçoit l'intervention volontaire de M. [T] [P] en cause d'appel,

Confirme le jugement entrepris :

- en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes de la Société T-Connect et de M. [T] [P] à l'encontre de la SA S Net and You du chef de parasitisme et de M. [U] [L], du chef de dénigrement (faits de 2013) ;

- en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la SA S Net and You, de la Société Réal Project Partner, de l'association Label Connect et de M. [U] [L],

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société T-connect à l'encontre de la société Réal Project Partner et l'association Label Connect et Monsieur [U] [L],

Déclare recevables les actions de la SAS T-connect et M. [T] [P] du chef de dénigrement (faits de 2019) à l'encontre de M. [U] [L], et du chef de parasitisme à l'encontre de la SARL Réal Project Partner et l'association Label Connect,

Rejette les demandes de la SA S T-connect et M. [T] [P] à l'encontre de M. [U] [L], du chef de dénigrement, et à l'encontre de la SARL Réal Project Partner et de l'association Label Connect fondées du chef de parasitisme,

Condamne la SA S T-connect aux dépens de l'instance d'appel et de la première instance,

Condamne la société T-connect et M. [T] [P] à payer la somme de 4 000 euros à la SA S Net and You, à la SARL Réal Project Partner, à l'association Label Connect et à M. [U] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 07 mars 2023

à

Me Alexandre DESSAIGNE

la SCP LE RAY BELLINA DOYEN

Copie exécutoire délivrée le 07 mars 2023

à

Me Alexandre DESSAIGNE

la SCP LE RAY BELLINA DOYEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01075
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;20.01075 ?
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