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07/03/2023 | FRANCE | N°20/01072

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 07 mars 2023, 20/01072


SL/MR





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 07 Mars 2023





N° RG 20/01072 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQTD



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 10 Septembre 2020





Appelante



S.A.S. VILLE LA DIS, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Olivier GONNE

T, avocat plaidant au barreau de LYON









Intimées



S.A.R.L. SOLARA INGENIERIE, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DEL...

SL/MR

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 07 Mars 2023

N° RG 20/01072 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQTD

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 10 Septembre 2020

Appelante

S.A.S. VILLE LA DIS, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Olivier GONNET, avocat plaidant au barreau de LYON

Intimées

S.A.R.L. SOLARA INGENIERIE, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL CVS, avocats plaidants au barreau de NANTES

S.A. AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par l'ASSOCIATION CABINET RIBES ET ASSOCIES, avocats au barreau de BONNEVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 05 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 janvier 2023

Date de mise à disposition : 07 mars 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère, qui a procédé au rapport,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et Procédure

La société Ville La Dis (SAS), exploitant l'hypermarché E. Leclerc, a transféré ponctuellement son activité dans une usine désaffectée utilisée initialement seulement pour le service drive, pour réaliser la reconstruction de son établissement et de sa démolition préalable.

La société Solara Ingénierie (SARL) s'est vu confier par la société Ville La Dis une mission de bureau d'études des fluides pour le projet de reconstruction du centre commercial et la construction de parkings couverts ; ainsi qu'une mission pour l'aménagement provisoire des équipements techniques de l'ancienne usine Guenod, pour un montant de 180 000 euros HT.

Le 9 novembre 2018 et le 8 janvier 2019, la société Solara Ingénierie a mis en demeure la société Ville Le Dis de lui régler la somme de 48 904,80 euros TTC restant due sur l'exécution du contrat.

Le 25 juillet 2019, la société Solara Ingénierie a assigné en paiement la société Ville La Dis devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains.

 

Par jugement rendu le 10 septembre 2020 le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a :

- dit et jugé la société Solara Ingénierie recevable et bien fondée en ses demandes, en conséquence ;

- dit et jugé la société Ville La Dis mal fondée à opposer l'exception d'inexécution justifiant le non-paiement de la créance revendiquée par la société Solara Ingénierie, et ce faisant ;

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie au titre du solde de son marché de travaux, la somme principale de 48 904,80 euros TTC ladite somme assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 9 novembre 2018 ;

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la retenue opérée sur le solde de son marché ;

- débouté la société Ville La Dis de sa demande de paiement de la somme de 98 731,14 euros dirigée à l'encontre de la société Solara Ingénierie ;

- débouté le société Ville La Dis de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions reconventionnels tant à l'encontre de la société Solara Ingénierie que de son assureur la compagnie Axa assurance ;

- débouté les parties de leurs demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Ville La Dis aux entiers dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a retenu notamment que :

' la mission du contrat prévue le 23 octobre 2012 a fait l'objet de modifications, de sorte que la commune intention des parties à la date du 5 novembre 2012 a consisté à s'entendre sur une mission de conception uniquement s'agissant de l'aménagement provisoire et une mission complète s'agissant du projet de reconstruction moyennant des honoraires forfaitaires de 180 000 euros HT ;

' la société Solara Ingénierie a été tenue dans l'ignorance du dépassement des consommations d'électricité, dès lors aucune faute ne peut lui être reprochée ;

' le défaut de paiement des factures et la retenue opérée par la société Ville La Dis pendant presque 3 ans ont causé un préjudice à la société Solara Ingénierie.  

Par déclaration au greffe en date du 22 septembre 2020, la société Ville La Dis a interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 30 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Ville La Dis sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Ville La Dis recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie 48 904,80 euros outre intérêt aux taux légal augmenté de 5 points à compter du 9 novembre 2018 ;

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de la retenue opérée sur le solde de son marché ;

- condamné la société Ville La Dis aux entiers dépens ;

- débouté la société Ville La Dis de son exception d'inexécution ;

- débouté la société Ville La Dis de sa demande en paiement contre la société Solara Ingénierie de la somme de 98 731,14 euros avec intérêts et de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;

et ce faisant,

- dire et statuer que la société Solara Ingénierie a été défaillante dans l'exécution de sa mission, et qu'elle engage sa responsabilité contractuelle ;

- dire et statuer que la société Ville La Dis est bien fondée à opposer à la société Solara Ingénierie une exception d'inexécution ;

- dire et statuer que les préjudices supportés par la société Ville La Dis du fait de la défaillance de la société Solara Ingénierie s'élèvent à la somme de 98 731,14 euros ;

- rejeter l'intégralité des prétentions de la société Solara Ingénierie et de la compagnie Axa France Iard comme non fondées ;

- ordonner en tant que de besoin, la restitution des sommes payées par la société Ville La Dis à la société Solara Ingénierie en exécution de la décision de première instance, et la condamner à ce titre ;

- condamner reconventionnellement la société Solara Ingénierie solidairement avec la société Axa France Iard d'avoir à payer à la société Ville La Dis la somme de 98 731,14 euros en indemnisation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal, avec capitalisation ;

- condamner la société Solara Ingénierie d'avoir à payer à la société Ville La Dis la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, distraits au profit de maître Christian Forquin, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Ville La Dis expose essentiellement que :

' les parties ont arrêté leur accord sur le contrat en date du 23 octobre 2012 et non sur le contrat en date du 5 novembre 2012 produit par la société Solara Ingénierie qui n'est pas signé et ne lui a jamais été adressé  ;

' il était contractuellement prévu que la société Solara Ingénierie devait veiller à la puissance électrique souscrite au sein du bâtiment provisoire. Or, en sa qualité de professionnel, elle se devait de savoir que la souscription d'origine ne pouvait correspondre aux besoins du magasin provisoire. Dès lors, la société Solara Ingénierie, qui a manqué à ses obligations contractuelles, doit supporter le dommage lié à la surconsommation énergétique ;

' la mention du contrat sur les factures émises par la société Solara Ingénierie n'emporte pas contractualisation des relations à des conditions non acceptées ;

' le dépassement de puissance pour la période de novembre 2015 n'a pu être constaté que le 2 mars 2016 à la réception de la facture d'Engie, le nouvel opérateur, et a été immédiatement dénoncé auprès de la société Solara Ingénierie ;

' la garantie dont dispose la société Solara Ingénierie à l'encontre de sa compagnie d'assurance est mobilisable.  

Par dernières écritures en date du 25 octobre 2021 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Solara Ingénierie sollicite de la cour de :

- déclarer la société Ville la Dis mal fondée en son appel et l'en débouter ;

- recevoir la société Solara Ingénierie en ses écritures, fins et conclusions ;

Y faire droit, en conséquence,

- confirmer le jugement du 10 septembre 2020 en toutes ses dispositions excepté ce qu'il a débouté la société Solara Ingénierie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- juger la société Solara Ingénierie recevable et bien fondée en ses demandes,

et ce faisant,

- débouter la société Ville la Dis de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Solara Ingénierie ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait y faire droit,

- limiter le montant de la demande de paiement formée par la société Ville la Dis à la somme de 92 982,70 euros ;

- donner acte à la société Axa France Iard, ès qualité d'assureur de la société Solara Ingénierie de ce qu'elle ne conteste pas sa garantie ;

et ce faisant,

- condamner la société Axa France Iard, ès qualités d'assureur de la société Solara Ingénierie à garantir et relever indemne la société Solara Ingénierie de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires ;

- débouter la société Ville la Dis de sa demande des condamnations de la société Solara Ingénierie à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société Ville la Dis et la société Axa France Iard, ès qualité d'assureur de la société Solara Ingénierie à payer à la société Solara Ingénierie la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens en ce compris ceux exposés en première instance, et allouer à la SCP Visier-Philippe et Ollognon Delroise et associés l'entier bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.  

Au soutien de ses prétentions, la société Solara Ingénierie fait valoir que :

' le contrat liant les parties n'était pas celui en date du 23 octobre 2012 mais celui en date du 5 novembre 2012 ;

' elle n'a commis aucun manquement contractuel justifiant l'exception d'inexécution invoquée par la société Ville la Dis dans la mesure où :

- elle n'était chargée que d'une mission de conception uniquement s'agissant du bâtiment provisoire ;

- il était convenu entre les parties que la puissance souscrite serait adaptée à réception de la première facture, or la société Ville La Dis a tardé à l'informer des problèmes de surconsommation rencontrés ;

' elle subit un préjudice lié au défaut de paiement de ses factures par la société Ville La Dis depuis presque trois ans, malgré les démarches amiables entreprises ;

' la demande reconventionnelle en paiement formée par la société Ville La Dis est susceptible de mobiliser la garantie « responsabilité civile » qu'elle détient auprès de la société Axa France Iard.

Par dernières écritures en date du 2 mars 2021 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France Iard sollicite de la cour de :

- dire et juger la société Ville La Dis mal fondée en son appel et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement du 10 septembre 2020 en ce qu'il a :

- dit et jugé la société Ville La Dis mal fondée à opposer l'exception d'inexécution justifiant le non-paiement de la créance revendiquée par la société Solara Ingénierie ;

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie au titre du solde de son marché de travaux la somme principale de 48 904,80 euros TTC, ladite somme assortie des intérêts aux taux légal majoré de 5 points à compter du 9 novembre 2018 ;

- condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie la somme de 2 000 euros au titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la retenue opérée sur le solde de son marché ;

- débouté la société Ville La Dis de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions reconventionnelles, tant à l'encontre de la société Solara Ingénierie que de son assureur la compagnie Axa ;

- condamné la société Ville La Dis aux entiers dépens de l'instance ;

- condamner la société Ville La Dis à payer à la compagnie Axa France Iard une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Ville La Dis aux entiers dépens, de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire, si une condamnation était prononcée contre la société Solara Ingénierie, au bénéfice de la société Ville La Dis,

- dire que la garantie « responsabilité civile » de la compagnie Axa France Iard ne pourra s'appliquer que dans les limites prévues au contrat ;

- dire que la compagnie Axa France Iard est recevable et fondée à opposer à son assuré, ainsi qu'au tiers, sa franchise contractuelle d'un montant de 1 800 euros, à revaloriser en fonction de l'évolution de l'indice à la date de la réclamation ;

- dire que toute condamnation à l'encontre de la compagnie Axa France Iard ne pourra intervenir que franchise revalorisée déduite ;

- débouter en tout état de cause la société Ville La Dis et la société Solara Ingénierie du surplus de leurs demandes dirigées contre la compagnie Axa France Iard.

Au soutien de ses prétentions, la compagnie Axa France Iard fait valoir que :

' en vertu du contrat du 23 octobre 2012, la commune intention des parties au 5 novembre 2012 était de s'entendre sur une mission de conception uniquement s'agissant de l'aménagement provisoire, et sur une mission complète s'agissant du projet de construction ;

' la société Solara Ingénierie n'a commis aucune faute à l'origine des dépassements de consommation électrique dans la mesure où la puissance électrique devait faire l'objet d'un ajustement dès la réception de la facture de septembre 2015 tel que convenu lors de la commission de sécurité du bâtiment du 17 septembre 2015 ;

' la société Ville La Dis n'a jamais informé la société Solara Ingénierie de l'existence de la facture du 12 octobre 2015, d'un dépassement important de consommation, ni des pénalités de dépassement de puissance qui lui ont été appliquées ; 

' la garantie « responsabilité civile pour préjudice causé à autrui » qu'elle a souscrit auprès de la société Axa France Iard est mobilisable en l'espèce, étant précisé que la franchise de 1 800 euros est opposable à la société Solara Ingénierie ainsi qu'à la société Ville La Dis.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 5 décembre 2022 clôture l'instruction de la procédure. 

MOTIFS ET DECISION

Sur la demande en paiement de la société Solara Ingénierie

Sur l'existence d'un contrat liant les parties

L'article 1134 du code civil, alors applicable au litige prévoyait que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. L'article 1219 du même code autorise toutefois l'une des parties à refuser l'exécution de son obligation, si l'autre partie n'exécute pas la sienne, et ce, à condition que l'inexécution soit d'une gravité suffisante.

Les parties étaient liées contractuellement.

Un premier contrat, en date du 23 octobre 2012, intitulé « mission de bureau d'études fluides pour le projet de reconstruction d'un centre commercial » prévoyait des honoraires de 45 000 euros HT pour la mission 1 (bâtiment transféré) et 150 000 euros HT pour la mission 2 (reconstruction du centre commercial).

Un second contrat en date du 5 novembre 2012, intitulé « mission de bureau d'études fluides pour le projet de reconstruction d'un centre commercial, mission de conception uniquement pour l'aménagement provisoire des équipements techniques de l'ancienne usine Guenod » prévoyait des honoraires de 180 000 euros HT, répartis en 10% à la remise de l'avant-projet, 40% à la remise DCE, 45% avancement mensuel et 5% à réception, sans distinguer les prestations du bâtiment transféré et du projet de reconstruction du centre commercial.

Aucun des contrats n'est signé par les deux parties, et la société Ville La Dis n'a signé que le contrat du 23 octobre 2012. Cette dernière ne conteste toutefois pas que les honoraires avaient été convenus à hauteur de 180 000 euros HT, ce que reprennent en en-tête toutes les factures dont paiement est demandé.

Ainsi que l'a retenu le premier juge, il convient de considérer que le contrat du 5 novembre 2012 est celui sur lequel les volontés des parties se sont rencontrées.

Ainsi, la mission minimale du BET, qui est reconnue par la société Solara Ingénierie était la suivante, pour le bâtiment provisoire : « 4.1 avant-projet (bâtiment provisoire):

état des lieux

listing des équipements réutilisables

besoins du site : puissance électrique atteinte été/hiver, besoins de chauffage/voire climatisation

nota : notre attention portera essentiellement sur les possibilités de minimiser au maximum l'investissement sur cette phase (conservation des équipements existants, location éventuelle, achat matériel de récupération,...)

4.2 mission d'avant-projet (reconstruction définitive) (')

rédaction du cahier des charges spécifique (bâtiment provisoire et reconstruction définitive)

'étude de dimensionnement

'schéma avec dimensionnement (électrique, réseau fluide) ' hors réseau sprinkler et frigorifique)

'implantation sur plan de tous les équipements

'spécifications techniques détaillées de tous les équipements

assistance marché de travaux

'assistance technique pour l'analyse des offres

'mise à jour du dossier remis au Maître d'oeuvre pour préparer la passation du dossier marché effectué par ce dernier.

mission d'assistance de direction de chantier (bâtiment provisoire)

'compte tenu que par contrat, la mission de contrôle général des travaux est inexistante, le BET ne pourra en aucun cas être responsable de la non-conformité des ouvrages par rapport au marché de base et n'assurera pas la surveillance des travaux des lots techniques. A l'exception des prestations incluses dans la mission de coordinateur SSI (article 6 page 9). Les missions ponctuelles en cours de réalisation, à la demande spécifique du maître d'oeuvre ou d'un maître d'ouvrage, ne pourront également pas engager notre responsabilité sur la réalisation, en raison d'une intervention limitée ne nous permettant pas de maîtriser les ouvrages dans leur globalité. »

Il n'est pas contesté que la société Solara Ingénierie ait réalisé des prestations au titre de ce contrat.

Sur l'exception d'inexécution

La société Ville La Dis s'oppose au paiement du solde de ces prestations soit la somme de 48 904,80 euros en excipant de l'exception d'inexécution .

Cependant, l'exception d'exécution permet uniquement à une partie à un contrat synallagmatique de suspendre l'exécution de la prestation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due. Elle entraîne non pas la disparition de l'obligation mais un ajournement de son exécution. Elle ne permet pas de se prévaloir d'une faute commise par son cocontractant dans le cadre de l'exécution des obligations contractuelles pour s'opposer à l'exécution de ses propres engagements.

En l'espèce, le litige porte sur l'exécution du contrat, et le marché est considéré comme terminé par les deux parties, de sorte que la SAS Ville La Dis n'est pas fondée à retenir une partie du paiement du prix convenu en contrepartie de la fin d'exécution des missions.

L'exception d'inexécution sera donc rejetée.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a condamné la société Ville La Dis à payer à la société Solara Ingénierie la somme de 48 904, 80, outre les intérêt majorés . Il n'est pas pour le surplus, démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts majorés. En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.

Sur l'existence d'une faute contractuelle

La société Ville La Dis soutient que la société Solara Ingénierie a commis une faute dans l'exécution de sa mission en n'attirant pas son attention sur la nécessité d'adapter la puissance électrique souscrite pour les locaux provisoires.

La prestation de conception dont la société Solara était débitrice pour l'aménagement du bâtiment provisoire, comportait à minima la réalisation d'un état des lieux, l'évaluation des besoins du site avec détermination de la puissance du site (été/hiver), besoins en chauffage/climatisation, ainsi qu'une étude de dimensionnement.

Or, il résulte du dossier que le bâtiment provisoire, l'usine de Guenod, qui accueillait le drive Leclerc s'est provisoirement transformé en magasin complet, le 20 septembre 2015, en intégrant deux cent vingt salariés du magasin, sans que la puissance souscrite par l'intermédiaire du contrat auprès de EDF, puis ENGIE, ait été questionnée de quelque façon que ce soit par la société Solara Ingénierie, alors même que celle-ci avait visité les locaux comme le démontre un courrier de la société Ville La Dis, antérieur à la signature du contrat, du 13 juin 2012 : « notre visite sur le site de l'entreprise Guenod nous a permis de constater que l'installation de chauffage existante n'avait besoin que d'une simple adaptation, et que les sources électriques pourraient supporter les futurs besoins. Les rampes d'éclairage pourraient également être conservées et complétées de luminaires supplémentaires. »

Certes, après que la société Ville La Dis avait envoyé un courrier en date du 6 mars 2016 à la société Solara Ingénierie, celle-ci avait répondu par courrier du 29 mars 2016 : « nous avons établi un historique sur les circonstances qui ont amené les dépassements de puissance électriques facturés par vos prestataires. En effet, plusieurs signaux auraient dû nous alerter les uns et les autres. »

Les premiers et troisième signaux d'alerte sont notamment :

« 1er signal d'alerte (Solara/Leclerc/EDF) 17/09/2015 : à l'issue de la Commission de Sécurité, le jeudi 17 septembre 2015, Solara (JM. [S]) vous demande à vous-même (M. [F]) et en présence de Madame [W], d'adapter la puissance souscrite à la réception de la facture des consommations de septembre 2015. (') puissance souscrite 64kW. Transfert de l'activité du 21/09/2015. (')

3ème signal d'alerte (EDF/LECLERC/ERDF) 12/11/2015 lors de la réception de la facture EDF portant sur les consommations réelles du mois de septembre 2015, des pénalités de dépassement de puissance apparaissent pour un montant de 13.083 euros ht. Vos services paient la facture le 23/11/2015 mais sans l'analyser ou alerter Solara des pénalités comme c'était convenu le 17 septembre 2015. Il est alors surprenant que les services d'EDF et peut-être ERDF ne soient pas revenus vers vous pour s'étonner de la consommation excessive du site qui atteint soudain alors une puissance de 356 kW(') »

Elle concluait « Pour sa part, Solara s'appuyait sur votre retour d'info de dépassement pour vous aider à choisir la bonne puissance à souscrire. En l'absence de ce retour d'info et de votre réaction qui auraient dus s'en suivre lors de la constatation des premières pénalités facturées au dépassement, (facture EDF reçue le 12/11/2015), Solara a légitimement pensé que vous aviez réglé le problème directement avec les services d'EDF, puisque cette relation avec le prestataire d'énergie et son client est directe. Du reste, vous n'aviez pas jugé utile d'informer Solara que vous étiez en cours de changement de prestataires d'énergie et que ce changement devenait opérationnel au 1er novembre 2015.»

Mais d'une part, il est surprenant qu'un bureau d'études fluides, compte tenu de sa mission impliquant une obligation de conseil, ne se soit pas inquiété de prévenir officiellement son client que le maintien d'une puissance de 64kW pour le drive ne suffirait pas pour l'alimentation du magasin et du drive regroupés. En outre, le changement de fournisseur d'électricité au 1er novembre 2015 ne modifiait en rien la nécessité de la société Ville La Dis de souscrire un contrat autorisant une puissance suffisante par l'accueil du magasin provisoire. Ainsi, même s'il est certain que la mission du bureau d'études fluides ne comprenait pas l'optimisation du contrat de fourniture d'électricité aux besoins très précis de l'établissement provisoire, une évaluation aurait dû être fournie, puisqu'il entrait dans la mission de déterminer les « besoins du site : puissance électrique atteinte été/hiver, besoins de chauffage/voire climatisation », ainsi, une mise en garde officielle par écrit s'imposait à minima.

D'autre part, l'allégation selon laquelle la société Ville La Dis aurait été avisée verbalement, par l'intermédiaire de deux personnes (dont Mme [W] qui conteste avoir reçu l'information), au cours d'un comité de sécurité dont le compte-rendu n'est pas produit, n'est pas suffisante pour admettre que la société Solara Ingénierie a bien réalisé correctement sa mission, sur un point essentiel de la mission d'un bureau d'études fluides, qui consistait à anticiper les besoins du site réaménagé provisoirement.

Le jugement de première instance sera donc infirmé sur ce point, considérant que la société Solara Ingénierie a gravement manqué à son devoir de conseil, et qu'elle se ne démontre pas avoir correctement rempli sa mission, se contentant d'affirmations non corroborées. En effet, si le paiement du solde des factures devra être réglé par la société Ville la Dis, la société Solara Ingenierie sera tenue au paiement de dommages et intérêts à son égard en réparation du préjudice subi.

Sur la demande de dommages et intérêts

En application de l'article 1147 du code civil, le débiteur d'une obligation peut être condamné à des dommages et intérêts lorsque l'inexécution de son obligation a causé un dommage, sauf à ce qu'il démontre l'existence d'une cause étrangère.

Dans le cas d'espèce, la survenue de dépassements de puissance électrique était parfaitement prévisible pour un bureau d'études fluides, et le défaut d'anticipation de la société Solara Ingénierie est en lien direct avec les surfacturations et pénalités que la société Ville La Dis a dû supporter.

Ainsi, le tableau récapitulatif fourni par l'appelante intitulé « dépassements ENGIE » fait apparaître des dépassements non régularisés sur la période de novembre 2015 à février 2016 d'un montant de 92 982,70 euros. En effet, à compter du 1er mars 2016, l'établissement a été placé en période dite d'observation permettant d'annuler les surconsommations, de sorte que les dépassements suivants, de décembre 2016 et janvier 2017, ne sont pas liés à la faute commise par la SARL Solara Ingénierie.

La vérification à partir des factures ENGIE versées aux débats pour la période de consommation de novembre 2015 à février 2016 fait apparaître un total de facturation HT de 174 949,20 euros, incluant des dépassements appliqués pour un montant total de 91 014,22 euros.

Il convient donc de retenir que le préjudice de la société Ville La Dis à la suite de la faute contractuelle de la société Solara Ingénierie est bien établi à hauteur de 91 014,22 euros HT, correspondant aux dépassements mis en évidence sur la période de novembre 2015 à février 2016 inclus et dont il demande réparation.

Enfin, la demande de condamnation à restitution des sommes perçues en première instance doit être rejetée, d'autant que la compensation de droit entre les sommes que se doivent réciproquement les parties nécessitera des comptes entre la société Ville La Dis et la société Solara Ingénierie

Sur la garantie de la société AXA France IARD

La société AXA France Iard s'associant sur la question de la responsabilité contractuelle à l'argumentation de son assurée, la société Solara Ingénierie, succombera également au fond.

Au terme du contrat d'assurance versé aux débats, la société AXA Assurances Iard Mutuelle ne conteste pas sa garantie concernant la responsabilité contractuelle de son assurée, la société Solara Ingénierie. Il conviendra donc de les condamner in solidum, dans les limites prévues au contrat par l'assureur, soit sous réserve de la franchise revalorisée qui sera déduite du montant des sommes dues à titre de réparation du préjudice.

Sur les demandes accessoires

La société Solara Ingénierie et la société AXA France Iard seront condamnées in solidum aux dépens, avec distraction au profit de M. Christian FORQUIN, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de la société Ville La Dis.

Il y a enfin lieu de rejeter la demande formulée au titre de l'article 700 du même code formulé par la société AXA France IARD et par la société Solara Ingéniérie.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par décision contradictoire,

Confirme le jugement du 10 septembre 2019 du tribunal de commerce de Thonon les Bains en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale, et en ce qu'il a condamné la société Ville la Dis à payer à la société Solara Ingéniérie la somme principale de 48 904,80 euros TTC, avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 9 novembre 2018,

Infirme le jugement pour le surplus,

Condamne in solidum la société Solara Ingénierie et la société AXA France Iard, dans les limites de son contrat et sa franchise, à payer à la société Ville La Dis la somme de 91 014,22 euros à titre de dommages et intérêts,

Ordonne la compensation entre les sommes que se doivent réciproquement la société Solara Ingénierie et la société Ville La Dis,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Solara Ingénierie et la société Axa Iard à payer à la société Ville La Dis la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Solara Ingénierie et la société Axa Iard aux dépens de l'instance d'appel et de la première instance, avec distraction au profit de Me Christian Forquin en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 07 mars 2023

à

Me Christian FORQUIN

la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES

l'ASSOCIATION CABINET RIBES ET ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée le 07 mars 2023

à

Me Christian FORQUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01072
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;20.01072 ?
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