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02/03/2023 | FRANCE | N°23/00023

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 02 mars 2023, 23/00023


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 02 Mars 2023





RG 23/00023 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFZT





Appelant



M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Madame [W] [D], directrice du cabinet du Préf

et de la Haute Savoie

et en présence de Mme [T] [G], chargée de mission à l'ARS





Parties intervenantes



Etablissement [8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparant



M. [U] [L]...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 02 Mars 2023

RG 23/00023 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFZT

Appelant

M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Madame [W] [D], directrice du cabinet du Préfet de la Haute Savoie

et en présence de Mme [T] [G], chargée de mission à l'ARS

Parties intervenantes

Etablissement [8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparant

M. [U] [L]

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparant

représenté par Maître Nathalie OLIVIER, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué - réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 1er mars 2023 devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 2 mars 2023,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Par arrêté municipal du 09 février 2023, le maire de [Localité 7] a ordonné le placement provisoire d'urgence de M. [L] [U], domicilié dans cette commune, auprès de l'établissement public de santé mentale de [9] situé à la [Localité 11] (74).

Par certificat médical circonstancié rédigé le 09 février 2023 à 04h30, le Docteur [P] [F] mentionnait :

'avoir constaté :

-Déambulation sur voie publique en caleçon.

-À pénétré dans le logement de sa voisine en disant qu'il voulait la tuer.

-Délire aigu avec adhésion totale. Délire paranoïaque. Dit que son frère a été tué par son patron. Dit que son patron fait partie de la mafia. Dit qu'il partait pour tuer son patron.

-Non soumission aux forces de l'ordre.

-Demande de parler au président de la République'.

Et que : ' les troubles mentaux du patient compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public et nécessitent des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. M.[L] [U] doit être admis à l'établissement public de santé mentale de [9] [Localité 5] en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État conformément à l'article L.3213-1 du code de la santé publique'.

Le certificat médical de 24 heures rédigé le 9 février 2023 à 11h05 par le Docteur [A] [Y], psychiatre exerçant à l'[8] décrivait ainsi l'état mental de la personne et la nécessité de maintenir les soins : 'patient admis cette nuit en SPDRE pour un épisode aigu d'agitation avec agressivité et menaces verbales, ainsi que des comportements inadaptés sur la voie publique, ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre. Ce matin, M.[L] est calme et de bon contact. On note cependant une tendance logorrhéique, avec des éléments certains de persécution, notamment de la part de son employeur. Il s'agit d'une primo-hospitalisation. M.[L] n'a pas d'antécédents particuliers, notamment sur le plan psychiatrique. On ne note pas de consommations d'alcool, ni de toxiques, mais une surconsommation de caféine et de boissons énergisantes, dans un contexte de stress et de surmenage. Dans ce contexte, l'hospitalisation sous contrainte reste justifiée afin de permettre la surveillance et l'observation nécessaires. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État doivent se poursuivre à temps complet'.

Par arrêté du 9 février 2023, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M.[L] [U] à l'[8] jusqu'au 9 mars 2023 inclus, sous réserve de la décision éventuelle prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique.

Le certificat médical de 72 heures rédigé le 11 février 2023 à 11 heures par le Docteur [V] [O], psychiatre à l'[8], mentionnait : 'Ce jour le patient est calme. Il reconnaît les troubles du comportement qu'il met en lien avec une surconsommation de caféine et boissons énergisantes dans un contexte de stress. Il décrit des troubles du sommeil et une thymie fragile. On note une légère dispersion dans la pensée et quelques éléments interprétatifs. Il reconnaît l'intérêt de l'hospitalisation. Celle-ci est nécessaire afin d'évaluer l'évolution de son comportement et confirmer l'amélioration clinique'.

Par arrêté du 14 février 2023, le préfet de la Haute-Savoie a maintenu les soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, de M.[L] [U], à l'[8].

Par avis motivé du 13 février 2023, le Docteur [C] [R], psychiatre à l'[8] indiquait: 'Ce jour, le discours est fluide et construit. Pas de désorganisation psychique ni comportementale. La thymie se restaure. Quelques propos interprétatifs qui persistent avec lesquels il peut prendre de la distance. Le comportement est contenu dans le service. Pas de tension psychique. Pas de propos menaçants, pas de velléité de passage à l'acte auto ni hétéro agressif. L'adhésion aux soins reste ambivalente. Pas de traitement mis en place pour poursuivre l'observation. En conséquence, les soins psychiatriques sur décision du directeur ou du représentant de l'État restent justifiés et doivent être maintenus à temps complet. L'état du patient lui permet de rencontrer le JLD'.

Saisi le 13 février 2023 par le préfet de la Haute-Savoie sur le fondement de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention de Bonneville, par ordonnance du 15 février 2023, a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de M.[U] [L].

Par déclaration adressée au greffe le 20 février 2023, le préfet de la Haute-Savoie a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Suivant réquisitions écrites du 23 février 2023, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry s'est prononcé en faveur d'une infirmation sur le principe de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 15 février 2023.

Lors de l'audience publique du 1er mars 2023 à 10 heures, la représentante du préfet de la Haute-Savoie a sollicité une infirmation de la décision attaquée, soulignant que l'arrêté municipal, puis l'arrêté préfectoral, ont régulièrement visé le certificat médical circonstancié du docteur [P] du 9 février 2023, puis rappelant le contexte à la suite duquel M. [U] [L], compte tenu de l'existence d'un danger immédiat pour lui-même et les autres et des troubles mentaux manifestés, a dû faire l'objet d'une hospitalisation complète, à savoir que ce dernier a été retrouvé vêtu d'un simple caleçon, en plein milieu de la nuit, alors que la température extérieure avoisinait -10°C, sur la voie publique, tenant des propos incohérents, menaçant de mort son voisinage, ainsi que toutes les personnes tentant de l'approcher, les militaires de gendarmerie et les médecins du SAMU ayant dû employer des moyens particulièrement importants (intervention, sur un temps de 45 minutes, de huit gendarmes, usage d'un tazer, tirs de balles de défense, double paire de menottes, sédations ) avant de parvenir à le maîtriser, au regard de la force physique de l'intéressé (mesurant plus de 2 mètres et pesant 130 kg) et de son état psychique. Elle a fait valoir qu'avant d'envisager une levée de l'hospitalisation complète, il aurait été préférable, compte tenu des données de l'espèce, de mettre en 'uvre un programme de soins adapté,de manière à éviter une nouvelle crise.

M.[U] [L] n'a pas comparu,bien que régulièrement convoqué, à la fois sur son précédent lieu d'hospitalisation, et à son adresse personnelle figurant au dossier.

L'avocate de M.[U] [L], Maître Nathalie Olivier, a été entendue en ses observations. Elle a demandé à ce que la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville fasse l'objet d'une confirmation, considérant que l'arrêté municipal du 9 février 2023 et l'avis motivé du 13 février 2023 n'étaient pas conformes aux dispositions du code de la santé publique, à défaut, pour le 1er, de mentionner l'existence de troubles mentaux mettant en danger la sécurité des personnes et, s'agissant du second, de les expliciter, alors que le discours de M. [L] [U] à l'audience de 1ère instance devant le juge des libertés et de la détention était relativement cohérent, bien qu'il ne prenne aucun traitement. Elle a exposé que de telles irrégularités, affectant une mesure de privation de liberté, portaient nécessairement atteinte aux droits de M. [L], de sorte que cette dernière devait faire l'objet d'une mainlevée.

Le parquet général n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 02 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Chambéry le 20 février 2023 à 13h49, le Préfet de la Haute-Savoie a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 15 février 2023, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il résulte de l'article L.3213-2 du code de la santé publique que :

'En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 10], les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L.3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.

La période d'observation et de soins initiale mentionnée à l'article L.3211-2-2 prend effet dès l'entrée en vigueur des mesures provisoires prévues au premier alinéa'.

L'article L.3213-1 du code de la santé publique mentionne, quant à lui, que :

'I.-Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L.3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.

Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 :

1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3211-2-2 ;

2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.

II.-Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l'article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.

Dans l'attente de la décision du représentant de l'Etat, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.

III.-Lorsque la proposition établie par le psychiatre en application de l'article L. 3211-2-2 recommande une prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat ne peut modifier la forme de prise en charge des personnes mentionnées au II de l'article L. 3211-12 qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9.

IV.-Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l'article L. 3212-11".

En vertu de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique :

I.-L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission ;

2° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L. 3212-4 ou du III de l'article L. 3213-3. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

3° Avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l'un des mêmes articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois prévu au présent 3°.

Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné, avant l'expiration de l'un des délais mentionnés aux 1° à 3° du présent I, une expertise soit en application du III du présent article, soit, à titre exceptionnel, en considération de l'avis mentionné au II, ce délai est prolongé d'une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L'hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu'à la décision du juge, sauf s'il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L'ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable.

Le juge fixe les délais dans lesquels l'expertise mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent I doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.

II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

Lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, l'avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l'article L. 3211-9.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Lorsqu'il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l'article L. 3211-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa, la mesure d'hospitalisation complète prend fin.

Toutefois, lorsque le patient relève de l'un des cas mentionnés au II de l'article L. 3211-12, le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.

IV.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'ordonne pas la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, il statue, le cas échéant, y compris d'office, sur le maintien de la mesure d'isolement ou de contention.

V.-Lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué avant l'expiration du délai de douze jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de six mois prévu au 3° du même I, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète est acquise à l'issue de chacun de ces délais.

Si le juge des libertés et de la détention est saisi après l'expiration du délai de huit jours prévu aux 1° et 2° du I ou du délai de quinze jours prévu au 3° du même I, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

L'article L.3216-1 du code de la santé publique prévoit en son deuxième alinéa que les irrégularités affectant les décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre n'entraînent la mainlevée de la mesure concernée « que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ».

Les juges du fond sont souverains dans l'appréciation qu'ils font de l'existence ou de l'absence d'un grief causé à la personne.

En l'espèce, il convient de constater que l'arrêté municipal du 9 février 2023 ordonnant le placement provisoire d'urgence de M. [L] [U] à l'[8] vise expressément l'article L.3213-2 du code de la santé publique, ainsi que le certificat médical circonstancié du docteur [P] établi le même jour, lequel, après avoir examiné l'intéressé, décrit, précisément, ses constatations médicales, en mentionnant qu'elles constituent des troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public et nécessitant des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

Contrairement à ce qui est soutenu par le conseil de M. [L] [U], et retenu par le juge des libertés et de la détention de Bonneville, il n'est pas imposé, ni par les textes sus-visés, ni par la cour de cassation, que l'arrêté pris par le maire, à titre provisoire, soit spécifiquement motivé et qu'il doive 's'approprier le contenu' ou 'les termes du certificat médical circonstancié', en mentionnant 'que les troubles mentaux dont est atteint l'individu compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public', une telle exigence de motivation n'étant attachée qu'à l'arrêté préfectoral qui, seul, décide de l'admission en soins psychiatriques.

La seule référence, dans l'arrêté du maire de [Localité 7], à l'avis médical du docteur [P], attestant d'un danger imminent pour la sûreté des personnes et de troubles mentaux manifestes, est suffisante pour considérer qu'il satisfait aux exigences légales.

Au surplus, l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie, pris le même jour que l'arrêté municipal, soit le 9 février 2023, dont la validité n'est pas contestée, est régulièrement motivé, en ces termes: 'Considérant qu'il résulte du contenu du certificat médical du Docteur [P], joint au présent arrêté et dont je m'approprie les termes, que les troubles mentaux présentés par M. [L] [U] nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave,à l'ordre public et rendent nécessaire son admission en soins psychiatriques'.

Dès lors, le moyen tiré d'une irrégularité affectant l'arrêté municipal du 9 février 2023 pris par le maire de [Localité 7] est inopérant et doit être écarté.

Par ailleurs, le conseil de M. [L] [U] estime que l'avis motivé du 13 février 2023 du docteur [C] [R] ne serait pas valable, à défaut de caractériser les troubles psychiques dont il serait atteint.

Or, il convient de constater qu'il y est fait clairement référence aux troubles initiaux présentés par M. [L] [U] le 9 février 2023 lors de son admission, à savoir un 'épisode aigu d'agitation avec agressivité et menaces verbales, ainsi que des comportements inadaptés sur la voie publique, ayant nécessité l'intervention des forces de l'ordre', et au fait qu'au jour de l'avis, soit le 13 février 2023, la thymie était toujours en cours de restauration avec quelques propos interprétatifs persistants et une adhésion aux soins ambivalente, de sorte que les soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat sous la forme d'une hospitalisation complète demeuraient nécessaires.

Cet avis, conformément à la loi, provient d'un psychiatre de l'établissement d'accueil. Il est motivé et se prononce sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète en exposant les motifs fondant un tel avis.

Le juge des libertés et de la détention de Bonneville a, pour autant, considéré que : 'De manière superfétatoire l'avis motivé n'indiquant pas les troubles psychiques dont est atteint le patient, les 'quelques propos interprétatifs' présentés par le patient ne suffisant pas à les établir et, alors qu'en outre cet avis motivé indique de manière contradictoire, que l'adhésion aux soins reste ambivalente, tout en mentionnant, qu'aucun traitement n'a été mis en place pour poursuivre l'observation'.

En motivant, ainsi, sa décision, et en portant une appréciation sur la cohérence et le bienfondé de l'avis motivé émis, le juge des libertés et de la détention a outrepassé ses pouvoirs, en allant au delà de ce que lui permet son contrôle.

En effet, le juge ne saurait dénaturer le contenu des certificats médicaux qui lui sont communiqués, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Ce principe est rappelé, régulièrement, par la 1ère chambre civile de la cour de cassation. Dans un arrêt récent, rendu le 8 février 2023, elle a, ainsi, réaffirmé que le juge saisi au titre de l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique, pour se prononcer sur le maintien d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte, ne peut pas porter d'appréciation d'ordre médical (Civ. 1ère , 8 févr. 2023, F-B, n° 22-10.852).

Dès lors, le moyen tiré d'une irrégularité affectant l'avis motivé du 13 février 2023 est inopérant et doit être écarté.

La cour relève, à cette occasion, que le juge des libertés et de la détention de Bonneville a considéré pouvoir ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, motifs pris d'un arrêté municipal et d'un avis motivé jugés irréguliers, sans même faire référence à l'existence d'un grief causé à la personne.

Par conséquent, et après examen de la procédure soumise dans son ensemble, la cour dit que la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [L] [U] est régulière, au regard des textes précédemment rappelés.

Quant au bien-fondé de la mesure, il ressort des pièces figurant au dossier, notamment des certificats et avis médicaux, suffisamment motivés et circonstanciés, que M.[L] [U], suite à un épisode délirant massif, au cours duquel il s'est montré particulièrement agité, agressif et menaçant, en adoptant des propos et comportements incohérents d'ordre persécutoire, le mettant en danger, ainsi qu'autrui, a du être hospitalisé, en urgence, au sein d'une structure spécialisée pour mise en oeuvre de soins psychiatriques sous contrainte, n'étant pas en capacité, à ce moment là, d'y consentir librement.

Si une amélioration clinique de ses troubles a été rapidement observée durant le temps de son hospitalisation complète, le dernier avis motivé du 13 février 2023 fait, toutefois, état, de la persistance d'éléments interprétatifs et d'une thymie non entièrement stabilisée.

De plus, son adhésion aux soins demeure fragile, en témoigne son discours lors de l'audience du 15 février 2023 devant le juge des libertés et de la détention, à qui M. [L] [U] a pu indiquer 'être sportif de haut niveau, se soigner avec des produits dopants et penser qu'il pouvait tout faire seul'.

En outre, sauf à évoquer un usage excessif de caféine et de boissons énergisantes dans un contexte de stress et de surmenage, les explications données par l'intéressé quant à cette 1ère décompensation psychique particulièrement violente sont limitées et nécessitent d'être confrontées à l'analyse médicale de professionnels spécialisés, après évaluation faite dans un cadre approprié permettant une surveillance et une observation en continu.

M. [L] [U] n'ayant pas comparu lors de l'audience du 1er mars 2023, la cour ne dispose d'aucun élément actualisé au sujet de sa situation et de son état de santé.

Au vu de ces éléments, M. [L] [U] souffrant de troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public, et la procédure d'hospitalisation complète sans consentement dont il a fait l'objet étant régulière, il convient d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 15 février 2023.

Pour autant, cette décision, à défaut d'appel suspensif du parquet, ayant eu pour effet, de facto, de mettre fin à la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte de M. [L] [U], la cour se trouve dans l'impossibilité, à ce stade, d'en ordonner le maintien ou d'imposer la mise en oeuvre d'un programme de soins, ainsi que sollicité par le préfet de la Haute-Savoie, dès lors qu'une telle mesure de soins psychiatriques ne s'exerce plus.

A cet égard, il est regrettable, au vu des éléments du dossier et des besoins présentés par M. [L] [U], qu'aucun programme de soins n'ait accompagné sa sortie de l'[8], ce qui aurait permis à l'intéressé, ainsi qu'à la société, de disposer de certaines garanties, en veillant à l'existence d'une prise en charge médicale adaptée aux troubles manifestés, de nature à limiter un éventuel risque de rechute.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente, statuant par ordonnance contradictoire le 2 mars 2023, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.le préfet de la Haute-Savoie

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 15 février 2023.

Constatons, cependant, que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 15 février 2023, à défaut d'appel suspensif, a mis fin à la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M.[L] [U], sorti de l'[8] sans programme de soins et non-comparant à l'audience.

Disons, dans ces conditions, ne pouvoir ordonner la poursuite d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, qui ne s'exerce plus.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 02 mars 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00023
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;23.00023 ?
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