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23/02/2023 | FRANCE | N°20/01512

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 23 février 2023, 20/01512


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 23 Février 2023





N° RG 20/01512 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSKV



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 29 Mars 2019, RG 18/01750



Appelante



Mme [K] [R], née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]



Représentée par la SELARL VICHI GAIRAUD, avocat postulant au barreau d'ANNECY et la SCP ABBAL - CECCOTTI, avocat plaidant au barreau

de MONTPELLIER





Intimée



S.A. CREDIT LYONNAIS dont le siège social est sis [Adresse 2] - prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 23 Février 2023

N° RG 20/01512 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSKV

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 29 Mars 2019, RG 18/01750

Appelante

Mme [K] [R], née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

Représentée par la SELARL VICHI GAIRAUD, avocat postulant au barreau d'ANNECY et la SCP ABBAL - CECCOTTI, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

Intimée

S.A. CREDIT LYONNAIS dont le siège social est sis [Adresse 2] - prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATRINI ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'ANNECY et Me Pierre BUISSON, avocat plaidant au barreau de LYON

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 06 décembre 2022 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 28 juillet 2011, la SA Crédit Lyonnais a consenti à Madame [K] [R] un prêt immobilier d'un montant de 158 300 euros pour l'achat de sa résidence principale sise [Adresse 1].

Après renégociation du taux d'intérêt contractuel en faveur du débiteur, le contrat a fait l'objet d'un avenant le 14 octobre 2016, accepté par Madame [R] le 4 novembre suivant.

Un désaccord concernant le calcul des intérêts conventionnels ayant ultérieurement opposé emprunteur et prêteur, Madame [R] a alors fait assigner la SA Crédit Lyonnais, par acte du 4 juillet 2018, afin notamment de voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contestée.

Par jugement réputé contradictoire du 29 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Annecy a :

- débouté Madame [R] de sa demande de nullité de la stipulation d'intérêts fondée sur l'utilisation de l'année dite lombarde,

- ordonné la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du 5 décembre 2016 en raison des irrégularités affectant l'avenant du 14 octobre 2016,

En conséquence,

- dit que le taux d'intérêt légal s'appliquera en lieu et place du taux conventionnel à partir de l'échéance du 5 décembre 2016,

- condamné la SA Crédit Lyonnais à verser à Madame [R] la somme correspondant aux intérêts trop perçus depuis le 5 décembre 2016,

- condamné la SA Crédit Lyonnais à remettre à Madame [R] un tableau d'amortissement faisant application au prêt de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du 5 décembre 2016,

- condamné la SA Crédit Lyonnais à verser à Madame [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Crédit Lyonnais aux dépens de l'instance, qui seront directement recouvrés par Maître Gairaud en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement.

Par acte du 14 décembre 2020, Madame [R] a interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Madame [R] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel dirigé contre le jugement entrepris,

- le dire bien fondé,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses prétentions relatives à l'offre de prêt du 28 juillet 2011,

- constater que la banque calcule les intérêts du prêt litigieux sur la base d'une année de 360 jours,

En conséquence, à titre principal,

- dire que la clause lombarde est une clause abusive,

- prononcer la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels du prêt et de l'avenant,

- dire et juger que le taux de l'intérêt légal en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt s'appliquera, en lieu et place du taux conventionnel, depuis l'origine du prêt jusqu'à la date du premier avenant à partir duquel le taux légal de 2016 s'appliquera,

- ordonner la restitution des intérêts trop perçus,

- condamner en conséquence la banque à lui rembourser la somme au titre des intérêts trop perçus,

À titre subsidiaire,

- ordonner la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels au détriment de la banque,

À titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels au détriment de la banque dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50%,

- condamner la banque à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

En réplique, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Crédit Lyonnais demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Madame [R] de sa demande de nullité de la stipulation d'intérêts du prêt,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

ordonné la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du 5 décembre 2016 en raison des irrégularités affectant l'avenant du 14 octobre 2016,

dit que le taux d'intérêt légal s'appliquera en lieu et place du taux conventionnel à partir de l'échéance du 5 décembre 2016,

condamné la SA Crédit Lyonnais à verser à Madame [K] [R] la somme correspondant aux intérêts trop perçus depuis le 5 décembre 2016,

condamné la SA Crédit Lyonnais à remettre à Madame [K] [R] un tableau d'amortissement faisant application au prêt de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter du 5 décembre 2016,

condamné la SA Crédit Lyonnais à verser à Madame [K] [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SA Crédit Lyonnais aux dépens de l'instance.

- débouter Madame [R] de toutes ses demandes comme irrecevables ou mal fondées,

- la condamner à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel avec application de l'article 699 du même code au bénéfice de la Selarl Trequattrini et associés,

- subsidiairement, limiter à une somme forfaitaire symbolique les intérêts à restituer à Madame [R].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Concernant le contrat de prêt du 28 juillet 2011

Selon l'article 1907 du code civil, l'intérêt est soit légal, soit conventionnel, étant précisé que l'intérêt conventionnel ne peut excéder celui de la loi que lorsque la loi ne le prohibe pas. Le taux d'intérêts conventionnel doit être fixé par écrit.

L'article R.313-1 du code de la consommation et son annexe, devenu l'article R.314-3 du même code, relatif au calcul des intérêts conventionnels pour les prêts immobiliers, prévoit expressément que le calcul des intérêts doit être réalisé sur la base d'une année de 365 ou de 366 jours, un mois normalisé comptant 30,416 jours.

Les dispositions du code de la consommation sont d'ordre public. La commission des clauses abusives a en outre, dans le cadre d'une recommandation n°05-02 du 20 septembre 2005, prohibé le recours à l'année de 360 jours.

Au regard de l'objet d'un contrat de prêt, le caractère irrégulier de la clause d'intérêts conventionnelle entraîne, par voie de conséquence, la substitution du taux légal au taux conventionnel et non la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnelle.

En l'espèce, il doit être relevé que le contrat de prêt signé le 28 juillet 2011 prévoit, en page 5 sur 13, en partie 2 de la convention relative aux 'modalités et lieux de paiement - ajustement du montant de la première échéance', que 'les intérêts courus entre deux échéances seront calculées sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé, les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exact de la période écoulée, rapportés à 360 jours l'an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an'.

Le contrat ajoute encore, 'ajustement à la première échéance : la première échéance du prêt est toujours calculée en jours exacts. De ce fait, son montant peut être différent des autres mensualités en raison des intérêts intercalaires et des cotisations d'assurance (le cas échéant) qui peuvent être perçus et donc rajoutés et ce, dans le cas où le nombre de jours entre le début d'amortissement et la première échéance n'est pas égal à 30 jours'.

Il en résulte que, si l'utilisation rapport de calcul de 30/360 jours (= 0,8333), correspondant en pratique à l'utilisation du mois normalisé tel que préconisé par le code de la consommation de 30,416/365 jours (= 0,08333), est visé et utilisé pour le calcul des intérêts des différentes échéances du contrat (mois complets), l'emploi d'un diviseur rapportant le nombre de jours réels à 360, prohibé par le code de la consommation, est néanmoins explicitement indiqué s'agissant des mois fractionnés (première échéance et hypothèse d'un remboursement anticipé) dans le contrat de prêt litigieux.

Il s'en déduit dès lors que, dès la signature du contrat (28 juillet 2011), Madame [R] était en capacité de relever l'irrégularité susvisée laquelle n'a toutefois été opposée à la banque que par assignation du 4 juillet 2018.

Aussi, la SA Crédit Logement est fondée à opposer à sa cliente la prescription quinquennale des articles 1304 ancien du code civil et L.110-4 du code de commerce.

S'agissant de la prétention de l'appelante concernant le caractère abusif de la clause sus-reproduite, la cour retient que la prétention nouvellement formée par Madame [R] tend, au moyen d'un fondement juridique différent, aux mêmes fins que celle développée en première instance soit l'application, pour le remboursement des échéances, du taux légal en lieux et place du taux contractuel. En ce sens, au visa de l'article 565 du code de procédure civile, cette prétention ne saurait être déclarée irrecevable comme nouvelle. En outre, au regard des règles spécifiques relatives aux clauses abusives, aucune prescription ne peut être retenue en l'espèce.

Toutefois, au fond, force est de constater que le caractère abusif d'une clause ne peut porter ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En ce qu'elle porte sur le fonctionnement du mécanisme de remboursement des échéances du prêt, la clause susvisée constitue l'objet principal de la convention dans la mesure où elle définit les modalités d'exécution de l'obligation principale des emprunteurs, soit l'obligation de rembourser les échéances en capital et intérêts, selon les modalités contractuellement fixées, en contrepartie du déblocage des fonds par la banque.

Or, la stipulation critiquée, rédigée en des termes clairs et compréhensibles tant sur le plan formel que grammatical pour un consommateur normalement avisé, s'avère en l'espèce parfaitement intelligible et ne peut, par conséquent, être déclarée abusive et réputée non-écrite.

Dès lors, Madame [R] doit être déboutée de sa demande.

Concernant l'avenant du 14 octobre 2016

L'article R.314-2 du code de la consommation, relatif aux dispositions communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier, prévoit, pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, que le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Selon cet article, le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

L'article R.314-3 du même code, le succédant, énonce quant à lui que, pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées à l'article R.314-2, le taux annuel effectif global mentionné à l'article L. 314-3 est calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe. La durée de la période doit être expressément communiquée à l'emprunteur.

Ces deux articles résultent du décret 2006-884 du 29 juin 2016, entré en vigueur le 1er octobre 2016, et s'avéraient donc en vigueur au 4 novembre 2016, jour de signature de l'avenant dont la régularité est contestée.

Il résulte ainsi de la combinaison de ces deux articles que, s'agissant d'un avenant relatif à un prêt immobilier destiné à une personne physique, le taux période n'avait pas à être mentionné dans le contrat, à l'inverse du TEG et de la durée de période.

Or, la lecture de l'avenant du 4 novembre 2016 permet de retenir que le TEG et la périodicité des échéances (mensuelles) sont effectivement mentionnés de sorte que les demandes de Madame [R] ne sauraient prospérer.

Aussi, à supposer que Madame [R] établisse un intérêt à agir quant à cette demande, ce qui est contesté par l'intimée, l'appelante ne pourrait, en tout état de cause, qu'être déboutée sur le fond au visa des textes sus-reproduits.

En ce sens, la décision déférée doit être réformée.

Sur les demandes annexes

Madame [R], qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Trequattrini et associés s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Madame [R] est en outre condamnée à payer la somme de 2 000 euros à la SA Crédit Lyonnais au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande de Madame [K] [R] en nullité de la stipulation d'intérêts puis, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts pour la banque, fondée sur l'utilisation de l'année dite lombarde,

Déboute Madame [K] [R] de l'ensemble de ses autres demandes,

Condamne Madame [K] [R] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Trequattrini et associés s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne Madame [K] [R] à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA Crédit Lyonnais du surplus de ses prétentions.

Ainsi prononcé publiquement le 23 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01512
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.01512 ?
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