COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 21 Février 2023
N° RG 22/01056 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HAPY
Décision attaquée : Ordonnance du Président du TC de THONON-LES-BAINS en date du 04 Mai 2022
Appelant
M. [U] [E]
né le [Date naissance 1] 1974 à TURQUIE, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Marine ALBERTINI, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimé
COMPTABLE PUBLIC DU POLE DERECOUVREMENT, demeurant [Adresse 3]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY
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Date de l'ordonnance de clôture : 31 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 décembre 2022
Date de mise à disposition : 21 février 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
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Faits et Procédure
M. [U] [E], exerçant une activité de maçonnerie-gros oeuvre, était placé en liquidation judiciaire simplifiée selon jugement du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains en date 17 mai 2017.
Auparavant, il avait l'objet d'un contrôle fiscal portant sur les années 2015 et 2016 ayant conduit à un redressement, de sorte que le comptable public du pôle recouvrement spécialisé de Haute-Savoie (ci-après dénommé le comptable public) déclarait sa créance provisionnelle au passif de la procédure collective à hauteur de 98 000 euros le 6 juillet 2017 et procédait à une demande d'admission définitive à hauteur de 93 253 euros le 14 novembre 2017 selon avis de recouvrement n°20171005010.
La procédure collective était clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 14 décembre 2017 et un certificat d'irrecouvrabilité par Me [K], mandataire judiciaire.
Par requête en date du 11 février 2022, le comptable public saisissait la présidente du tribunal de commerce aux fins d'être autorisé à reprendre les poursuites individuelles.
Par ordonnance en date du 4 mai 2022, la présidente du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains :
- constatait que les conditions de recouvrer le droit de poursuite étaient remplies puisque M. [U] [E] avait fait l'objet d'une procédure collective en date du 19 mars 2010 clôturée pour insuffisance d'actif le 31 octobre 2014, soit moins de 5 ans avant l'ouverture de la seconde,
- enjoignait à M. [U] [E] de payer au comptable public la somme de 93 253 euros,
- délivrait au comptable public le présent titre exécutoire relatif à cette créance,
- condamnait M. [U] [E] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au Greffe en date du 17 juin 2022, M. [U] [E] interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 27 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [U] [E] sollicitait l'infirmation et demandait à la cour de :
- déclarer irrecevable les demandes formulées par le comptable public,
- condamner le comptable public à lui verser une indemnité procédurale de 2 500 euros,
- condamner le comptable public aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. [U] [E] faisait notamment valoir que :
' s'agissant d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée, la créance du comptable public n'avait pas fait l'objet d'une vérification de sorte que la présidente du tribunal de commerce n'avait pas à être saisie sur le fondement de l'article L 643-11 V du code de commerce,
' la présidente n'avait pas à l'enjoindre de payer le comptable public ni à délivrer un nouveau titre exécutoire ; en fait, elle n'avait pas à être saisie,
' le comptable public était en fait dépourvu de l'intérêt à agir et donc du droit d'agir et sa demande aurait dû être déclarée irrecevable.
Par dernières écritures en date du 23 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le comptable public du pôle recouvrement spécialisé de Haute Savoie sollicitait de la cour de :
- déclarer que le comptable public disposait du droit d'agit et déclarer recevable ses demandes,
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- débouter M. [U] [E] de ses demandes,
- condamner M. [U] [E] aux dépens distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon.
Au soutien de ses prétentions, le comptable public du pôle recouvrement spécialisé de Haute Savoie faisait valoir notamment que :
' si l'article impose préalablement à toute poursuite de faire constater par le président du tribunal que les conditions prévues à l'article L 643-11 sont remplies lorsque la créance a été vérifiée, il peut être déduit que les mêmes constats soient nécessaires lorsque la créance n'a pas été vérifiée,
' il possède déjà un titre exécutoire mais avant de mettre en oeuvre des actions de recouvrement contraignantes, il a préféré solliciter du président du tribunal le constat de l'existence de sa créance et la réunion des conditions nécessaires à la reprise des poursuites,
' au delà de la délivrance d'un titre exécutoire, la présidente du tribunal avait bien constaté que les conditions de reprise des poursuites étaient réunies.
Une ordonnance en date du 31 octobre 2022 clôturait l'instruction de la procédure.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur la recevabilité de la demande du comptable public
Aux termes de l'article L 643-11 III 3° et V du code de commerce, 'III.-Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants : 3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11".......
V-Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.
Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en 'uvre dans les conditions du droit commun.'.
Aux termes de l'article R 643-20 du même code, 'le créancier dont la créance a été admise et qui recouvre son droit de poursuite individuelle conformément à l'article L. 643-11 peut obtenir, par ordonnance du président du tribunal rendue sur requête, le titre prévu au V du même article. La caution ou le co-obligé mentionné au II du même article peut, dans les mêmes conditions, obtenir un titre exécutoire sur justification du paiement effectué. La procédure de l'injonction de payer prévue aux articles 1405 et suivants du code de procédure civile n'est pas applicable.
Lorsque la créance a été admise lors de la procédure, le président du tribunal qui a ouvert celle-ci est compétent. Lorsque la créance n'a pas été vérifiée, la compétence du tribunal est déterminée selon les règles du droit commun.
L'ordonnance vise l'admission définitive du créancier et le jugement de clôture pour insuffisance d'actif. Elle contient l'injonction de payer et est revêtue par le greffier de la formule exécutoire.
Dans le cas prévu aux I, II et III de l'article L. 643-11, l'ordonnance est rendue, le débiteur entendu ou appelé'.
En vertu de ces textes, lorsque le créancier recouvre son droit de poursuite individuelle, trois cas sont à distinguer :
- en cas d'absence de vérification de la créance et en l'absence de titre exécutoire, le créancier doit assigner son débiteur dans le cadre d'une instance classique ;
- en cas de créance vérifiée mais en l'absence de titre exécutoire, le créancier doit solliciter du président du tribunal de commerce un titre exécutoire (injonction de payer avec formule exécutoire) ;
- en cas de créance non vérifiée mais en présence d'un titre exécutoire, le créancier doit solliciter du président du tribunal de commerce uniquement la constatation qu'il a recouvré son droit de poursuite individuelle. Il n' a pas obtenir à nouveau un titre en recourant à la procédure classique (cass com 29 avril 2014 pourvoi n°13-10.766).
En l'espèce, le comptable public disposait d'un titre exécutoire, sa créance avait été déclarée mais non vérifiée. Il a donc saisi à bon droit le président du tribunal de commerce pour que ce dernier constate qu'il avait recouvré son droit de poursuite individuelle.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a constaté que les conditions de recouvrer le droit de poursuite étaient remplies puisque M. [U] [E] avait fait l'objet d'une procédure collective en date du 19 mars 2010 clôturée pour insuffisance d'actif le 31 octobre 2014, soit moins de 5 ans avant l'ouverture de la seconde. En revanche, elle sera infirmée en ce qu'elle porte injonction de payer et en ce qu'elle a délivré au comptable un titre exécutoire. D'ailleurs, le comptable public dans sa requête ne l'avait pas sollicité.
II - Sur les demandes accessoires
Succombant, M. [U] [E] sera condamné aux dépens, distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon, et il sera débouté de sa demande d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que les conditions de recouvrer le droit de poursuite étaient remplies et en ce qu'elle a condamné M. [U] [E] aux dépens ;
L'infirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute M. [U] [E] de sa demande d'indemnité procédurale,
Condamne M. [U] [E] aux dépens distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la Selurl Bollonjeon,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 21 février 2023
à
Me Marine ALBERTINI
la SELARL BOLLONJEON
Copie exécutoire délivrée le 21 février 2023
à
la SELARL BOLLONJEON