La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2023 | FRANCE | N°21/00654

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 02 février 2023, 21/00654


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 02 Février 2023



N° RG 21/00654 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVBV



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 14 Janvier 2021, RG 16/02132



Appelant



M. [H] [O]

né le 04 Décembre 1987 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me Marc DEREYMEZ, avocat au barreau de CHAMBERY





Intimés



M.

[R] [W]

né le 07 Janvier 1977 à [Localité 5] (TURQUIE), demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Nathalie BOCQUET, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 02 Février 2023

N° RG 21/00654 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVBV

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 14 Janvier 2021, RG 16/02132

Appelant

M. [H] [O]

né le 04 Décembre 1987 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Marc DEREYMEZ, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimés

M. [R] [W]

né le 07 Janvier 1977 à [Localité 5] (TURQUIE), demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Nathalie BOCQUET, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/001407 du 03/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

Mme [P] [E] épouse [W]

née le 15 Juin 1977 à [Localité 5] (TURQUIE), demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie BOCQUET, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/001408 du 03/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

E.U.R.L. KA MOTOR SRL, dont le siège social est [Adresse 6] (ITALIE) prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 29 novembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 mai 2015, Monsieur [R] [W] et à Madame [P] [E] son épouse ont acquis auprès de Monsieur [H] [O], président de la SAS JBP spécialisée dans l'entretien et la réparation d'automobiles, un véhicule Audi A6, type Allroad, immatriculé [Immatriculation 3] contre un prix de 13 000 euros. Au jour de la vente, le véhicule affichait 166 896 km au compteur.

Suite à cette acquisition, des travaux ont été réalisés par la concession [I] [V], en charge de l'entretien du véhicule. Toutefois, les informations enregistrées dans cette concession, relatives à des prises en charge antérieures, révélaient un kilométrage de 178 200 km en novembre 2012 puis de 224 360 km en décembre 2013.

L'historique obtenu auprès du constructeur confirmait le kilométrage de 224 360 km en décembre 2013, manifestement incompatible avec celui affiché au compteur du véhicule au jour de la vente.

Consécutivement, par exploit du 16 novembre 2016, les époux [W] ont fait assigner Monsieur [O] devant le tribunal de grande instance sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal a, avant-dire droit, ordonné une expertise judiciaire aux frais avancés des époux [W]. Monsieur [U], expert judiciaire, a déposé son rapport le 26 juin 2019.

Assignée en intervention forcée pour avoir antérieurement détenu puis revendu ce véhicule, la société Ka Motor Srl, domiciliée en Italie, n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a, entre autres dispositions :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- constaté l'existence de vices cachés concernant le véhicule automobile Audi A6 Aallroad immatriculé [Immatriculation 3] acquis par les époux [W] auprès de Monsieur [O],

- ordonné la résolution de la vente survenue le 21 mai 2015,

- condamné Monsieur [O] à restituer aux époux [W] le prix de vente du véhicule soit la somme de 13 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que cette somme sera exigible en contrepartie de la restitution du véhicule à Monsieur [O],

- condamné Monsieur [O] à payer aux époux [W] la somme de 3 342,17 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à :

1 592,43 euros en remboursement des frais de réparation du véhicule,

749,74 euros en réparation des intérêts et des frais d'assurance,

1 000 euros en réparation du préjudice moral,

- débouté les époux [W] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

- dit que Monsieur [O] sera relevé et garanti par la société Ka Motor Srl des condamnations mises à sa charge au titre des dommages et intérêts, soit la somme de 3 342,17 euros,

- rejeté la demande de Monsieur [O] d'être relevé et garanti par la société Ka Motor Srl de la restitution du prix de vente du véhicule aux demandeurs,

- condamné Monsieur [O] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise d'un montant de 3 692,50 euros dont distraction au profit de Maître Boquet,

- condamné Monsieur [O] à payer aux époux [W] la somme de 2 000 euros en application de l'artilce 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Monsieur [O] sera relevé et garanti par la société Ka Motor Srl des dépens, ce y compris les frais d'expertise judiciaire, et des frais irrépétibles mis à sa charge.

Par acte du 24 mars 2021, Monsieur [O] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [O] demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- voir constater qu'il n'est nullement responsable du kilométrage inexact,

- voir débouter les époux [W] de leurs demandes au titre de la garantie de vices cachés,

- voir constater que le kilométrage inexact relève à tout le moins de la nullité prévue aux articles 1132 et 1133 du code civil (ancien) et relatif à l'erreur sur les qualités substantielles, article 1604 et suivants du code civil, article 1116 et suivants,

- voir constater que le kilométrage inexact incombe totalement a la Société Ka Motor Srl,

Pour le cas ou la nullité serait retenue à son encontre,

- voir retenir la dépréciation du véhicule celui-ci ayant été mis en circulations en 2007 et vendu en 2015,

- voir retenir à la charge des époux [W] les dépenses de conservation pour un montant de 7 126,43 euros outre 1 592,43 euros au titre des frais de réparation,

- voir débouter les époux [W] de leurs demandes plus amples et contraires,

En tout état de cause, rappelant qu'il n'est nullement responsable du kilométrage inexact,

- voir dire et juger que la société Ka Motor Srl devra le relever et garantir de toutes condamnations mises à sa charge,

- voir condamner les époux [W] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir condamner les mêmes en tous les dépens de première instance et d'appel.

En réplique, dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 16 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [W] demandent à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de Monsieur [O],

- recevoir leur appel incident,

- débouter Monsieur [O] l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice de jouissance,

Sur le préjudice moral et de jouissance,

- réformer la décision déférée,

- condamner Monsieur [O] à leur régler :

3 000 euros au titre du préjudice moral,

3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

Dans tous les cas,

- condamner Monsieur [O] à leur payer 3000 euros au titre de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Bocquet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, qui comprendront les frais d'expertise d'un montant de 3692,50 euros

*

La société Ka Motor Srl, ayant son siège en Italie, s'est vue dénoncer la déclaration d'appel puis les conclusions d'appelant par actes des 26 mai puis 23 juin 2021 transmis à l'autorité étrangère compétente.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des articles 1604 et suivants du code civil que le vendeur est tenu de délivrer la chose telle qu'elle est portée au contrat. L'obligation de délivrer la chose comprend le bien objet de la cession tel que convenu entre les parties lors de l'échange de leurs consentements respectifs, mais également ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage.

Il doit, à titre liminaire, être rappelé que la notion de délivrance conforme ne peut se confondre avec celle des vices cachés, laquelle s'entend d'un défaut occulte de la chose vendue permettant d'actionner en garantie le vendeur pour le dysfonctionnement d'un élément ou d'un équipement du véhicule.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Monsieur [O] a cédé aux époux [W], le 21 mai 2015, un véhicule Audi A6 immatriculé [Immatriculation 3] contre un prix de 13 000 euros. Au jour de la vente, le véhicule présentait 166 896 km au compteur de sorte que les acheteurs s'attendaient à acquérir un véhicule disposant d'un kilométrage réel équivalent au kilométrage affiché, étant rappelé que la distance effective parcourue par un véhicule d'occasion est un paramètre d'importance, pour un candidat acquéreur, dans le choix ce dernier.

Or, l'expertise judiciaire a révélé que le compteur kilométrique de l'Audi A6 acquise par les époux [W] a été volontairement modifié à la baisse pour minorer de 87 263 unités le kilométrage réel du véhicule, présenté à la vente en mai 2015 comme un bien d'occasion totalisant 166 896 km.

L'usure objective du véhicule et les défaillances ponctuelles observées par l'expert judiciaire (mauvais fonctionnement des bougies de préchauffage, pollution du circuit de refroidissement, circulation d'air incorrecte, défaut de fonctionnement du combiné d'instrument matérialisé par l'absence d'allumage des voyants d'alerte, etc...), qu'il qualifie de 'partie visible de l'iceberg', s'avèrent être en lien direct avec la somme globale de kilomètres parcourus par l'automobile. A ce titre, l'expert relate sans ambiguïté : 'nous sommes en déphasage avec la distance totale parcourue. [...] Pour conclure, nous sommes donc en capacité d'affirmer que le point central du dossier est bien la problématique de la modification du poste kilométrique. [...]. De fait, ledit véhicule ayant un kilométrage réel bien supérieur à celui figurant au compteur, les défaillances énumérées ci-avant peuvent être imputées à la distance parcourue par le véhicule vendu'. De façon convergente, les époux [W] concèdent dans leurs écritures que '[les] désordres sont la conséquence de son réel kilométrage' (page 13 §1).

Il en résulte que, sauf à démontrer l'existence d'un vice du consentement les concernant, le seul fondement juridique susceptible de prospérer pour les époux [W] est celui concernant la délivrance factuelle d'un bien non-conforme à celui convenu avec le vendeur lors de l'échange des consentements.

Aussi, en ciblant leur action, malgré les conclusions adverses réfutant ce fondement comme 'manifestement erroné', sur l'existence de vices occultes et la garantie des vices cachés du vendeur, les époux [W] ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes principales et accessoires.

Les époux [W], qui succombent à l'instance, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

En équité, eu égard à la nature du litige et en considération des situations respectives des parties consécutivement à la vente du véhicule litigieux, la cour dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par défaut,

Réforme la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [R] [W] et à Madame [P] [E] épouse [W] de l'intégralité de leurs demandes,

Condamne Monsieur [R] [W] et à Madame [P] [E] épouse [W] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise,

Déboute Monsieur [H] [O] du surplus de ses demandes.

Ainsi prononcé publiquement le 02 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00654
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00654 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award