COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 31 Janvier 2023
N° RG 20/01496 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSIM
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 18 Novembre 2020
Appelants
M. [X] [U]
né le 05 Décembre 1979 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
M. [T] [Z]
né le 17 Mars 1980 à [Localité 9], demeurant [Adresse 1]
S.A.R.L. CLAIR DE VIGNE, dont le siège social est situé [Adresse 10]
Représentés par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats au barreau d'ALBERTVILLE
Intimés
Mme [L] [S] [H] [K] épouse [K]
née le 12 Avril 1948 à [Localité 2], demeurant [Localité 7] - [Localité 5] [Localité 5]
M. [R] [K]
né le 01 Décembre 1944 à [Localité 2], demeurant [Localité 7] - [Localité 5] [Localité 5]
M. [D] [J] [K]
né le 19 Avril 1974 à [Localité 2], demeurant [Adresse 6]
Mme [I] [W] [G] [B] épouse [B]
née le 08 Janvier 1984 à [Localité 2], demeurant [Localité 7] - [Localité 5] [Localité 5]
Représentés par la SELARL COCHET FRANCOIS, avocats au barreau de CHAMBERY
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Date de l'ordonnance de clôture : 31 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 novembre 2022
Date de mise à disposition : 31 janvier 2023
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
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Faits et Procédure
Selon protocole en date du 7 Juin 2006 et avenant du 16 juin 2006, les consorts [K] vendaient à M. [X] [U], M. [T] [Z] et à la société Clair de Vigne (sarl) les biens du domaine viticole de [R] [K], viticulteur aux Marches, dont la totalité des actions de la société Les Rocailles [J] [K] pour la somme de 1 350 000 euros avec mise en place d'un crédit vendeur de 450 000 euros d'une durée de 12 ans, assorti de garanties de paiement, et un capital remboursable en fin de période, vente à effet du 16 juin 2006.
Le 16 juin 2018, l'échéance principale du crédit vendeur n'était pas réglée et la mise en demeure des vendeurs en date du 5 juillet 2018 restait vaine. Sur médiation ordonnée judiciairement après assignation au fond par les vendeurs, un protocole transactionnel était signé entre les parties le 11 septembre 2019 aux termes duquel les consorts [M] s'engageaient à céder aux consorts [K] des biens pour un montant de 662 600 euros et les consorts [K] s'engageaient à prendre en charge la somme de 210 516 euros auprès du crédit agricole, à opérer une datation en paiement sur le crédit vendeur et à louer à titre précaire à la société Rocaille-[J] [K] des bâtiments loués auparavant par la SCI Chais les Rocailles mais ce protocole n'était pas régularisé par les consorts [M] après levée des conditions suspensives. Des pourparlers débutaient compte tenu de cette situation mais ne permettaient pas de dégager un accord, de sorte que les parties concluaient au fond, les consorts [K] ayant sollicité l'application du protocole et les consorts [M] ayant consigné sur un compte Carpa le capital du crédit vendeur de 450 000 euros.
Par jugement en date du 18 novembre 2020,le tribunal de commerce de Chambéry:
- ordonnait aux consorts [M] et à la société Clair de Vigne de signer en l'étude de Me [Y], notaire, l'acte de dation en paiement tel que le projet figurait en pièce l5 produite à l'instance par les demandeurs ;
- condamnait M. [X] [U], M. [T] [Z] et la société Clair de Vigne, à défaut de signature dudit acte, à une astreinte de 750 euros par jour à compter du 31éme jour suivant la signification du présent jugement ;
- ordonnait l'exécution provisoire uniquement concernant les deux précédents paragraphes.
- condamnait in solidum M. [X] [U], M. [T] [Z] et la société Clair de Vigne à payer, en deniers ou quittances valables, aux consorts [K] :
- la somme de 13 780,06 euros, montant des frais de prise de garantie, tels qu'ils étaient visés aux motifs de la décision,
- la somme de 81 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des loyers perdus engendrés par le retard dans l'exécution du protocole d'accord,
- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par les consorts [K] du fait de la résistance abusive des défendeurs,
- la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 178,82 euros TTC avec TVA de 20 %,
- rejetait toutes autres demandes.
Par déclaration au Greffe en date du 10 décembre 2020, les consorts [M] et la société Clair de Vigne interjetaient appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 21octobre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [M] et la société Clair de Vigne sollicitent l'infirmation de la décision entreprise et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :
- dire et juger nul et de nul effet le protocole d'accord transactionnel du 11 septembre 2019 ;
- dire et juger inopposable à la société Les Rocailles-[J] [K] ledit protocole d'accord transactionnel ;
- à titre subsidiaire, ordonner une mesure de conciliation ;
- reconventionnellement, condamner in solidum les consorts [K] à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intéréts en réparation des préjudices moraux subis et celle de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Paul Salvisberg, avocat au Barreau d'Albertville sur le fondement de l'article 699 du code précité.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [M] et la société Clair de Vigne font notamment valoir que :
' la société Les Rocailles-[J] [K] n'a pas été indiquée comme partie au protocole qui pourtant faisait peser sur elle des concessions majeures et un seul de ses co-gérants a signé le document, M. [C], autre cogérant depuis le 11 juillet 2018, n'y ayant pas été associé;
' les consorts [K] n'ont consenti aucune concession dans le protocole d'accord transactionnel du 11 septembre 2019 ;
' le dit protocole est dolosif car il est déséquilibré et conduit à la ruine des appelants, de la société Les Rocailles-[J] [K] et de la SCI Chais des Rocailles ;
' l'original du protocole n'existe pas mais uniquement des copies.
Par dernières écritures en date du 13 octobre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [K] sollicitent la confirmation du jugement entrepris et sollicitent de la cour de :
- constater que dans le dispositif des conclusions des appelants, ne figure aucune demande de réformation s'agissant des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre des consorts [M] et la société Clair de Vigne ;
- constater également que, dans les premières conclusions d'appel, aucune demande de nullité du protocole d'accord au dol n'a été formée ;
- rejeter, en conséquence, toute demande de nullité du protocole d'accord transactionnel,
- rejeter la demande de nullité du protocole d'accord en date du 11 septembre 2019, lequel constitue une transaction au sens des dispositions de l'article 2052 du code civil,
- rejeter également la demande en nullité du protocole d'accord pour dol, cette demande n'ayant été formée ni devant le Tribunal ni dans les premières conclusions d'appel, et en tout état de cause, faute d'une quelconque existence de man'uvres dolosives de leur part.
- y ajoutant, condamner les consorts [M] et la société Clair de Vigne à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires, la procédure étant abusive ;
- très subsidiairement, au cas où par impossible la cour considérerait que le protocole d'accord transactionnel doit être annulé, condamner dans cette hypothèse, in solidum les consorts [M] et la société Clair de Vigne à leur payer la somme de 450 000 euros avec intérêts au taux contractuel fixé au taux euribor + 1 point et ce à compter du 16 juin 2018 ;
- condamner également in solidum les consorts [M] et la société Clair de Vigne à leur payer la somme de :
- la somme de 13.780,06 euros, montant des frais de prise de garantie, tels qu'ils sont visés aux motifs de la décision.
- la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par les consorts [K] du fait de la résistance abusive des défendeurs.
- la somme de 81 600 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-paiement des loyers au titre du bail commercial précaire (créance arrêtée au 31 décembre 2020).
- condamner les consorts [M] et la société Clair de Vigne à leur payer une indemnité procédurale de 10 000 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [K] font valoir notamment que :
' les conclusions déposées au fond sont irrégulières en vertu des articles 904 et 904-10 du code de procédure civile dans la mesure où elles ne comportent dans leur dispositif aucune mention concernant les condamnations à la charge des appelants et il n'est pas sollicité l'infirmation de la décision ;
' aucune raison ne justifie la non signature de l'acte de dation en paiement tel que prévu au protocole d'accord transactionnel signé entre toutes les parties sachant que [A] [C] n'était pas gérant de la société Les Rocailles [J] [K] au moment du protocole et en tout état de cause sa qualité ne figurant pas au registre du commerce, elle n'était pas opposable aux tiers, outre le fait que les statuts de cette société ne prévoyaient pas la nécessité d'un protocole signé par les deux gérants ;
' la société les Rocailles-[J] [K] n'était intéressée qu'indirectement par le protocole transactionnel puisqu'elle était titulaire du bail commercial sous la signature d'un bail précaire pour lui permettre ensuite de retrouver d'autres locaux ;
' aucun motif de nullité du protocole d'accord transactionnel n'est justifié : il avait été signé après pourparlers entre les parties assistées de leurs conseils ; il était parfaitement équitable et il permettait la poursuite de l'activité de la société les Rocailles [J] [K] puisque les appelants étaient propriétaires des vignes qu'ils avaient acquises au moins en partie;
' le protocole d'accord en original figure dans leurs pièces ;
' le dol n'est évoqué qu'en cause d'appel ;
' la société Les Rocailles-[J] [K] a signé un bail commercial précaire dès le 11 septembre 2019 avec les consort [K] ;
' en cas d'annulation du protocole à titre très subsidiaire, les appelants doivent leur payer la somme de 450 000 euros avec accessoires, des dommages-intérêts et les frais de garantie, outre le montant du bail commercial puisque la société Les Rocailles [J] [K] occupe toujours les locaux
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 31 octobre 2022 clôture l'instruction de la procédure et l'affaire a été appelée à l'audience du 22 novembre 2022;
MOTIFS ET DÉCISION
I - sur la procédure
Aux termes de l'article 904-10 al 1 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures'.
Aux termes de l'article 954 du même code, 'Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs'.
Les appelants, M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne développaient dans le corps de leurs premières écritures en date du 5 mars 2021 un paragraphe intitulé ' sur l'infirmation du jugement quant à l'octroi aux consorts [K] de dommages et intérêts' sans toutefois développer de moyens mais dans le dispositif, ils ne formaient aucune prétention sur les condamnations prononcées à leur encontre en première instance au paiement des sommes suivantes :
- 13 780,06 euros au titre des prises de garantie ;
- 81 600 euros au titre des loyers perdus ;
- 10 000 euros au titre des dommages et intérêts ;
- 20 000 euros au titre de l'indemnité procédurale.
Il en était de même dans leurs dernières conclusions récapitulatives en date du 21 octobre 2022.
En conséquence, les consorts [K] n'ayant pas formé appel incident de ce chef, sollicitant la confirmation du jugement de ces chefs, la cour n'est pas saisie de ces chefs de jugement qui sont devenus définitifs.
Par ailleurs, M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne ont soulevé, pour solliciter la nullité du protocole en appel l'absence de représentation de la société Les Rocailles - [J] [K] pour défaut de mention dans la liste des signataires comme en première instance, mais aussi pour défaut de signature du co-gérant [A] [C] (abandonnant le défaut d'habilitation de l'autre co-gérant), le déséquilibre du protocole en faveur des consorts [K] déjà invoqué en première instance, mais aussi des manoeuvres dolosives de la part des consorts [K].
Cependant, conformément à l'alinéa 2 de l'article 954 précité, les parties ont la possibilité de présenter de nouveaux moyens même si ces moyens ne figuraient dans les premières conclusions déposées en appel.
En conséquence, la cour examinera ces nouveaux moyens au soutien de la demande d'annulation du protocole.
II - Sur le fond
M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne sollicitent l'annulation du protocole d'accord transactionnel conclu le 11 septembre 2019 avec les consorts [K] en raison de :
- l'inopposabilité du protocole à la société Les Rocailles - [J] [K], absente dans la liste des signataires du protocole et dont l'un des co-gérants, [A] [C] n'a pas été associé aux discussions, alors même que cette société était directement concernée par le protocole ;
- le déséquilibre manifeste des concessions consenties par les parties et notamment de la société Les Rocailles - [J] [K] au profit des consorts [K] menant à la ruine M. [Z], M. [U], la société Clair de Vigne et la société Les Rocailles - [J] [K] ;
- l'existence de manoeuvres dolosives des consorts [K] pour aboutir à la signature de cet accord.
Les appelants ont également soulevé l'absence d'original du protocole mais celui-ci a été produit par les consorts [F] devant la cour.
Sur l'inopposabilité du protocole à la société Les Rocailles - [J] [K]
Comme l'ont justement relevé les juges de première instance, cette société n'était certes pas mentionnée sur la première page en qualité de partie, mais elle figurait à la dernière page comme partie signataire du protocole, lequel au demeurant se terminait par la phrase suivante 'fait en neuf exemplaires dont un pour chacun des parties', phrase suivie effectivement de neuf signatures dont celle du co-gérant de la société Les Rocailles - [J] [K], qui, outre sa signature, avait aussi apposé le tampon de la société. Il n'était plus soutenu devant la cour que M. [Z], co-gérant de la société Les Rocailles - [J] [K], n'avait pas les pouvoirs pour signer le protocole, mais il était soutenu désormais que le second co-gérant, M. [A] [C] aurait dû également le signer compte tenu de l'importances des renonciations mises à la charge de la société Les Rocailles - [J] [K], étant précisé qu'il était co-gérant depuis le 7 juillet 2018 et que les statuts précisaient dans leur article 18 : ' en cas de pluralité de gérants, chacun d'eux peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société et dispose des mêmes pouvoirs que s'il était gérant unique ; l'opposition formée par l'un d'eux aux acte de son ou de ses collègues est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi que ces derniers ont eu connaissance de celle-ci'. Toutefois, il n'est pas démontré ni, comme ci-après motivé (paragraphe sur le déséquilibre du protocole), que le protocole d'accord litigieux était un acte de gestion qui n'était pas dans l'intérêt de la société ni que les consorts [K] aient eu connaissance de la qualité de M. [C] et de son opposition au protocole dès lors que sa nomination en qualité de co-gérant, certes publiée dans le journal du bâtiment et des travaux publics le 15 novembre 2018, n'a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés que le 6 janvier 2020. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le notaire Me [Y] n'a pas évoqué, dans ses mails des 16 décembre 2019 et 8 janvier 2021, le problème lié à l'absence de signature de M. [C] du protocole, mais du fait qu'il connaissait son opposition à la signature de la dation en paiement et qu'il ne pouvait donc pas s'affranchir de cette opposition.
En tout état de cause, seule la société Les Rocailles - [J] [K] aurait pu soulever l'inopposabilité du protocole à son égard et elle seule aurait pu soulever la nullité du protocole découlant du pouvoir irrégulier de co-gérant, celle-ci étant relative et susceptible de confirmation, mais son gérant a signé le 11 septembre 2019 le bail précaire.
Sur le déséquilibre des concessions faites par les parties au protocole au bénéfice des consorts [K]
M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne soutiennent :
' tout d'abord que le protocole comporte pour la société Les Rocailles - [J] [K] des concessions d'une extrême dureté à savoir l'abandon d'un bail commercial sur les bâtiments donnés à bail commercial par la SCI Chais et Rocailles au profit d'un bail précaire de 18 mois prenant fin en décembre 2020, l'abandon lors de son départ des lieux du matériel inamovible propriété de la SCI Chais et Rocailles estimé à environ 230 000 euros et l'abandon du capital végétal (vignes) estimé à 94 640 euros ;
' ensuite que ce protocole est défavorable à la Sci Les Chais des Rocailles qui cédait aux [K] ses bâtiments estimés à 458 395 euros et perdait les revenus de la location de ses bâtiments à la société Les Rocailles - [J] [K] soit 1 500 euros par mois et à Mrs [U] et [Z] qui cédaient trois terrains (des Morelles, 35 000 euros ; les Culattes (Carcassonnes), 42 000 euros et Cors de chasse, 125 600 euros), précisant aussi que la société Les Rocailles - [J] [K], sans les terres et les bâtiments d'exploitation, devrait arrêter son activité dès lors qu'il n'était pas possible de trouver d'autres locaux aux normes et avec autorisation des Douanes, M. [C] ne disposant pas par ailleurs d'une capacité d'accueil suffisante , et elle perdrait son partenariat avec la maison du Vigneron (mise à disposition de ses bâtiments de stockage) soit une perte de chiffre d'affaire de 100 000 euros annuels. Ils ajoutaient que la cessation d'activité de la société Les Rocailles - [J] [K] entraînerait sans aucun doute celle de la société Clair de Vigne, sa holding.
' enfin que ce protocole était aussi désastreux pour M. [Z] qui était le gérant des trois sociétés société Clair de Vigne, société Les Rocailles - [J] [K], et SCI Chais des Rocailles, lesquelles n'auraient plus d'activité, alors qu'il avait des besoins financiers liés notamment à des prêts contractés pour sa maison d'habitation.
Les consorts [K] soutiennent au contraire que des concessions récriproques et équilibrées avaient été consenties, que la valeur des biens de vinification n'était pas de 200 000 euros compte tenu de leur vétusté, que la société Clair de Vigne avait encore des vignobles à exploiter et qu'elle possédait d'autres cuves.
Sur ce,
Aux termes de l'article 2044 du code civil, 'la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit'.
Aux termes de l'article 2052 du même code, 'Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion'.
Il n'est pas contesté par les parties que le protocole litigieux constitue une transaction.
Le premier de ces textes exige que les concessions soient réciproques. Le juge doit s'assurer de l'existence des concessions mais il doit se limiter à constater leur absence évidente ou leur caractère dérisoire. Il ne saurait, en revanche porter une appréciation sur leur importance relative (Cass. soc 5 janv. 1994 : Bull. civ. 1994 ; Cass. soc., 25 oct. 1995, n° 94-41815), d'autant que la valeur des abandons réciproques n'est pas toujours parfaitement mesurable.
Les concessions du côté de M. [Z], M. [U], la société Clair de Vigne, SCI Chais des Rocailles (qui n'est d'ailleurs pas partie à l'instance) et de la société Les Rocailles - [J] [K], qui ne l'est pas non plus, sont donc les suivantes :
- cession par la SCI Chais des Rocailles de ses bâtiments d'une valeur de 460 000 euros, les biens ayant au demeurant été estimés par un expert à la somme de 465 000 euros ;
- cession par Mrs [U] et [Z] de trois terrains (les morelles, les carcassonnes et Cors de chasse) estimés à 202 600 euros ;
- par voie de conséquence, un bail précaire pour la société Les Rocailles - [J] [K] au lieu d'un bail commercial avec obligation de quitter les lieux en décembre 2020 et en laissant le matériel de vinification (12 cuves inox de plus de 170 hectos, 3 cuves de plus de 80 hectos, les cuves ciment et le groupe froid) ;
Les concessions du côté des consorts [K] sont les suivantes :
- prise en charge du reliquat du prêt souscrit par Mrs [U] et [Z] au crédit agricole des Savoie à hauteur de 210 516 euros ;
- dation en paiement du crédit vendeur de 450 000 euros dû par la société Clair des Vignes dont Mrs [U] et [Z] étaient cautions, pour payer partie du prix de cession des biens de la SCI Chais les Rocailles et de Mrs [U] et [Z] ;
- location à la société Les Rocailles - [J] [K] des bâtiments cédés par la SCI Chais les Rocailles pendant 18 mois renouvelables jusqu'à deux ans, avec un loyer annuel de 40 800 euros HT ;
- mainlevée de toutes les garanties prises à l'égard des autres parties;
Ainsi, l'examen du protocole du 11 septembre 2019 permet de vérifier que les parties ont fait des concessions réciproques et qu'aucune nullité n'est encourue à ce titre, étant précisé que les intérêts de la société Les Rocailles - [J] [K] sont étroitement liés à ceux des deux autres sociétés et de Mrs [U] et [Z], de sorte qu'il n'est pas démontré que cet acte ait été contraire à l'ensemble de ses intérêts.
Sur l'existence d'un dol
Les appelants soutiennent que les consorts [K] ont commis une manoeuvre dolosive en tenant à l'écart de la signature du protocole M. [C] dont ils savaient qu'il était opposé à sa signature compte tenu de son caractère déséquilibré. Ils précisent qu'aucun des signataires du protocole n'ignorait que la société de M. [C], la société [Adresse 3] était entrée au capital de la société Les Rocailles - [J] [K] en juillet 2018 et que ce dernier avait offert de régler le montant du crédit vendeur dont il attendait simplement une diminution.
Les consorts [K] font valoir que M. [C] n'avait pas fait connaître sa qualité de gérant, que ce dernier n'avait pas immédiatement dénoncé le protocole ce qui interrogeait, que M. [Z] avait le pouvoir de signer pour la société Les Rocailles - [J] [K] et qu'il représentait aussi la société Clair de Vigne possédant la quasi totalité des parts de la société Les Rocailles - [J] [K].
Sur ce,
Aux termes de l'article 1137 al 1 du code civil, visé par les appelants 'le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges'.
Le protocole d'accord est intervenu suite à une médiation ordonnée par jugement du tribunal de commerce en date du 13 février 2019 confiée à l'association Savoie Amiable. Le 14 juin 2019, les consorts [K], Mrs [U] et [Z] ont signé un projet de protocole à faire rédiger par leurs avocats et le 5 juillet 2019, l'association de médiation avertissait le président du tribunal de l'accord trouvé qui devait être mis en forme par les conseils des parties. Le protocole d'accord signé le 11 septembre 2019 l'a été effectivement en présence des avocats des parties.
Par ailleurs, comme il l'a déjà été indiqué, la qualité de co-gérant de M. [C] de la société Les Rocailles - [J] [K] n'a été inscrite au RCS que très tardivement après sa désignation et bien après la signature du protocole. En tout état de cause, Mrs [U] et [Z], dont le premier avait cédé sa place à M. [C], en qualité de co-gérant de la société Les Rocailles - [J] [K], auraient tout à fait pu contrer toute manoeuvre d'évitement de la part des consorts [K] si tel avait été le cas. Il convient aussi de préciser que M. [Z] a signé le bail précaire pour le compte de la société Les Rocailles - [J] [K] également le 11 septembre 2019.
Enfin, il y a lieu de noter que la société [Adresse 3] dont le gérant est M. [C] est entrée au capital social de la société Clair de Vigne uniquement le 22 juillet 2019 et non le 11 juillet 2018, date de la promesse de vente par M. [U] de ses 250 parts. En outre, les appelants ne démontrent pas l'existence de propositions qui auraient été faites par M. [C] aux consorts [K], avant la signature du protocole, de régler le crédit vendeur sous condition de sa réduction.
En réalité, il n'est pas démontré l'existence de manoeuvres dolosives de la part des consorts [K] qui auraient conduit les appelants à la signature du protocole transactionnel du 11 septembre 2019.
En l'absence de cause d'annulation du protocole de transaction signé entre les parties le 11 septembre 2019 et dont les conditions suspensives ont été levées, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné, sous astreinte, à M. [Z], M. [U] et à la société Clair de Vigne de signer en l'étude de Me [Y], l'acte de dation en paiement prévu dans le protocole et tel que le projet figurait en pièce 15 des consorts [K]. La demande subsidiaire de conciliation formée par M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne sera rejetée au vu des relations opposant les parties.
Sur les autres demandes
Les consorts [K] sollicitent la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire.
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ce qui n'est pas démontré dans le cadre de la procédure d'appel.
En conséquence, les consorts [K] seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
A défaut de démontrer l'existence d'un préjudice moral, M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
Succombant, M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel et seront déboutés de leur demande d'indemnité procédurale.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale des consorts [K] en cause d'appel à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dans la limite de la saisine de la cour,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne de leur demande de conciliation, de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et de leur demande d'indemnité procédurale,
Déboute les consorts [K] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive en appel,
Condamne M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne aux dépens de l'instance,
Condamne M. [Z], M. [U] et la société Clair de Vigne à payer aux consorts [K] une indemnité procédurale en appel de 4 000 euros.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le
à
la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS
la SELARL COCHET FRANCOIS
Copie exécutoire délivrée le
à
la SELARL COCHET FRANCOIS