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24/01/2023 | FRANCE | N°21/00302

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 24 janvier 2023, 21/00302


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 24 Janvier 2023





N° RG 21/00302 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GT3C



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 27 Janvier 2021





Appelantes



S.A.R.L. T.C.L., dont le siège social est situé [Adresse 3]



S.A.R.L. G.P.G., dont le siège social est situé [Adresse 6]



Représentées par Me Stephane COERCHON, avocat au barreau d'ANNECY



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Intimés



Mme [K] [T] [B] [O] [S] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 8]), demeurant [Adresse 4]



M. [A] [R] [F] [N]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 24 Janvier 2023

N° RG 21/00302 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GT3C

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 27 Janvier 2021

Appelantes

S.A.R.L. T.C.L., dont le siège social est situé [Adresse 3]

S.A.R.L. G.P.G., dont le siège social est situé [Adresse 6]

Représentées par Me Stephane COERCHON, avocat au barreau d'ANNECY

Intimés

Mme [K] [T] [B] [O] [S] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 8]), demeurant [Adresse 4]

M. [A] [R] [F] [N]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 5] ([Localité 5]), demeurant [Adresse 4]

Représentés par la SELARL CABINET PASCAL SOUDAN CONSEIL, avocats au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 10 Octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 novembre 2022

Date de mise à disposition : 24 janvier 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

La SARL GPG, constituée le 16 octobre 2001, ayant son siège social à [Adresse 7]), exerce une activité de bar, hébergement, refuge et restaurant d'altitude.

Suivant acte sous seing privé en date du 12 novembre 2014, M. [A] [N] et Mme [K] [S] épouse [N], qui détenaient respectivement 60% (soit 480 parts) et 40% (soit 320 parts) du capital ont cédé la totalité de leurs parts à la SARL TCL moyennant le prix provisoire de 280.000 euros.

Cet acte prévoyait, notamment, le versement d'un complément de prix des parts sociales, en fonction de l'issue d'une procédure pendante devant le tribunal de commerce de Chambéry, opposant la SARL GPG à France Télécom, aujourd'hui Orange.

Par jugement en date du 29 novembre 2017, le tribunal de commerce de Chambéry a condamné Orange à payer à la SARL GPG :

- la somme de 36 115 euros en principal,

- la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant les frais avancés à l'expert judiciaire.

Le paiement des sommes dues par Orange à la SARL GPG est intervenu sur un compte CARPA ouvert à cet effet en juin 2018.

Depuis lors, les parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur les modalités de versement du complément de prix à M. [A] [N] et à Mme [K] [S] épouse [N].

Ces derniers ont été autorisés à faire pratiquer une saisie conservatoire de créances sur le compte CARPA précité, par ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce d'Annecy en date du 25 octobre 2019.

Le procès-verbal de saisie conservatoire a été signifié à la CARPA le 26 novembre 2019.

Par l'intermédiaire de leur conseil, et par courriel officiel du 17 décembre 2019, les SARL TCL et GPG ont contesté la validité et le bien-fondé de cette mesure.

Par actes des 23 et 24 décembre 2019, M. [A] [N] et Mme [K] [S] épouse [N] ont fait assigner la SARL GPG et la SARL TCL devant le tribunal de commerce de Chambéry afin d'obtenir un titre exécutoire leur permettant de récupérer le complément de prix prévu lors de la cession de parts intervenue en 2014.

Par ordonnance du 30 juillet 2020, le président du tribunal de commerce d'Annecy, statuant en matière de référé, a prononcé la mainlevée de la saisie conservatoire décidée par l'ordonnance du 25 octobre 2019.

Par jugement rendu le 27 janvier 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a :

- déclaré régulière, recevable et bien fondée la demande des époux [N] à l'encontre de la SARL TCL et la SARL GPG,

- condamné in solidum la SARL TCL et la SARL GPG à payer, en deniers ou quittances valables, à M. [A] [N] et Mme [K] [N], née [S] :

- la somme de 36.711,08 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

- les intérêts au taux légal de cette somme à compter du jour de l'assignation, soit le 23 décembre 2019,

- la somme de 1.841,03 euros à titre de dommages et intérêts,

- la somme globale de 3.000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC avec TVA = 20%, comprenant les frais de mise au rôle et de la présente décision,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration au Greffe en date du 9 février 2021, la société TCL et la société GPG ont interjeté appel de cette décision, en ce qu'elle les a condamnées à régler aux époux [N] la somme de 36.711 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019, la somme de 1841 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle les a condamnées aux dépens, et en ce qu'elle a rejeté leurs demandes.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 23 septembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SARL TCL et la SARL GPG demandent à la cour de :

- dire et juger recevable l'appel des SARL GPG et TCL,

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 27 janvier 2021,

et, à titre principal,

- dire et juger que les demandes envers la SARL GPG sont irrecevables,

- constater que la créance alléguée n'est ni liquide, ni exigible,

- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que le complément de prix ne peut excéder 25 456,12 euros,

en tout état de cause,

- débouter les époux [N] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement les époux [N] à payer à la SARL GPG et à la SARL TCL la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elles soutiennent que :

' le complément de prix n'était exigible qu'à compter de la production à la société TCL des certificats de non-appel et de non-pourvoi, ce qui n'était pas le cas au moment de l'introduction de l'instance, et n'a été régularisé que dix jours avant l'audience devant le tribunal de commerce,

' par ailleurs, ce complément de prix n'était exigible que dans le mois suivant la clôture de l'exercice ayant constaté le versement de la somme due par Orange, versement qui n'a pu avoir lieu du fait que l'absence de preuve apportée par les époux [Y] de la production à la société TCL des certificats,

' le complément de prix est constitué du « gain net, à savoir la différence entre le gain définitivement encaissé par la société ensuite de la décision définitive et les frais exposés dûment justifiés, à compter de la cession, dans le cadre de cette procédure constituera un complément de prix qui devra être abattu du montant marginal de l'IS qui s'appliquera à ce profit, aux taux qui sera alors applicable. (à ce jour 15% jusqu'à 38 120 euros de bénéfice et 33,1/3% au-delà) »,

' les époux [Y] avaient en outre l'obligation de viser l'ensemble des factures, pour que le gain net puisse être liquidé, mais ils n'apportent pas la preuve qu'ils ont bien respecté cette obligation, et n'ont pas produit, malgré demandes, l'ordonnance de taxation de l'expert judiciaire,

' les sommes allouées à la société GPG n'ont pas été encaissées par elle, mais versées sur un compte CARPA indivis avec les époux [N], et l'encaissement de ces sommes nécessite l'accord de toutes les parties, qui n'a pas été fourni en l'espèce, si bien que le supplément de prix n'était là encore pas exigible,

' les époux [N] ont vu leur préjudice propre indemnisé par le tribunal de commerce, et se sont vus allouer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce alors que les frais liés à la procédure ont été intégralement pris en charge par la société GPG, en l'absence de factures distinctes,

' en tout état de cause, la société GPG ne saurait être condamnée in solidum avec la société TCL à régler le complément de prix, résultant d'un contrat auquel elle n'était pas partie, et elle ne saurait pas plus être condamnée à des dommages et intérêts, en l'absence de faute et de lien de causalité,

' subsidiairement, s'il devait être considéré que le complément de prix était exigible, il conviendra de faire application du contrat pour calculer le montant de ce complément, qui serait alors de 25 456,12 euros,

' l'action oblique exercée par les époux [N] est nulle, en ce qu'ils demandent que les sommes litigieuses rejoignent leur patrimoine, et non le patrimoine de la société TCL, elle est en outre irrecevable, comme portant sur un droit personnel du créancier, à savoir l'affectation du résultat d'une société, enfin la société GPG n'a pas contracté l'obligation de verser l'indemnité encaissée à la société TCL.

Par dernières écritures en date du 21 juin 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [A] [N] et Mme [K] [S] épouse [N] sollicitaient de la cour de :

- dire et juger irrecevable et dans tous les cas non fondé l'appel interjeté par la SARL GPG et la SARL TCL à l'encontre du jugement rendu le 27 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Chambéry,

- déclarer la SARL GPG et la SARL TCL irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, et les en débouter,

- déclarer la demande de Mme [K] [S] épouse [N] et M. [A] [N] recevable et bien fondée, et en conséquence,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf à y rajouter en cause d'appel les condamnations de la SARL GPG et de la SARL TCL à payer, chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- la somme de 3500 euros à Mme [K] [S] épouse [N],

- la somme de 3500 euros à M. [A] [N],

à titre subsidiaire,

- fixer à la somme de 36 711,08 euros le complément de prix,

- condamner solidairement la SARL GPG et la SARL TCL à payer à Mme [K] [S] épouse [N] et M. [A] [N] la somme de 36 711,08 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

à titre très subsidiaire,

- fixer à la somme de 31 204,42 euros le complément de prix, après abattement sur la somme de 36 711,08 euros du taux de 15 %,

- condamner solidairement la SARL GPG et la SARL TCL à payer à Mme [K] [S] épouse [N] et M. [A] [N] la somme de 31 204,42 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

dans tous les cas,

- condamner solidairement la SARL GPG et la SARL TCL à leur payer la somme de 1841,03 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la SARL GPG à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- la somme de 3500 euros à Mme [K] [S] épouse [N],

- la somme de 3500 euros à M. [A] [N],

- condamner la SARL TCL à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- la somme de 3500 euros à Mme [K] [S] épouse [N],

- la somme de 3500 euros à M. [A] [N],

- condamner solidairement la SARL GPG et la SARL TCL aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL cabinet Pascal Soudan conseil ' CPS conseil, représentée par Me Pascal Soudan, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que :

' la somme de 43 715 euros a été encaissée sur un compte CARPA suite à la condamnation d'Orange, qu'après paiement de diverses factures non réglées, le solde est de 36 711,08 euros, si bien qu'il n'existe aucun différend quant à l'imputabilité des frais et gains du procès,

' la société GPG était parfaitement informée du suivi des procédures, a réceptionné toutes les décisions, toutes les factures, si bien qu'elle ne peut arguer de son ignorance,

' les sociétés GPG et TCL n'ont jamais réclamé les certificats de non-appel et de non-pourvoi puisqu'elles les avaient en leur possession, et que, sans ces derniers, les versements n'auraient pu être effectués et validés par les sociétés, c'est donc de mauvaise foi que les société GPG et TCL prétendent que le complément de prix ne serait ni exigible ni liquide,

' c'est de mauvaise foi que les sociétés GPG et TCL prétendent n'avoir jamais été rendues destinataires des certificats de non-appel et de non-pourvoi, par ailleurs, cette production n'était pas une condition suspensive mise à la charge des seuls époux [N],

' le contrat les liant à la société TCL est opposable à la société GPG, ce d'autant que la violation du contrat est le fruit d'une complicité entre la société TCL et la société GPG,

' subsidiairement, ils entendent se prévaloir de l'action oblique à l'égard de la société GPG,

' s'agissant du montant du complément de prix, le fait que les sommes soient détenues sur un compte CARPA n'empêche nullement leur enregistrement comptable, permettant ainsi, une fois l'exercice clos, de déterminer le taux d'IS applicable,

' à ce jour, la preuve que l'enregistrement a bien été réalisé n'est pas rapportée, si bien qu'on ignore toujours quelle est la fiscalité applicable, et dans ces conditions, au regard de la mauvaise foi des appelantes, c'est bien la totalité de la somme qui est due.

Une ordonnance en date du 10 octobre 2022 a clôturé l'instruction de la procédure.

MOTIFS et DECISION

1 ' Sur la mise en jeu de la clause relative au complément de prix et la détermination de son montant

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce,

Dans l'acte de cession des parts sociales de la société GPG, conclu entre la société TCL et les époux [N] le 12 novembre 2014, est insérée la clause suivante, intitulée Complément de prix des parts sociales :

« La société GPG demanderesse à la procédure a sollicité la condamnation de France Telecom aujourd'hui Orange, à lui régler des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'interruptions de lignes conséquentes entre 2008 et 2011.

Par arrêt du 17 juin 2014, la cour d'appel de Chambéry a confirmé le jugement en première instance du tribunal de commerce de Chambéry du 19 décembre 2012, à savoir qu'Orange avait engagé sa responsabilité et a ordonné une expertise.

Maître Carole Ollagnon-Delroise, avocate à Chambéry, est en charge de ce litige ce que le cédant [ les époux [N] ] déclare accepter.

Le rapport de l'expert ne devrait pas être déposé dans un délai d'environ 10 Mois à compter des présentes.

Il est convenu que :

' le cessionnaire [la société TCL ] poursuivra cette procédure et la société GPG supportera tous les frais et honoraires exposés pour la gestion de cette affaire,

' le cédant [les époux [N] ] conservera la direction du procès et visera l'ensemble des factures reçues en représentation des frais engagés pour l'ensemble de ce litige. Toutefois, le cédant s'oblige à diriger ce procès dans des limites raisonnables en termes de coûts et de risques.

Les parties ont convenu que le prix de cession des parts convenu à l'origine sera complété, à l'issue de ce litige, dans les conditions suivantes :

' l'ensemble des voies de recours, en ce compris le pourvoi en cassation, devra préalablement avoir été purgé, ou les délais expirés, cette condition sera remplie par la production des attestations de non-appel et de non-pourvoi, établi après le délai d'expiration des voies de recours susvisées, et des actes de signification correspondants,

' les condamnations devront intégralement avoir été exécutées, dans l'hypothèse de dommages et intérêts à la charge d'Orange, les montants devront avoir été intégralement encaissés par la société.

Le gain net, à savoir la différence entre le gain définitivement encaissé par la société ensuite de la décision définitive et les frais exposés dûment justifiés, à compter de la cession, dans le cadre de cette procédure, constituera un complément de prix qui devra être abattu d'un montant marginal de l'IS qui s'appliquera à ce profit, au taux qui sera alors applicable. ( à ce jour 15% jusqu'à 38 120 euros de bénéfice, et 33,1/3% au-delà).

Le complément de prix en résultant sera payable dans le mois suivant la clôture de l'exercice ayant constaté ce versement.

['] Si le gain net est supérieur à 5.000 euros, dans ce cas le cessionnaire versera ce gain dès le premier euro. »

Il se déduit de cette clause que le complément de prix est exigible lorsque les conditions suivantes sont réunies :

' l'ensemble des voies de recours a été purgé,

' les condamnations ont été intégralement exécutées.

S'agissant de la purge des voies de recours, la société TCL et la société GPG soutiennent qu'il appartenait aux époux [N], lesquels conservaient la direction du procès, de produire les certificats de non-appel et de non-pourvoi, ce qui n'aurait été fait que le 25 septembre 2020, soit après l'introduction de l'instance.

Les époux [N] soutiennent de leur côté que l'acte de cession de parts ne met pas à leur charge la production des certificats en question, et qu'en outre, et dans la mesure où ces certifications ont été obtenus par l'avocate de la société GPG dans le cadre de litige l'opposant à Orange, les appelantes ont nécessairement eu connaissance de ces certificats.

En l'espèce, il doit être relevé que la clause ne précise pas sur quelle partie au contrat de cession pèse la charge de la production de ces certificats, si bien qu'il doit être considéré, en l'absence de stipulation contractuelle, que les deux parties au contrat devaient faire preuve de réactivité, et avaient la charge de s'enquérir de l'absence d'exercice des voies de recours.

En outre, ces certificats ont été sollicités, et obtenus, par l'avocate de la société GPG dans le litige l'opposant à Orange, si bien que la société GPG et la société TCL ne peuvent sérieusement soutenir qu'elles n'auraient pas eu connaissance de ces certificats, alors même qu'ils ont été nécessairement remis par son avocate à la première, et que la seconde possède la totalité des parts sociales de la première.

Il y a donc lieu de considérer que cette condition a été remplie dès le 23 mars 2018, date de réception du certificat de non-appel.

S'agissant de l'exécution de la condamnation, la société TCL et la société GPG soutiennent à ce sujet que, dans la mesure où les sommes ont été versées sur un compte CARPA, les fonds n'ont pas été remis à la société GPG, laquelle n'a pu les encaisser.

A ce sujet, il doit être relevé que la condamnation a été exécutée par la société Orange, par le versement de la somme de 43.715 euros en juin 2018, puis par le recouvrement du solde de la créance, à hauteur de 4.187,07 euros, en janvier 2019.

Ces sommes ont effectivement été encaissées sur un compte CARPA, dans l'attente de la répartition du prix.

Si le virement de ces sommes n'a en effet pas été réalisé directement sur le compte de la société GPG, il n'en reste pas moins que la condamnation a été définitivement exécutée par le versement de ces sommes sur un compte dédié, si bien que la seconde condition est elle aussi remplie.

La société TCL et la société GPG soutiennent en outre qu'il subsisterait des différends quant à la reddition des comptes, les époux [N] n'ayant pas transmis l'ordonnance de taxation de l'expert, malgré les demandes multiples, et que, dans ces conditions, les sommes n'ont pas pu être affectées sur le plan comptable.

Les époux [N] soutiennent de leur côté qu'il résulte au contraire du courrier de l'avocat de la société GPG dans le litige l'opposant à Orange en date du 18 juillet 2019 qu'il n'y avait plus aucune contestation quant aux frais.

A ce sujet, il doit être relevé que, dans un courrier du 18 juillet 2019, l'avocate de la société GPG dans le litige l'opposant à Orange écrit aux avocats de la société TCL et des époux [N], qu'elle a prélevé sur la somme versée par la société Orange, les sommes dues au titre des frais d'avocat, des frais d'huissier et des dommages et intérêts accordés aux époux [N] à titre personnel. Elle ajoute que le prélèvement de ces sommes s'est fait « avec l'accord de vos clients respectifs », et indique qu'elle détient une somme de 36.711,08 euros, « à répartir entre vos clients en considération de leurs accords sur la question du complément de prix ».

Il ressort des termes mêmes de ce courrier que la question de l'imputation des frais a été réglée dès 2019, et cela en accord avec toutes les parties.

Si la société TCL et la société GPG soutiennent désormais qu'il resterait des différends sur le montant des frais, elles n'indiquent aucunement sur quelles factures, et quels frais portent exactement ces différends, et ne produisent aucune pièce qui justifierait de la subsistance d'un litige à ce sujet. Il sera ajouté qu'elles n'ont formé aucune objection au courrier du 18 juillet 2019.

En outre, si elles indiquent que les époux [N] n'ont jamais transmis l'ordonnance de taxation de l'expert, il doit être souligné que, la société Orange ayant été condamnée aux dépens de l'instance, c'est sur elle que pèse la charge du paiement des frais d'expert. La société GPG, en tant que partie à la procédure l'opposant à Orange, et la société TCL, en sa qualité de société détenant la totalité des parts sociales de la société GPG, ne pouvaient ignorer cette information.

Dans ces conditions, il doit être considéré qu'il n'existe plus aucun différend quant à la reddition des comptes, et ce depuis 2019, si bien que la société GPG aurait dû passer la somme de 36.711,08 euros en comptabilité dès cette date, et la société TCL aurait dû, une fois le taux d'imposition appliqué, régler le montant du complément de prix aux époux [N].

C'est donc à bon droit que le tribunal de commerce a retenu que la demande de versement du complément de prix est bien fondée.

S'agissant du montant de ce complément, il convient d'appliquer la méthode de calcul explicitée par la clause, cette dernière faisant loi entre les parties.

Dans la mesure où le solde des sommes dues au titre de la condamnation a été réglé en janvier 2019, la somme de 36.711,08 euros aurait dû être enregistrée au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2019.

Toutefois, et dans la mesure où la société GPG n'a pas enregistré cette somme, si bien que le taux de fiscalité applicable à cette date n'a pas pu être déterminé, il convient de retenir le taux d'imposition fixé par la clause, laquelle doit être appliquée dans son ensemble, soit « 15% jusqu'à 38 120 euros de bénéfice, et 33,1/3% au-delà ».

La société TCL et la société GPG sollicitent que soient soustraites de la somme de 36.711,08 euros la somme de 1.713,87 euros, correspondant à deux factures réglées directement par la société GPG au titre des frais.

Toutefois, elles n'apportent pas la preuve de l'existence de cette créance, en ne produisant pas les factures en question, mais uniquement un mail faisant état des sommes qui auraient été payées.

La somme de 36.711,08 euros sera donc retenue dans son entier.

Le résultat avant impôts de la société GPG, en 2019, était de 26.530,83 + 4682 (montant de l'impôt), soit 31.212,83 euros.

Au vu de ce résultat, la partie du gain net soumise à une imposition à 15% est de 6.907,17 (soit 38.120-31.212,83), et celle soumise à une imposition à 33,33% est de 29.803,91 euros (soit 36.711,08-6.907,17).

Le montant de l'impôt sur ces deux sommes est de 10.969,71 euros (soit 1.036,07+9.933,64).

Le complément de prix est donc de 25.741,37 euros.

La société TCL sera donc condamnée à payer aux époux [N] la somme de 25.741,37 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019, date de l'assignation, et la décision sera infirmée en ce sens.

2 ' Sur la demande à l'encontre de la société GPG

Aux termes de l'article 1204 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est de principe que toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur elle, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction. (Chambre commerciale, 13 mars 1979)

En l'espèce, il ressort des éléments susvisés qu'alors qu'elle ne pouvait ignorer que la décision prononcée par le tribunal de commerce de Chambéry du 29 novembre 2017 dans le litige l'opposant à Orange était définitive, et que par ailleurs la totalité des sommes dues par cette société avait été versées, la société GPG s'est abstenue de porter en comptabilité le gain net.

Cette abstention avait manifestement pour but de retarder le versement par la société TCL du complément de prix, et s'analyse donc comme un acte de complicité à l'égard de cette dernière, en vue de l'aider à enfreindre ses obligations contractuelles.

En ne procédant pas à cette opération comptable en 2019, ou postérieurement, la société GPG a donc commis une faute délictuelle, qui présente un lien de causalité direct avec le dommage subi par les époux [N], en ce qu'ils n'ont pas perçu le complément de prix qui leur était dû au vu des stipulations contractuelles.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné in solidum la société GPG et la société TCL à régler le montant du complément de prix, sans qu'il soit besoin d'examiner la question de l'action oblique.

3 ' Sur la demande de dommages et intérêts faite par les époux [N]

Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa version applicable au litige, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, les époux [N] soutiennent qu'ils ont dû engager des frais pour effectuer une requête aux fins de saisie conservatoire, le montant de ces frais constituant le montant du préjudice qu'il subissent du fait de la résistance abusive de la société TCL et de la société GPG.

Il sera relevé à ce titre que la saisie conservatoire pratiquée a fait l'objet d'une procédure distincte, dans le cadre de laquelle les époux [N] ont déjà sollicité le remboursement des sommes engagées à ce titre. Cette instance s'est conclue par une décision de la cour d'appel de Chambéry en date du 23 septembre 2021 aux termes de laquelle les époux [N] ont été déboutés de leurs demandes.

Ils ne sauraient donc solliciter à ce jour le remboursement des frais engagés de ce chef, alors qu'une décision juridictionnelle définitive a déjà statué sur le sujet.

Il sera relevé qu'ils n'établissent pas pour le surplus avoir subi un préjudice distinct du simple retard dans le paiement.

La décision sera donc infirmée sur ce point, et les époux [N] seront déboutés de leur demande à ce titre.

4 - Sur les dépens et sur la demande d'indemnité procédurale

La décision de première instance sera confirmée quant aux dépens et à l'indemnité procédurale.

La société TCL et la société GPG, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens de l'instance d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [N] l'ensemble de leurs frais irrépétibles ; l'équité commande de faire droit à leur demande à hauteur de la somme de 3.000 euros.

En conséquence, la société TCL et la société GPG seront condamnées in solidum à payer aux époux [N] la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La société TCL et la société GPG seront de leur côté déboutées de leur demande d'indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société TCL SARL et la société GPG SARL à régler à M. [A] [N] et Mme [K] [S] la somme de 36.711,08 euros, et en ce qu'il a condamné in solidum la société TCL SARL et la société GPG SARL à régler à M. [A] [N] et Mme [K] [S] la somme de 1.841,03 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la société TCL SARL et la société GPG SARL à régler à M. [A] [N] et Mme [K] [S] la somme de 25.741,37 euros (vingt-cinq mille sept cent quarante et un euros et trente-sept cents), outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019,

Déboute M. [A] [N] et Mme [K] [S] de leur demande de dommages et intérêts,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la société TCL SARL et la société GPG SARL de leurs plus amples demandes,

Condamne in solidum la société TCL SARL et la société GPG SARL aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne in solidum la société TCL SARL et la société GPG SARL à payer à M. [A] [N] et Mme [K] [S] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le

à

Me Stephane COERCHON

la SELARL CABINET PASCAL SOUDAN CONSEIL

Copie exécutoire délivrée le

à

la SELARL CABINET PASCAL SOUDAN CONSEIL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00302
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;21.00302 ?
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