COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 19 Janvier 2023
N° RG 20/01444 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSCC
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 16 Novembre 2020, RG 18/01438
Appelants
M. [U] [L]
né le 22 Octobre 1950 à [Localité 9],
et
Mme [H] [X] épouse [L]
née le 01 Janvier 1950 à [Localité 9],
demeurant ensemble [Adresse 3]
Représentés par la SCP COTTET-BRETONNIER NAVARRETE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimés
M. [C] [Z]
né le 04 Octobre 1938 à [Localité 8],
et
Mme [R] [U] épouse [Z]
née le 22 Novembre 1940 à [Localité 6],
demeurant ensemble [Adresse 4]
Représentés par la SELURL [B], avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP BENOIST JP & HUELLOU-BLANC A, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 22 novembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [C] [Z] et Mme [R] [U] (ci-après les époux [Z]) sont propriétaires d'un tènement immobilier constitué d'un terrain sur lequel est érigée une maison, situé à [Localité 7] et cadastré [Cadastre 5].
M. [U] [L] et Mme [H] [X] (ci-après les époux [L]) sont propriétaires d'un ténement contigu, sur lequel est construite leur maison, cadastré [Cadastre 1] et [Cadastre 2].
Les époux [L] se sont plaints d'un empiétement sur leur fonds causé par la clôture posée par les époux [Z] et ont sollicité du juge des référés leur condamnation sous astreinte à détruire leur clôture et à la reconstruire dans les règles de l'art et, subsidiairement à ce que soit ordonnée une expertise pour faire constater l'empiétement.
Les époux [Z] ont reconnu un empiétement minime de quelques centimètres et se sont opposés à la demande d'expertise. Ils ont soutenu que le retrait de la clôture pouvait entraîner un glissement de terrain de leur fonds sur celui de leurs voisins.
Par ordonnance du 29 août 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a rejeté la demande d'expertise en considérant que l'empiétement était suffisamment caractérisé et a ordonné aux époux [Z] de le faire cesser dans un délai de 4 mois, sans astreinte.
Devant le refus opposé par les époux [L] de laisser les entrepreneurs choisis par les époux [Z] pénétrer sur leur terrain pour faire les travaux, ces derniers les ont assignés par acte d'huissier du 16 juillet 2018 aux fins notamment d'être autorisés à faire édifier un mur mitoyen à frais partagés et de leur accorder une servitude de tour d'échelle et de condamnation des époux [L] à des dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 16 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
- condamné solidairement les époux [Z] a procéder à la suppression de leur clôture empiétant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2],
- débouté les époux [L] du surplus de leurs demandes,
- autorisé les époux [Z] à faire édifier un mur mitoyen sur la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 5] d'une part et [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'autre part,
- condamné les époux [L] à payer la moitié des coûts de construction du mur mitoyen,
- accordé aux époux [Z] le bénéfice d'une servitude de tour d'échelle sur une largeur de un mètre grevant les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] tout le long de la limite séparative sur une période de deux mois à partir du début des travaux à compter du début des travaux de démolition de la clôture et sur une nouvelle période de deux mois à compter du début des travaux d'édification du mur,
- condamné solidairement les époux [L] à payer aux époux [Z] la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour abus de droit de propriété lié au refus de laisser pénétrer les entrepreneurs,
- condamné solidairement les époux [L] à payer aux époux [Z] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour abus de droit de propriété lié aux objets entreposés au revers de leur haie de thuyas,
- condamné solidairement époux [L] à réduire à une hauteur de 2 mètres maximum les thuyas composant la haie, sans astreinte,
- rejeté la demande des époux [Z] de réduction de la hauteur de deux sapins,
- condamné solidairement les époux [L] à payer aux époux [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement les époux [L] aux entiers dépens de l'instance,
- accordé à maître [K] le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 2 décembre 2020, les époux [L] ont interjeté appel du jugement.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [L] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- constater qu'il n'y a lieu à appliquer l'article 663 du Code civil.
En conséquence,
- condamner in solidum les époux [Z] à procéder à la destruction de la clôture litigieuse et à sa réédification dans les règles de l'art, sous astreinte journalière d'un montant de 50 euros à compter d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
En tout état de cause,
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions formulées par les époux [Z],
- condamner in solidum les époux [Z] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les époux [Z] aux entiers dépens.
En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [Z] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- a débouté les époux [L] du surplus de leurs demandes,
- les a autorisés à faire édifier un mur mitoyen sur la limite séparative entre leur parcelle [Cadastre 5] et les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2],
- a condamné les époux [L] à régler la moitié des coûts de construction de ce mur mitoyen,
- leur a accordé le bénéfice d'une servitude de tour d'échelle, grevant les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2], sur une largeur de 1 mètre tout le long de la limite séparative avec la parcelle [Cadastre 5], sur une période de deux mois à compter du début des travaux de démolition de leur clôture et sur une nouvelle période de deux mois à compter du début des travaux d'édification du mur mitoyen,
- a condamné solidairement les époux [L] à leur payer la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour l'abus de leur droit de propriété relatif au refus de permettre l'accès à leur fonds pour réaliser les travaux de destruction de la clôture,
- a condamné solidairement les époux [L] à leur payer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour abus de leur droit de propriété relatif aux objets entreposés au revers de leur haie de thuyas,
- a condamné solidairement les époux [L] à réduire à une hauteur de 2 mètres maximum les thuyas composant leur haie,
- a condamné solidairement les époux [L] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné solidairement les époux [L] aux entiers dépens de l'instance,
- réformant et statuant a nouveau pour le surplus :
- assortir le droit de tour d'échelle sur la propriété des époux [L] d'une astreinte de 100 euros pour chaque jour où il y sera fait obstacle en violation des modalités prévues par la décision accordant ce droit,
- à titre subsidiaire, et pour le cas ou par extraordinaire, la cour estimerait que le mur est partiellement mitoyen et partiellement privatif pour la partie où le mur à construire aura la qualité de mur de soutènement :
- avant dire droit ordonner une expertise aux fins de vérifier la faisabilité technique du projet ainsi que de son coût et de déterminer les parties du mur ayant vocation de soutènement de la parcelle leur appartenant,
- puis, statuant à nouveau, condamner époux [L] à régler à hauteur de moitié, tous les frais afférents au coût de construction du mur mitoyen tel que déterminé par l'expert,
- en toute hypothèse,
- assortir l'injonction de procéder à l'étêtement des thuyas et sapins de façon à ce qu'ils ne dépassent la hauteur légale de 2 mètres d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la date de signification du jugement rendu le 16 novembre 2020,
- condamner solidairement les époux [L] à leur payer la somme de 1 500 euros supplémentaires de dommages et intérêts pour l'abus de leur droit de propriété relatif aux objets entreposés au revers de leur haie de thuyas qui persiste, et les condamner à enlever tous les encombrants sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- débouter les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions non fondées et à tout le moins abusives,
- condamner les époux [L] à leur payer la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes, sous la même solidarité aux entiers dépens,
- dire et juger que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, maître Audrey Bollonjeon, pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour relève que le principe de l'empiétement n'est pas contesté par les époux [Z] lesquels précisent bien dans leurs écritures que 'le coût des conséquences de l'empiétement est constitué uniquement par le coût de la démolition de la clôture existante' et que 'bien évidemment ce coût sera supporté par les consorts [Z] seuls' (conclusions p.9).
Sur la démolition de la clôture existante
L'article 545 du code civil dispose que 'nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité'. Il résulte de ce texte qu'en cas d'empiétement d'un fonds sur un autre la démolition de la partie de construction reposant sur le fonds voisin doit être ordonnée quand le propriétaire de ce fonds l'exige (par exemple cass. civ. 3, 5 décembre 2001, n°00-12.077).
Les époux [L] sollicitent qu'une astreinte de 50 euros vienne assortir l'obligation de démolir la clôture existante et sa reconstruction dans les règles de l'art, passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
Les époux [Z] ne contestent pas, à hauteur d'appel, la condamnation à procéder à la suppression de la clôture mais demandent à ce que le tour d'échelle accordé par le tribunal, tant pour la démolition de la clôture existante que pour la construction du mur mitoyen, soit assortie d'une astreinte de 100 euros par jour où il sera fait obstacle aux travaux.
En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les époux [Z] à procéder, à leur frais, à la suppression de leur clôture empiétant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. En revanche, les époux [L] ne démontrent pas que les époux [Z] se sont volontairement abstenus d'exécuter leur obligation. Au contraire, ces derniers justifient que les premiers ont eux-mêmes fait obstacle aux travaux (pièces [Z] n°17 et 19) lesquels, par nature, obligent à accéder à leur propriété. Leur demande d'astreinte sera donc rejetée.
Sur l'édification d'un mur mitoyen
L'article 663 du code civil dispose que : 'Chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs : la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et, à défaut d'usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l'avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres'.
Sur la qualification de la construction existante
Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier, établi à la demande des époux [Z] le 25 mai 2018 (pièce n°12), que le côté Nord de leur propriété est clos par 'une clôture grillagée fixée à des poteaux en béton'. Une haie en thuyas est plantée à 80 centimètres de la clôture litigieuse. Les photographies jointes (spécialement n°3, 4, 8, 9, 10, 12) montrent que la base du grillage est constituée de plaques de béton émargeant du sol sur une hauteur de plusieurs centimètres. Pour l'huissier ayant établi le constat en 2018 'les panneaux en béton à la base de la clôture permettent de soutenir le terrain'. La photographie produite par les époux [L] (pièce n°19 image du haut) figure le moment de la pose de ces plaques et montre qu'elles sont insérées dans des fentes prévues à cet effet dans les poteaux. Elles ne sont manifestement posées à même le sol en partie basse, non scellées aux poteaux et sont de faible épaisseur.
Il convient de rappeler que, de manière constante, il est admis qu'au sens de l'article 663 du code civil la 'clôture' est nécessairement un 'mur'. Par conséquent la construction litigieuse ne saurait recevoir la qualification de mur mitoyen en ce qu'elle ne constitue pas un mur dans sa partie haute qui est un grillage. Quant à sa partie basse, elle ne constitue pas un ouvrage de maçonnerie formé de matériaux superposés et liés avec du mortier de chaux, de plâtre ou de ciment. Elle ne peut donc pas davantage être qualifiée de 'mur mitoyen'. Quant au caractère de mur de soutènement de la partie basse, la cour observe, indépendamment des qualificatifs que les époux [Z] ont pu donner eux-mêmes dans leurs correspondances ou leur déclaration de travaux que :
- il est constant qu'au temps de la construction de leur maison les époux [Z] ont apporté de la terre de remblai qui a ensuite été travaillée pour niveler leur terrain ; à cet égard les photographies produites par les époux [L] (pièce n°19, 3 photographies du bas) ne sont pas probantes comme manifestement prises avant le travail de terrassement de la terre ainsi apportée ;
- le caractère de soutènement de l'ensemble de la construction litigieuse n'est pas démontrée par les époux [L], lesquels n'établissent pas que les plaques de béton sont nécessaires au maintien de toutes les terres de leurs voisins situées le long de la limite séparatrice, d'autant moins qu'ils ne prouvent pas non plus l'existence d'une très forte différence de niveau entre les deux côtés du grillage rendant nécessaire un soutènement ; au contraire le constat d'huissier de 2018 montre qu'au maximum il existe une différence de 65 centimètres seulement au niveau de la borne géomètre intermédiaire.
Il résulte de ce qui précède qu'il n'existe aucun mur séparatif déjà construit pouvant s'opposer à l'application des dispositions de l'article 663 du code civil entre les propriétés voisines au sens de ce texte.
Sur l'utilité de l'édification d'un mur mitoyen
Les époux [L] exposent qu'il n'est pas possible de tirer de leur seule demande de reconstruction de la clôture après cessation de l'empiétement, le caractère utile pour eux de la construction d'un mur mitoyen. Ils précisent n'avoir jamais formulé le souci de se clôturer par l'édification d'un mur dans la mesure où la haie de thuyas qu'ils ont plantée dans leur parcelle leur suffit à se dire chez eux.
La cour observe cependant, comme le tribunal, que les époux [L] continuent de solliciter, outre la démolition de la clôture empiétant sur leur terrain, la reconstruction de celle-ci 'dans les règles de l'art'. Or si, comme ils l'affirment, la haie de thuyas est suffisante à leur yeux pour se clore, ils n'avaient strictement aucun intérêt à demander la reconstruction de la clôture qui, d'après eux, ne leur est d'aucune utilité. Il leur suffisait de laisser aux époux [Z] le choix de laisser les choses en l'état après démolition de la clôture ou de la remplacer par une nouvelle. La volonté des époux [L] de se clore, et donc l'intérêt pour eux dans la construction d'un mur mitoyen résulte également, comme l'a encore très bien relevé le tribunal, dans l'installation de plusieurs panneaux dirigés vers la propriété [Z] indiquant à leur attention 'interdiction d'entrer - propriété privée'.
C'est donc par des motifs pertinents que le tribunal a jugé que l'intérêt de la construction d'un mur mitoyen est commun aux propriétaires voisins. En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a autorisé les époux [Z] à construire un mur mitoyen sur la limite séparative entre leur parcelle [Cadastre 5] et les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] et condamné les époux [L] à participer pour moitié aux frais d'édification de ce mur.
Sur le droit de passage temporaire (tour d'échelle)
Il convient de rappeler que la loi ne définit aucune servitude de tour d'échelle. Il s'agit en réalité d'un droit de passage temporaire, convenu ou judiciairement autorisé permettant à un propriétaire de passer chez temporairement chez son voisin pour les stricts besoins liés à des travaux. Le fonds servant ne peut pas s'opposer, sans motif légitime à une telle demande. Le fonds dominant pour sa part ne peut recourir à un tel passage qu'en cas de nécessité, c'est-à-dire en l'absence de toute autre solution possible. Il doit également s'abstenir de causer un trouble excessif à son voisin.
En l'espèce, la nécessité de réaliser tant les travaux de démolition que ceux de construction du mur mitoyen, a été caractérisée ci-dessus. Par ailleurs, dès lors que les travaux de démolition sont imposés en raison d'un empiétement, fût-il minime, ils ne peuvent être envisagés sans un accès à la propriété voisine. De même, les travaux de construction du mur mitoyen se faisant, par définition, en limite de propriété, la nécessité de passer sur le terrain des deux fonds se trouve également établie. Elle est en outre corroborée par l'entrepreneur contacté par les époux [Z] lequel a parfaitement décrit les travaux à faire et les a très bien circonscrits notamment en ce qui concerne l'ampleur limitée du passage sur la parcelle des époux [L] (pièce [Z] n°16). En pareille hypothèse, l'admission d'un droit de passage temporaire est parfaitement compatible avec le fait que ce droit concerne, en l'espèce, une construction nouvelle.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé aux époux [Z] le bénéfice d'une servitude de tour d'échelle (droit de passage temporaire), sur une largeur de un mètre, grevant les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] tout le long de la limite séparative sur une période de deux mois à compter du début des travaux de démolition de la clôture et sur une nouvelle période de deux mois à compter du début des travaux d'édification du mur mitoyen. En revanche les époux [Z] seront déboutés de leur demande d'astreinte dans la mesure où il n'est pas établi que les époux [L] feront obligatoirement obstacle à ce droit de passage et à l'exécution de la présente décision, la question du mur mitoyen étant désormais tranchée. Ils ne peuvent en effet plus, sans se constituer de mauvaise foi, avec toutes les conséquences que cela implique, empêcher les travaux de se dérouler.
Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de droit de propriété
- Sur le refus d'accorder un droit de passage temporaire
Les époux [Z] sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [L] à leur payer la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour avoir abuser de leur droit de propriété en refusant à l'entreprise devant intervenir pour démolir la clôture litigieuse. Ils exposent qu'ils sont sollicité par écrit, à plusieurs reprises l'autorisation et qu'ils se sont même pliés aux demandes de précision formulées par leurs voisins.
Les époux [L] rétorquent que leur refus était motivé et qu'il n'existe donc aucun abus de droit, leurs voisins n'ayant jamais démontré qu'ils étaient dans l'impossibilité de faire les travaux depuis leur parcelle.
La cour relève qu'après leur condamnation en référé à la démolition de la clôture par ordonnance du 29 août 2017, les époux [L] ont, par deux fois et par la voix de leur conseil, refusé de laisser passer chez eux l'entreprise choisie par leur voisin pour exécuter la décision du 29 août 2017 (pièces [Z] n°17 - courrier du 27 octobre 2017- et n°19 -courrier du 15 décembre 2017). Pourtant, les époux [Z] justifiaient de ce que leur entrepreneur avait besoin de passer sur la parcelle voisine (pièces [Z] n°13 et 14) et a donné, à la propre demande des époux [L] (leur pièce n°10), tous les détails nécessaires montrant notamment l'impact limité de ce passage (pièces [Z] n°16 et 20).
Il sera en outre rappelé que les travaux pour lesquels le passage était demandé ont été ordonnés sur assignation par les époux [L] eux-mêmes qui souhaitaient mettre fin à un empiétement sur leur parcelle. Ils ne pouvaient pas dès lors ignorer que la construction litigieuse, se trouvant par définition en partie chez eux, les travaux nécessaires à son enlèvement entraîneraient obligatoirement un passage sur leur terrain. Dès lors, en persistant dans leur refus, malgré toutes les assurances apportées par leurs voisins sur la nature et l'ampleur de l'intervention, les époux [L] se sont bien rendus coupables d'une faute par abus de leur droit de propriété, faute préjudiciable aux époux [Z] placés dans l'impossibilité d'exécuter la décision de justice et contraints eux-mêmes en conséquence de recourir aux voies de droit.
En conséquence, c'est donc à bon droit que le tribunal a constaté l'abus de droit et condamné les époux [L] à indemniser les époux [Z] à hauteur de 1 500 euros en réparation du préjudice causé par cette faute. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point sauf à dire que la condamnation interviendra in solidum entre eux et non solidairement.
- Sur les objets entreposés contre la clôture
Les époux [Z] se plaignent de ce que leurs voisins ont volontairement entreposé à leur vue des immondices dans le seul but de leur nuire en créant un préjudice visuel. Ils expliquent qu'il restait toujours une partie de ces encombrants, après la décision de première instance, comme le montre un procès-verbal de constat du mois de novembre 2020. Ils précisent encore que leur voisins n'ont toujours pas retiré les panneaux rouges indiquant à leur vue 'propriété privée défense d'entrer'. Ils demandent en conséquence qu'en plus de la condamnation de première instance une autre indemnité de 1 500 euros leur soit accordée.
Les époux [L] répliquent qu'ils n'ont pas déposé les objets dans l'intention de nuire et que rien n'interdit à un propriétaire de stocker des encombrants chez lui. Ils précisent que les objets litigieux ont été enlevés en cours de première instance.
Il convient de rappeler que si l'article 544 du code civil permet au propriétaire de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue c'est à la condition d'en faire un usage non prohibé par la loi ou les règlements. Il est de jurisprudence constante et très ancienne que l'installation sur sa propriété d'un dispositif ne présentant aucune utilité et n'ayant d'autre but que de nuire à autrui constitue un abus de droit de propriété (cass. req., 3 août 1915).
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que les deux voisins possèdent chacun une propriété assez vaste (pièce [Z] n°9), que les époux [L], qui d'ailleurs le reconnaissent, ont entreposé divers objets derrière leur haie de thuyas (une plaque PVC placée verticalement, deux panneaux rouge 'propriété privée défense d'entrer' tournés vers les voisins, une palette en bois, un tôle en matière plastique, des morceaux de bois et de métal : pièce [Z] n°12). Un autre constat établi le 30 novembre 2020, soit postérieurement au jugement attaqué, montre que certains objets sont encore en place, notamment les panneaux (pièce [Z] n°35)
Il en résulte, notamment au regard du contexte de relations exécrables entre les voisins et de l'étendue de la propriété des époux [L], que le choix de poser des encombrants disgracieux derrière leur haie de thuyas, à l'endroit précis où ils ne peuvent échapper la vue de leurs voisins, n'a pu être fait que dans le but de leur nuire, aucune explication rationnelle ne pouvant justifier un tel choix. Il en est de même pour l'apposition de panneaux 'propriété privée défense d'entrer' lesquels sont en général disposés le long d'une voie publique pour éviter que des tiers ne pensent que l'accès est libre. En l'espèce ils ne sont placés qu'à l'attention expresse des époux [Z] le long de la limite séparative sans qu'il soit établi par ailleurs que ceux-ci ont l'habitude de s'aventurer sur la parcelle de leurs voisins. Il résulte nécessairement de ces agissements, qui ont perduré en partie après le premier jugement, un préjudice moral pour les époux [Z], préjudice dont l'indemnisation a correctement été évaluée par le tribunal à la somme de 1 000 euros.
Au regard du caractère peu nombreux des objets restant, il ne sera fait droit ni à la demande de retrait sous astreinte, ni à celle d'indemnisation supplémentaire, les époux [L] étant solennellement avertis par la présente décision que le fait de laisser, notamment les panneaux, peut générer contre eux de nouvelles procédures en indemnisation.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux [L] à payer aux époux [Z] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour abus de droit de propriété lié aux objets entreposés au revers de leur haie de thuyas, sauf à dire que la condamnation interviendra in solidum.
Sur l'écrètage des thuyas
Les époux [Z] se plaignent de ce que les thuyas de leurs voisins, implantés à 80 centimètres de la limite de propriété, dépassent, en de nombreux endroits, une hauteur de deux mètres. Ils précisent que l'accord invoqué par les époux [L] n'est pas produit. Ils réclament la confirmation du jugement sur la condamnation de ces derniers à couper leurs thuyas à une hauteurs maximale de 2 mètres, sauf à assortir cette condamnation d'une astreinte.
Les époux [L] répondent qu'ils rapportent bien la preuve d'un accord selon lequel les époux [Z] leur permettaient de laisser pousser les thuyas jusqu'à 2,50 mètres. Ils demandent donc de dire qu'il n'y a lieu à rabattre la haie mais à la hauteur permise et sans astreinte.
L'article 671 du code civil dispose que, 'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations'.
Il est constant que cette règle possède un caractère supplétif. En conséquence une application différente peut naître d'un usage local ne correspondant pas aux prescriptions légales, voire d'un accord entre les voisins.
En l'espèce les époux [L] produisent aux débats (pièce n°14) un courrier du conseil des époux [Z] en date du 21 mars 2006 précisant que ces derniers 'consentent à bien plaire à accepter que ladite haie soit coupée à une hauteur de 2.50 mètres' et rappellent que 'cette hauteur avait été accordée en 1989 dans le cadre d'un accord qui avait été rompu unilatéralement par Monsieur [L]'. Les époux [Z] n'exposent pas en quoi l'accord en question aurait été rompu et quoiqu'il en soit ils l'ont renouvelé.
En conséquence, la décision entreprise sera réformée sur ce point, la cour condamnant les époux [L] à réduire la haie de thuyas à une hauteur de 2,50 mètres. Aucun élément ne permettant de laisser penser que les époux [L] n'exécuteront pas spontanément cette condamnation, la demande d'astreinte présentée par les époux [L] sera rejetée.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [U] [L] et Mme [H] [X] qui succombent seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit du conseil des époux [Z] par application de l'article 699 du code de procédure civile. Ils seront parallèlement déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où ils n'en remplissent pas les conditions d'octroi.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter aux époux [L] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par les époux [Z]. Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur ce point. Ils seront par ailleurs condamnés in solidum à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement M. [C] [Z] et Mme [R] [U] à procéder, à leur frais, à la suppression de leur clôture empiétant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2],
Y ajoutant,
Déboute M. [U] [L] et Mme [H] [X] de leur demande d'astreinte,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a autorisé M. [C] [Z] et Mme [R] [U] à faire édifier un mur mitoyen sur la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 5] d'une part et [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'autre part,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [U] [L] et Mme [H] [X] à payer la moitié des coûts de construction du mur mitoyen,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [C] [Z] et Mme [R] [U] le bénéfice d'une servitude de tour d'échelle sur une largeur de un mètre grevant les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] tout le long de la limite séparative sur une période de deux mois à compter du début des travaux de démolition de la clôture et sur une nouvelle période de deux mois à compter du début des travaux d'édification du mur,
Y ajoutant,
Déboute M. [C] [Z] et Mme [R] [U] de leur demande d'astreinte,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [U] [L] et Mme [H] [X] à leur payer la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour l'abus de leur droit de propriété relatif au refus de permettre l'accès à leur fonds pour réaliser les travaux de destruction de la clôture, sauf à dire que la condamnation intervient in solidum entre eux,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [U] [L] et Mme [H] [X] à payer à M. [C] [Z] et Mme [R] [U] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour abus de droit de propriété lié aux objets entreposés au revers de leur haie de thuyas, sauf à dire que la condamnation intervient in solidum entre eux,
Y ajoutant,
Déboute M. [C] [Z] et Mme [R] [U] de leur demande d'indemnisation supplémentaire et de leur demande de retrait des objets sous astreinte,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] [L] et Mme [H] [X] à réduire à une hauteur de 2 mètres maximum les thuyas composant la haie, sans astreinte,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne in solidum M. [U] [L] et Mme [H] [X] à réduire à une hauteur de 2,50 mètres maximum les thuyas composant la haie,
Déboute M. [C] [Z] et Mme [R] [U] de leur demande d'astreinte,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [U] [L] et Mme [H] [X] aux dépens d'appel, maître [D] [B] étant autorisée à recouvrer auprès d'eux ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
Condamne in solidum M. [U] [L] et Mme [H] [X] à payer à M. [C] [Z] et Mme [R] [U] la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 19 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente