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19/01/2023 | FRANCE | N°18/01777

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 19 janvier 2023, 18/01777


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 19 Janvier 2023





N° RG 18/01777 - N° Portalis DBVY-V-B7C-GBQV





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 24 Août 2018, RG 16/00748



Appelants



Mme [A] [H] veuve [R]

née le 28 Août 1960 à [Localité 17], demeurant [Adresse 2]



M. [K] [U]

né le 13 Juillet 1971 à [Localité 19],

et

Mme [L] [I] épouse [U]
r>née le 16 Juillet 1984 à [Localité 19], demeurant ensemble[Adresse 1]



Représentés par la SELARL LEVANTI, avocat au barreau de THONON LES BAINS



Intimé



M. [V] [M]

né le 05 Octobre 1962 à [Locali...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 19 Janvier 2023

N° RG 18/01777 - N° Portalis DBVY-V-B7C-GBQV

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 24 Août 2018, RG 16/00748

Appelants

Mme [A] [H] veuve [R]

née le 28 Août 1960 à [Localité 17], demeurant [Adresse 2]

M. [K] [U]

né le 13 Juillet 1971 à [Localité 19],

et

Mme [L] [I] épouse [U]

née le 16 Juillet 1984 à [Localité 19], demeurant ensemble[Adresse 1]

Représentés par la SELARL LEVANTI, avocat au barreau de THONON LES BAINS

Intimé

M. [V] [M]

né le 05 Octobre 1962 à [Localité 19], demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 22 novembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

Le 27 décembre 2000, après avoir divisé leur fonds, les époux [K] et [B] [M] ont cédé aux époux [R]-[H] trois parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 6], [Cadastre 4] et [Cadastre 8] sises à [Localité 18], l'acte de vente stipulant notamment que 'l'immeuble présentement vendu qui sera le fonds servant sera grevé d'une servitude de passage de canalisations souterraines pour l'évacuation des eaux usées profitant à la propriété cadastrée sous les n°[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 9]' demeurant propriété des vendeurs, le plan de division et de délimitation annexé à l'acte faisant néanmoins apparaître la mention 'à préciser' quant à l'emplacement des canalisations d'eaux usées.

Le 23 mai 2008, Madame [B] [O] veuve [M] a par ailleurs cédé à Monsieur [K] [U] et à Madame [L] [I] son épouse un terrain de 817 m² à bâtir, situé sur le tènement restant sa propriété et celui des époux [R]-[H], et cadastrée sections A n°[Cadastre 12], [Cadastre 14] et [Cadastre 16]. L'acte de vente spécifiait alors : 'afin de permettre la desserte en eaux usées, eau potable et téléphone [...] de la parcelle A [Cadastre 15] et [Cadastre 13], [...] fonds dominant [demeurant propriété de Madame [O]], il est créé à titre réel et perpétuel une servitude de passage de canalisation souterraine sur la parcelle [A [Cadastre 14]] telle qu'elle figure au plan de bornage joint et annexé aux présentes après mention. Monsieur [U] et Mademoiselle [I] pourront se brancher gratuitement sur le réseau d'eaux usées, dans la limite de sa capacité'.

Cet acte authentique portait en outre rappel et modification de servitude en ce que les époux [U] acceptaient que la servitude de passage existante sur la parcelle n°[Cadastre 11] (fonds servant appartenant à Madame [O]) et permettant la desservitude des parcelles nouvellement acquises par eux soit réduite à la largeur de 5 mètres.

Monsieur [V] [M], venant aux droits de ses parents, faisant état de dégâts sur les réseaux suite à la construction de deux piscines sur les fonds [U] en 2011 et [R]-[H] en 2012, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 10 février 2014, le juge des référés a fait droit à la demande. Monsieur [N] [P], désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 24 avril 2015 lequel consigne notamment les éléments suivants':

la propriété d'origine appartenant aux époux [M] a été divisée en trois tènements pour procéder aux ventes des 27 décembre 2000 et 23 mai 2008, la propriété bâtie demeurée propriété de la famille [M], son accès et les réseaux la desservant étant existants lors des subdivisions successives,

au sein de la propriété [R]-[H], la piscine est implantée sur les canalisations d'eaux usées, d'eau potable et de téléphone desservant le fonds [M],

au sein de la propriété des époux [U], la piscine est également implantée sur les canalisations desservant le fonds [M],

en 2011, les travaux de terrassement de la piscine des époux [U] ont endommagé une canalisation d'eaux usées, qui a été réparée,

lors des travaux de la piscine [R]-[H], cette canalisation a été détournée au moyen de 4 coudes à 90°, qui ont été par la suite changés par des coudes à 45°,

deux curages ont dû être réalisés et les dépôts constatés en janvier 2015 sont anormaux, le contournement de la piscine [R]-[H] par 4 coudes ralentissant la vitesse d'écoulement et aggravant le colmatage en amont d'un siphon, et ce alors que l'entretien de cette partie n'est désormais plus possible,

la canalisation d'eau potable ne présente aucune fuite, mais aucune réparation n'est plus possible en cas d'incident,

le fourreau téléphonique étant situé sous les piscines, son recâblage n'est lui aussi plus possible,

un nouveau tracé de l'ensemble des réseaux paraît la solution technique la plus pérenne,

la reprise partielle du réseau d'assainissement autour de la piscine [R]-[H] aurait un coût de 9 120 euros TTC, celui de son dévoiement hors des propriétés [R]-[H] et [U] d'élève à environ 21 000 euros TTC,

le dévoiement de la canalisation d'eau potable s'élèverait à 13 020 euros TTC,

quant à la ligne téléphonique, le coût de son dévoiement s'élèverait à 10 620 euros TTC,

Suite à l'assignation délivrée le 31 mars 2016 par Monsieur [V] [M] à l'encontre des époux [U] et de Madame [H] veuve [R], le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a, par jugement du 24 août 2018':

- ordonné la démolition des piscines des époux [U] et de Madame [H] veuve [R] et le rétablissement des réseaux d'eaux usées, d'eau potable et de téléphonie dans leur état antérieur à la construction de la piscine des époux [U] et uniquement le rétablissement des réseaux d'eaux usées dans leur état antérieur à la construction de la piscine pour Madame [R] et ce, dans les 6 mois suivant la date à laquelle le jugement aura acquis un caractère définitif,

- rejeté les demandes d'astreinte,

- condamné in solidum les époux [U] et Madame [H] veuve [R] au paiement de la somme de 204,69 euros,

- rejeté les autres demandes de dommages intérêts de Monsieur [M],

- déclaré la demande reconventionnelle des époux [U] recevable,

- condamné Monsieur [M] à procéder à l'enlèvement de l'assiette de la servitude de passage des piliers et du portail implantés, et ce, dans les 6 mois suivant la date à laquelle le jugement aura acquis un caractère définitif,

- rejeté la demande d'astreinte,

- rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les parties à supporter les dépens chacune par tiers, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration du 12 septembre 2018, les époux [U] et Madame [R] ont interjeté appel de cette décision.

Après un premier échange de conclusions au terme duquel appelants et intimé ont, à titre principal, respectivement sollicité la réformation des dispositions du jugement leur étant défavorables, la 2ème section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a, par arrêt du 6 février 2020 :

- réformé le jugement déféré,

- statuant à nouveau, fait droit à la demande de déplacement de la servitude de canalisations grevant les fonds [H] et [U] au profit du fonds [M],

- dit que ce déplacement s'effectuera, sauf accord de Monsieur [M] pour un déplacement sur la voie d'accès (parcelle n°[Cadastre 11]) à sa villa, sur les fonds [H] et [U] aux frais de ces derniers,

- ordonné un complément d'expertise et désigné pour y procéder Monsieur [N] [P], géomètre expert, avec pour mission de :

donner à la cour tous éléments techniques et de fait permettant de fixer la nouvelle assiette de la servitude de canalisations de façon à éviter les piscines sises sur les fonds des appelants et à permettre une desserte de la propriété [M] aussi commode que celle initiale,

en chiffrer le coût approximatif,

donner à la cour son avis sur le préjudice subi par Monsieur [M] du fait des travaux de déplacement de la servitude,

dire si les piliers de portail implantés sur le chemin d'accès à la propriété [M] sont implantés sur l'assiette de la servitude de passage grevant le fonds [M] au profit du fonds [U],

- sursis à statuer sur les autres demandes et réservés les dépens.

*

Consécutivement, l'expert a déposé un nouveau rapport le 6 avril 2021 et les parties ont à nouveau conclu.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [U] et Madame [H] veuve [R] demandent à la cour de :

- autoriser les appelants à déplacer l'assiette de la servitude de canalisations selon un tracé passant sur les parcelles n°[Cadastre 12] et [Cadastre 14], propriété des époux [U] et la parcelle n°[Cadastre 10], propriété de Madame [R] (tracé décrit dans le rapport d'expertise sous les références : A-A - A1-A1),

- débouter Monsieur [M] de toutes demandes en lien avec les travaux correspondant (préjudice ou prix des travaux en eux-mêmes),

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

débouté le demandeur de ses demandes d'indemnisations faute de rapporter la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice,

condamné Monsieur [M] à procéder à l'enlèvement de l'assiette de la servitude de passage, des piliers et du portail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

ordonné le partage des dépens par tiers,

- condamner Monsieur [M] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens d'appel seront partagés par tiers comme ceux de première instance.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 12 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [M] demande à la cour de :

A titre principal,

- prendre acte de son accord quant aux déplacements de l'assiette des servitudes dont bénéficie son fonds et de ses réseaux d'eaux usées, d'adduction d'eau potable et de télécom sur la voie d'accès à sa propriété selon la solution n°B figurant sur les plans du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] du 6 avril 2021 aux frais des époux [U] et de Madame [H] veuve [R],

- condamner en conséquence les époux [U] et Madame [H] veuve [R] à lui verser la somme de 22 698,36 euros TTC au titre du dévoiement de ses réseaux,

- constater que les droits de branchement et de raccordement sur les réseaux desservant sa propriété bénéficiant aux propriétaires des fonds appartenant aux époux [U], d'une part, et à Madame [H] veuve [R], d'autre part, n'ont plus d'objet,

A titre subsidiaire,

- ordonner le déplacement de l'assiette des servitudes grevant les parcelles cadastrées à la section A sous les n°[Cadastre 10] et [Cadastre 16] profitant au fonds composé des parcelles n°[Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15] sur le territoire de la commune de [Localité 18] selon le tracé A-A - A1-A1 figurant sur les plans du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [P] du 6 avril 2021,

- condamner in solidum les époux [U] et Madame [H] veuve [R] à procéder, à leurs frais, au dévoiement des réseaux d'eaux usées, d'adduction d'eau potable et télécom desservant sa propriété dans un délai de 3 mois à compter de la signification de la décision sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner in solidum les époux [U] et Madame [H] veuve [R] à verser la somme de 25 000 euros TTC au titre des travaux de dévoiement des réseaux d'eaux usées, d'adduction d'eau potable et télécom desservant sa propriété,

En tout état de cause,

- débouter les époux [U] et Madame [H] veuve [R] de leur demande ayant trait aux piliers implantés par lui,

- condamner in solidum les époux [U] et Madame [H] veuve [R] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices créés,

- condamner in solidum les époux [U] et Madame [H] veuve [R] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le déplacement de l'assiette de la servitude bénéficiant aux fonds [M]

Conformément à l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée. Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.

En l'espèce, il échet de rappeler que par arrêt du 6 février 2020, la 2ème section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a d'ores et déjà fait droit à la demande de déplacement de la servitude de canalisations grevant les fonds de Madame [H] veuve [R] et des époux [U], au profit de celui de Monsieur [M], de sorte qu'il n'y a lieu de statuer que sur l'implantation de la nouvelle assiette.

L'expert nouvellement commis par l'arrêt précité arrête deux solutions pour le déplacement de la servitude lesquelles permettent, techniquement, d'assurer le bon fonctionnement des réseaux objet de la servitude dont bénéfice le fonds dominant de Monsieur [M].

Toutefois, seule l'une de ces solutions, décrite sous les références 'A-A - A1-A1', concerne un transport de l'assiette de la servitude sur les fonds de Madame [H] veuve [R] et des époux [U], lesquels ne sont pas tenus d'accepter la demande de l'intimé quant au déplacement contre indemnisation desdits réseaux sur la parcelle n°[Cadastre 11] lui appartenant.

Dès lors, bien que Monsieur [M] accepte, à hauteur d'appel, un positionnement des réseaux sur son fonds, la cour constate que la solution reproduite dans le rapport d'expertise de Monsieur [P] en date du 6 avril 2021 sous les références sus-rappelées offre, au bénéfice du fonds dominant appartenant à Monsieur [M], une solution présentant les caractéristiques d'une servitude aussi commode que celle préexistante et autorise en conséquence les appelants à déplacer, à leurs frais et dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt, l'assiette de la servitude conformément au tracé susvisé traversant les parcelles n°[Cadastre 12], [Cadastre 14] puis [Cadastre 10] leur appartenant.

Aucun frais n'étant mis à la charge de Monsieur [M] pour des travaux se situant sur les fonds servants, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande indemnitaire qu'il formule au titre du dévoiement des réseaux sur son fonds.

Au surplus, les appelants étant favorables à cette solution aux termes de leurs dernières écritures, la cour retient que le prononcé d'une astreinte pour les contraindre à s'exécuter s'avère inopportune.

Sur les demandes indemnitaires présentées par Monsieur [M]

En se référant au rapport d'expertise de 2015, Monsieur [M] relève que les époux [U] ont, au cours de la construction de leur piscine en mars 2011, cassé la conduite des eaux usées et endommagé le réseau PTT en estimant qu'ils ont procédé à 'une réparation de fortune'. Il soutient en outre que Madame [H] veuve [R] a, de façon similaire, endommagé les réseaux desservant sa propriété lors de la construction de sa piscine en 2012.

De ces faits, Monsieur [M] affirme avoir été privé de sa ligne téléphonique et d'un accès internet, 'accessoire de travail et d'agrément', durant près de 8 ans et avoir ainsi 'perdu des clients' ce qui aurait 'précipité la fin de son entreprise'. Il affirme en outre que 'l'atteinte aux réseaux de sa maison d'habitation a généré une angoisse particulièrement préjudiciable'.

La cour relève toutefois que les deux témoignages datés du 12 février et du 6 mars 2013 produits par l'intimé ne permettent d'objectiver le préjudice allégué par Monsieur [M] alors que les appelants versent pour leur part aux débats un courrier daté du 15 décembre 2013, émanant de l'entrepreneur étant intervenu en mars 2011 pour l'exécution des travaux de terrassement, lequel spécifie que la ligne endommagée lors des travaux a été réparée par 'un technicien des PTT' avant la fin du chantier et que des essais ont été effectués, en présence de Monsieur [M], pour vérifier le bon fonctionnement de sa ligne après les réparations. En outre, s'il verse aux débats une facture de curage de ses canalisations en date du 21 janvier 2013 (204,69 euros), Monsieur [M] ne s'explique aucunement sur les circonstances d'intervention de l'entreprise missionnée de sorte que la cour ne peut déduire un quelconque lien de causalité avec les travaux de 2011 ou de 2012 en l'absence d'étayage probant concernant les faits ayant nécessité l'intervention de l'entreprise Icart.

La cour relève encore que le seul préjudice relevé par l'expert, dans son rapport du 24 avril 2015, s'avère éventuel en ce qu'il ne retient l'hypothèse d'un préjudice qu'en cas de fuite, de colmatage ou de réparation, l'accès aux réseaux d'eaux usées et d'adduction d'eau potable n'étant plus assuré sous les piscines depuis leur construction. De même, du fait des constructions réalisées sur le tracé des réseaux, il estime que le recâblage du réseau téléphonique existant n'est à l'avenir plus possible.

Enfin les troubles futurs dont se prévaut Monsieur [M] dans le cadre des travaux de dévoiement à intervenir sont purement hypothétiques et ne sauraient donner lieu à indemnisation, l'expert ajoutant pour sa part et de façon convergente que 'le préjudice subi par Monsieur [M] du fait des travaux à réaliser semble très minime voire inexistant'.

Dans ces conditions, il y a lieu de débouter ce dernier de la demande indemnitaire qu'il formule à hauteur de 30 000 euros.

Sur la servitude de passage grevant le fonds n°[Cadastre 11]

Il a été rappelé au titre des faits constants que l'acte de vente du 23 mai 2008 a constitué une servitude de passage de 5 mètres sur la parcelle n°[Cadastre 11] appartenant à Monsieur [M] et au profit des fonds n°[Cadastre 12], [Cadastre 14] et [Cadastre 16] appartenant aux époux [U]. Ces derniers versent aux débats un constat du 5 décembre 2013 duquel il s'évince que l'assiette de la servitude a été partiellement réduite à 3 mètres par deux murets disposés de part et d'autre du chemin. Le rapport d'expertise du 6 avril 2021 retient de façon convergente que 'les piliers de portail ainsi que les deux petits murets de chaque côté sont implantés sur la servitude de passage décrite au plan de division de l'acte notarié à 3,50 mètre environ de son sommet'.

Au moyen d'un constat d'huissier dressé le 3 mars 2017, Monsieur [M] conteste le jugement déféré et excipe du fait que seuls deux piliers en pierre reposant sur deux murets sont positionnés sur l'emprise de la servitude de passage bénéficiant aux fonds des époux [U]. Aussi, s'il reconnaît avoir 'mis en place' ces biens sur l'assiette de la servitude, il conteste la présence d'un quelconque portail en relevant que les piliers précités sont dépourvus de gonds.

Il en résulte néanmoins que Monsieur [M] reconnaît l'existence d'une atteinte à la servitude de passage dont bénéficient les époux [U] et doit être condamné, en conséquence, à l'enlèvement des piliers situés sur l'assiette de la servitude grevant la parcelle n°[Cadastre 11] lui appartenant dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision.

L'atteinte portée étant reconnue par l'intimé, le prononcé d'une astreinte n'est, à ce stade, pas nécessaire pour s'assurer de la parfaite exécution de cette injonction étant rappelé que le juge de l'exécution peut, en tout état de cause, être saisi en cas de carence de Monsieur [M].

Sur les demandes annexes

Chacune des parties succombant au moins partiellement en ses prétentions, il y a lieu d'ordonner le partage par tiers des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et de dire que le premier tiers sera supporté par Madame [H] veuve [R], que le deuxième tiers sera supporté par les époux [U] puis que le dernier tiers sera supporté par Monsieur [M].

L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Rappelle que par arrêt du 6 février 2020, la 2ème section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a notamment :

réformé le jugement rendu le 24 août 2018 par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains,

Statuant à nouveau,

fait droit à la demande de déplacement de la servitude de canalisations grevant les fonds de Madame [A] [H] veuve [R] puis de Monsieur [K] [U] et Madame [L] [I] épouse [U] au profit du fonds de Monsieur [V] [M],

ordonné une nouvelle expertise,

sursis à statuer sur les autres demandes et réservés les dépens,

Autorise Madame [A] [H] veuve [R] ainsi que Monsieur [K] [U] et Madame [L] [I] épouse [U] à déplacer à leurs frais l'assiette de la servitude grevant leurs fonds selon un tracé passant par les parcelles n°[Cadastre 12], [Cadastre 14] puis [Cadastre 10] selon le tracé décrit sous les références 'A-A - A1-A1' par Monsieur [N] [P], géomètre expert dans son rapport déposé le 6 avril 2021,

Dit que ces travaux devront être réalisés dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision par la partie la plus diligente,

Condamne Monsieur [V] [M] à procéder à l'enlèvement des piliers situés sur l'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle n°[Cadastre 11] lui appartenant dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision par la partie la plus diligente,

Ordonne le partage par tiers des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise,

Dit que le premier tiers sera supporté par Madame [A] [H] veuve [R], que le deuxième tiers sera supporté par Monsieur [K] [U] et Madame [L] [I] épouse [U] puis que le dernier tiers sera supporté par Monsieur [V] [M],

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 19 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidentee et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/01777
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;18.01777 ?
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