COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
du 12 Janvier 2023
N° RG 22/00773 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7LF
Appelant
M. [R] [P], demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Anne-Marie BRANCHE, avocat au barreau de CHAMBERY
contre
Intimée
Mme [E] [Y], demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Ingrid-Astrid ZELLER, avocat au barreau de CHAMBERY
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Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d'appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante le 12 Janvier 2023 après examen de l'affaire à notre audience du 8 décembre 2022 et mise en délibéré :
Par jugement contradictoire rendu le 8 février 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry, saisi par Mme [E] [Y] aux fins de condamnation de son voisin, M. [R] [P], à procéder à divers travaux d'entretien de ses végétaux et de remise en état de la clôture séparant les deux fonds, a :
déclaré recevable la demande de Mme [Y],
condamné M. [P] à retirer les deux sapins abattus,
condamné M. [P] à remettre en état l'intégralité du grillage séparant sa propriété de celle de Mme [Y],
condamné M. [P] à procéder à l'entretien de la végétation poussant sur sa propriété,
condamné M. [P] à retirer les déchets entreposés sur son terrain,
condamné M. [P] à payer à Mme [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,
condamné M. [P] à payer à Mme [Y] la somme de 1.500 euros pour résistance abusive,
condamné M. [P] à payer à Mme [Y] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté M. [P] de l'intégralité de ses demandes,
condamné M. [P] aux entiers dépens,
prononcé l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 3 mai 2022, M. [P] a interjeté appel de ce jugement, qui lui a été signifié le 23 avril 2022.
Par conclusions notifiées le 6 octobre 2022, Mme [Y] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, ainsi que pour voir prononcer la caducité de l'appel sur le fondement des articles 542 et 954 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions d'incident n° 2 notifiées le 7 décembre 2022, Mme [Y] demande au conseiller de la mise en état de :
prononcer la radiation du rôle de l'affaire n° 22/00773 en application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile en l'absence de justification par l'appelant de l'exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire,
prononcer la caducité de l'appel interjeté par M. [P] en l'absence de respect des articles 542 et 954 du code de procédure civile, à savoir en ne critiquant pas le jugement déféré dans ses conclusions d'appelant, en ne mentionnant pas qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement tant dans la déclaration d'appel que dans les conclusions d'appelant, et en n'exposant que des rappels de moyens et non des prétentions au sein du dispositif des conclusions d'appelant,
constater en outre que le dispositif des conclusions sur incident établies par M. [P] fait état de moyens et non de prétentions,
en conséquence, constater qu'il n'y a pas lieu à statuer sur ces moyens,
condamner M. [P] à verser à Mme [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [P] aux entiers dépens de l'instance,
débouter M. [P] de ses demandes reconventionnelles.
Par conclusions récapitulatives sur incident n° 1 notifiées le 8 décembre 2022, M. [P] demande au conseiller de la mise en état de :
dire et juger qu'il n'y a pas lieu à radiation de l'appel interjeté par M. [P], dès lors qu'il est clairement établi que Mme [Y] a commis une erreur flagrante, en le faisant attraire, par devant le tribunal judiciaire de Chambéry, s'agissant d'un litige portant sur les parcelles n° [Cadastre 1] et [Cadastre 3], dont il n'est pas personnellement propriétaire, mais qui est la seule propriété de la SNC «SLS», qui n'a jamais été mise en cause,
dire et juger que cette radiation aurait des conséquences juridiques dépourvues de tout fondement, et qui seraient manifestement excessives,
en conséquence, débouter Mme [Y] de sa demande tendant à la radiation de l'appel interjeté par M. [P] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 8 février 2022,
par ailleurs, débouter Mme [Y] de sa demande tendant à la caducité de l'appel,
condamner Mme [Y] à régler à M. [P] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner enfin Mme [Y] aux entiers dépens.
MOTIFS ET DÉCISION
Mme [Y] sollicite en premier lieu la radiation de l'affaire et, en second lieu, donc subsidiairement, la caducité de l'appel. L'ordre des demandes, bien que non cohérent, sera donc respecté.
Sur la demande de radiation
En application de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
En l'espèce, M. [P] ne prétend pas ne pas être en mesure d'exécuter la décision déférée mais se fonde exclusivement sur le fait qu'il aurait été condamné à tort par le tribunal comme n'étant pas le véritable propriétaire du terrain voisin de celui de Mme [Y].
Mme [Y] conclut seulement à l'absence d'exécution de la décision déférée.
Il résulte des explications des parties et des pièces produites aux débats que la qualité de propriétaire de M. [P] du terrain voisin de celui de Mme [Y], objet du litige, apparaît en effet discutable, l'appelant produisant des actes notariés et des plans cadastraux qui semblent établir que le terrain en cause appartient à la société SLS, dont il est toutefois le gérant.
Le jugement déféré a essentiellement prononcé des condamnations en obligation de faire, dont l'exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives pour M. [P] en le contraignant à exécuter des travaux sur un terrain qui semble ne pas lui appartenir.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la radiation de l'affaire.
Sur la caducité de l'appel
En application de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 954 du même code dispose notamment que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Selon l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
Il résulte de la combinaison de ces textes que les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 du code de procédure civile, sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel.
Ainsi, l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 (voir notamment Civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626 et encore Civ. 2, 4 novembre 2021, plusieurs affaires dont n° 20-15.757).
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [P] comporte la mention de tous les chefs du jugement critiqué, et le dispositif de ses premières conclusions d'appelant, signifiées à Mme [Y] par acte délivré le 8 juillet 2022, et remises au greffe le même jour, est libellé comme suit:
«Voir réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
' dire et juger que ladite procédure est irrecevable en ce qu'elle a été dirigée à l'encontre de Monsieur [R] [P], pour défaut du droit d'agir, les parcelles litigieuses, en l'espèce cadastrées section B n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à la SNC SLS,
' dire et juger que ladite procédure est également irrecevable en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un recours à un mode de résolution amiable, s'agissant d'un conflit de voisinage,
' en conséquence, débouter Madame [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
' condamner Madame [E] [Y] à régler à Monsieur [P], la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
' condamner Madame [E] [Y] à régler à Monsieur [P], la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner enfin Madame [E] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel»
Si la formulation «dire et juger» est maladroite, pour autant, la simple lecture de ce dispositif permet de constater que l'appelant sollicite la réformation de la décision déférée en toutes ses dispositions et qu'il émet des prétentions en soulevant l'irrecevabilité de l'action et en concluant au débouté des demandes de Mme [Y], outre une demande reconventionnelle.
Quant au contenu des moyens des conclusions, il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de se prononcer sur leur pertinence, seule la cour d'appel, statuant au fond, ayant ce pouvoir.
L'appel n'est donc pas caduc.
Sur les autres demandes
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Mme [Y], qui succombe en son incident, en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Disons n'y avoir lieu à radiation de l'affaire,
Rejetons la demande de Mme [E] [Y] aux fins de caducité de l'appel interjeté par M. [R] [P],
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties,
Condamnons Mme [E] [Y] aux dépens de l'incident.
Ainsi prononcé le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat