COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 12 Janvier 2023
N° RG 22/00674 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G67C
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de [Localité 4] en date du 05 Avril 2022, RG 21/00832
Appelants
M. [G] [M]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] - TURQUIE,
et
Mme [I] [M]
née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 4] ([Localité 4]),
demeurant ensemble [Adresse 3]
Représentés par la SELARL TG AVOCATS, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, la SARL BALLALOUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BONNEVILLE et la SELAS LEX EDERIM, avocat plaidant au barreau de LYON
Intimée
Caisse CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE dont le siège social est sis [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP BRIFFOD/PUTHOD/CHAPPAZ, avocat au barreau de BONNEVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 novembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 9 juillet 2010, M. [R] [Z] et Mme [V] [Z] ont acquis une maison grâce notamment à la souscription d'un prêt d'un montant de 500 000 euros consenti par la société Crédit Agricole des Savoie.
M. [G] [M], ainsi que Mme [O] [Z] et M. [S] [J] son époux se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt, à hauteur de 50 000 euros chacun.
M. [R] [Z] a été placé en liquidation judiciaire, la société Crédit Agricole des Savoie ayant déclaré sa créance laquelle a été admise à hauteur de 459 391,34 euros le 25 octobre 2013.
Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 17 mai 2013, la société Crédit Agricole des Savoie a mis en demeure M. [G] [M] de régler les échéances échues impayées du débiteur principal à hauteur de 20 212,34 euros, sous peine de déchéance du terme, laquelle sera prononcée par un nouveau courrier recommandé reçu le 28 novembre 2013 avec mise en demeure de régler la somme de 50 000 euros.
Par courrier du 28 novembre 2013, M. [G] [M] sollicitait des délais auprès de la banque faisant part des difficultés financières qu'il rencontrait.
Par acte d'huissier du 6 juillet 2020, la société Crédit Agricole des Savoie faisait signifier à M. [G] [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour la somme de 50 000 euros en principal.
Par acte du 6 août 2021, M. [G] [M] et son épouse Mme [I] [M] assignaient la société Crédit Agricole des Savoie aux fins, notamment, de dire infondé le commandement de payer.
Par jugement du 5 avril 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a :
- déclaré les demandes de Mme [I] [M] irrecevables,
- rejeté la demande tendant à faire déclarer nul l'acte notarié et par là-même, le commandement de payer aux fins de saisie-vente,
- dit que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur une demande de dommages et intérêts pour inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles,
- constaté l'absence de demande du chef de manquement par la banque à son obligation d'information annuelle de la caution et de vérification de la proportionnalité de l'engagement de la caution par rapport à ses capacités financières,
- rejeté la demande de délais de paiement de M. [G] [M],
- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Crédit Agricole des Savoie,
- condamné M. [G] [M] à payer à la société Crédit Agricole des Savoie la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [G] [M] aux dépens.
Par déclaration du 19 avril 2022, M. [G] [M] et Mme [I] [M] ont interjeté appel de la décision.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [G] [M] et Mme [I] [M] demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le juge de l'exécution,
- dire et juger que le commandement de payer est nul,
- dire et juger que la banque Crédit Agricole des Savoie est irrecevable en toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la banque Crédit Agricole ne bénéficie d'aucun titre exécutoire à l'égard de Monsieur [G] [M],
- dire et juger que la créance de la banque crédit agricole n'est pas fondé à l'endroit de Monsieur [G] [M],
- dire et juger que la dette garantie est disproportionnée avec les revenus et patrimoine de la caution,
- condamner la banque crédit agricole Rhône Alpes à payer à Monsieur [G] [M] la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi,
A titre infiniment subsidiaire,
- accorder un délai de paiement de 24 mois à Monsieur [G] [M],
- condamner la banque Crédit Agricole Rhône Alpes aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour le détail des moyens soulevés au soutien des prétention la société Crédit Agricole des Savoie à la cour de :
- dire et juger que la cour n'est saisie au fond d'aucune demande de réformation ou infirmation du jugement rendu, des chefs de décision suivants :
- l'irrecevabilité de Madame [M] en ses demandes,
- la nullité du titre exécutoire,
- l'incompétence du juge de l'exécution pour statuer sur une demande de dommages et intérêts pour inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles,
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,
- déclarer Madame [M] irrecevable en ses contestations faute d'intérêt à agir,
- dire et juger que le juge de l'exécution est incompétent pour statuer sur une demande relevant d'une procédure d'inscription de faux d'un acte notarié, et pour toute demande de dommages et intérêts fondées sur un manquement d'une partie à ses obligations contractuelles,
- dire et juger qu'elle justifie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre de M. [G] [M],
- débouter M. [G] [M] de l'ensemble de ses contestations irrecevables et mal fondées,
Y ajoutant,
- condamner solidairement M. [G] [M] et Mme [O] [Z] à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers sera ordonnée au profit de la SCP Briffod Puthod Chappaz en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour observe que les conclusions des appelants ne contiennent aucune prétention relative à la déclaration d'irrecevabilité des demandes de Mme [I] [M] telle que jugée par le juge de l'exécution.
Sur la demande principale de nullité du commandement de payer et d'irrecevabilité consécutive des demandes de la société Crédit Agricole des Savoie
L'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose que : 'Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire'.
M. [G] [M], reprenant ses arguments de première instance précise ici qu'il n'a jamais été partie à l'acte notarié constituant le titre de la banque et que le jour de la signature (19 juillet 2010) il était à son travail de sorte qu'il ne pouvait pas se trouver chez le notaire. Pour lui, l'acte est donc nul, de même que la saisie-vente qui a pour fondement cet acte.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a considéré que le titre notarié lui-même ne pouvait être remis en cause que selon la procédure d'inscription de faux, que n'a pas mise en oeuvre M. [G] [M] ni devant le premier juge, ni devant la cour.
Par ailleurs, le juge de l'exécution a considéré qu'en tout état de cause le document produit par M. [G] [M] devant lui pour justifier de son absence à la signature de l'acte n'apportait en lui-même pas de preuve suffisante. La cour observe qu'à hauteur d'appel cette pièce n'est pas produite bien qu'elle soit annoncée dans le bordereau et malgré la demande de production de pièces effectuée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à mettre en cause la validité de l'acte notarié et, par voie de conséquence, celle du commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Sur les demandes à titre subsidiaire
M. [G] [M] demande à la cour, dans le dispositif de ses conclusions de :
- dire et juger que la banque Crédit Agricole ne bénéficie d'aucun titre exécutoire à son égard,
- dire et juger que la créance de la banque Crédit Agricole n'est pas fondée à son égard,
- dire et juger que la dette garantie est disproportionnée avec ses revenus et patrimoine,
- condamner la banque Crédit Agricole Rhône Alpes à lui payer la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi.
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger», les «prendre ou donner acte» et les «constater» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
Au demeurant, M. [G] [M] s'appuie dans le coeur de ses écritures sur un manquement à l'obligation d'information annuelle et sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution.
Il est constant qu'à les supposer établis :
- le manquement à l'obligation d'information annuelle ne peut se traduire que par une déchéance du droit aux intérêts,
- le caractère disproportionné de l'acte de cautionnement ne peut se traduire que par l'inopposabilité à la caution de son engagement.
En réalité seul le manquement à l'obligation d'information contractuelle de la banque pourrait être source d'indemnisation. Toutefois, ainsi que l'a très justement relevé le juge de l'exécution, il résulte de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire pré-cité, qu'il n'est pas dans ses compétences de statuer sur des dommages et intérêts résultant d'une inexécution contractuelle. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de délais de paiement
La cour relève que, dans le dispositif de ses écritures M. [G] [M] sollicite à titre infiniment subsidiaire des délais de paiement de 24 mois. Toutefois, il ne fournit à l'appui de cette demande aucune explication dans les motifs de ses conclusions et se contente de fournir un avis d'impôt sur le revenu de 2011 établi en 2010. Ce document est insusceptible de permettre à la cour d'apprécier la situation financière de M. [G] [M]. La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [G] [M] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel dont distraction au profit du conseil de la société Crédit Agricole des Savoie par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de faire supporte à M. [G] [M] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens et exposés par la société Crédit Agricole des Savoie en appel. M. [G] [M] sera donc condamné à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Condamne M. [G] [M] aux dépens d'appel, la SCP Briffot, Puthod, Chappaz, avocats, étant autorisée à recouvrer contre lui ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,
Condamne M. [G] [M] à payer à la société Crédit Agricole des Savoie la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 12 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente