COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 05 Janvier 2023
N° RG 22/01349 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBRQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de BONNEVILLE en date du 30 Juin 2022, RG 21/00269
Appelant
M. [N] [U] [R]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6] - ALGERIE, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Christian FORQUIN, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C73065-2022-002077 du 05/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimée
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE-ALPES SA venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL F.D.A, avocat au barreau de BONNEVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 08 novembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 2 août 1984, Monsieur [N] [R] a acquis une maison à usage d'habitation avec terrain attenant sise [Adresse 3] et cadastrée section [Cadastre 5].
Dans le cadre d'un prêt de restructuration, la SA Banque Populaire des Alpes (aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes) a consenti à Monsieur [R], par acte authentique du 31 juillet 2008, un prêt n°7083325 de 165 000 euros au taux de 4,85% garanti par une hypothèque conventionnelle sur le bien susvisé. L'hypothèque a été publiée au service de la publicité foncière de Bonneville le 23 septembre 2008, volume 2008V n°3397.
Par authentique du 6 février 2009, la SA Banque Populaire des Alpes a par ailleurs consenti à Monsieur [R], pour la réalisation de travaux d'aménagement, un prêt n°5603111 d'un montant de 40 000 euros au taux de 5,95%. Ce prêt a été garanti par une hypothèque conventionnelle portant sur le même bien laquelle a été publiée au service de la publicité foncière de Bonneville le 5 mars 2009, volume 2009 V n°707.
Se prévalant d'incidents dans le remboursement des échéances des deux prêts à compter du mois de janvier 2016, la banque a mis en demeure Monsieur [R], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 mars 2016, de régulariser les échéances échues et demeurées impayées sous peine de déchéance du terme des concours.
Consécutivement, Monsieur [R] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Savoie laquelle a prononcé la recevabilité de son dossier et recommandé, dans sa séance du 14 juin 2016, un moratoire de 24 mois subordonné à la vente amiable de la maison d'habitation d'[Localité 4]. Le bien immobilier n'a toutefois pas été vendu malgré le moratoire accordé au bénéfice de Monsieur [R].
Aussi, par acte du 22 janvier 2021, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes lui a fait délivrer un commandement de payer valant saisie-immobilière pour une somme de 180 697,49 euros d'une part, et 46 548,99 euros d'autre part, avec intérêts aux taux contractuels à compter du 1er décembre 2020. Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de Bonneville le 12 février 2021, volume 2021 S n°6.
Puis, par acte du 17 mars 2021, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a fait assigner Monsieur [R] devant le juge de l'exécution à son audience d'orientation du 20 mai 2021.
Par jugement du 30 juin 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a, entre autres dispositions :
- fixé la créance de la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à la somme de 227 246,48 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2020, outre intérêts aux taux contractuels postérieurs pour mémoire,
- débouté Monsieur [R] de ses demandes relatives aux taux d'intérêts et aux clauses pénales,
- déclaré irrecevable Monsieur [R] en sa demande de dommages et intérêts puis de compensation au titre d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde,
- débouté Monsieur [R] de sa demande de délais de paiement,
- ordonné la vente forcée des biens saisis sur la mise a prix de la somme de 180 000 euros,
- fixé la date d'audience à laquelle il sera procédé à la vente forcée,
- condamné Monsieur [R] à verser à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 18 juillet 2022, Monsieur [R] a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance du 9 septembre 2022, Monsieur [R] a été autorisé à assigner à jour fixe la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes. L'assignation à jour fixe a été délivrée à la banque le 20 septembre 2022 et enrôlée le 22 septembre suivant.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022 et signifiées à partie adverse le 20 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [R] demande à la cour de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer la décision entreprise et, statuant a nouveau,
- dire et juger que les indemnités d'exigibilité anticipées respectivement de 7 % et 3 % constituent des clauses pénales manifestement excessives et en conséquence ramener chacune à la somme de 1 euro,
- dire et juge que la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a manqué à son obligation de mise en garde et qu'elle est responsable du préjudice qu'il subi,
- la condamner au versement d'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation des créances réciproques,
- lui accorder un échelonnement de 24 mois sur toutes sommes dont il viendrait à être déclaré redevable,
- débouter la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de toutes ses demandes fins et conclusions,
- la condamner au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel dont le montant sera recouvré par Maître Forquin, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 24 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes et contestations,
- dire et juger irrecevable Monsieur [R] en ses demandes d'allocation de dommages et intérêts,
- juger, si par impossible la cour déclarait recevable cette demande, que Monsieur [R] ne justifie d'aucune faute commise par la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et ne justifie pas de la réalité du quantum du préjudice dont il se prévaut,
- débouter Monsieur [R] de ses demandes,
- condamner Monsieur [R] au paiement d'une somme supplémentaire de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la créance de la banque
L'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.
Selon l'article R.322-18 du code des procédures civiles d'exécution, le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires.
En l'espèce, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes verse aux débats les actes de prêt notarié revêtus de la formule exécutoire ainsi que le courrier recommandé du 10 mars 2016 ayant mis en demeure Monsieur [R] de rembourser sous quinzaine les échéances impayées sous peine de déchéance des concours sans formalité complémentaire.
Le prononcé de la déchéance du terme des concours n'est pas contesté par Monsieur [R] lequel limite ses contestations au montant des intérêts contractuels relatif aux échéances échues et demeurées impayées, aux intérêts contractuels sur le capital restant dû au cours du moratoire de la procédure de surendettement puis au montant des indemnités revendiquées par la banque.
Quoique le décompte initialement produit par la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes ne détaille pas le montant des intérêts de chacune des échéances impayées sur la période s'étant écoulée entre janvier 2016 et le 30 novembre 2020,le décompte spécifique nouvellement produit (pièce 21 bis - Selarl FDA) permet de constater que la banque a factuellement calculé le coût des intérêts pour chacune de ces échéances à compter de sa date d'exigibilité. Il en résulte que les sommes de 1 370,41 euros (prêt n°7083325 du 31 juillet 2008) et de 474,10 euros (prêt n°5603111 du 6 février 2009) sont effectivement exigibles par le créancier poursuivant.
En outre, concernant le capital restant dû, il a été exactement mentionné par le premier juge que le moratoire avec intérêt à 0% ne bénéficiait à Monsieur [R] que dans le cadre de la procédure de surendettement de sorte que la banque peut valablement solliciter, dans le cadre de la présente voie d'exécution, le montant des intérêts contractuels depuis la déchéance du terme des concours, et ce d'autant plus que le bénéfice de la mesure dont se prévaut le débiteur était subordonné à la vente amiable du bien immobilier dans le délai de 24 mois, ce qui n'a pas été réalisé en l'espèce.
En revanche, eu égard au préjudice réellement subi par l'organisme de prêt compte tenu des remboursements régulièrement effectués entre 2008 et 2016, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, de réduire les indemnités forfaitaires de 7 et 3% à 4% pour le prêt n°7083325 du 31 juillet 2008 et 2% pour le prêt n°5603111 du 6 février 2009.
En ce sens, les sommes respectivement dues par Monsieur [R] au titre des indemnités précitées s'élèvent à 5 370,02 euros et 684,11 euros, la dette totale de l'appelant devant dès lors être arrêtée à la somme totale de 222 876,91 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2020, outre intérêts aux taux contractuels postérieurs.
Sur le manquement par la banque à son obligation de mise en garde
Conformément aux dispositions de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.
L'action en responsabilité contre la banque pour une faute commise à l'occasion de l'octroi d'un concours ne constitue pas une contestation de la saisie-immobilière en elle-même et ne relève pas, par conséquent, de la compétence du juge de l'exécution (Cass. 2ème civ., 22 juin 2017, n°15-24.385) dont le pouvoir de condamnation est circonscrit aux possibilités visées aux articles L.121-2, L.121-3 et L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Dès lors, la cour confirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable Monsieur [R] en sa demande de dommages et intérêts puis de compensation.
Sur la demande d'échelonnement sur 24 mois
Les dispositions de l'article 1343-5 du code civil permettent au juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, de reporter ou d'échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Monsieur [R] ne produit toutefois aucune pièce pour étayer sa situation personnelle et se limite à formuler une demande d'échelonnement sans indiquer le montant des échéances qu'il serait susceptible d'honorer. Au surplus, aucune perspective de retour à meilleure fortune n'est avancée.
Dans ces conditions, faute de justificatifs actualisés quant à son patrimoine, ses revenus puis les charges fixes qu'il doit acquitter, la demande de Monsieur [R] ne peut qu'être rejetée.
Sur les demandes annexes
Monsieur [R], qui succombe en principal, est condamné aux dépens d'appel et à payer à la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [N] [R] de sa demande relative aux indemnités forfaitaires et en ce qu'il a fixé la créance de la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à la somme totale de 227 246,48 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2020, outre intérêts aux taux contractuels postérieurs,
Statuant à nouveau,
Réduit l'indemnité forfaitaire du prêt n°7083325 en date du 31 juillet 2008 à 4% et celle du prêt n°5603111 en date du 6 février 2009 à 2%,
Fixe en conséquence la créance de la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à la somme totale de 222 876,91 euros suivant décompte arrêté au 30 novembre 2020, outre intérêts aux taux contractuels postérieurs,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [N] [R] aux dépens d'appel,
Condamne Monsieur [N] [R] à payer la somme de 2 000 euros à la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 05 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente