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05/01/2023 | FRANCE | N°21/00483

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 05 janvier 2023, 21/00483


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 05 Janvier 2023





N° RG 21/00483 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUSB



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Janvier 2021, RG 11-19-579



Appelant



M. [U] [H], demeurant [Adresse 6]



Représenté par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Céline PECCAVY, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES



Intimés
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M. [O] [R]

né le 12 Août 2000 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



Mme [P] [B]

née le 21 Juillet 1971 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



Représentés par la SCP MILL...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 05 Janvier 2023

N° RG 21/00483 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUSB

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Janvier 2021, RG 11-19-579

Appelant

M. [U] [H], demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Céline PECCAVY, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES

Intimés

M. [O] [R]

né le 12 Août 2000 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Mme [P] [B]

née le 21 Juillet 1971 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Représentés par la SCP MILLIAND DUMOLARD THILL, avocat au barreau de CHAMBERY

Mme [D] [C], demeurant [Adresse 2]

S.A. MEDICALE DE FRANCE dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal

Représentées par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP BAULIEUX BOHE MUGNIER RINCK, avocat plaidant au barreau de LYON

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 08 novembre 2022 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 janvier 2018, M. [U] [H], éleveur professionnel, a vendu à M. [O] [R] un chiot femelle de race Berger allemand nommée Isis pour le prix de 700 euros. Un certificat vétérinaire établi le même jour par Mme [D] [C], vétérinaire de la clinique de l'[Localité 4], ne fait mention d'aucun problème particulier.

Le 5 février 2018, le vétérinaire chargé du suivi de l'animal par son propriétaire a constaté que la chienne présentait une absence de développement de trois doigts du postérieur droit, pathologie irréversible qui entraîne des lésions chroniques du coussinet et nécessite l'usage de bottines protectrices, ainsi que des soins réguliers.

M. [R] s'est alors tourné vers la clinique de l'[Localité 4] aux fins d'indemnisation. La Médicale de France, assureur responsabilité civile professionnelle de la clinique de l'[Localité 4], a alors proposé à M. [R] de lui payer la somme de 700 euros représentant le prix d'acquisition de la chienne, ce que l'acquéreur a accepté.

Puis, par courrier du 17 janvier 2019, M. [R] a sollicité de M. [H] la prise en charge des frais vétérinaires déjà engagés et à venir.

Une expertise amiable et contradictoire a été organisée par l'intermédiaire des assureurs respectifs des parties, qui a confirmé l'existence de la malformation, mais n'a pas permis d'aboutir à un accord sur l'indemnisation, M. [R] ayant refusé la somme de 1.500 euros proposée par la partie adverse.

C'est dans ces conditions que, par acte délivré le 27 septembre 2019, M. [R] a fait assigner M. [H] devant le tribunal d'instance de Chambéry, pour obtenir le paiement de sommes en réparation des préjudices subis, sur le fondement des dispositions des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation.

Par actes délivrés les 4 et 9 décembre 2019, M. [H] a fait appeler en cause Mme [C] et son assureur la Médicale de France, afin d'être relevé et garanti de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.

Les deux dossiers ont été joints, et Mme [B], mère de M. [R], est intervenue volontairement à l'instance comme ayant négocié l'achat de la chienne pour le compte de son fils.

Par jugement contradictoire rendu le 25 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a:

rejeté les demandes de M. [H] tendant à ce que l'action de M. [R] et l'intervention volontaire de Mme [B] soient déclarées irrecevables faute d'intérêt et de qualité à agir,

déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [B],

dit que l'action en garantie de conformité du chien femelle Isis née le 17 novembre 2017 diligentée par M. [R] et Mme [B] à l'encontre de M. [H] est recevable et bien fondée,

dit que le chien Isis est non conforme,

condamné en conséquence M. [H] à payer à M. [R] :

- la somme de 764,12 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- la somme de 5.603,51 euros au titre des frais futurs,

- la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral,

débouté M. [H] de sa demande tendant à ce que Mme [C] et la SA Médicale de France soient condamnées à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

condamné M. [H] à payer à M. [R] et Mme [B] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [H] à payer à Mme [C] et la SA Médicale de France la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles,

condamné M. [H] aux entiers dépens de l'instance,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration du 8 mars 2021, M. [H] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de toutes les autres parties.

Par conclusions notifiées le 12 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [H] demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les articles 1984 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 214-8 du code rural,

Vu l'article D. 214-32-2 du code rural,

Vu les articles L. 217-4 et suivants du code de la consommation,

réformer dans son intégralité le jugement déféré,

dire et juger que Mme [B] a agi en qualité de mandataire pour M. [R],

dire et juger qu'en qualité de simple mandataire à un acte d'achat, Mme [B] ne peut prétendre avoir qualité à agir pour demander une indemnisation fondée sur une garantie après-vente,

débouter en conséquence Mme [B] de toutes demandes fondées sur la garantie de conformité,

A titre principal,

la chienne n'étant pas réparable et M. [R] et Mme [B] ayant déjà été indemnisés quant au prix de vente, les débouter intégralement de leurs demandes indemnitaires quant aux dépenses actuelles et futures,

débouter intégralement M. [R] et Mme [B] de la demande au titre du préjudice moral,

A titre subsidiaire,

dire et juger qu'au 7 janvier 2020, le total des frais dépensés en lien direct avec la pathologie de la chienne était de 716,92 euros et non de 764,12 euros,

débouter intégralement M. [R] et Mme [B] au titre des frais futurs,

débouter intégralement M. [R] et Mme [B] de la demande au titre du préjudice moral,

dire et juger que Mme [C] a commis une faute lors de son examen du 12 janvier 2018,

condamner en conséquence solidairement Mme [C] et son assurance la SA Médicale de France à relever intégralement en garantie M. [H] de toutes condamnations,

condamner M. [R], Mme [B], Mme [C] et la Médicale de France à verser à M. [H] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de me Clarisse Dormeval, avocat.

Par conclusions notifiées le 18 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [R] et Mme [B] demandent en dernier lieu à la cour de :

dire et juger que M. [R] est le propriétaire de l'animal,

dire et juger la demande de M. [R] recevable et bien fondée,

dire et juger que M. [H] a vendu un animal atteint d'une non-conformité,

dire et juger M. [H] entièrement responsable des préjudices subis par M. [R],

débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

confirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de M. [H] tendant à ce que l'action de M. [R] et l'intervention volontaire de Mme [B] soient déclarées irrecevables faute d'intérêt et de qualité à agir,

- dit que l'action en garantie de conformité du chien femelle Isis née le 17 novembre 2017 diligentée par M. [R] et Mme [B] à l'encontre de M. [H] est recevable et bien fondée,

- dit que le chien Isis est non conforme,

- admis le principe d'une indemnisation au titre des frais de santé actuels et futurs et du préjudice moral,

- retenu la responsabilité de M. [H],

infirmer la décision querellée en ce qu'elle a condamné M. [H] à payer à M. [R] les sommes de 764,12 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 5.603,51 euros au titre des frais futurs et 800 euros au titre de son préjudice moral,

Et statuant de nouveau,

condamner M. [H] à payer à M. [R] les sommes de 860,78 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 8.000 euros au titre des dépenses de santé futures et 1.000 euros au titre du préjudice moral,

condamner en conséquence M. [H] à payer à M. [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [H] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 2 septembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [C] et la SA Médicale de France demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article D. 214-32-2 du code rural et de la pêche maritime,

Vu l'article L. 214-8 du code rural,

Vu l'article 1240 du code civil,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande tendant à ce que Mme [C] et son assureur, la Médicale, soient condamnées à le relever et garantir de toutes condamnation prononcées à son encontre et en ce qu'il l'a condamné à payer une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

juger que Mme [C] n'est tenue qu'à une obligation de moyens dans le cadre de l'établissement du certificat médical de l'état de santé apparent du chien,

juger qu'il n'est pas démontré que le retard de développement de trois doigts du postérieur droit pouvait être diagnostiqué le 12 janvier 2018 lors de l'examen réalisé par Mme [C],

juger que Mme [C] n'a pas commis de faute dans la rédaction du certificat vétérinaire du 12 janvier 2018,

en conséquence, débouter M. [H] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Mme [C] et de la Médicale de France,

condamner M. [H] à verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [C] et à la Médicale de France ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre infiniment subsidiaire,

juger que la pathologie génétique présentée par la chienne Isis relève uniquement de l'obligation de garantie du vendeur,

juger que l'hypothétique faute de Mme [C] n'est pas la cause du dommage subi par M. [R],

juger que la perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses a déjà été indemnisée amiablement par la Médicale de France, assureur de Mme [C] par le remboursement intégral du prix d'achat,

en conséquence, débouter M. [H] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Mme [C] et de la Médicale de France,

condamner M. [H] à verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [C] et à la Médicale de France ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'affaire a été clôturée à la date du 10 octobre 2022 et renvoyée à l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 5 janvier 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. [H]

Devant le tribunal, M. [H] a soutenu que M. [R] serait irrecevable à agir comme n'étant pas le propriétaire du chien acheté par Mme [B]. De ce fait Mme [B] est intervenue volontairement en première instance, mais n'a formé aucune demande à titre personnel, soutenant, avec son fils, avoir agi conjointement avec celui-ci, ce qu'a retenu le tribunal. Aucune condamnation n'a été prononcée contre M. [H] au profit de Mme [B], à l'exception de l'indemnité pour frais irrépétibles.

Devant la cour, M. [H] soutient désormais que Mme [B], qu'il a intimée, serait irrecevable en ses demandes comme n'étant pas propriétaire du chien, mais seulement mandataire de M. [R].

Toutefois, cette position, outre qu'elle est contradictoire avec celle adoptée en première instance, est sans aucun effet sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [B] en première instance, le premier juge ayant retenu à bon droit que Mme [B] était recevable comme ayant participé au contrat de vente du chien.

Au demeurant, la cour ne peut que souligner que Mme [B] ne forme aucune demande à titre personnel contre M. [H], à l'exception des frais irrépétibles puisqu'elle a été intimée.

La fin de non-recevoir, qui n'est pas fondée, sera rejetée.

Sur la garantie de conformité

M. [H] fait grief au jugement de l'avoir condamné à indemniser M. [R] sur le fondement de la garantie de conformité alors que l'acquéreur avait déjà été indemnisé par l'assureur du vétérinaire. Il ne conteste plus l'existence de la non-conformité de l'animal, mais soutient que l'acquéreur ne peut cumuler les indemnités.

M. [R] soutient, pour sa part, que la non-conformité de l'animal est établie et que M. [H], vendeur professionnel, est soumis à une présomption irréfragable de responsabilité. Il soutient que l'ensemble des préjudices subis est indemnisable et non le seul prix d'achat.

En application de l'article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime, l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la section 1 du chapitre III de ce code, sans préjudice ni de l'application des articles L. 217-1 à L. 217-6, L. 217-8 à L. 217-15, L. 241-5 et L. 232-2 du code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol. La présomption prévue à l'article L. 211-7 du code de la consommation n'est pas applicable aux ventes ou échanges d'animaux domestiques.

Ainsi, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu, en faisant application des textes précités, et après une exacte analyse des pièces produites aux débats, que :

- le vice de conformité présenté par l'animal objet de la vente est établi, et d'ailleurs non contesté, son existence avant la vente résultant des examens médicaux réalisés qui ont mis en évidence une malformation existant dès la naissance du chiot, qui s'est développée avec sa croissance,

- M. [H], vendeur professionnel, est irréfragablement présumé avoir eu connaissance de ce défaut de conformité, sans qu'il y ait besoin d'établir une faute à son égard,

- que le vendeur est en conséquence tenu de réparer les préjudices subis par l'acquéreur.

Il sera ajouté sur ce dernier point que, conformément à l'article L. 217-11 du code de la consommation, l'application des articles L. 217-9 et L. 217-10 ne fait pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts si l'acquéreur subit un préjudice distinct du seul remboursement, total ou partiel, du prix de vente, de sorte que c'est en vain que M. [H] soutient que l'acquéreur ne pourrait prétendre qu'au seul remboursement du prix de vente.

Par ailleurs le tribunal a rappelé à juste titre que l'acquéreur ayant d'ores et déjà été indemnisé du montant du prix de vente par la transaction intervenue avec l'assureur de Mme [C], il ne réclame rien à ce titre et ne sollicite, encore devant la cour, que l'indemnisation des autres préjudices subis.

Le tribunal sera également approuvé en ce qu'il a retenu que la transaction intervenue avec l'assureur de Mme [C] n'est en rien fautive et n'interdit pas à M. [R] de réclamer à son vendeur l'indemnisation des autres préjudices subis. C'est en vain que M. [H] invoque une faute qui n'est aucunement établie.

Sur les préjudices subis par M. [R]

C'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que :

- le chien, qui est un être vivant, unique et irremplaçable, auquel son maître s'est attaché, ne peut être remplacé, de sorte qu'il ne peut être fait reproche à M. [R] de n'avoir pas accepté un tel remplacement,

- M. [R], qui vit avec l'animal souffrant d'un handicap ayant un retentissement sur son confort de vie, entraîne pour son propriétaire un préjudice moral,

- M. [R] est contraint d'exposer des frais médicaux qui dépassent ceux normalement prévisibles pour un chien en bonne santé, frais qui seront exposés pendant toute la durée de vie de l'animal.

Il sera ajouté que :

- les pièces produites établissent que la malformation des doigts fait souffrir l'animal en lui causant des blessures récurrentes, quand bien même il est en état de marcher et de courir,

- la proposition de remplacement du chiot que M. [H] prétend avoir faite dès qu'il a eu connaissance du vice n'est pas établie, le seul courrier dans lequel il l'évoque étant en date du 17 janvier 2019, soit plus d'un an après la vente, ce qui est très tardif. En tout état de cause, et quand bien même l'animal était très jeune à l'achat, l'attachement du maître est incontestable dès les premières semaines de vie commune, de sorte qu'il ne peut lui être fait reproche de n'avoir pas accepté l'échange proposé, à le supposer établi.

Les pièces produites aux débats (n° 21, 23 et 24 des intimés) établissent que les frais vétérinaires déjà exposés pour les soins résultant de la malformation dont souffre la chienne Isis se sont élevés à 804,50 euros depuis l'achat de l'animal en janvier 2018, jusqu'en janvier 2020. Il convient toutefois de déduire les sommes correspondant aux dépenses suivantes, dont le lien avec la pathologie de la chienne n'est pas établi :

- 30 juin 2018 pour 13,99 euros (illisible)

- 4 octobre 2018 pour 15,59 euros (illisible)

- 10 avril 2018 pour 48 euros (soins sans rapport).

C'est donc une somme de 726,92 euros qui sera allouée à M. [R] au titre des frais déjà exposés.

Concernant les frais futurs, leur indemnisation est justifiée dès lors qu'il est établi qu'un traitement médicamenteux est nécessaire pour soulager l'animal, outre le port d'une botte qu'il convient de renouveler fréquemment. Le tribunal a fait un ratio de la somme qu'il avait calculée au titre des frais exposés pendant 18 mois avec l'espérance de vie de l'animal de 11 ans.

M. [R] sollicite l'allocation d'une somme de 8.000 euros au titre des frais futurs en se fondant sur une somme de 700 à 800 euros par an.

Toutefois, les éléments produits établissent que les frais exposés à hauteur de 726,92 euros l'ont été pour une durée de près de deux ans à compter de l'achat de l'animal (arrondi à 360 euros par année), de sorte que, pour une espérance de vie supplémentaire de 9 années, le montant des frais futurs sera évalué à 360 x 9 = 3.240 euros. Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Enfin, le préjudice moral subi par M. [R], qui est en lien direct avec la malformation litigieuse puisqu'il est contraint de vivre avec un animal handicapé jusqu'à la mort de celui-ci, a été justement évalué par le tribunal à la somme de 800 euros qui sera confirmée, cette indemnité tenant compte du retentissement des souffrances endurées par l'animal sur son maître. En effet, les pièces produites établissent que la malformation des doigts fait souffrir l'animal en lui causant des blessures récurrentes, quand bien même il est en état de marcher et de courir.

Sur la demande de garantie formée à l'encontre de Mme [C] et de son assureur la Médicale de France

M. [H] fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande en garantie contre Mme [C] et l'assureur de celle-ci, alors que la faute commise par le vétérinaire, qui n'a pas diagnostiqué la malformation, serait établie.

Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que :

- le vétérinaire n'est tenu que d'une obligation de moyens et ne peut voir sa responsabilité engagée que pour faute prouvée,

- bien qu'il ne se soit écoulé que 20 jours entre l'examen effectué par Mme [C] et celui qui a permis de déceler la malformation, celle-ci pouvait ne pas être décelable lors du premier examen du 12 janvier 2018 compte-tenu de l'âge du chiot (2 mois et demi) et de la croissance rapide de l'animal à cette période de sa vie,

- en tout état de cause M. [H] ne démontre pas que cette malformation était visible lors de la première consultation.

Il sera ajouté que l'obligation pesant sur le vétérinaire qui délivre le certificat médical prévu par l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime, outre les vérifications concernant l'identification de l'animal et de son propriétaire et la vaccination, est de procéder à un diagnostic de l'état de santé du chien, en vérifiant la cohérence entre sa morphologie et le type racial déclaré, et, le cas échéant, de déterminer la catégorie à laquelle il appartient. Il s'agit ainsi d'un examen de l'état de santé apparent de l'animal.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que la malformation dont souffre la chienne Isis résulte d'une absence de développement de trois doigts du postérieur droit, ce qui signifie que sur un chien très jeune, ce défaut n'est pas nécessairement décelable sans examen approfondi. C'est d'ailleurs l'imagerie réalisée en juin 2018 qui a permis de confirmer le diagnostic.

L'avis produit par M. [H] émanant du docteur [J] (pièce n° 6) n'est pas probant quant à la faute alléguée contre Mme [C]. En effet, outre qu'il s'agit d'un avis non contradictoire et émis uniquement sur pièces, si ce vétérinaire indique que l'anomalie est présente dès la naissance, il n'établit pas qu'elle aurait été décelable lors d'un examen de l'état de santé apparent sur un très jeune chiot.

Enfin, la transaction conclue entre M. [R], d'une part, et Mme [C] et son assureur, d'autre part, n'est pas constitutive d'une quelconque reconnaissance de responsabilité du vétérinaire. En effet, une telle mention ne figure pas sur l'acte et, s'agissant d'une transaction, le rapprochement des parties avait pour objectif de mettre fin à tout litige entre eux par des concessions réciproques, sans que M. [H] puisse en tirer un quelconque bénéfice.

M. [H] ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe de la faute commise par Mme [C] et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande en garantie.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner M. [H] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 1.000 euros à M. [R] et Mme [B],

- 1.000 euros à Mme [C] et la Médicale de France.

M. [H], qui succombe à titre principal, supportera les entiers dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] [H],

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 25 janvier 2021, sauf en ce qu'il a condamné M. [U] [H] à payer à M. [O] [R] :

- la somme de 764,12 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- la somme de 5.603,51 euros au titre des frais futurs,

Réformant et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Condamne M. [U] [H] à payer à M. [O] [R] les sommes de:

- 726,92 euros au titre des dépenses de santé déjà exposées,

- 3.240,00 euros au titre des frais futurs,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [H] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

- à M. [O] [R] et Mme [P] [B] la somme de 1.000 euros,

- à Mme [D] [C] et la Médicale de France la somme de 1.000 euros,

Condamne M. [U] [H] aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 05 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00483
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.00483 ?
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