COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 03 Janvier 2023
N° RG 20/01300 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GRQD
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 22 Septembre 2020
Appelants
M. [E] [Y]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
Mme [I] [W] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6] (51), demeurant [Adresse 7]
Représentés par la SCP MAX JOLY ET ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimées
S.A.S. MG2A, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL ARGUO AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.R.L. SOCIETE DAUPHINE SAVOIE CONSEIL ET FINANCE, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Représentée par Me Véronique GUIDO, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS
S.A.R.L. REAL, dont le siège social est situé [Adresse 5]
Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
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Date de l'ordonnance de clôture : 19 Septembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 octobre 2022
Date de mise à disposition : 03 janvier 2023
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Composition de la cour :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et Procédure :
M. [E] [Y], charcutier traiteur, et son épouse Mme [I] [Y], ostéopathe libérale, étaient propriétaires d'un chalet à la Rozière 73, commune où ils travaillaient également. Ils connaissaient des difficultés financières importantes liées au remboursement de deux emprunts immobiliers (acquisition et travaux dans le chalet), ainsi que de crédits à la consommation et sollicitaient l'aide de leur société comptable, la société MG2 A qui les mettait en relation avec la société Dauphiné Savoie conseil & finance (DSCF), spécialisée dans le courtage et la restructuration de crédits. Avec cette dernière, une vente à réméré de leur chalet était envisagée, vente de nature à permettre le solde des dettes et le rachat ultérieurement de leur habitation. La société Réal intervenait pour la mise en oeuvre de cette solution en trouvant un acquéreur.
Suivant acte notarié en date du 4 décembre 2015, M. Mme [Y] vendaient leur chalet aux consorts [X] et M. [V] au prix de 279 000 euros, avec une faculté de rachat pour :
- 324'000 euros, si elle était exercée avant le terme du 12ème mois suivant la vente,
- 333'000 euros, si elle était exercée avant le terme du 18ème mois suivant la vente,
- 345'000 euros, si elle était exercée avant le terme du 24ème mois suivant la vente.
Un avenant en date du 29 novembre 2017 prévoyait ensuite une prorogation de 12 mois (soit jusqu'au 3 décembre 2018) du délai d'exercice de la faculté de rachat, fixant à 380 000'euros le montant à verser pour racheter le bien.
Cependant, M. Mme [Y] ne pouvaient pas procéder au rachat à l'issue du terme et engageaient une action en responsabilité contre les trois sociétés intervenantes.
Par jugement rendu le 22 septembre 2020, rendu sur assignation de M. Mme [Y] du 25 mars 2019, le tribunal de commerce d'Annecy, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
' déboutait M. Mme [Y] de toutes leurs demandes ;
' condamnait M. Mme [Y] à payer à la société MG 2A, la société Dauphiné Savoie conseil & finance et la société Réal, la somme de 1 500'euros chacune, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamnait M. Mme [Y] aux dépens ;
au visa principalement des motifs suivants :
' M. Mme [Y] n'apportaient pas la preuve ni que la société MG 2A avait validé les éléments économiques de la vente à réméré, ni qu'ils se trouvaient en état de cessation de paiement ou de difficultés que l'activité de M. [Y] n'aurait pas été en mesure de surmonter ;
' M. Mme [Y] n'apportaient pas la preuve d'un éventuel état de cessation de paiements, ou de sa perspective inévitable, qui n'aurait pu échapper à la vigilance normale de la société DSCF compte tenu de son évidence, l'activité professionnelle de M. [Y] étant fluctuante mais rentable en l'absence de prélèvements personnes excessifs ;
' les différents documents signés par M. Mme [Y] le 3 juin 2015 démontraient qu'ils avaient été informés sur le mécanisme de la vente avec possibilité de rachat ;
Par déclaration au Greffe en date du 5 novembre 2020, M. Mme [Y] interjetaient appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Prétentions des parties :
Par dernières écritures en date du 3 février 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. Mme [Y] demandaient à la cour de dire leur appel recevable, d'infirmer le jugement entrepris et de statuer de nouveau comme suit :
' débouter les intimées de leurs demandes reconventionnelles ;
' dire et juger que la société MG2 A, la société DSCF, et la société Réal avaient commis des fautes engageant leur responsabilité civile pour défaut d'information et de conseil ;
' condamner in solidum la société MG2 A, la société DCF et la société Réal à leur payer les sommes suivantes :
- perte financière sur la maison : 235'000'euros,
- indemnités d'occupation : 91'200'euros,
- préjudice financier (loyer) : 20'000'euros,
- frais d'acte inutiles : 2'000 euros,
- préjudice moral : 70'000'euros ;
' condamner les mêmes, à la même solidarité, à leur verser la somme de 10'000'euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions en date du 30 août 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société MG 2A demandait à la cour de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant,
' condamner M. Mme [Y] à lui payer la somme de 5'000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. Mme [Y] aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Juliette Cochet Barbuat.
Par dernières conclusions en date du 27 avril 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société DSCF demandait à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
' condamner M. Mme [Y] à lui payer la somme de 10'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. Mme [Y] aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions en date du 1er septembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Réal demandait à la cour de confirmer les dispositions du jugement entrepris et y ajoutant,
' condamner M. et Mme [Y] à lui payer à une nouvelle indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile, afférente à la procédure devant la cour d'appel, d'un montant de 4 000'euros ;
' condamner M. Mme [Y] aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la société civile professionnelle Christine Visier-Philippe ' Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Une ordonnance en date du 19 septembre 2022 clôturait l'instruction de la procédure et l'affaire était audiencée le 18 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
MOTIFS ET DÉCISION
1 - sur la responsabilité de la société MG2 A
M. Mme [Y] soutiennent que la société MG2 A a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en vertu de l'article 1231-1 du code de civil dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information et de conseil à laquelle, en tant qu'expert-comptable, elle était tenue à l'égard de ses clients. Ils font valoir que dans leur cas, le déclenchement d'une procédure collective était possible et ne leur a pas été conseillé alors qu'ils étaient en état de cessation de paiement en raison des dettes professionnelles de M. [Y] supérieures à son bénéfice et de dettes personnelles conséquentes (prêts immobiliers et prêts à la consommation). Selon eux, la mise en contact avec la société DSCF, initiée par la société MG2 A, était inappropriée, d'autant plus que cette dernière a été directement informée par la société DSCF de la proposition de vente à réméré et qu'elle ne s'est pas préoccupée du refinancement du rachat de leur chalet à la fin du processus.
La société MG2A soutient que l'obligation qui pèse sur elle est une obligation de moyen dont le périmètre est limité à sa seule mission et qui trouve ses limites dans la carence du client et dans la participation de celui-ci à la production de son dommage. Elle fait valoir que M. Mme [Y] ne lui ont pas donné à titre personnel une mission de conseil se rapportant à l'opération de vente à réméré qu'ils ont conclue par l'intermédiaire de la société DSCF et de la société Réal et à laquelle elle-même n'a pas participé. Elle indique avoir dirigé M. Mme [Y] vers un professionnel spécialisé en raison de leurs difficultés financières personnelles. En outre, elle souligne que la preuve d'un état de cessation des paiement en 2015 n'est pas rapportée par M. Mme [Y] et que la décision du tribunal de commerce n'ordonne pas obligatoirement un plan de continuation. Enfin, selon elle, les difficultés de M. Mme [Y] étaient dues à leur train de vie dispendieux.
Sur ce,
Selon l'article 1147 (ancien) du code civil, applicable en l'espèce, ''Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
Aux termes de l'article 15 du code de déontologie des experts-comptables, ceux-ci sont tenus dans 'la mise en oeuvre de chacune de leurs missions, vis à vis de leurs clients à un devoir d'information et de conseil, qu'ils remplissent dans le respect des textes'.
Aux termes d'une jurisprudence constante, il est établi que, sauf cas particulier, l'expert comptable ne contracte, à l'égard de son client, qu'une obligation de moyen, de sorte que la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle ne peut intervenir que si une faute est caractérisée à son encontre et que celle-ci est à l'origine du préjudice subi par le demandeur à l'action (Com, 18 février 1997, pourvoi no 94-21. 029 ; Civ 1ère, 15 mars 1983, B I no 98) et qu'il ne peut être imputé de faute à l'expert-comptable qu'en cas de manquement de ce dernier à son obligation de conseil dans le cadre de la mission qui lui est confiée (cass com 11 mars 2008 pourvoi n°0712158).
Par ailleurs, il appartient au client de l'expert-comptable qui invoque un manquement à l'obligation de conseil de rapporter la preuve de la faute commise.
En l'espèce, la société MG2 A était en charge d'établir les comptes annuels et la liasse fiscale de M. Mme [Y] pour chacune de leur activité professionnelle soit pour M. [Y] celle de charcutier traiteur, soit pour Mme [Y] d'ostéopathe, ainsi que d'une mission comptable et fiscale pour la SCI [Y], propriétaire d'un appartement jusqu'au 26 novembre 2014.
Compte tenu de leurs difficultés financières personnelles, M. Mme [Y] estiment que la société MG2 A aurait dû leur préconiser d'introduire une procédure collective et les a mal conseillés en les orientant vers la société DSCF.
Avant toute autre considération, il n'entrait pas dans la mission de l'expert comptable ni de gérer les comptes liés à la vie privée de M. Mme [Y], ni même de s'immiscer dans ces comptes notamment par rapport au recours aux prêts à la consommation. Par ailleurs, il apparaît que M. Mme [Y] se sont entretenus avec leur expert comptable de leurs difficultés financières personnelles courant l'été 2014 puisque la pièce produite par M. Mme [Y] en ce sens est en date du 27 août 2014 (pièce 5) dans laquelle ils listent leurs prêts à la consommation qui représentaient alors un total mensuel de remboursement de 1 018,41 euros, tout en disant 'c'est vrai que cela fait beaucoup' et rejetant la faute de leur situation sur la banque crédit agricole, demandant même à leur comptable de rencontrer la banque populaire. Dans ce courriel, M. Mme [Y] expliquent les mesures qu'ils entendent prendre et les espoirs qu'ils nourrissent, étant parfaitement conscients de leur situation, avec cette remarque 'ce que je ne peux pas expliquer à la banque c'est que nous avons eu beaucoup de chose à nettoyer en psychogénéalogie avec l'argent, eh, c'est un truc de dingue, à vous, je vous l'explique..'.
Face à cette problématique, effectivement, la société MG2 A n'a pas conseillé à ses clients de demander l'ouverture d'une procédure collective mais les a mis en relation avec une société spécialisée en intermédiation avec les banques et conseil en gestion de patrimoine. Il s'agissait manifestement d'un conseil avisé puisque les difficultés financières personnelles de M. Mme [Y] ne ressortaient pas de sa compétence et de ses attributions. M. Mme [Y] ont pu soutenir que la société MG2 A avait participé à l'opération de vente à réméré mais cette affirmation est proprement inexacte, d'une part, la société MG2 A n'a pas mis M. Mme [Y] en relation avec la société DSCF pour une vente à réméré, d'autre part, elle a simplement été tenue informée de la solution mise en place puisque c'était elle qui avait dirigé M. Mme [Y] vers la société DSCF.
S'agissant de l'absence de conseil sur l'ouverture d'une procédure collective, M. Mme [Y] soutiennent qu'ils n'étaient pas en mesure de faire face, avec leur actif disponible, au passif exigible professionnel et personnel, mais qu'un plan de continuation sur dix ans aurait permis d'assainir cette situation.
Aux termes de l'article L631-1 du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est subordonnée à un état de cessation des paiements qui se caractérise par l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
M. Mme [Y] n'indiquent pas la date à laquelle ils se seraient trouvés en état de cessation des paiements. Ils ont informé leur comptable en août 2014 de leurs problèmes personnels et ont eu leur premier rendez-vous avec la société DSCFen mars 2015 et ont rempli un questionnaire en juin 2015, destiné d'ailleurs à la société Réal et non à la société MG2 A, ce qui conduirait à s'interroger sur leur situation à l'automne 2014. Le bilan de l'activité de M. [Y] est établi pour l'année courant du 1 octobre de l'année N-1 au 30 septembre de l'année N. Au 30 septembre 2014, le résultat de son exploitation était bénéficiaire de 27 934 euros. Les dettes inscrites au passif du bilan étaient de 39 429 euros mais M. Mme [Y] ne donnent pas le détail des dettes qui auraient été exigibles à supposer qu'il faille retenir cette date là, étant par ailleurs précisé qu'ils avaient obtenu dès septembre 2014 un délai pour le paiement de la dette RSI (délais renouvelés ultérieurement). L'examen des bilans des années suivantes, bien qu'il ne soit pas contestable que M. [Y] se heurtait à des difficultés de trésorerie comme le lui signalait son comptable à chaque fois, montre une augmentation du chiffre d'affaires, une augmentation du résultat d'exploitation (notamment en 2016 de 56 191 euros, en 2017 de 45 609 et de 51 472 en 2018) et des prélèvements personnels supérieurs à 50 000 euros pour 2015, 2017 et 2018, ceux-ci ayant connu une baisse substantielle en 2014 (24 448 (contre 49 951 euros en 2013) et en 2016 (20 121 euros). Le bilan de l'activité de Mme [Y] était établi pour l'année N complète. M. Mme [Y] mettent en exergue une activité déficitaire au 31 décembre 2013 mais sa situation professionnelle au 31 décembre 2014 était bénéficiaire de 6 571 euros et ses dettes résultant d'un emprunt bancaire donc non exigibles immédiatement étaient de 1 805 euros. La SCI avait un chiffre d'affaire au 31 décembre 2014 de 11 208 euros. Ses ressources provenaient de loyers d'un appartement vendu en octobre 2014 d'où un produit exceptionnel de 32 000 euros mais un résultat exceptionnel déficitaire en raison de charges exceptionnelles sur opérations en capital.
En définitive, à l'examen de ces éléments, il n'est pas établi que les conditions d'ouverture d'une procédure collective aient été réunies, d'autant qu'ultérieurement, aucune procédure collective n'a été mise en oeuvre par M. Mme [Y].
Ainsi, aucun manquement à son devoir de conseil ne saurait être reproché à la société MG2 A et le jugement entrepris sera confirmé sur le rejet des prétentions de M. Mme [Y] à son égard.
2 - sur la responsabilité de la société DSCF
M. Mme [Y] soutiennent que la société DSCF avait une obligation de conseil à leur égard et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait à cette obligation, dès lors qu'elle ne leur a pas proposé la seule solution possible et viable soit la procédure collective. Ils font valoir que la vente à réméré leur a été proposée sans étude de leur faculté de rachat, alors que leur objectif était de conserver leur chalet et qu'ils étaient inscrits au fichier des incidents bancaires.
La société DSCF conteste tout manquement à son obligation d'information et soutient que la vente à réméré était adaptée, la solution d'un crédit ou de l'apport d'un financement par une SCI ayant échoué et la vente à réméré permettant d'apurer les dettes et d'avoir une possibilité de racheter le bien vendu. Elle soutient que le refinancement avait été pris en compte, que la situation professionnelle de M. [Y] était correcte et que les conditions du contrat de vente à réméré étaient classiques. Enfin, elle fait valoir que les circonstances de la mise en oeuvre d'une procédure collective à l'époque ne sont pas démontrées.
Sur ce,
M. Mme [Y] ont pris contact avec la société DSCFsans préciser à quelle date mais ils ont eu un premier rendez-vous le 19 mars 2015 et il leur avait été demandé par cette société d'apporter, pour ce rendez-vous, toutes les pièces afférentes à leurs dettes ainsi que leurs avis d'imposition et leur dernier bilan.
Aucun document contractuel n'est versé par les parties mais il n'est pas contestable ni en définitive contesté que M. Mme [Y], comme l'ont souligné les premiers juges, ont pris contact avec la société DSCF dans le but que celle-ci examine leur situation financière compliquée et qu'elle cherche des solutions pour les résoudre, sachant que M. Mme [Y] souhaitaient conserver leur maison d'habitation comme ils l'ont écrit dans un questionnaire rempli pour la société Réal en date du 3 juin 2015, étant à ce stade également précisé, qu'il n'est pas indiqué par M. Mme [Y] s'ils avaient établi et publié une déclaration d'insaissibilité de leur domicile, valable uniquement pour les dettes professionnelles, l'insaissibilité de plein droit n'étant applicable qu'à compter du 8 août 2015, de telle sorte qu'une procédure collective était susceptible de leur faire perdre leur domicile, ce qu'ils ne voulaient pas, de sorte qu'il est particulièrement étonnant qu'ils estiment désormais qu'une procédure collective fût la seule solution, sauf évidemment à considérer que le tribunal commerce aurait satisfait automatiquement à une demande de plan de redressement sans condition préalable comme ils paraissent l'affirmer.
En tout état de cause, la société DSCF était tenue à leur égard d'une obligation de conseil, obligation de moyen, qui nécessite que M. Mme [Y] rapportent la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de connexité.
Au vu des pièces produites et plus particulièrement des mails d'information adressés par la société DSCF à l'expert-comptable, la société DSCF a, après avoir étudié la situation financière de M. Mme [Y] et envisagé un crédit de restructuration qui s'est avéré impossible à mettre en place compte tenu du taux d'endettement qu'il aurait fait peser sur M. Mme [Y], proposé la vente de leur maison à leur SCI afin d'obtenir une somme de 200 000 euros pour solder leurs dettes à la condition d'avoir un autre associé ayant une solidité financière certaine ('pour ne pas risquer 'un dépôt de bilan' à la demande du RSI' mail 19 mars 2015 de la société DSCF à la société MG2 A), M. Mme [Y] ayant pensé à leur frère. Ultérieurement, la société DSCF indiquait que cette solution avait été abandonnée car aucun membre de la famille n'avait donné suite à la demande de M. Mme [Y] et qu'elle avait orienté ces derniers vers la vente à réméré prévue par les articles 1659 et suivants du code civil (mail du 21 mai adressé à la société MG2 A et à M. Mme [Y], mail qui expliquait le mécanisme de cette vente).
M. Mme [Y] n'indiquent pas non plus par rapport à la société DSCF la date à laquelle ils se seraient trouvés en état de cessation des paiements, alors que début 2015, sur les dettes professionnelles, un tiers environ était constitué pour M. [Y] des dettes sociales pour lesquelles ils avaient obtenu un moratoire et en 2015, le bilan de M. [Y] s'était amélioré. Ils ne démontrent pas non plus s'être trouvés en état de cessation des paiements au moment où ils ont été en contact avec la société DSCF avec laquelle ils avaient justement pris attache pour trouver une solution de restructuration de crédit ou autre afin d'éviter la vente de leur chalet. Ils ne démontrent donc pas l'existence d'une faute de la société DSCF à son devoir de conseil et d'information ni sur la nécessité d'engager une procédure collective ni sur la vente à réméré dont le mécanisme particulier leur a été expliqué tant par la société DSCF qu'ensuite par la société mandataire immobilière spécialisée, la société Réal, vers laquelle la société DSCF avait pris le soin de les renvoyer pour sa mise en oeuvre. Le financement du rachat avait été envisagé, contrairement aux dires de M. Mme [Y], qui nécessitait comme l'ont souligné les premiers juges, une gestion rigoureuse. Ainsi, dès le 27 avril 2016, la société DSCF se préoccupait du dossier de financement, qui à l'évidence ne pouvait passer que par un crédit bancaire ce que ne pouvaient pas ignorer M. Mme [Y] qui d'ailleurs n'évoquent aucune autre possibilité, puisqu'elle sollicitait de la société MG2 A le bilan 2015, mail adressé également à M. Mme [Y].
Ainsi, aucun manquement à son devoir de conseil ne saurait être reproché à la société DSCF et le jugement entrepris sera confirmé sur le rejet des prétentions de M. Mme [Y] à son égard.
3- sur la responsabilité de la société Réal
M. Mme [Y] soutiennent que la société Réal a manqué à son obligation d'information qui pesait sur elle en vertu des articles 1991et 1992 du code civil, relatifs au mandat, en n'attirant pas leur attention sur les risques inhérents à la vente à réméré et, alors qu'elle avait connaissance de leurs difficultés financières, en ne se préoccupant pas de leur faculté de rachat, sa mission n'étant pas limitée à la simple entremise. M. Mme [Y] sous-entendent que son intervention était mue uniquement par un objectif financier d'autant qu'aucune personne de cette société ne s'était déplacée ou ne les avait rencontrés, alors que la société avait évalué le chalet à 450 000 euros.
La société Réal fait valoir qu'elle était tenue d'une obligation de moyen en sa qualité de mandataire courtier en transactions immobilières/agent immobilier et qu'il appartient à M. Mme [Y] de démontrer sa faute. Elle soutient que ces derniers ont été parfaitement informés sur les risques d'une telle vente en cas d'impossibilité de rachat. Elle indique que l'obligation jurisprudentielle incombant à l'agent immobilier de vérification de la solvabilité apparente de l'acquéreur aux fins de garantir l'efficacité de l'acte de vente pour lequel il a mis les parties en relation ne peut s'appliquer au mandant bénéficiaire de la faculté de rachat d'un contrat de vente à réméré, s'agissant de sa propre situation financière qu'il connaît. Par ailleurs, elle fait valoir que M. Mme [Y] ne rapportent pas la preuve que la faculté de rachat était vouée à l'échec et ils ne démontrent pas la pertinence de la mise en oeuvre d'une procédure collective qu'il ne lui appartenait pas à elle de proposer.
Sur ce,
Les articles 1991 alinéa 1 et 1992 du code civil sur le mandat prévoient respectivement que 'le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution' et 'le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire'.
S'agissant des particularités de la vente à réméré, M. Mme [Y] ont été adressés à la société Réal par la société DSCF selon courriel en date du 5 mai 2015 pour étudier une proposition de vente à réméré de leur habitation principale.
Ils ont signé ensuite avec la société Réal une lettre de mission en date du 3 juin 2015 dont l'article 1 précise ' le donneur d'ordre mandate, par l'intermédiaire du cabinet DSCF (adresse), la société Réal, afin de rechercher une possibilité de mise en place d'une vente avec faculté de rachat portant sur un bien immobilier à [Localité 8] (74) (adresse), bien constituant sa résidence principale'. Une rémunération du mandataire était prévue. Il pesait donc sur la société Réal une obligation d'information et de conseil portant notamment sur les spécificités d'une telle vente et sur son adéquation avec la situation financière de M. Mme [Y], ainsi que sur les risques encourus en cas de non rachat.
La lettre de mission précitée contient les renseignements sur la particularité de la vente à réméré et sur les risques en cas de non rachat, sachant que le mécanisme de la vente avait aussi été expliqué par la société DSCF dans un courriel du 21 mai 2015 adressé à la société MG2 A et à M. Mme [Y]. Ce document du 3 juin 2015 faisait porter par ailleurs l'obligation sur M. Mme [Y] de faire évaluer leur bien et de faire procéder aux diagnostics préalables ce qu'ils avaient fait en produisant deux évaluations d'agences à hauteur pour l'une de 396 650 euros, pour l'autre entre 430 000 euros et 450 000 euros. Ils avaient donc une parfaite connaissance de la valeur possible de leur bien en cas de vente classique.
M. Mme [Y] ont également rempli le même jour un relevé des dettes financières et autres comprenant leurs dettes professionnelles et leurs dettes personnelles. Ils ont également spécifié que leur demande de financement portait non plus sur 200 000 euros comme déterminé dans leur projet initial mais sur 205 000 euros. Ils ont en outre précisé l'origine de leurs difficultés comme provenant de l'attitude du crédit agricole qui lors d'une vente d'un terrain par leurs soins, aurait affecté le produit de cette vente reçue sur leur compte au remboursement partiel d'un prêt contracté pour les travaux de leur maison, alors qu'ils souhaitaient avec cette somme solder leurs prêts à la consommation, ces prêts les empéchant selon eux de reconstituer leur trésorerie depuis 2011. Ils ont expliqué enfin présenter une demande de vente avec faculté de rachat 'pour ne pas perdre leur capital immobilier acquis depuis 13 années de travail'. Enfin, ils ont signé un document intitulé 'vente avec faculté de rachat sur 12-18-24 mois' détaillé comprenant leurs revenus mensuels sur trois ans, la valeur de leur bien à confirmer (450 00 euros), leurs besoins financiers : 205 000 euros pour mise à disposition ; 30 000 euros pour un apport personnel futur ; 24 000 euros correspondant à une indemnité d'occupation de 1 000 euros sur 24 mois ; 20 000 euros pour les honoraires d'intermédiation, 21 000 euros étant prévus pour les frais et honoraires du notaire soit un total pour l'investisseur de 300 000 euros. Il était également spécifié que M. Mme [Y] verseraient à leur charge une indemnité d'occupation de 1 400 euros. Enfin s'agissant de la valeur d'exercice du rachat, si M. Mme [Y] rachetaient : dans un délai de 12 mois, ils devaient payer la somme de 324 000 euros moins les sommes séquestrées soit un solde de 282 000 euros ; dans un délai de 18 mois, un solde de 297 000 euros ; dans un délai de 24 mois, 315 000 euros. La différence entre le prix de vente hors frais de notaire (279 000) et la valeur de rachat à 12 mois (282 000 euros) était donc de 3 000 euros, puis de 18 000 euros à 18 mois puis 36 000 euros à deux ans. Le compromis de vente signé devant notaire le 26 juin 2015 reprenait les particularités de cette vente.
Selon le décompte notarié établi de la vente du bien le 29 novembre 2015, il est revenu à M. Mme [Y] une somme de 23 392 euros après paiement de leurs dettes, puis ultérieurement, une somme de 3 840 euros de l'acheteur en raison d'un retard.
Enfin, comme le souligne la société Réal, M. Mme [Y] ont eux-mêmes sollicité du notaire un avenant (en date du 29 novembre 2017) à l'acte de vente pour prolonger leur délai de rachat d'une année (soit jusqu'au 3 décembre 2018). Ils ont négocié une indemnité d'occupation à la somme de1 400 euros (au lieu de 2 400 euros versée par eux et par le compte séquestre), et un rachat à 380 000 euros. Dans leur courrier adressé au notaire le 2 novembre 2017, ils avaient aussi précisé qu'en cas d'échec d'obtention d'un prêt, ils prendraient la décision de rechercher en direct un acquéreur pour leur bien, en accord avec leur investisseur.
Il n'est donc pas établi que la société Réal aurait manqué à son devoir d'information et de conseil sur la vente à réméré et sur ses conditions notamment au niveau du prix de vente et du prix de rachat.
S'agissant des facultés de rachat par M. Mme [Y] de leur bien, ceux-ci affirment que rien de particulier n'avait été prévu pour le rachat alors qu'il était évident qu'ils ne pourraient pas compte tenu de leur situation financière et de leur âge, obtenir un crédit bancaire.
Cependant, dès le 27 avril 2016, la société DSCF se préoccupait du dossier de financement, comme indiqué ci-avant.
Par ailleurs, contrairement à leur affirmation, l'obtention du crédit demeurait possible. Il ne s'agissait pas d'un crédit de restructuration mais d'un crédit 'initial' d'un montant ne dépassant pas les 315 000 euros (après déduction des sommes séquestrées) dans le délai de deux ans initialement prévu sur lesquels ils avaient théoriquement un apport de 23 392 euros (solde de la vente initiale). En 2017, date d'échéance des 24 mois, M. [Y] était âgé de 57 ans et son épouse de 50 ans, âges qui n'interdisaient pas de souscrire un prêt. D'ailleurs, il résulte d'un mail de la société DSCF à la société Réal en date du 3 mai 2017 qu'elle a fait des démarches sérieuses auprès des banques et que deux banques lui ont accordé un rendez-vous, la société DSCF précisant aussi que les chiffres d'affaire étaient en progression, ce qui était exact, et que sur les quatre derniers mois, leur situation était rentrée dans l'ordre, avec également une autre rentrée d'argent prévisible (location saisonnière d'une partie de leur habitation). La banque Laydernier leur a d'ailleurs fait une proposition de crédit en date du 13 juillet 2017, sans que M. Mme [Y] expliquent la raison pour laquelle le montant du prêt (383 000 euros) est supérieur à la valeur de rachat car incluant à nouveau un prêt de travaux de 50 000 euros ce qu'ils n'avaient pas indiqué à l'origine et sans qu'ils fassent état d'un apport autre que les fonds séquestrés, mais surtout sans qu'ils précisent les raisons pour lesquelles ils n'ont pas accepté cette offre. De même, alors que le notaire rédacteur leur avait de nouveau adressé une procuration fin 2018 pour une nouvelle prorogation, ils l'avaient retournée hors délai. Ils ne fournissent aucun élément sur une cession de leur créance de réméré qu'ils avaient a priori envisagé fin 2017. Enfin, M. Mme [Y] produisent uniquement d'une part, un courriel d'un courtier Up Immo du 5 août 2019 indiquant qu'il ne peut déposer de dossier mais ce courriel non circonstancié est sans intérêt, d'autre part, un courrier de refus de prêt émanant du CIC mais en date du 30 juillet 2019 d'un montant de 397 000 euros selon une demande faite en octobre 2017, sans que M. Mme [Y] ne s'expliquent sur le délai d'examen de leur demande et sur le montant du prêt sollicité de 397 000 euros alors que la somme nécessaire au rachat était de 315 000 euros hors apport personnel.
Enfin, M. Mme [Y] n'expliquent pas non plus en quoi un mandataire immobilier, contacté pour une vente à réméré aurait eu pour mission de leur proposer une procédure collective, alors qu'eux-même en tant commerçant et profession libérale, normalement avisés, avaient obligatoirement déjà connaissance de l'existence de ce mécanisme de procédure collective, et de façon surabondante, il sera fait référence à la motivation ci-dessus exposée sur l'absence des conditions d'ouverture d'une telle mesure.
En conséquence, aucune faute n'étant établie à l'encontre de la société Réal en sa qualité de mandataire immobilier, le jugement entrepris sera confirmé sur le rejet des prétentions de M. Mme [Y] à son égard.
4 ) sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement de première instance sur les dépens et les indemnités procédurales seront confirmées.
M. Mme [Y], qui succombent, seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel, lesquels seront distraits au profit de la selarl Lexavoué Grenoble Chambéry et la scp Christine Visier-Philippe ' Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocates, sur leur affirmation de droit. Leur demande d'indemnité procédurale sera rejetée.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de chacune des intimées à hauteur de 1 200 euros chacune.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. Mme [Y] aux dépens de l'instance d'appel, lesquels seront distraits au profit de la selarl Lexavoué Grenoble Chambéry et la scp Christine Visier-Philippe ' Carole Ollagnon-Delroise & associés, avocates, sur leur affirmation de droit,
Déboute M. Mme [Y] de leur demande d'indemnité procédurale,
Condamne M. Mme [Y] à payer une indemnité procédurale de 1 200 euros à chacune des intimées, la société DSCF, la société MG2 A et la société Réal.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le
à
la SCP MAX JOLY ET ASSOCIES
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Me Véronique GUIDO
la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Me Véronique GUIDO
la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES