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03/01/2023 | FRANCE | N°20/01286

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 03 janvier 2023, 20/01286


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 03 Janvier 2023





N° RG 20/01286 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GROT



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 16 Octobre 2020





Appelants



Mme [S] [K] [J] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]



M. [N] [C] [L]

né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
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Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par l'ASSOCIATION ALFREDO, BAYSSIERES, avocats plaidants au barreau de MONTPELLIER




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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 03 Janvier 2023

N° RG 20/01286 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GROT

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 16 Octobre 2020

Appelants

Mme [S] [K] [J] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

M. [N] [C] [L]

né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par l'ASSOCIATION ALFREDO, BAYSSIERES, avocats plaidants au barreau de MONTPELLIER

Intimée

Société LE MONT D'ARBOIS, dont le siège social est situé [Adresse 7]

Représentée par la SCP COUTIN, avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE

Représentée par Me Clothilde CANAVATE, avocat plaidant au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 19 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 octobre 2022

Date de mise à disposition : 03 janvier 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour lors des débats et du délibéré :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

Mme [S] [J] épouse [L] et M. [N] [L] ont été démarchés il y a une trentaine d'années pour un concept de vacances consistant à jouir d'un appartement pendant une certaine période de l'année.

Les époux [L] ont demandé à la SCI le Mont d'Arbois de leur communiquer l'acte d'acquisition des parts, au regard du fait que la société civile immobilière Le Mont d'Arbois leur adressait régulièrement des appels de charges.

Par acte en date du 14 novembre 2019, Mme [S] [J] épouse [L] et M. [N] [L] ont fait assigner la SCI le Mont d'arbois devant le tribunal de grande instance de Bonneville aux fins notamment de voir ordonner à la SCI le Mont d'Arbois de cesser toute réclamation en paiement de charges au titre de la prétendue qualité d'associé des requérants.

Par jugement rendu le 16 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Bonneville a :

constaté que M. [N] [L] et Mme [S] [J] épouse [L] sont propriétaires de vingt-six parts sociales de la SCI le Mont d'arbois,

En conséquence,

déclaré recevables les demandes de M. [N] [L] et de Mme [S] [J] épouse [L],

débouté M. [N] [L] et son épouse, Mme [S] [J] épouse [L] de leurs demandes de retrait de la SCI le Mont d'arbois, sur le fondement de l'article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986, et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté le surplus des demandes,

condamné M. [N] [L] et son épouse, Mme [S] [J] épouse [L] à payer à la SCI le Mont d'arbois la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [N] [L] et son épouse, Mme [S] [J] épouse [L] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au Greffe en date du 3 novembre 2020, M. [N] [L] et Mme [S] [J] épouse [L] ont intejeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Prétentions des parties

Par dernières conclusions en date du 30 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [N] [L] et Mme [S] [J] épouse [L] (ci-après dénommés les époux [L]) demandent à la cour de :

Au principal,

- réformer le jugement dont appel, et, statuant à nouveau,

- dire et juger que les concluants ne sont pas associés de la société intimée,

- ordonner à cette dernière de cesser toute réclamation en paiement de charges au titre de leur prétendue qualité d'associés, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,

Subsidiairement,

Vu l'article 19-1 de la loi n°86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé,

- autoriser les concluants à se retirer totalement de la société intimée,

- fixer l'évaluation de leurs parts à la somme de 39,52 euros proposée par la société intimée,

- condamner l'intimée à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Les époux [L] soutiennent que :

- les méthodes de commercialisation agressives constitutives d'escroquerie régulièrement employées par les sociétés du secteur de la multipropriété privent les actes signés dans ces conditions de tout effet juridique, si bien qu'il doit être considéré qu'ils ne sont pas associés,

- à titre subsidiaire, ils demandent à être autorisés à se retirer de la société civile immobilière pour des raisons de santé, Mme [S] [L] souffrant de différentes pathologies et étant en outre sujette à des chutes,

- la jurisprudence admet le retrait lorsque l'état de santé du titulaire du droit interdit l'usage personnel du droit de jouissance,

- ils ont tenté en vain de revendre leurs droits depuis septembre 2019, la vente de telles actions étant pratiquement impossible en l'absence de marché, même pour un prix symbolique,

- ils acceptent que leurs droits soient évalués à la valeur nominale proposée par l'intimée, et soulignent que cette évaluation réalisée par l'intimée constitue un aveu implicite de l'absence de marché dans ce domaine.

Par dernières conclusions en date du 31 août 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société civile immobilière le Mont d'Arbois demande à la cour de :

Vu l'article 19-1 de la loi n°86-18 du 6 janvier 1986,

- recevoir la SCI le Mont d'Arbois en ses demandes, fins et conclusions,

- l'y déclarer bien fondée,

Par conséquent,

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, sur la demande de retrait,

- fixer la valeur des parts sociales détenues par M. et Mme [L] à la somme de 39,52 euros,

- condamner M. et Mme [L] au paiement de l'ensemble des coûts afférents au retrait, dont les frais occasionnés par le retrait des associés, à savoir les frais notariés, les frais de greffe liés au changement de propriété des parts puis à leur annulation, les frais relatifs à l'enregistrement de l'opération auprès de la recette des impôts, ainsi que les frais de publicité légale,

En tout état de cause

- débouter M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. et Mme [L] à verser à la SCI le Mont d'Arbois la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui viendra en complément de la condamnation déjà prononcée en première instance à ce titre, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la qualité d'associés des époux [L] est incontestable, du fait de la cession de parts intervenue le 30 avril 1997,

' les époux [L] excipent bien tardivement de faits d'escroquerie, dans le seul but de se soustraire à leurs obligations en leur qualité d'associés,

- si le retrait peut être judiciairement prononcé pour de justes motifs, la situation personnelle de l'associé doit être d'une réelle gravité et ne pas relever de convenances personnelles, et les motifs de retrait ayant trait à la situation personnelle de l'associé sollicitant son retrait doivent s'apprécier de manière particulièrement rigoureuse eu égard aux conséquences d'un tel retrait sur les autres associés, sur lesquels pèseront alors les appels de charges de l'immeuble,

- ainsi, le retrait ne peut être fondé sur les seules raisons de santé de l'associé, dans la mesure où celui-ci peut jouir de ses droits autrement, la jurisprudence considérant qu'il peut en effet en disposer en en retirant les fruits ou en mettant en vente ses parts sociales, ou même en prêtant cette jouissance,

- par ailleurs, à supposer que Mme [S] [L] dispose d'un motif de retrait, il faudra également que M. [N] [L] en justifie aussi, du fait de l'indivisibilité de leurs parts, le retrait ne pouvant être autorisé que si tous les indivisaires présentent un juste motif de retrait,

- la jurisprudence exige encore que l'associé ait mis en 'uvre tous les moyens pour vendre ou louer ses parts, et en l'espèce les époux [L] ne justifient pas avoir tenté de mettre en location leurs parts, et ne justifient pas avoir sérieusement tenté de les vendre,

- enfin, les époux [L] ne justifient pas d'une situation financière qui serait gravement obérée par les charges supportées par eux.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 19 septembre 2022 a clôturé l'instruction de la procédure.

MOTIFS et DECISION

1 ' Sur la qualité d'associés des époux [L]

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte expressément, que le premier juge a retenu que les époux [L] ne remettaient pas en cause l'acte de cession de parts intervenu le 30 avril 1997, et qui leur confère la qualité de propriétaires de 26 parts sociales, et donc d'associés.

S'agissant du moyen nouveau soulevé en appel, et tenant aux méthodes de commercialisation agressives des sociétés du secteur de la multipropriété, il sera relevé que, si les époux [L] produisent quantité d'articles de journaux sur le sujet, en revanche ils n'apportent aucun élément de preuve de nature à mettre en lien les techniques visées dans ces articles et leur propre situation.

Au regard de ces éléments, la décision de première instance ayant constaté que les époux [L] sont propriétaires de 26 parts sociales dans la société le Mont d'Arbois doit être confirmée.

2 ' Sur la demande de retrait de la société le Mont d'Arbois

Aux termes de l'article 19-1 de la loi n°86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution à temps partagé, modifié par la loi du 24 mars 2014, nonobstant toute clause contraire des statuts, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, après autorisation donnée par une décision unanime des associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice, notamment lorsque l'associé est bénéficiaire des minimas sociaux ou perçoit une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ou lorsque l'associé ne peut plus jouir du lot qui lui a été attribué du fait de la fermeture ou de l'inaccessibilité de la station ou de l'ensemble immobilier concerné.

Il appartient à l'associé souhaitant se retirer de rapporter la preuve du juste motif qu'il invoque, lequel peut résulter de sa situation personnelle, sans qu'il s'agisse de raisons de pure convenance.

En l'espèce, Mme [S] [L], née en 1935, produit en appel plusieurs certificats et pièces médicales attestant de difficultés de santé, et notamment de problèmes d'équilibre. Ainsi, si l'on écarte le certificat médical du 11 septembre 2019, en effet peu précis, et dont la rédaction laisse penser qu'il a été établi pour les besoins de la cause, il ressort du certificat médical du 2 décembre 2020 que Mme [S] [L] présente un état clinique la plaçant dans l'incapacité de se rendre à Mont d'Arbois.

D'autres éléments médicaux plus récents attestent de ce que cette dernière, après avoir subi une ostéosynthèse du genou droit et de la cheville gauche, a fait une chute entraînant une entorse de la cheville en début d'année 2022. Il est également produit un justificatif médical de mai 2022 faisant état d'un carcinome nodulaire du front.

L'ensemble de ces éléments atteste que Mme [S] [L], âgée de 87 ans, présente un équilibre précaire, avec des antécédents d'ostéosynthèse, et n'est donc manifestement plus en état de se déplacer de son domicile, situé à [Localité 8], à [Localité 5], pour user personnellement du droit de jouissance de l'appartement au cours de la première quinzaine d'avril.

Il doit par ailleurs être considéré que son époux ne peut pas plus occuper seul le bien, ne serait-ce qu'en raison de l'exécution de son devoir de secours envers son épouse, et ce alors qu'il lui-même âgé de 82 ans.

Néanmoins, si les époux [L] démontrent ne pouvoir utiliser personnellement l'appartement, il reste qu'ils doivent rapporter la preuve qu'ils ne peuvent utiliser autrement leurs droits en les cédant ou en louant l'appartement.

A ce sujet, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a relevé que les époux [L] produisent très peu d'éléments à ce sujet.

S'agissant de la vente de l'appartement, ils produisent trois annonces déposées en 2019, 2020 et 2021, sur un site réservé aux particuliers, ce qui ne saurait constituer la preuve qu'ils ont cherché, de manière active, et en faisant par exemple appel à des professionnels, à vendre leurs parts.

De même, s'agissant de la location, si l'on doit relever que la période de jouissance dont ils bénéficient (du 28 mars au 11 avril) rend incontestablement plus compliquée la mise en location du bien, s'agissant de périodes hors vacances scolaires, et de fin de saison de ski, il n'en reste pas moins que les époux [L] ne justifient pas qu'ils aient tenté de louer l'appartement, dans leur entourage proche, élargi, ou par voie d'annonces, ou de mandat délivré en ce sens à un professionnel.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que les époux [L] procédaient par voie d'affirmation, et qu'ils n'apportaient pas la preuve de l'impossibilité de vendre les parts sociales ou de louer les semaines concernées.

Dans ces conditions, et dans la mesure où ils n'invoquent pas d'autre motif à l'appui de leur demande de retrait, la décision du premier juge ne pourra qu'être confirmée sur ce point.

3 - Sur les dépens et sur la demande d'indemnité procédurale

La décision de première instance sera confirmée s'agissant des dépens et de l'indemnité procédurale.

Les époux [L] qui succombent seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société le Mont d'Arbois l'ensemble de ses frais irrépétibles ; l'équité commande de faire droit à sa demande à hauteur de la somme de 2.000 euros.

En conséquence, les époux [L] seront condamnés à payer à la société le Mont d'Arbois la somme de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront déboutés de leur demande d'indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] [L] et Mme [S] [J] de leur demande d'indemnité procédurale,

Condamne M. [N] [L] et Mme [S] [J] in solidum aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne M. [N] [L] et Mme [S] [J] in solidum à payer à la SCI le Mont d'Arbois la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le

à

Me Clarisse DORMEVAL

la SCP COUTIN

Copie exécutoire délivrée le

à

la SCP COUTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01286
Date de la décision : 03/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-03;20.01286 ?
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