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15/12/2022 | FRANCE | N°21/00647

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21/00647


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 15 Décembre 2022



N° RG 21/00647 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVAU



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 29 Janvier 2021, RG 20/00411



Appelants



M. [F] [T]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]



M. [Z] [T]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]



Représentés par la

SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY



Intimée



S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 15 Décembre 2022

N° RG 21/00647 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GVAU

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 29 Janvier 2021, RG 20/00411

Appelants

M. [F] [T]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

M. [Z] [T]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]

Représentés par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Pierre BREGMAN, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 25 octobre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie LAVAL, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 21 février 2013, la société Acroplast, détenue par M. [F] [T] et M. [Z] [T], a souscrit auprès de la Société Générale une convention de compte courant professionnel, assortie d'une convention de trésorerie courante.

Par acte sous seing privé du 19 février 2015, la Société Générale a consenti à la société Acroplast un prêt d'investissement à moyen ou long terme d'un montant de 25.000 euros, remboursable sur une durée de cinq années.

Par actes de cautionnement solidaire des 19 février et 25 mars 2015, M. [F] [T] et M. [Z] [T] se sont portés cautions solidaires de la société Acroplast en garantie du paiement de ce contrat de prêt dans la limite de 16.250 euros chacun, couvrant le principal, les intérêts le cas échéant, les pénalités ou intérêts de retard pour une durée de sept années.

Par acte sous seing privé du 30 mars 2015, un second prêt d'investissement à moyen ou long terme a été consenti à la société Acroplast d'un montant en principal de 12.000 euros remboursable sur une durée de cinq années.

Par acte sous seing privé du 28 mai 2015, M. [F] [T] a ensuite établi un acte de cautionnement solidaire par lequel il garantit le paiement de toute somme que la société Acroplast pourrait devoir à la Société Générale au titre de l'ensemble de ses engagements et sous quelque forme que ce soit. Ce cautionnement est limité à la somme à la somme de 26.000 euros outre les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard au cours d'une période de dix années.

Par jugement du 18 octobre 2017, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Acroplast. Par jugement du 10 octobre 2018, le tribunal de commerce a adopté le plan de redressement de la société Acroplast, par voie de continuation, pour une durée de huit ans. La société MJ Synergie, administrateur judiciaire de la société Acroplast, a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par actes délivrés le 6 mars 2020, la Société Générale a fait assigner M. [F] [T] et M. [Z] [T], tous deux pris en qualité de cautions solidaires, en paiement devant le tribunal judiciaire d'Annecy.

MM. [T] n'ont pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

condamné M. [F] [T] à payer à la Société Générale les sommes de :

- 22.831,45 euros au titre de sa créance en compte professionnel, outre intérêts de retard au taux contractuel de 9,25% l'an à compter de la signification de la décision,

- 10.988,62 euros au titre du prêt n° 2150980113608 outre intérêts au taux contractuel de 4,75% l'an courant à compter de la signification de la décision,

- 5.963,57 euros au titre du prêt n° 215161006703 outre intérêts au taux contractuel de 5,75% l'an courant à compter de la signification de la décision.

condamné M. [Z] [T] à payer à la Société Générale la somme de 10.988,62 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4.75% l'an à compter de la date de signification de la décision,

condamné in solidum M. [F] [T] et M. [Z] [T] à payer à la Société Générale la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum M. [F] [T] et M. [Z] [T] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bregman,

rappelé que la décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 22 mars 2021, M. [F] [T] et M. [Z] [T] ont interjeté appel de ce jugement.

Les appelants ont fait assigner la Société Générale en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Chambéry pour voir arrêter l'exécution provisoire du jugement déféré.

Par ordonnance contradictoire rendue le 16 septembre 2021, Mme la première présidente a :

arrêté l'exécution provisoire de la décision du 29 janvier 2021 du tribunal judiciaire d'Annecy ayant condamné MM. [F] et [Z] [T] au paiement de sommes d'argent au profit de la Société Générale,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la Société Générale aux dépens.

Par conclusions notifiées le 18 juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [F] [T] et M. [Z] [T] demandent en dernier lieu à la cour de :

juger l'appel de M. [Z] [T] et M. [F] [T] à l'encontre du jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Annecy recevable et bien fondé,

réformer le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Annecy en ce qu'il a :

- condamné M. [F] [T] à payer à la Société Générale les sommes de :

- 22.831,45 euros au titre de sa créance en compte professionnel, outre intérêts de retard au taux contractuel de 9.25% l'an à compter de la signification de la présente décision,

- 10.988,62 euros au titre du prêt n° 2150980113608 outre intérêts au taux contractuel de 4,75% l'an courant à compter de la signification de la présente décision,

- 5.963,57 euros au titre du prêt n° 215161006703 outre intérêts au taux contractuel de 5,75% l'an courant à compter de la signification de la présente décision.

- condamné M. [Z] [T] à payer à la Société Générale la somme de 10.988,62 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,75% l'an à compter de la date de signification de la décision,

- condamné in solidum M. [F] [T] et M. [Z] [T] à payer à la Société Générale la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [F] [T] et M. [Z] [T] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bregman.

Statuant à nouveau,

débouter la Société Générale de l'intégralité de ses demandes,

condamner la Société Générale à payer à M. [Z] [T] et M. [F] [T] une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la Société Générale aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 9 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la Société Générale demande en dernier lieu à la cour de :

A titre principal,

confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,

débouter en conséquence MM. [F] et [Z] [T] de l'ensemble de leurs réclamations injustifiées,

A titre subsidiaire,

condamner M. [F] [T] à régler à la SA Société Générale la somme de 22 831.45 euros avec intérêts de retard au taux contractuel de 9.25% l'an courant jusqu'à complet paiement,

En toute hypothèse,

condamner les appelants à régler à la Société Générale la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens font la distraction interviendra au profit de Me Bregman, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 26 septembre 2022 et renvoyée à l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 15 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les appelants font grief au jugement déféré de les avoir condamnés au paiement des sommes réclamées par la banque en leur qualité de cautions, alors que la Société Générale a expressément consenti, lors de l'adoption du plan de redressement par voie de continuation de la société Acroplast, à ne pas rechercher les cautions tant que le plan est respecté. Or le paiement des dividendes est bien intervenu aux dates prévues, de sorte que, selon eux, la banque ne peut leur réclamer aucune somme.

La Société Générale soutient pour sa part :

- que le respect du plan n'est pas justifié,

- qu'en tout état de cause, elle est fondée à obtenir la condamnation de M. [F] [T] pour les sommes dues au titre du compte à vue, non concerné par la disposition du jugement de redressement judiciaire relative aux cautions.

Selon l'article 2290 du code civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses. Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses n'est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale.

En application des articles L. 626-11 alinéa 1er et L. 631-19 du code de commerce, le jugement qui arrête le plan de redressement en rend les dispositions opposables à tous.

Particulièrement, les créanciers, qui ont été dûment appelés à la procédure, doivent se conformer aux mesures adoptées par le jugement se prononçant sur le plan de redressement et qu'ils ont acceptées.

L'article L. 631-20 du code de commerce dispose également que, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan.

En l'espèce, le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 10 octobre 2018 qui a adopté le plan de redressement par voie de continuation de la société Acroplast précise dans son dispositif :

«Prêts Société Générale de 25 K€ et 12 K€ :

Amortissement du capital restant dû sur 8 ans selon la progressivité adoptée pour les autres créances (...) - outre intérêts au taux contractuel.

Règlement des intérêts courus durant la période d'observation au terme de la première année du plan (1,2 K€)

Absence de mise en jeu des cautions tant que la SAS Acroplast exécutera le plan de continuation.»

Ce jugement prévoit également pour les «autres créances», ce qui comprend le compte courant professionnel, un règlement du montant nominal, sans intérêt, à hauteur de 100 % sur 8 ans.

Il résulte du courrier adressé par la Société Générale au mandataire judiciaire le 4 septembre 2018 (pièce n° 4 des appelants) que la banque a expressément accepté ces modalités, en ce compris l'absence de poursuite des cautions pour les deux prêts. Il résulte également de ce document que la même disposition n'a pas été reprise pour le compte courant professionnel.

L'examen des pièces produites révèle qu'il s'agit probablement d'un oubli, puisqu'il semble que l'existence de l'engagement de caution général de M. [F] [T] en date du 28 mai 2015 n'a pas été portée à la connaissance des organes de la procédure, puisque cet engagement ne figure pas dans le bilan économique, social et environnemental présentant le projet de plan de continuation établi par l'administrateur judiciaire le 4 octobre 2018 (pièce n° 3 des appelants).

Il résulte de ce qui précède que la Société Générale a expressément consenti à ne pas poursuivre les cautions au titre des deux prêts tant que le plan est respecté par la société Acroplast, un tel engagement n'étant pas établi concernant la créance au titre du compte professionnel.

La Société Générale soutient que le plan ne serait pas respecté.

Toutefois, les appelants produisent un bordereau qui établit que le paiement des deux premiers dividendes a été effectué (pièce n° 6). La Société Générale pour sa part ne justifie d'aucune mise en demeure de payer, ni à l'entreprise, ni aux cautions, concernant un éventuel non respect du plan. Elle ne prétend ni ne justifie avoir sollicité le commissaire à l'exécution du plan, ou avoir demandé la résolution du plan. Aussi, dans ces conditions, la Société Générale, qui ne rapporte pas la preuve du non-respect du plan, est tenue de respecter son engagement et ne peut prétendre obtenir la condamnation des deux cautions au titre des deux prêts, ces sommes n'étant pas exigibles à leur égard.

Au demeurant, la cour relève que la Société Générale ne produit pas aux débats les engagements de caution de MM. [T] garantissant le prêt de 12.000 euros du 30 mars 2015.

Il résulte de ce qui précède que la Société Générale ne peut qu'être déboutée de ses demandes au titre des engagements de caution garantissant les prêts de 25.000 euros du 19 février 2015 et de 12.000 euros du 30 mars 2015.

Concernant l'engagement de caution solidaire de M. [F] [T], en date du 28 mai 2015, garantissant l'ensemble des engagements de la société Acroplast, pour une durée de 10 ans, dans la limite de 26.000 euros, la Société Générale est fondée à s'en prévaloir pour le paiement des sommes dues au titre du compte courant n° [XXXXXXXXXX01], non concerné par l'engagement de ne pas poursuivre les cautions.

La cour relève toutefois que le taux d'intérêt réclamé de 9,25 % ne figure dans aucun des documents produits, notamment pas dans la convention d'ouverture de compte, ni dans l'engagement de caution. Dans ces conditions, seul le montant nominal correspondant à la créance déclarée par la Société Générale au passif de la société Acroplast, soit 18.778,70 euros, sera mis à la charge de M. [F] [T].

Par ailleurs, la cour relève encore que la Société Générale ne justifie d'aucune mise en demeure préalable de la caution, seule une information sur l'ouverture de la procédure collective ayant été adressée le 17 décembre 2019, sans aucune demande de paiement (pièce n° 14 de l'intimée). Ainsi seul l'intérêt légal est applicable à compter du présent arrêt en l'absence de demande différente.

Dans ces conditions, et faute de contestation par M. [F] [T] de l'exigibilité des sommes réclamées en considération du jugement adoptant le plan de redressement, il sera condamné au paiement de la somme de 18.778,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il appartiendra à la Société Générale de tenir compte des paiements déjà effectués par la société Acroplast au titre de cette créance, de sorte que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

M. [F] [T], qui succombe à titre principal, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Bregman.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy le 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [F] [T] à payer à la Société Générale, en deniers ou quittance, la somme de 18.778,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre du compte courant professionnel de la société Acroplast n° [XXXXXXXXXX01],

Déboute la Société Générale de toutes ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties,

Condamne M. [F] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Pierre Bregman, avocat.

Ainsi prononcé publiquement le 15 décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière pour le prononcé.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00647
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.00647 ?
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