La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°22/00076

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 13 décembre 2022, 22/00076


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,



Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 22/00076 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDOM débattue à notre audience publique du 25 Octobre 2022 - RG n° 22

/01685 - Chambre sociale





ENTRE





Commune d'[Localité 7] prise en la personne de son Maire en exercice, sise [Adresse 8]



Ayant...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 22/00076 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDOM débattue à notre audience publique du 25 Octobre 2022 - RG n° 22/01685 - Chambre sociale

ENTRE

Commune d'[Localité 7] prise en la personne de son Maire en exercice, sise [Adresse 8]

Ayant pour avocat postulant Me Clarisse DORMEVAL, avocat au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant Me Mickaël VERNE, avocat au barreau de LYON

Demanderesse en référé

ET

S.A.S. LPI société par actions simplifiées, immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro SIRET 493 690 366 00015, représentée par son Président en exercice, sise [Adresse 4]

M. [S] [I]

Demeurant [Adresse 5]

M. [F] [C]

Demeurant [Adresse 4]

M. [X] [V]

Demeurant [Adresse 3]

M. [A] [M]

Demeurant [Adresse 6]

Mme [E] [O]

Demeurant [Adresse 1]

Mme [U] [N]

Demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Jean BOISSON, avocat au barreau d'ANNECY.

Défendeurs en référé

'''

Exposé du litige

Le 11 décembre 2006, la communauté d'agglomération d'[Localité 7] et la SARL LPI ont conclu une convention de délégation de service public pour une durée de 15 ans afin d'assurer la gestion du service public de la place d'Albigny et de ses ouvrages, installations et équipements mis à disposition du délégataire.

Le 24 février 2022, la SARL LPI a restitué les clefs à la commune d'[Localité 7] et Maître [P] [K], huissier de justice, a procédé à l'état des lieux de sortie des locaux exploités et des locaux donnés en location par la commune.

Le 25 mai 2022 madame [U] [J], monsieur [X] [V], monsieur [S] [I], madame [E] [O], monsieur [F] [C], monsieur [A] [M] et La SAS L.P.I ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble aux fins de voir, notamment, enjoindre la commune d'[Localité 7] d'honorer son obligation contractuelle de reprise de plein droit des contrats de travail, avec toutes obligations induites, depuis le 25 février 2022 jusqu'au caractère effectif de la désignation d'un nouvel exploitant, d'enjoindre à la commune d'[Localité 7] de régulariser en conséquence leur situation et d'établir tous les bulletins de salaires et traitements correspondants sur cette période.

La commune d'[Localité 7] ayant soulevé à titre principal l'incompétence matérielle du tribunal administratif pour connaître de la requête, la demande aux fins de voir enjoindre la commune d'[Localité 7] de respecter son obligation légale de reprise des contrats des salariés de la SAS LP.I prévue par l'article L.1224-3 du code du travail ont été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble par décision du 21 juin 2022, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, considérant que les contrats des salariés demeurent des contrats privés, que le juge judiciaire est seul compétent pour en connaître, tant que les contrats n'ont pas été placés sous un régime de droit public. Le surplus des demandes a été rejeté.

Les requérants ont alors formé un pourvoi devant le conseil d'Etat puis se sont désistés à la suite des conclusions du rapporteur public.

Saisi par la SARL L.P.I, le conseil des prud'hommes d'Annecy a, par ordonnance de référé rendue le 9 septembre 2022 :

- constaté que le protocole de fin de contrat de concession portant sur l'ensemble des éléments contractuels entre la SAS L.P.I et La commune d'[Localité 7] n'est toujours pas régularisé entre les parties à la date du 26 juillet 2022,

- ordonné à la commune d'[Localité 7] de faire application des dispositions de reprise des contrats prévus à l'article 49 de la convention du 11 décembre 2006 pour les salariés concernés, en reprenant lesdits contrats à effet du 1er janvier 2022, soit celui de madame [U] [N], Monsieur [X] [V], monsieur [S] [I], madame [E] [O], monsieur [F] [C] et de monsieur [A] [M], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard au -delà d'un délai de 8 jours à compter de la date de notification de la décision,

- condamné la commune d'[Localité 7] à payer les salaires et charges sociales correspondants,

- condamné la commune d'[Localité 7] à payer à la SAS L.P.I la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune d'[Localité 7] a fait appel de cette décision le 23 septembre 2022 (N° DA 22/1715 et n° RG 22/1685) puis les 30 septembre et 3 octobre 2022, a fait assigner la SAS LPI, madame [U] [N], monsieur [X] [V], monsieur [S] [I], monsieur [A] [M], madame [E] [O] en référé devant le premier président de la cour d'appel de Chambéry en application de l'article 514-3 et 521 du code de procédure civile :

- afin de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision

- à titre subsidiaire de voir autoriser la commune d'[Localité 7] à consigner les sommes qu'elle a été condamnée à payer, correspondant aux salaires et charges correspondants des salariés de La commune d'[Localité 7],

- à titre subsidiaire solliciter de la part des salariés de la SAS L.P.I qu'ils constituent une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions,

- dans tous les cas : supprimer l'astreinte prononcée par la formation de référé, débouter la SAS L.P.I. et les salariés de toutes leurs demandes, condamner la SAS L.P.I à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 25 octobre 2022, la commune d'[Localité 7] a maintenu l'intégralité de ses demandes. Elle soutient qu'il existe un moyen sérieux d'annulation et/ou de réformation de la décision en ce que le juge judiciaire ne peut prononcer d'injonction à l'encontre de l'administration, que la SAS L.P.I est irrecevable dans ses demandes, que le juge des référés ne pouvait prononcer que des mesures conservatoires ou de remise en état et qu'il n'y a pas eu de transfert de l'entité économique autonome.

Elle fait valoir que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle est dans l'incapacité de reprendre les contrats à l'identique, qu'aucun poste vacant ne correspond de près ou de loin aux fonctions exercées par les salariés de la SAS L.P.I, qu'il existe un risque de ne pas pouvoir recouvrer les sommes versées en cas d'annulation ou de réformation qui se montent à 188 596,58 euros entre janvier 2022 et septembre 2022.

La SAS L.P.I sollicite de voir débouter la commune d'[Localité 7] et sollicite la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la commune d'[Localité 7] n'oppose aucune conséquence manifestement excessive à l'exécution de l'ordonnance, ne justifie pas de son impossibilité financière, qu'il suffit que la commune d'[Localité 7] propose un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Elle précise qu'il n'existe aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision, que si le litige a été porté devant le conseil des prud'hommes, c'est en raison de la décision d'incompétence rendue par le tribunal administratif sur moyen soulevé par la commune d'[Localité 7], que maintenant cette dernière ne peut soutenir l'inverse, que le juge judiciaire a constaté le transfert des contrats de travail, que si la commune d'[Localité 7] reste libre de ne pas s'exécuter, c'est effectivement seul le juge administratif qui aura compétence pour en tirer toutes les conséquences financières, que la SAS L.P.I a un intérêt à agir dès lors qu'elle es interrogée par les organismes sociaux tel que l'URSSAF. Elle ajoute que les salariés sont privés d'emploi et de salaires.

Madame [U] [J], monsieur [X] [V], monsieur [S] [I], madame [E] [O], monsieur [F] [C], monsieur [A] [M], régulièrement cités, n'ont pas comparu et n'ont pas été représentés.

La commune d'[Localité 7] a été autorisée à présenter une note en délibéré sur la compétence de la juridiction du premier président à supprimer des astreintes.

Par note en délibéré reçue le 10 novembre 2022, la commune d'[Localité 7] maintient sa demande aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire de l'ordonnance du 9 septembre 2022 et en conséquence de suspendre l'astreinte prononcée par la formation de référé. Ainsi, elle ne maintient pas sa demande aux fins de voir supprimer l'astreinte prononcée.

SUR CE

La procédure de première instance ayant été introduite le 18 septembre 2020, la présente procédure est soumise aux dispositions relatives à l'exécution provisoire telles qu'elles résultent du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

En application de l'article 514 nouveau du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Selon l'article 514-3 du même code, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En application de l'alinéa 2 de cet article 514-3 du code de procédure civile, la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque

d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l'espèce, la décision frappée d'appel est une ordonnance de référé.

Or en application de l'article 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, de telle sorte que l'irrecevabilité consécutive à l'absence d'observations ne trouve pas à s'appliquer en matière de référé puisque lesdites observations seraient en tout état de cause inutiles.

La demande de la commune d'[Localité 7] en arrêt de l'exécution provisoire est donc recevable.

Pour que sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire soit accueillie, la commune d'[Localité 7] doit donc démontrer qu'il existe à la fois un moyen sérieux de réformation ou d'annulation et des conséquences manifestement excessives.

La commune d'[Localité 7] soulève l'incompétence du juge judiciaire à lui ordonner la reprise des contrats de travail conclus par la SAS L.P.I comme elle soulevait la même incompétence devant le juge administratif.

En application de l'article L.1224-3 du code du travail, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

Les services accomplis au sein de l'entité économique d'origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d'accueil.

En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat.

L'article 49 de la convention de délégation de service public en date du 11 décembre 2006 stipule qu'en cas de cessation des effets du contrat pour quelle que cause que ce soit, la collectivité délégante s'engage à reprendre ou à faire reprendre par un nouvel exploitant, l'ensemble du personnel lié au délégataire par un contrat de travail et affecté à l'exploitation du service public délégué ; il fera son affaire de la poursuite desdits contrats avec les droits et obligations qui lui sont attachés.

En l'espèce, la commune d'[Localité 7] refuse de poursuivre les contrats de travail des six salariés de la SAS L.P.I.

Le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur les litiges nés du refus de l'un ou l'autre des deux employeurs successifs de poursuivre l'exécution du contrat de travail, qui ne met en cause, jusqu'à la mise en oeuvre du régime de doit public, que des rapports de droit privé et partant, pour apprécier les conditions

d'application des dispositions légales et leurs conséquences, notamment l'existence d'une entité économique transférée et poursuivie ainsi que la tenue des offres faites aux salariés ( tribunal des conflits, 3 juillet 2017, n°4091).

Si le juge judiciaire est compétent pour statuer sur un litige né du refus de l'un ou de l'autre des employeurs successifs de poursuivre l'exécution des contrats de travail, en revanche il ne l'est pas pour adresser des injonctions à la personne publique ( tribunal des conflits 9 janvier 2017, Mme Larichaudy c/département de la Réunion).

L'ordonnance rendue le 21 juin 2022 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, qui déclinait sa compétence matérielle au profit du juge judiciaire, est à ce jour définitive dès lors que la SAS L.P.I s'est désistée de son pourvoi devant le conseil d' Etat ; pour autant, la décision du juge administratif n'a pas pour conséquence de rendre le juge judiciaire compétent pour statuer sur les demandes.

Aussi, si le conseil des prud'hommes est compétent pour statuer sur l'existence d'une entité économique transférée et en conséquence sur le principe de la reprise des contrats, en revanche sa compétence à ordonner à la commune d'[Localité 7] de faire application des dispositions de reprise des contrats prévus à l'article 49 de la convention du 11 décembre 2006 sous peine d'une astreinte et à payer les salaires et charges sociales correspondants est sérieusement contestable.

La reprise des contrats dans les termes de la rédaction de l'ordonnance du conseil des prud'hommes aurait des conséquences manifestement excessives dès lors qu'en cas de réformation de la décision, il conviendrait de revenir sur la situation juridique des salariés de la SAS L.P.I, tant à l'égard de cette dernière que de leurs droits sociaux.

En conséquence, la commune d'[Localité 7] satisfait aux exigences de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Il sera fait droit à sa demande.

La présente décision est prononcée dans l'intérêt exclusif de la commune d'[Localité 7] qui supportera donc les dépens. L'équité n'appelle pas de faire droit aux demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en matière de référé

Vu l'article 514-3 du code de procédure civile

ARRETONS l'exécution provisoire de la décision du 9 septembre 2022 prononcée par le conseil des prud'hommes d'Annecy ;

REJETONS toutes autres demandes ;

DISONS n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISONS que la commune d'[Localité 7] supportera les entiers dépens.

Ainsi prononcé publiquement, le 13 décembre 2022, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00076
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;22.00076 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award