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08/12/2022 | FRANCE | N°22/00192

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 08 décembre 2022, 22/00192


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 08 Décembre 2022





RG : N° RG 22/00192 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEKM





Appelant

M. [H] [E]

né le 05 Janvier 1990 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant

Représenté par Me Aline BRIOT à l'audience du 7 décemb

re 2022 (avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY)



Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparant



M. [N] [E] (tiers demandeur à l'admission)

...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 08 Décembre 2022

RG : N° RG 22/00192 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEKM

Appelant

M. [H] [E]

né le 05 Janvier 1990 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant

Représenté par Me Aline BRIOT à l'audience du 7 décembre 2022 (avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY)

Appelés à la cause

EPSM 74

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparant

M. [N] [E] (tiers demandeur à l'admission)

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 7 décembre 2022 devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au 8 décembre 2022,

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS

M. [H] [E] a été admis en soins psychiatriques sur demande d'un tiers, en l'occurrence de son père, vu l'urgence, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du 17 novembre 2022 du directeur de l'EPSM74.

Le certificat médical d'admission du docteur [W] du 17 novembre 2022 à 17h24 mentionnait au titre des troubles constatés: 'délire à thématique mystique : 'illumination il y a cinq ans' je suis un génie' 'des personnes comme moi, la dernière fois c'était il y a plus de 2000 ans' 'la merde des autres, je la nettoie en respirant', ' j'ai des satellites autour de moi' 'pour savoir, demandez à Élon Musk'.Par ailleurs il était indiqué qu'il n'existait pas de diagnostic psychiatrique précis à ce jour, que du fait d'une perte de contact avec la réalité avec des épisodes d'agitation et d'hétéroagressivité, le risque d'atteinte à l'intégrité de ce patient était d'une gravité telle que le recours à une procédure d'urgence était nécessaire, que son état de santé justifiait des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier, du fait d'un risque de passage à l'acte hétéroagressif et d'un risque de conduite inconsidérée avec mise en danger (marche en montagne pieds nus, sans équipement, avec risque d'hypothermie ou de chute). Présentant un déni de ses troubles, il n'était pas en mesure de donner son consentement aux soins.

Le certificat médical de 24 heures rédigé le 18 novembre 2022 à 09h par le Docteur [G] précisait : 'patient vu dans la chambre d'isolement en présence du personnel soignant non connu à notre niveau adressé par l'hôpital de [Localité 5] pour un accès psychotique avec agitation et hétéro agressivité. Ce jour patient somnolent durant l'entretien anosognosique et réticent par rapport aux troubles et circonstances de son admission. Discours pauvre limité aux questions après sollicitations nous dit juste qu'il est dans une démarche spirituelle et ne comprend pas son hospitalisation. Dans ce contexte, le risque de récidive est significatif et le patient est dans l'incapacité de donner son consentement éclairé aux soins.'

Le certificat médical de 72 heures rédigé le 20 novembre 2022 à 10h par le Docteur [T] indiquait : 'décompensation délirante avec propos interprétatifs et persécutifs. Positionnement idéologique initial adapté autour de la remise en cause de certaines technologies d'information et de communication (satellites, 5G...) allant au-delà du débat d'idée sur des modalités intrusives, délirantes le conduisant à une désorganisation comportementale'.

Par décision du 20 novembre 2022, le directeur de l'établissement a prolongé d'un mois la mesure de soins sans consentement de M. [E] [H] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Suivant un avis motivé du Docteur [X] en date du 21 novembre 2022 il était précisé : 'Patient non connu à notre niveau admis en psychiatrie pour trouble du comportement type hétéroagressivité envers son père. L'examen du jour retrouve un patient anosognosique ne comprend pas du tout les circonstances de son admission. Son attention spontanée est perturbée par des moments de distractibilité, l'attention volontaire est soutenue. Contact superficiel réticent. L'analyse de la pensée retrouve des idées délirantes d'épiation à mécanisme hallucinatoire et interprétatif. Cependant, pas d'idée dépressive dans ce contexte l'alliance thérapeutique est très fragile et le risque de récidive hétéroagressive est significatif rendant le patient dans l'incapacité de donner un consentement éclairé aux soins'.

Par ordonnance du 23 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Bonneville a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de M. [H] [E].

Appel de cette décision a été adressé le 30 novembre 2022 à 14h40 au greffe, M. [H] [E] précisant être père d'une petite fille, moniteur de ski, endetté, sollicitant sa sortie immédiate de l'établissement, expliquant que le psychiatre avait trouvé le traitement adéquat pour son syndrome, et reconnaissant que sa consommation de cannabis avait joué un rôle majeurdans sa survenue. Il se disait 'prêt pour confronter les étapes à venir de sa vie' avec le traitement prescrit, le suivi psychiatrique et le suivi addictologique.

Suivant réquisitions écrites du 1er décembre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Dans l'avis motivé du 05 Décembre 2022, le Docteur [X] se prononce en faveur de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète aux motifs que : « Patient hospitalisé pour des troubles du comportement à type hétéroagressif envers son père. Ce jour, le contact reste perturbé avec une hypomimie. L'humeur est neutre et stable. Le patient contient son discours et ses idées délirantes lors de l'entretien. Il persiste des troubles du comportement dans le service, sous-tendus par des manifestations délirantes qu'il ne peut pas contenir. Le patient adhère difficilement aux soins et aux traitements qui sont pourtant nécessaires à sa stabilité psychique. L'alliance thérapeutique est superficielle. Le patient reste dans le déni total de ses troubles psychiatriques. Il n'est pas en capacité de donner son consentement éclairé aux soins psychiatriques qui sont indispensables'.

Lors de l'audience du 7 décembre 2022, M. [E] [H] n'a pas comparu bien que régulièrement convoqué.

Son avocate a été entendue en ses observations, demandant à ce qu'il soit tiré conséquence de l'absence injustifiée de la personne hospitalisée.

Son père, [N] [E] et tiers demandeur, n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 08 décembre 2022, le temps de solliciter et d'obtenir les explications du directeur d'établissement quant à l'absence de M. [E] [H] lors de l'audience.

En cours de délibéré, l'EPSM74 a transmis une lettre explicative d'une infirmière ayant accompagné Mr [E] à la Cour d'appel de Chambéry le 07 décembre 2022, exposant que celui-ci, dans l'attente de sa comparution devant le magistrat, s'est mis à tenir des propos délirants de persécution, caractéristiques d'une intensification de ses hallucinations auditives et intrapsychiques, et a présenté un état d'agitation psychomotrice, menaçant de prendre la fuite, de sorte qu'il a du être canalisé et mis en sécurité avant d'être reconduit, immédiatement, à l'hôpital.

Il a également été communiqué un certificat médical du Docteur [X] constatant l'état instable du patient lors de son retour à l'établissement le 07 décembre 2022, justifiant sa non présentation au juge, M. [E] étant très délirant, vivant des hallucinations intenses avec des bizarreries de comportement importantes, le risque de passage à l'acte hétéroagressif étant imminent, de sorte qu'une réadaptation de son traitement était nécessaire.

Ces éléments, en application du principe du contradictoire, ont été portés à la connaissance de Maître [M], avocate de M. [E] [H], laquelle n'a formé aucune observation.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [H] [E] a fait appel de la décision du Juge des Libertés et de la Détention de Bonneville du 23 novembre 2022 dans les délais et les formes prescrites par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article L3211-12-1 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort, par ailleurs, des éléments de procédure que les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats et qu'elles sont motivées.

Selon l'article L. 3211-12-2 alinéa 2 du code de la santé publique la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement doit être entendue à l'audience, sauf motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition, constaté par un avis médical motivé figurant au dossier, ou circonstance insurmontable empêchant sa comparution (C.Cass. 1ère Civ, 12 octobre 2017, pourvoi n° 17-18.040, Bull. 2017, I, n° 217).

En l'espèce, la comparution de M. [E] [H] devant le magistrat délégué par le 1er président s'est, finalement, révélée impossible, alors même que celui-ci avait été conduit jusqu'au siège de la Cour d'Appel de Chambéry, en vue de l'audience du 7 décembre 2022, par une équipe d'accompagnants, lesquels ont du, dans l'urgence, face à une recrudescence soudaine de son état délirant, mettant en péril sa sécurité et celle d'autrui, et compte tenu du risque qu'il ne prenne la fuite, prendre la décision de le reconduire, sans délai, sur son lieu d'hospitalisation. Un psychiatre a pu, lors de son retour, constater l'état psychique instable dans lequel il se trouvait et dresser un certificat exposant les motifs médicaux ayant fait obstacle, dans son intérêt, à son audition par le juge, ce jour-là.

Dès lors, dans un tel contexte de crise majeure de la personne hospitalisée, il convient de considérer que son absence lors de l'audience est pleinement justifiée et que la régularité de la procédure n'est pas affectée.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure de l'hospitalisation complète sous contrainte doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 du I de l'article L.3211-2-1.

Quant au bien-fondé de la mesure d'hospitalisation complète de M. [E] [H], il ressort des certificats et avis médicaux circonstanciés figurant à la procédure, que ce patient reste envahi par des pensées délirantes, à thématiques mystique et persécutive, associées à des hallucinations intenses, à l'origine d'importants troubles du comportement avec agitation, hétéroagressivité et mise en danger.

Son état, dont il n'a aucunement conscience, du fait d'un déni total des troubles présentés, n'est toujours pas stabilisé, au point qu'il n'a pas été possible de l'entendre lors de l'audience du 7 décembre 2022 à laquelle il était convoqué.

Le risque d'un passage à l'acte hétéroagressif est qualifié, par le corps médical, de significatif, voire d'imminent, le concernant.

Son traitement doit faire l'objet d'une réadaptation, étant précisé que M. [E] n'est pas connu du secteur de psychiatrie et qu'un diagnostic doit pouvoir être posé au sujet de sa décompensation délirante.

Dès lors, dans la mesure où M. [E] [H] souffre de troubles mentaux ne lui permettant pas de consentir de manière libre et éclairée aux soins prodigués et où son état mental impose une prise en charge médicale spécialisée immédiate avec une surveillance continue, il convient de confirmer la décision du Juge des Libertés et de la Détention de Bonneville du 23 novembre 2022, qui a ordonné la poursuite de sa mesure d'hospitalisation complète sans consentement.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant le 8 décembre 2022, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.[E] [H].

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 23 novembre 2022.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 08 décembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00192
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;22.00192 ?
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