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07/12/2022 | FRANCE | N°22/00194

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 07 décembre 2022, 22/00194


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 07 Décembre 2022





RG n° 22/00194 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEKO





Appelant

M. [H] [T]

né le 10 Février 1996 à [Localité 4]

Chez [C] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

hospitalisé au centre hospitalier [5]

assisté de Me

Aline BRIOT, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparante



M. [N] [T] (tiers demandeur à...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 07 Décembre 2022

RG n° 22/00194 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HEKO

Appelant

M. [H] [T]

né le 10 Février 1996 à [Localité 4]

Chez [C] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

hospitalisé au centre hospitalier [5]

assisté de Me Aline BRIOT, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparante

M. [N] [T] (tiers demandeur à l'admission, père)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du Mercredi 7 décembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au 7 décembre 2022 après-midi,

**

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS

M.[H] [T] a été admis en soins psychiatriques sur demande d'un tiers, en l'occurrence de son père, vu l'urgence, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du 17 novembre 2022 du directeur du Centre Hospitalier d'[5].

Le certificat médical d'admission du docteur [E] du 17 novembre 2022 à 12h00 mentionnait au titre des troubles constatés : 'patient de 26 ans, connu du secteur de psychiatrie, hospitalisé le 15 novembre 2022 en soins libres pour recrudescence anxiodélirante dans contexte de rupture de traitement. Ce jour, agitation psychique et désorganisation comportementale importante. Le patient déambule dans le service. Peut se montrer irritable avec tension intrapsychique palpable. Tient des propos confus et délirants avec activité hallucinatoire cénesthésique. Impression d'être recouvert de cicatrices et de boules. Angoisses majeures secondaires. Déni total des troubles. Inaccessible à la réassurance. Ambivalence aux soins et risque de passage à l'acte possible, nécessitant la mise en place d'une mesure de soins sous contrainte'.

Le certificat médical de 24 heures rédigé le 18 novembre 2022 à 11h30 par le Docteur [Z] précisait : 'on rappelle que ce patient né le 10/02/1996 (26 ans) et connu du secteur de psychiatrie a été de nouveau hospitalisé le 15 de ce mois, initialement soins libres pour une recrudescence anxio-délirante dans un contexte de rupture de traitement avec, entre autres éléments symptomatologiques, désorganisation comportementale et tension intrapsychique importantes (voir le certificat initial). Rencontré ce jour alors qu'il était affairé à ranger les chaises de la salle commune de l'unité ' il dira être sensible aux 'choses organisées et bien faites' ' le jeune homme accepte sans réticence cet entretien dont il entend préalablement lui être expliqué l'objectif. Aux questions d'usage sur le contexte de son admission dans les unités et son ressenti de ce début de séjour, Monsieur [T] s'engage dans un déroulé factuel très détaillé, tenu par le souci de ne pas en perdre le fil, depuis le 'malaise dans l'appartement' qu'il occupa à [Localité 8] ou l'avait conduit un 'rêve de devenir professeur des écoles, le plus beau métier', jusqu'à se retrouver à [Localité 4] conduit à l'hôpital par les pompiers alertés par son père. Se livrant spontanément par un flux continu et quasi monocorde de paroles, le patient évoquera aussi un parcours scolaire changeant au gré d'une curiosité ou d'envies successives d'orientations professionnelles diverses, entre licences universitaires et périodes d'intérim, entre [Localité 6] et [Localité 7]. Concernant son retour à l'hôpital, le traitement instauré mais aussi la démarche de son père avec qui il dit avoir une relation de confiance, le patient ne voit qu''aberration' à son endroit, confirme son refus des traitements psychotropes sans pour autant lier aux molécules les contractures musculaires qu'il vit plutôt comme l'effet d'une vague emprise sur son psychisme. L'éparpillement de l'esprit de ce patient, trahi par son discours (ainsi que le souci de restaurer quelque ordre à ce qui l'entoure), s'étoffe d'un vécu de quasi personnalisation ' déréalisation. En conclusion, le maintien de la mesure de contrainte se justifie pleinement en hospitalisation complète et permettra de prolonger la période d'observation clinique sinon plus urgemment d'initier une mise temporaire d'isolement.'

Le certificat médical de 72 heures rédigé le 20 novembre 2022 à 10h30 par le Docteur [I] indiquait : 'patient hospitalisé pour reprise délirante et troubles du comportement. Antécédents du même type. À ce jour, pas d'autocritique, attitude figée, ton monocorde. Hospitalisation à maintenir même cadre de contrainte'.

Par décision du 20 novembre 2022, le directeur de l'établissement a prolongé d'un mois la mesure de soins sans consentement de M. [H] [T] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Suivant un avis motivé du Docteur [E] en date du 22 novembre 2022 il était précisé : ''patient de 26 ans, connu du secteur de psychiatrie, hospitalisé le 15 novembre en soins libres pour recrudescence anxiodélirante dans un contexte de rupture de traitement puis en SPDTU suite à des troubles du comportement avec désorganisation comportementale dans le service. Patient plus calme actuellement mais qui présente toujours une désorganisation idéo affective et des bizarreries comportementales. Le discours est incohérent avec trouble du cours de la pensée, passage de coq à l'âne, diffluence et réponses à côté. Vécu persécutif notamment envers l'équipe médicale. Opposant passivement aux soins. Le patient est dans le déni des troubles et la prise du traitement est fluctuante. Adaptation thérapeutique en cours et travail d'éducation thérapeutique. Dans ce contexte les soins sous contrainte restent justifiés et à maintenir sous la forme d'une hospitalisation à temps plein'.

Par ordonnance du 24 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention d'[Localité 4] a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète de M.[H] [T] au sein des unités d'hospitalisation de psychiatrie adultes du centre hospitalier [5].

Appel de cette décision a été adressé le 1er décembre 2022 à 10h20 au greffe, M. [H] [T] se plaignant 'des conditions de sa détention', et notamment du fait qu'il soit contraint de prendre des médicaments nocifs pour sa santé alors qu'il ne souffre d'aucune maladie mentale.

Suivant réquisitions écrites du 1er décembre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Dans l'avis motivé du 05 Décembre 2022, le Docteur [E] se prononce en faveur de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète aux motifs que : « Actuellement, le contact est médiocre, M. reste très réticent à parler de l'hospitalisation et peut se montrer irritable à l'évocation des troubles. Tension interne palpable. Il persiste une désorganisation idéomotrice, idéo verbal. Le discours reste désorganisé avec de nombreuses demandes inadaptées à l'équipe. Vécu persécutif exprimé envers son père et sa mère. Lutte contre la sédation, déambule toute la journée dans le service, sommeil haché la nuit et tendance à un réveil précoce. Demande sa sortie régulièrement, déni total des troubles. Adaptation thérapeutique actuelle avec changement du traitement de fond.'.

Lors de l'audience du 7 décembre 2022, M.[H] [T] a indiqué qu'il se sentait en pleine forme, qu'il n'était pas malade, qu'il ne comprenait pas les motifs de cette nouvelle hospitalisation, dont il a demandé la mainlevée, afin de pouvoir reprendre 'une vie normale', ne supportant pas l'enfermement tel qu'il lui était imposé. Il a expliqué qu'il faisait de moins en moins confiance en ses parents et a admis avoir interrompu la prise de son traitement, lequel ne lui faisait aucun effet.

Son avocat a été entendu en ses observations. Maître [O] considère la procédure comme étant régulière. En revanche, s'agissant des certificats médicaux, les termes indiqués sont flous et il n'y est pas fait mention d'un diagnostic précis quant à une pathologie psychiatrique. Elle a insisté sur le fait que M. [T] vivait très difficilement cette hospitalisation et qu'il souhaitait davantage de libertés.

Son père, [N] [T], et tiers demandeur, n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 07 décembre 2022 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [H] [T] a fait appel de la décision du Juge des Libertés et de la Détention d'[Localité 4] du 24 novembre 2022 dans les délais et les formes prescrites par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article L3211-12-1 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort, par ailleurs, des éléments de procédure que les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats et qu'elles sont motivées.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure de l'hospitalisation complète sous contrainte doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 du I de l'article L.3211-2-1.

Quant au bien-fondé de la mesure d'hospitalisation complète de M. [H] [T], il ressort des certificats et avis médicaux circonstanciés figurant à la procédure, que ce jeune homme a, de nouveau, à la suite d'une rupture de son traitement, présenté un épisode de décompensation psychique massive, se traduisant par des troubles du comportement avec désorganisations, agitations et angoisses majeures, ainsi que par des propos délirants avec activité hallucinatoire.

A l'heure actuelle, M. [H] [T] se trouve toujours dans une période d'adaptation, suite au changement, notamment, de son traitement de fond. Son état n'apparait pas suffisamment stabilisé, à ce stade, au point d'envisager une mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète, compte tenu de la persistance de certaines bizarreries du comportement, de nombreuses demandes inadaptées, de propos confus avec un discours encore empreint d'incohérence, révélateurs de troubles du cours de la pensée.

Les débats lors de l'audience de ce jour ont permis de constater que M. [H] [T], comme indiqué par le corps médical, n'a aucunement conscience de son état de santé mentale et des besoins qu'il requiert. Il est opposant aux soins et n'en perçoit aucune utilité.

Dès lors, dans la mesure où M. [H] [T] souffre de troubles mentaux ne lui permettant pas de consentir de manière libre et éclairée aux soins prodigués et où son état mental impose une prise en charge médicale spécialisée immédiate avec une surveillance continue, il convient de confirmer la décision du Juge des Libertés et de la Détention d'[Localité 4] du 24 novembre 2022, qui a ordonné la poursuite de sa mesure d'hospitalisation complète sans consentement.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente,assistée de Sophie Messa, greffière, statuant au siège de la cour d'appel de Chambéry, le 7 décembre 2022, après débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire,

Déclarons recevable l'appel de M. [T] [H].

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention d'[Localité 4] en date du 24 novembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 07 décembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00194
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;22.00194 ?
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