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24/11/2022 | FRANCE | N°21/00346

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 24 novembre 2022, 21/00346


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022



N° RG 21/00346 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUAW



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 31 Décembre 2020, RG 1115000375



Appelante



Mme [G] [O] épouse [U], demeurant [Adresse 4]



Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP BRIFFOD-PUTHOD-CHAPPAZ avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE
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Intimés



M. [B] [O] pris tant personnellement qu'ès-qualités d'ayant droit de Mme [F] [I] décédée

né le 09 Novembre 1953 à [Localité 8], demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022

N° RG 21/00346 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUAW

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 31 Décembre 2020, RG 1115000375

Appelante

Mme [G] [O] épouse [U], demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP BRIFFOD-PUTHOD-CHAPPAZ avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE

Intimés

M. [B] [O] pris tant personnellement qu'ès-qualités d'ayant droit de Mme [F] [I] décédée

né le 09 Novembre 1953 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]

M. [P] [O]pris tant personnellement qu'ès-qualités d'ayant droit de Mme [F] [I] décédée

né le 02 Mars 1957 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3]

Représentés par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL BASTID ARNAUD, avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 04 octobre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

[H] [O], décédé le 18 novembre 1959, était originellement propriétaire d'une maison d'habitation ainsi que des sol, cour et terrain attenants, situés lieudit [Localité 7] sur la commune de [Localité 9] et cadastrés section D n°[Cadastre 5].

Selon document d'arpentage n°58 dressé le 19 décembre 1974 par Monsieur [C], géomètre-expert, la propriété a été divisée en deux parcelles nouvellement cadastrées n°[Cadastre 1] pour l'une (d'une contenance de 2a 18ca) et n°[Cadastre 2] pour l'autre (d'une contenance de 3a et 64ca), la maison d'habitation devenant du fait de la division une maison mitoyenne séparée en deux parties.

Dans le cadre d'un partage en date du 2 avril 1990, [D] [O] (fils de [H] et aux droits duquel vient désormais Madame [G] [U]) s'est vu attribué la parcelle n°[Cadastre 1] tandis que [J] [O] (autre fils de [H] aux droits duquel sont venus, dans un premier temps, [F] [I] veuve [O] et Messieurs [B] et [P] [O] puis, après le décès de leur mère, Messieurs [B] et [P] [O] uniquement) s'est vu attribuer la parcelle n°[Cadastre 2].

Un contentieux concernant la limite de division est ultérieurement survenu entre [J] [O] et Madame [G] [U] dans la mesure où la délimitation cadastrale issue du document d'arpentage de 1974 ne correspondait qu'imparfaitement à l'occupation factuelle des lieux par ces derniers.

Aucun accord amiable n'ayant été trouvé entres parties, [J] [O] a alors fait assigner Madame [G] [U] par acte du 4 juin 2015 afin notamment de faire procéder au bornage des propriétés respectives.

[J] [O] étant décédé en cours d'instance, [F] [I] veuve [O] et Messieurs [B] et [P] [O] ont repris l'instance à leur profit en leur qualité d'héritiers.

Par jugement avant dire droit du 29 mars 2017, le tribunal d'instance a, entre autres mesures :

- ordonné une expertise aux fins de bornage judiciaire des parcelles cadastrées section D, n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 9] et désigné Monsieur [A] [R] pour y procéder,

- renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles.

Monsieur [A] [R], expert désigné à cet effet, a déposé son rapport définitif le 1er mars 2018 en concluant qu'il revenait de fixer la limite séparative entre les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] conformément au document d'arpentage du 19 décembre 1974.

Postérieurement, par jugement contradictoire du 31 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bonneville a :

- dit n'y avoir lieu à homologation du rapport d'expertise de Monsieur [A] [R], géomètre expert, déposé au greffe du tribunal d'instance du 6 mars 2018,

- fixé la ligne séparative entre les parcelles situées sur la commune de [Localité 9] lieudit [Localité 7], cadastrées section D n°[Cadastre 1] appartenant à Madame [G] [U] et D n°[Cadastre 2] détenue par [F] [I] veuve [O] et Messieurs [B] et [P] [O], selon les indications du document d'arpentage portant le n°58, établi par Monsieur [C] le 19 décembre 1974, qui a créé ces deux parcelles et repéré sur le plan figurant à l'annexe 1 du rapport d'expertise de Monsieur [A] [R], géomètre-expert du 1er mars 2018, par un trait cyan et les lettres A, B, C, D, E et F,

- dit que le plan de bornage établi par Monsieur [A] [R] (annexe 1 de son rapport) du 1er mars 2018 sera annexé au jugement et fera foi de la ligne divisoire ainsi définie,

- ordonné à la requête de la partie la plus diligente, la publication du présent jugement à la conservation des hypothèques auprès du service des hypothèques territorialement compétent,

- débouté [F] [I] veuve [O] et Messieurs [B] et [P] [O] de leur demande de dommages et intérêts,

- dit que chacune des parties conservera la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens,

- condamné toutes les parties aux dépens (y compris ceux de l'instance ayant donné lieu au jugement du 29 mars 2017), lesquels comprendront les frais d'expertise, à raison de la moitié pour [F] [I] veuve [O] et Messieurs [B] et [P] [O], indivisément entre eux et de l'autre moitié pour Madame [G] [U],

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, frais et dépens compris.

Par acte du 17 février 2021, Madame [U] a interjeté appel du jugement.

[F] [I] veuve [O] est décédée postérieurement à la déclaration d'appel laissant pour lui succéder ses deux fils [B] et [P] [O].

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Madame [U] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- dire et juger qu'elle justifie depuis plus de 30 ans à la date de l'assignation délivrée par les consorts [O], d'une possession paisible et non-équivoque, publique, et continue des locaux identifiés sous teinte bleue dans l'annexe I du rapport de Monsieur [R],

En tout état de cause,

- la dire et juger recevable et bien fondée à invoquer la prescription acquisitive, trentenaire et subsidiairement abrégée, des propriétés respectives des deux parties selon distribution intérieure de la maison d'habitation telle qu'identifiée et transcrite en annexe I document 2.4, 3.4 et 4.4 du rapport d'expertise de Monsieur [R] soit teinte bleue concernant les locaux dépendant de la propriété [G] [U] et jaune concernant les locaux dépendant de la propriété [I]-[O],

- dire et juger que la décision à intervenir sera publiée à la conservation des hypothèques de [Localité 8],

- rejeter toute demande indemnitaire des consorts [I]-[O],

- reconventionnellement, les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [B] [O] et Monsieur [P] [O] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé la ligne séparative ente les parcelles cadastrées à [Localité 9] section D n°[Cadastre 2] appartenant aux consorts [O] et section D n°[Cadastre 1] appartenant à Madame [U] selon les indications du document d'arpentage n°58, établi par Monsieur [C] le 19 décembre 1974, qui a créé ces deux parcelles et repéré sur le plan figurant à l'annexe I du rapport d'expertise de Monsieur [R] du 1er mars 2018, par un trait cyan et les lettres A, B, C, D, E et F,

- dire et juger que Madame [U] est mal fondée à se prévaloir d'une prescription trentenaire fondée sur la distribution intérieure du bâtiment,

- dire et juger que tout acte de possession avant le 2 avril 1990 présente un caractère équivoque et non à titre de propriétaire,

- dire et juger que du fait de la signature de l'acte de partage du 2 avril 1990 reconnaissant expressément la limite de propriété entre les deux fonds, Madame [U] est mal fondée à se prévaloir d'une quelconque possession antérieure à cette date,

- dire et juger en toute hypothèse qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un acte de possession au titre de la grange en violation des droits des consorts [O],

- dire et juger spécialement que la paroi en bois implantée illicitement par Madame [U] est postérieure à 1990 et ne pourra être retenue comme limite de propriété,

- dire et juger qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une prescription abrégée de dix ans ni de l'existence d'un juste titre au soutien de sa revendication,

Réformant partiellement le jugement,

- condamner Madame [U] à payer aux consorts [O] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de son attitude procédurale,

- condamner Madame [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions des l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 5 000 euros sur le même fondement en cause d'appel,

- dire que les frais d'expertise de Monsieur [R] de même que les frais de bornage seront partagés par moitié par les consorts [O] d'une part et Madame [U] d'autre part, le reste des dépens étant mis à la charge de Madame [U] et seront recouvrés pour les dépens d'appel par la SCP Bollonjeon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux articles 711, 712, 2258 et 2272 du code civil, la propriété s'acquiert par succession, donation entre vifs ou testamentaire et par l'effet des obligations. Elle s'acquiert aussi par accession ou incorporation ainsi que par prescription.

La prescription acquisitive permet d'acquérir un bien par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Selon l'article 2261 du même code, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire.

Il s'avère constant en l'espèce que le fonds appartenant originellement à [H] [O] sous les références cadastrales D n°[Cadastre 5] (recadastré en D n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2]) est demeuré sa propriété personnelle jusqu'à son décès survenu le 18 novembre 1959, étant précisé que ses quatre enfants ont procédé de façon différée au règlement de sa succession, le partage du fonds objet du présent litige étant in fine intervenu le 2 avril 1990.

Aussi, quand bien même l'occupation des lieux par certains héritiers aurait débuté avant 1990, Madame [U] ne peut se prévaloir du bénéfice d'une éventuelle prescription acquisitive de son auteur ([D] - fils du [H] [O]) ou d'elle-même qu'à compter du partage, toute possession antérieure ne pouvant s'entendre d'une possession publique et à titre de propriétaire par l'un ou l'autre des héritiers lesquels se trouvaient, jusqu'au 2 avril 1990, soumis au régime de l'indivision qu'ils ne pouvaient ignorer.

Il est par ailleurs établi qu'une contestation s'est élevée en 2014 entre [J] [O] et Madame [U] concernant la délimitation des fonds respectifs de sorte que l'assignation délivrée par le premier, le 4 juin 2015, a nécessairement mis fin à toute possession paisible de la seconde.

Dès lors, la cour observe qu'aucune possession trentenaire répondant aux critères fixés par l'article 2261 du code civil n'est acquise entre ces deux dates puisque qu'une période inférieure à 30 ans s'est écoulée entre 2 avril 1990 et le 4 juin 2015.

Concernant la prescription abrégée, il doit être rappelé que l'acte notarié de partage du 2 avril 1990, publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 19 avril 1990 (volume 9378 n°13), et valant titre de propriété pour l'auteur de Madame [U], vise expressément pour la détermination des propriétés respectivement attribuées à [D] et [J] [O] le document d'arpentage réalisé par Monsieur [C] le 19 décembre 1974, lequel délimite de façon rectiligne la limite séparative des parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2], du sous-sol jusqu'au ciel.

Il résulte au surplus de la copie de l'acte authentique, versée aux débats, que ce document d'arpentage a été visé par chacun des héritiers puis annexé à l'acte notarié de partage. Aussi, le juste titre dont se prévaut Madame [U], pour bénéficier d'un délai de prescription abrégée, ne consacre juridiquement aucun droit sur la fraction de la parcelle n°[Cadastre 2] revendiquée par elle.

En ce sens, Madame [U] ne peut qu'être déboutée de ses demandes.

Sur la demande indemnitaire formulée par les intimés

Le droit d'agir ou de défendre ses intérêts en justice ne peut dégénérer en abus que s'il est exercé de mauvaise foi, avec malice ou en cas d'erreur grossière.

Le fait que Madame [U] ait été déboutée de ses demandes, qu'elle fondait sur une occupation ancienne des lieux, ne suffit pas à la constituer de mauvaise foi ou à établir une quelconque intention de nuire à l'encontre des intimés. Et dans les circonstances de l'espèce, il ne peut être considéré qu'il a fait preuve d'une légèreté blâmable.

En conséquence, la cour ne peut faire droit à la demande indemnitaire présentée par Messieurs [B] et [P] [O].

Sur les demandes annexes

Madame [U], qui succombe en son appel, est condamnée aux dépens dont distraction au profit de la SCP Bollonjeon s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

En équité, elle est condamnée à verser la somme de 3 000 euros à Messieurs [B] et [P] [O] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions annexes du jugement de première instance sont enfin entièrement confirmées compte tenu de la nature du litige opposant les parties, étant rappelé que l'assignation s'est faite à l'initiative de [J] [O].

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Madame [G] [U] à verser la somme de 3 000 euros à Messieurs [B] et [P] [O] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [G] [U] aux dépens dont distraction au profit de la SELURL Bollonjeon s'agissant des frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 24 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00346
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00346 ?
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