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24/11/2022 | FRANCE | N°21/00312

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 24 novembre 2022, 21/00312


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022



N° RG 21/00312 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GT4K



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 22 Décembre 2020, RG 18/01760



Appelants



M. [M] [V]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]



Mme [D], [O] [F]

née le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]



Re

présentés par Me Jean-Luc GIRAUD, avocat au barreau de THONON LES BAINS



Intimée



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAV OIE, dont le siège social est sis [Adresse 5] p...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022

N° RG 21/00312 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GT4K

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 22 Décembre 2020, RG 18/01760

Appelants

M. [M] [V]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Mme [D], [O] [F]

née le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Jean-Luc GIRAUD, avocat au barreau de THONON LES BAINS

Intimée

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAV OIE, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 04 octobre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie (le Crédit Agricole) a consenti à la SCI Anthony, dont M. [M] [V] (à concurrence de 10 %) et Mme [D] [F] (à concurrence de 90 %) sont associés, plusieurs concours, à savoir :

- par acte authentique du 15 février 2005, un prêt immobilier n° 17670901 d'un montant de 77.388 euros au taux d'intérêt annuel fixe de 4,40 % remboursable en 300 mois, afin de financer l'acquisition d'un appartement sur la commune de [Localité 7], prêt garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers sur le bien.

- par acte authentique du 19 août 2005, un second prêt immobilier n° 19624710 d'un montant de 318.438 euros au taux d'intérêt annuel fixe de 4,10 % remboursable en 300 mois, afin de financer l'acquisition d'un terrain et la construction de deux maisons jumelées sur la commune de [Localité 6], avec inscription d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle complémentaire sur la parcelle de terrain à bâtir.

Les échéances de ce second prêt n'ayant été régulièrement payées, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2009, le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure la SCI Anthony d'avoir à lui payer la somme de 361.118,64 € à ce titre.

Par ailleurs, en novembre 2010, la SCI Anthony a procédé à la vente de l'appartement de Thonon-les-Bains et a versé au Crédit Agricole une somme de 68.922,45 € au titre du premier prêt n° 17670901, qui n'a néanmoins pas été soldé en totalité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2011, le Crédit Agricole a mis en demeure la SCI Anthony de lui payer le solde dû de 5.004,19 €.

C'est dans ces conditions que, par acte du 18 octobre 2011, le Crédit Agricole a fait délivrer à la SCI Anthony un commandement de payer valant saisie immobilière du terrain de Perrignier et des bâtiments qui y sont édifiés.

Par jugement du 16 novembre 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, statuant en matière de saisie immobilière, a fixé la créance du Crédit Agricole au titre du prêt n° 19624710 à la somme de 390.860,71 euros en principal, intérêts et frais arrêtée au 28 février 2011, et a ordonné la vente forcée des biens saisis.

Par arrêt du 16 mai 2013, la cour d'appel de Chambéry a confirmé ce jugement. La vente forcée a eu lieu le 17 janvier 2014, date à laquelle l'immeuble saisi a été adjugé au prix de 97.000 euros.

Dans le cadre de la procédure de distribution du prix de vente, le Crédit Agricole a perçu la somme de 94.942,27 euros dont 250,06 euros ont été affectés au remboursement des frais de procédure et 94.692,21 euros au paiement des sommes dues.

La SCI Anthony n'ayant ensuite effectué aucun paiement, le Crédit Agricole a fait sommation aux associés d'avoir à lui payer le solde restant dû par acte du 14 novembre 2016, resté sans effet.

Par jugement du 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, saisi par le Crédit Agricole, a constaté l'état de cessation des paiements et a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCI Anthony. Le Crédit Agricole a déclaré ses créances au mandataire judiciaire le 27 décembre 2017.

La SCI Anthony a interjeté appel de ce jugement, puis s'en est désistée (arrêt du 4 septembre 2018 constatant le désistement d'appel).

Par jugement du 1er juin 2018, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a converti le redressement en liquidation judiciaire, et le Crédit Agricole a actualisé sa déclaration de créance le 13 juin 2018 pour un montant total de 409.150,65 € outre intérêts.

Par courriers recommandés du 13 juillet 2018, le Crédit Agricole a mis en demeure Mme [F] et M. [V], en leur qualité d'associés, de régler les dettes de la SCI Anthony, s'élevant alors à 414.157,88 €, à proportion de leurs parts respectives dans le capital social.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, par actes délivrés du 04 septembre 2018, le Crédit Agricole a fait assigner en paiement Mme [F] et M. [V] devant le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains.

Les défendeurs se sont opposés aux demandes en faisant valoir l'absence d'achèvement des opérations de liquidation de la SCI, le jugement du 1er juin 2018 ayant été frappé d'appel.

Par jugement contradictoire rendu le 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

condamné Mme [F] à payer au Crédit Agricole la somme de 350.541,16 euros au titre du prêt immobilier n° 019624710, produisant intérêts au taux contractuel de 4,10 % à compter du 31 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement,

condamné Mme [F] à payer au Crédit Agricole la somme de 5.643,97 euros au titre du prêt immobilier n°17670901, produisant intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 31 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement,

condamné M. [V] à payer au Crédit Agricole la somme de 38.949,02 euros au titre du prêt immobilier n° 19624710, produisant intérêts au taux contractuel de 4,10 % à compter du 31 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement,

condamné M. [V] à payer au Crédit Agricole la somme de 627,11 euros au titre du prêt immobilier n° 17670901 produisant intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 31 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement,

ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

condamné solidairement Mme [F] et M. [V] à payer au Crédit Agricole la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens,

condamné solidairement Mme [F] et M. [V] au paiement des entiers dépens de l'instance,

autorisé la SELARL Alterius à recouvrer directement contre les parties condamnées les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 11 février 2021, Mme [F] et M. [V] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 10 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [F] et M. [V] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1857, 1858 et 1329 du code civil et la jurisprudence en découlant,

s'entendre Mme [F] et M. [V] recevables et bien fondés en leur appel,

y faisant droit, réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

dire et juger le Crédit Agricole irrecevable et mal fondé en ses demandes, l'en débouter,

condamner le même au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le même aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 26 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie demande en dernier lieu à la cour de:

Vu les articles 1857 et 1858 du code civil, vu les pièces versées aux débats,

dire et juger M. [V] et Mme [F] mal fondés en leur appel,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner solidairement M. [V] et Mme [F] à payer au Crédit Agricole la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement M. [V] et Mme [F] aux entiers frais et dépens d'appel.

L'affaire a été clôturée à la date du 5 septembre 2022 et renvoyée à l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 24 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

L'article 1858 dispose que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

En l'espèce, il est constant que la SCI Anthony a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er juin 2018.

Les appelants soutiennent que ce jugement ayant été frappé d'appel il ne serait pas définitif, ce qui interdirait au créancier de poursuivre les associés. Ils soutiennent également qu'en l'absence de clôture de la liquidation judiciaire les poursuites contre eux ne pourraient prospérer.

Toutefois, par arrêt contradictoire rendu le 7 mai 2019, la cour d'appel de Chambéry a confirmé le jugement de liquidation judiciaire du 1er juin 2018 en toutes ses dispositions. Les appelants ne démontrent ni ne soutiennent qu'un pourvoi aurait été formé contre cet arrêt qui, en tout état de cause, a autorité de la chose jugée dès son prononcé.

Par ailleurs, l'absence de clôture de la liquidation n'a pas pour effet d'interdire au créancier de poursuivre les associés sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil précités, la déclaration de créance au passif dispensant le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser.

Au demeurant en l'espèce, la lecture de l'arrêt du 7 mai 2019 (pièce n° 30 de l'intimé) révèle que la SCI Anthony ne disposait d'aucun autre actif connu que les biens immobiliers d'ores et déjà saisis et vendus, de sorte que les poursuites contre elle sont vaines.

Les appelants soutiennent encore que les parties se seraient rapprochées le 30 juin 2016 et qu'un accord serait intervenu emportant novation des obligations des associés conformément à l'article 1329 du code civil.

Toutefois, l'article 1329 invoqué est issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, soit postérieurement à la novation alléguée, de sorte que le moyen fondé sur ce texte est inopérant.

En tout état de cause, les appelants ne produisent aucun élément permettant d'établir une quelconque novation de l'obligation, alors qu'il apparaît qu'ils n'ont en réalité jamais permis la signature définitive de l'accord de règlement qui avait été envisagé par le prêteur, le notaire les ayant en vain relancés, ce qui ressort des pièces produites par les appelants eux-mêmes (n° 6) et a été encore souligné dans l'arrêt précité du 7 mai 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2017 le Crédit Agricole a d'ailleurs fait savoir aux associés que, compte tenu de l'échec des solutions amiables précédemment envisagées, imputable à leur inertie (défaut de transmission au notaire des informations nécessaires à la rédaction des actes), il allait engager une procédure judiciaire à leur encontre (pièces n° 36 et 37 de l'intimé).

La demande en paiement du Crédit Agricole est ainsi parfaitement fondée.

Pour le surplus, les appelants ne contestent pas les décomptes de la banque ni les montants auxquels ils ont été condamnés par le jugement déféré qui sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit Agricole la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [F] et M. [V], qui succombent en leur appel, supporteront les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 22 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [D] [F] et M. [M] [V] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne in solidum Mme [D] [F] et M. [M] [V] aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 24 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00312
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00312 ?
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