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24/11/2022 | FRANCE | N°21/00247

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 24 novembre 2022, 21/00247


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022





N° RG 21/00247 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTUV



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 10 Décembre 2020, RG 15/01207



Appelants



M. [Z], [C] [W]

né le 05 Mars 1971 à [Localité 5] ([Localité 5]),

et

Mme [L] [S] épouse [W]

née le 16 Octobre 1972 à [Localité 11] ([Localité 11]),

demeurant ensemble [Adr

esse 4]



Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL KIEN-DEWULF avocat plaidant au barreau d'ANNECY



Intimés



M. [H] [K]

né le 15 Mars ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 24 Novembre 2022

N° RG 21/00247 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTUV

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 10 Décembre 2020, RG 15/01207

Appelants

M. [Z], [C] [W]

né le 05 Mars 1971 à [Localité 5] ([Localité 5]),

et

Mme [L] [S] épouse [W]

née le 16 Octobre 1972 à [Localité 11] ([Localité 11]),

demeurant ensemble [Adresse 4]

Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL KIEN-DEWULF avocat plaidant au barreau d'ANNECY

Intimés

M. [H] [K]

né le 15 Mars 1975 à [Localité 6] ([Localité 6]), demeurant [Adresse 10]

Représenté par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL C. & D. PELLOUX, avocat plaidant au barreau d'ANNECY

Me Thierry LEJEUNE, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal

Représenté par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 04 octobre 2022 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique reçu le 08 décembre 2010 par Me Thierry Lejeune, notaire associé à Cran Gévrier (74), M. [Z] [W] et Mme [L] [S] son épouse ont acquis de M. [H] [K], dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2], cadastré section [Cadastre 8] dénommé [Adresse 12] :

- la chambre n° 178 correspondant au lot 136, d'une superficie de 10.71 m²,

- la chambre n° 180 correspondant au lot 137 et la chambre n° 181 correspondant au lot 138, ces deux lots ayant été réunis en un seul local (studio) d'une superficie de 19,71 m²,

- 2/42èmes du lot 157, soit un couloir,

et les parties communes attachées à ces lots.

L'acquisition a été réalisée moyennant le paiement d'un prix de 84.000 euros provenant d'un prêt réalisé par les époux [W] auprès de la Caisse d'épargne et prévoyance Rhône-Alpes.

Les époux [W] ont ensuite procédé à la mise en location en meublé de ces biens, afin de financer le prêt contracté et les charges.

Le 22 mai 2014, l'ARS a informé les époux [W] que la mise à disposition des locaux dont ils sont devenus propriétaires «aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, est contraire aux dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique» en ce que «les ouvrants de ce local ne donnent pas à l'air libre mais sur un espace intérieur couvert par une verrière et que cela entraîne un défaut manifeste d'éclairement naturel, d'aération et de ventilation, susceptible de représenter un danger pour la santé des occupants».

Après échanges entre les époux [W] et l'ARS, cette dernière a confirmé que le local est considéré comme impropre à l'habitation et ne peut être loué, ni mis à disposition gratuitement pour l'habitation.

C'est dans ces conditions que, par actes des 18 et 19 juin 2015, M. et Mme [W] ont fait assigner le vendeur, M. [K], et le notaire rédacteur, Me Lejeune, pour obtenir la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, avec restitution du prix de vente et des frais d'acte par le vendeur, ainsi que la condamnation du notaire et du vendeur à leur payer différentes sommes en réparation des préjudices subis, et, subsidiairement, pour obtenir la condamnation de Me Lejeune à réparer l'entier préjudice qu'ils ont subi.

M. [K] s'est opposé aux demandes en soutenant :

- principalement que la clause de l'acte de vente exclut toute garantie des vices cachés, lui-même n'étant ni de mauvaise foi ni vendeur professionnel,

- subsidiairement que les conditions de la garantie des vives cachés ne sont pas réunies.

Me Lejeune s'est également opposé aux demandes en faisant valoir qu'il n'a été que le rédacteur de l'acte et n'a jamais visité les lieux dont la description figurant dans les documents fournis ne laisse pas présumer l'absence d'ouverture extérieure. Aucune faute ne pourrait lui être reprochée.

Les défendeurs ont également discuté les préjudices invoqués par les époux [W].

Par jugement contradictoire du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

débouté M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes, dirigées tant à l'encontre de M. [K] qu'à l'encontre de Me Lejeune,

condamné M. et Mme [W] à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. et Mme [W] à payer à Me Lejeune la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. et Mme [W] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. et Mme [W] aux entiers dépens de l'instance,

accordé à Me Petit et à la scp Visier-Philippe-Olagnon-Delroise et associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 03 février 2021, M. et Mme [W] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance rendue le 14 octobre 2021, sur incident soulevé par M. [K], le conseiller de la mise en état a :

rejeté les fins de non-recevoir soulevées par M. [K],

en conséquence, déclaré recevable la demande des époux [W] présentée à titre subsidiaire sur le fondement d'un vice du consentement et tendant à l'annulation du contrat de vente du 8 décembre 2010,

condamné M. [K] aux dépens de l'incident, et à payer aux époux [W] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 5 août 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [Z] [W] et Mme [L] [S], épouse [W], demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article 46 du code de procédure civile,

Vu l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu l'article 1130 du code civil,

juger recevable et bien fondé leur appel formé du chef de l'ensemble des dispositions du jugement déféré,

en conséquence, réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

juger M. et Mme [W] recevables et bien fondés en leur action en garantie des vices cachés à l'encontre de M. [K], vendeur,

juger inopérante à l'endroit de M. [H] [K] la clause d'exonération de la garantie des vices cachés insérée à l'acte authentique de vente,

en conséquence, juger M. et Mme [W] recevables et bien fondés en leur demande tendant à la résolution de la vente régularisée le 08 décembre 2010 en l'étude de Me Lejeune, notaire associé à [Adresse 9] (74), portant sur les biens immobiliers sis au sein de l'ensemble immobilier [Adresse 2] dénommé le Grand Hôtel cadastré section [Cadastre 7], à savoir la chambre n° 178 (lot 136), la chambre n° 180 (lot 137) et la chambre n° 181 (lot 138), ces deux dernières étant réunies en un seul lot, outre un couloir correspondant aux 2/42èmes du lot 157,

en conséquence, condamner M. [K] à restituer à M. et Mme [W] le prix de vente d'un montant de 84.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015, date de l'assignation délivrée à M. [K], avec restitution concomitante par M. et Mme [W] à M. [K] des biens immobiliers, objet de la vente,

condamner M. [K] à rembourser à M. et Mme [W] les frais occasionnés par la vente, hors droits de mutation et d'enregistrement, sur le fondement de l'article 1646 du code civil,

A titre subsidiaire,

dire et juger que M. [K], vendeur de mauvaise foi, connaissait les vices de la chose et qu'il est donc tenu, outre la restitution du prix de cession, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, selon les dispositions de l'article 1645 du code civil,

en conséquence, condamner M. [K] à payer à M. et Mme [W] la somme de 8 678.28 euros à parfaire au titre des frais afférents aux biens immobiliers acquis, la somme de 27 000 euros à parfaire au titre de la perte de chance de location des biens immobiliers acquis, la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral subi, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

donner acte à M. et Mme [W] de ce qu'ils renoncent à leur demande tendant à la condamnation de M. [K] aux intérêts et frais bancaires du prêt immobilier souscrit auprès de la caisse d'épargne Rhône-Alpes pour les motifs développés dans le corps des présentes,

juger que Me Lejeune a engagé sa responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour n'avoir pas informé et éclairé M. et Mme [W], acquéreurs, sur la réalité de leurs droits à l'égard des biens immobiliers dont ils se rendaient acquéreurs,

en conséquence, condamner Me Lejeune à réparer le préjudice subi par M. et Mme [W] et à leur payer, in solidum avec M. [K], vendeur, les frais occasionnés par la vente, hors droits de mutation et d'enregistrement une somme, la somme de 8.678,28 euros, à parfaire, au titre des frais à charge des époux [W] dans le cadre de l'opération immobilière souscrite par eux, outre le préjudice moral évalués à la somme de 3.000 euros,

condamner in solidum M. [K] et Me Lejeune à payer à M. et Mme [W] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens dont recouvrement au profit de Me Fillard, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si M. [K] n'était pas tenu à la garantie des vices cachés et la résolution de la vente non prononcée,

juger que le consentement de M. et Mme [W] a été vicié en raison d'une erreur sur une qualité essentielle de la chose vendue,

en conséquence, annuler la vente régularisée le 08 décembre 2010 avec toutes conséquences de droit,

A titre subsidiaire encore,

condamner Me Lejeune, notaire rédacteur d'acte, à réparer l'entier préjudice subi par les époux [W] évalué à la somme de 120.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015, date de délivrance de l'assignation,

condamner le même à payer aux époux [W] une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont recouvrement au profit de Me Fillard, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 4 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [H] [K] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1641 et 1643 du code civil,

Vu les anciens articles 1304 et 1110 du code civil,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

juger que M. [K] est bien fondé à se prévaloir de la clause excluant toute garantie des vices cachés, n'étant ni de mauvaise foie ni un vendeur professionnel,

débouter en conséquence purement et simplement M. et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

juger que les conditions de la résolution de la vente tirées de la garantie légales des vices cachés ne sont pas réunies,

juger que les dispositions des articles 1603 et suivants ne sauraient valablement prospérer,

A titre subsidiaire,

débouter M. et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes fondées sur l'existence d'un vice du consentement,

en conséquence, débouter de plus fort M. et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire , et en tout état de cause,

débouter purement et simplement M. et Mme [W] de leur demande de voir condamner M. [K] à leur verser la somme de 8.678,28 euros au titre des frais occasionnés par la vente, ces frais devant être remboursés par le notaire et l'administration fiscale en raison de l'effet rétroactif de la résolution,

débouter M. et Mme [W] de leur demande de remboursement des frais relatifs aux biens immobiliers à compter de juin 2014 ainsi que de la prétendue perte locative, M. et Mme [W] étant seuls responsables de la non-location des biens, leur préjudice n'étant en tout état de cause absolument pas certain,

juger que seule la responsabilité délictuelle de Me Lejeune pourrait éventuellement être retenue dans cette affaire à l'égard des demandeurs et de M. [K],

le condamner en conséquence, seul, à verser des dommages intérêts aux demandeurs en réparation du préjudice éventuel par eux subi si celui-ci venait à être effectivement justifié,

le condamner en tout état de cause, si la vente devait être annulée, à relever et garantir M. [K] de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au titre des frais sollicités par les époux [W] à hauteur des sommes de 8.678,28 euros, 27.000 euros et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

le condamner, en outre, à verser à M. [K] une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par lui subi en raison de la perte de valeur du bien au moment de la nullité de la vente,

condamner M. et Mme [W] à payer à M. [K] une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

condamner in solidum M. et Mme [W] et Me Lejeune à payer à M. [K] une somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

condamner in solidum M. et Mme [W] et Me Lejeune aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la scp Bollonjeon, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 13 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Me Thierry Lejeune demande en dernier lieu à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu'il a :

- débouté M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes, dirigées tant à l'encontre de M. [K] qu'à l'encontre de Me Lejeune,

- condamné M. et Mme [W] à payer à Me Lejeune la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. et Mme [W] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [W] aux entiers dépens de l'instance.

Subsidiairement,

débouter M. et Mme [W] de toutes les demandes qu'ils forment à l'encontre de Me Lejeune en cause d'appel,

par voie de conséquence, débouter M. [K] des demandes subsidiaires qu'il forme à l'encontre de Me Lejeune,

Dans tous les cas, ajoutant au jugement,

condamner M. et Mme [W] à payer à Me Lejeune la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [W] aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la scp Visier-Philippe-Ollagnon-Delroise et associés, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 5 septembre 2022 et renvoyée à l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 24 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la garantie des vices cachés

Pour rejeter la demande des époux [W], le tribunal a jugé que le vice allégué ne constitue pas un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Le tribunal n'a pas examiné le moyen soulevé par M. [K] tenant à l'application de la clause figurant dans l'acte de vente excluant la garantie des vices cachés, moyen réitéré en appel.

M. et Mme [W] forment à titre principal une demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, en soutenant que l'impossibilité de mettre en location les biens acquis serait constitutive d'un tel vice.

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1643 dispose que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Selon l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En présence d'une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, pour pouvoir en écarter l'application, il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de la mauvaise foi du vendeur ou de sa qualité de professionnel de l'immobilier.

En l'espèce, l'acte de vente du 8 décembre 2010 stipule (page 11) que l'acquéreur «prendra l'objet des présentes, sous réserve des déclarations faites et des garanties consenties dans l'acte par le vendeur, dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans garantie de la part de ce dernier en raison des vices apparents ou cachés dont le sol, le sous-sol et les ouvrages, s'ils existent, pourraient être affectés. Le vendeur sera néanmoins tenu à la garantie des vices cachés s'il a la qualité de professionnel de l'immobilier».

Pour échapper au jeu de cette clause, M. et Mme [W] soutiennent en premier lieu que M. [K] est un professionnel de l'immobilier puisqu'il apparaît comme exerçant une activité de location de meublés touristiques.

La qualité de professionnel de l'immobilier s'apprécie au jour de la vente.

L'acte de vente litigieux précise que M. [K] exerce la profession de comptable, et celui-ci justifie qu'à la date de l'acte il était salarié à temps plein de l'Assedic des Alpes (devenu Pôle emploi) depuis 1998 (pièce n° 4). S'il est exact qu'il apparaît comme loueur de meublé touristiques, il n'est pas établi qu'il exerçait une telle activité à titre professionnel à la date de l'acte de vente, même s'il indique exercer aujourd'hui celle de gestionnaire de résidences de tourisme, ce qui n'en fait pas pour autant un professionnel de l'immobilier à la date de l'acte de vente.

Les appelants échouent donc à rapporter la preuve qui leur incombe de ce que M. [K] ne pourrait se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés en sa qualité de vendeur professionnel.

Les époux [W] soutiennent encore que le vendeur serait de mauvaise foi puisque, selon eux, il aurait eu une parfaite connaissance de ce que les biens vendus étaient dépourvus d'ouvertures directes sur l'extérieur et que cela posait des difficultés au regard de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, modifié le 23 février 2010, soit dix mois avant la vente, sous-entendant que la vente aurait été motivée par cette modification de la loi.

Toutefois, les époux [W], avaient eux-mêmes une parfaite connaissance des caractéristiques des biens vendus et ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que :

- d'une part, cette législation aurait été précisément connue de M. [K], y compris dans ses conséquences quant à l'habitabilité des biens vendus,

- que son entrée en vigueur aurait motivé la mise en vente et qu'il l'aurait délibérément dissimulée à ses acquéreurs.

En effet, aucun élément produit ne permet de retenir la mauvaise foi alléguée, étant rappelé que M. [K] a régulièrement mis ces biens en location saisonnière, et jusqu'au 3 mai 2010, de manière tout à fait officielle et déclarée, sans jamais avoir été inquiété quant à leur habitabilité.

En conséquence, en l'absence de mauvaise foi établie du vendeur, celui-ci est parfaitement fondé à se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. et Mme [W] sur ce fondement, mais par substitution de motifs.

2/ Sur l'erreur

Pour la première fois en appel, M. et Mme [W] formulent, à titre subsidiaire, une demande en annulation de la vente du 8 décembre 2010 sur le fondement de l'erreur, en soutenant que la possibilité de mettre en location les biens était pour eux une qualité essentielle et déterminante. Ils estiment que leur consentement a été vicié puisque, selon eux, à la date de l'acte de vente, le bien ne pouvait plus être mis en location à quelque titre que ce soit.

En application de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1110 ancien du code civil dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Il appartient à l'acquéreur qui entend obtenir la nullité d'un contrat de vente pour erreur de rapporter la preuve que l'erreur alléguée porte sur une qualité essentielle du bien acquis.

En l'espèce, les appelants n'ont jamais prétendu n'avoir pas visité les lieux avant des les acquérir, de sorte qu'ils avaient une parfaite connaissance de leurs caractéristiques et ne pouvaient ignorer l'absence d'ouverture sur l'extérieur. L'erreur alléguée porte uniquement sur les conséquences de cette caractéristique quant à l'usage pouvant être fait de ces biens.

Il résulte de la lecture de l'acte de vente et de tous les documents s'y rapportant que les biens litigieux sont destinés à l'habitation, mais à aucun moment il n'est fait mention par les acquéreurs de ce qu'ils seraient destinés à la location.

Par ailleurs, l'acte de vente contient une clause par laquelle la notion de logement décent est rappelée (pages 24-25), à savoir «une pièce principale soit d'au moins neuf mètres carrés et d'une hauteur sous plafond au moins égale à deux mètres vingt, soit un volume habitable de vingt mètres cubes au minimum. La pièce principale doit être dotée d'une ouverture à l'air libre, d'une cuisine ou d'un coin-cuisine, d'une douche ou d'une baignoire, d'un water-closets séparé (...) Il est précisé que ces conditions sont obligatoires pour toute location, sauf une location saisonnière ou une mise à disposition à titre gratuit. A défaut, le locataire pourra demander la mise en conformité du logement ou la révision du loyer auprès du tribunal d'instance».

S'il est exact que cette mention ne reprend pas les termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique dans sa version applicable au jour de l'acte de vente, pour autant, les époux [W] étaient, dès la signature de l'acte, informés de ce que les biens acquis pouvaient entrer dans les catégories interdites à la location autre que saisonnière.

Or les baux qu'ils ont consentis sur ces biens ne sont pas des baux saisonniers, mais des baux en meublé destinés à des occupants permanents (étudiants notamment). De sorte qu'ils se sont eux-mêmes mis en infraction avec une réglementation dont ils avaient été dûment informés par l'acte.

En tout état de cause, ils échouent à rapporter la preuve de l'impossibilité de mise aux normes des lieux. En effet, il n'est justifié d'aucune démarche auprès de la copropriété, ni d'aucune contestation de l'avis délivré par l'ARS, qui n'a été suivi d'aucun arrêté d'insalubrité. Il convient en outre de souligner que le syndic de l'immeuble a précisé n'avoir été informé d'aucun arrêté d'insalubrité pour d'autres logements du même étage et présentant une configuration identique, dont certains sont occupés (pièce n°12 de M. [K]).

Les derniers courriers de l'ARS (pièces n° 28 et 30 des appelants) ne prouvent pas l'impossibilité de la réalisation de travaux, ceux-ci n'ayant jamais été demandés (et le classement de la verrière n'est aucunement démontré).

Aucune erreur n'est donc établie ayant vicié leur consentement et leurs demandes ne peuvent qu'être rejetées sur ce fondement.

Toutes les demandes formées à l'encontre de M. [K] seront donc rejetées.

3/ Sur la responsabilité du notaire

M. et Mme [W] entendent en tout état de cause voir retenir la responsabilité du notaire qui ne les aurait pas suffisamment informés de l'état réel du bien.

Toutefois, et en l'absence d'éléments nouveaux produits par les appelants de nature à remettre cette analyse en question, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal, après avoir rappelé la nature des obligations pesant sur le notaire rédacteur de l'acte, a retenu que:

- Me Lejeune n'a pas été l'intermédiaire entre les parties, la vente ayant été négociée directement entre le vendeur et les acquéreurs, de sorte qu'il n'avait aucune connaissance du bien pour ne l'avoir jamais visité, et qu'il n'avait aucune obligation de procéder à une telle visite,

- la lecture des diagnostics réalisés avant la vente ne permet pas de révéler l'absence d'ouverture des locaux sur l'extérieur, l'existence de fenêtres et d'une ventilation naturelle étant même expressément mentionnée,

- l'existence de la verrière ne résulte d'aucun des plans fournis au notaire, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas délivré de conseil spécifique sur ce point,

- la mention de l'acte relative à la notion de logement décent est régulière en ce qu'elle se réfère aux dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 (pris pour l'application de la loi dite SRU du 13 décembre 2000) et au code de la construction et de l'habitation, et non à celles du code de la santé publique, et qu'il n'appartient pas au notaire de compiler l'ensemble de la législation existant sur le sujet.

Il sera ajouté que M. et Mme [W] ne démontrent pas avoir informé le notaire de leur projet locatif et des caractéristiques particulières des lieux dont ils avaient inévitablement connaissance, alors que le rappel sur la notion de logement décent aurait dû les conduire à l'interroger plus avant, ce qu'ils n'ont pas fait.

Aussi, c'est à bon droit que le tribunal a écarté toute faute du notaire et a débouté M. et Mme [W] des demandes formées à son encontre.

4/ Sur les autres demandes

M. [K] demande à titre reconventionnel des dommages et intérêts pour procédure abusive. Toutefois, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, et l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que lorsqu'elle révèle une faute ou une erreur grave dont la commission a entraîné un préjudice pour le défendeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En tout état de cause, M. [K] ne justifie pas avoir subi un préjudice autre que celui d'avoir eu à défendre en justice, de sorte qu'il sera débouté de cette demande.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] et de Me Lejeune la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 2.000 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [W], qui succombent en leur appel, supporteront les entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] [W] et Mme [L] [S], épouse [W], de leur demande de nullité de l'acte de vente du 8 décembre 2010 fondée sur l'erreur,

Déboute M. [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [Z] [W] et Mme [L] [S], épouse [W], à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

- à M. [H] [K] la somme de 2.000 euros,

- à Me Thierry Lejeune, la somme de 2.000 euros,

Condamne M. [Z] [W] et Mme [L] [S], épouse [W], aux entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

Ainsi prononcé publiquement le 24 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00247
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00247 ?
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