La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2022 | FRANCE | N°20/01041

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 20/01041


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 22 Novembre 2022





N° RG 20/01041 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQPD



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 14 Février 2019





Appelante



Mme [D] [F] [R]

née le 20 Juillet 1970 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]



Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numé

ro 2020/002677 du 02/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)









Intimés



S.E.L.A.R.L. MJ ALPES agissant es qualité de liquidateur judiciaire ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 22 Novembre 2022

N° RG 20/01041 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQPD

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 14 Février 2019

Appelante

Mme [D] [F] [R]

née le 20 Juillet 1970 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002677 du 02/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

Intimés

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES agissant es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [J] [Z], dont le siège social est situé [Adresse 4] (FRANCE)

Représentée par Me Véronique COUDRAY, avocat au barreau de BONNEVILLE

M. [J] [Z], demeurant [Adresse 6]

Sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 27 Juin 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 septembre 2022

Date de mise à disposition : 22 novembre 2022

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour lors des débats et du délibéré :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et Procédure

Pendant leur concubinage qui durait de 1993 à 2008, Mme [D] [R] et M. [J] [Z] acquéraient en janvier 2007 en indivision, pour un prix de 140 000 euros, une maison mitoyenne, sise [Adresse 1], sur la Commune de [Localité 7], cadastrée section A [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour 2a 43 ca. Le couple de concubins finançaient cette acquisition, qui constituait leur habitation, par deux prêts souscrits auprès du Crédit Immobilier de France, d'un montant total de 152 430 euros.

Le 1er décembre 2009, M. [J] [Z], artisan paysagiste, était placé en liquidation judiciaire par le tribunal judiciaire statuant en matière commerciale d'Annecy. Dans le cadre de la procédure de liquidation, l'immeuble indivis entre Mme [D] [R] et M. [J] [Z] était évalué à la somme de 155 000 euros.

Me [T], en qualité de liquidateur de M. [J] [Z] faisait assigner ce dernier et Mme [D] [R] devant le tribunal judiciaire d'Annecy, par exploit d'huissier du 16 Décembre 2010, aux fins notamment d'ordonner la licitation de l'immeuble indivis sur la mise à prix de 115 000 euros. Par jugement en date du 4 avril 2012, le tribunal faisait droit à cette demande, mais la cour d'appel de Chambéry, par arrêt du 19 novembre 2013, déboutait le liquidateur de l'ensemble de ses prétentions.

Par jugement en date du 14 février 2019, sur assignation de Me [T], es qualité de liquidateur judiciaire de M. [J] [Z], le tribunal judiciaire d'Annecy :

' déclarait recevable I'action de Me [T] en qualité de liquidateur de M. [J] [Z],

' rejetait I'exception d'autorité de chose jugée soulevée par Mme [D] [R],

' ordonnait le partage de I'indivision existant entre Mme [D] [R] et M. [J] [Z] portant sur une maison mitoyenne cadastrée section A n° [Cadastre 3] et [Cadastre 2], commune de [Adresse 1],

' ordonnait la Iicitation de cet immeuble par devant le tribunal judiciaire (ex-TGI) d'Annecy sur la mise à prix de 155 000 euros avec faculté de baisse du quart puis de moitié en cas de désertion d'enchères, ces dernières devant être faites par tranches de 1 000 euros,

' disait que le cahier des charges de la vente précisant notamment le délai de réitération des enchères sera dressé par I'avocat du liquidateur de M. [J] [Z],

' disait que la licitation sera précédée dans le mois de la vente d'un affichage sur les portes de I'immeuble, en mairie et au tribunal judiciaire du lieu de situation du bien, ainsi que par voie d'insertion dans deux journaux locaux, un quotidien et un hebdomadaire format 1/32ème de page minimum et d'une annonce sur le site immobilier.notaires.fr et deux autres sites internet spécialisés au moins (type le bon coin, logic-immo.fr, bien ici, paruvendu.fr, seloger.com etc..),

' désignait la SCP Bastard-Rosset-Valentinis, huissiers de Justice associés à Annecy pour établir le procès-verbal de description des biens, organiser une ou plusieurs visites, avec au besoin I'assistance de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique, avec autorisation de se faire assister d'un expert pour procéder aux recherches et diagnostics préalables à la vente exigés par la loi,

' ordonnait l'emploi des dépens de la présente instance en frais privilégiés de partage et de Iicitation,

' déboutait Mme [D] [R] pour le surplus de ses demandes.

Par déclaration au Greffe en date du 14 septembre 2020, Mme [D] [R] interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 17 décembre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [D] [R] sollicitait de la cour de :

' déclarer son appel recevable,

' réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

' rejeter la Selarl MJ Alpes es-qualité de liquidateur judiciaire de M. [J] [Z] en substitution de Me [W] [T], en toutes ses demandes,

' à titre subsidiaire, surseoir à la Iicitation partage pendant un délai de 3 ans,

' dire et juger que Mme [D] [R] est propriétaire indivis à hauteur de moitié et qu'elle récupérera par conséquent la moitié du prix de vente,

' condamner la Selarl MJ Alpes es qualité de liquidateur judiciaire de M. [J] [Z] à verser à I'avocat de Mme [D] [R] la somme de 3 500 euros en application de I'articIe 37 de la Loi du 10 Juillet 1991, outre les dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [D] [R] exposait essentiellement que :

- l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 19 novembre 2013 en ce qu'il avait débouté Me [T], liquidateur de M. [J] [Z] de sa demande de partage et de licitation du bien litigieux avait autorité de la chose jugée, Me [T] ayant toujours été partie à la procédure, peu important que le fondement de la demande ait changé et la cause étant identique, à savoir le bien en indivision,

- le bien indivis constituait son domicile ainsi que celui de son fils, autiste asperger, elle-même souffrait d'une maladie neurodégénérative et perçevait une allocation spécifique de solidarité.

Par dernières écritures en date du 10 mars 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Selarl MJ Alpes sollicitait de la cour de :

' rejeter l'exception de l'autorité de la chose soulevée par Mme [D] [R],

' déclarer la Selarl MJ Alpes agissant en qualité de liquidateur de M. [J] [Z], fondée en sa demande en partage,

' débouter Mme [D] [R] de sa demande de sursis au partage,

' confirmer le jugement entrepris.

Au soutien de ses prétentions, la Selarl MJ Alpes faisait valoir que :

- l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 4 avril 2012 ne pouvait être retenue du fait de l'absence

' d'identité de qualité des parties, Me [T] agissant alors en qualité de représentant des créanciers de M. [J] [Z] et non en qualité de liquidateur comme dans la présente instance,

' d'identité d'objet et de cause, dans la première décision, il s'agissait d'une action oblique des créanciers, alors qu'en l'espèce, il s'agissait du droit direct de M. [J] [Z],

- l'instance avait duré plusieurs années et Mme [D] [R] n'avait cependant formulé aucune proposition de rachat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 27 juin clôturait l'instruction de la procédure et l'affaire était appelée à l'audience du 20 septembre 2022.

MOTIFS ET DÉCISION

I - sur l'autorité de la chose jugée

Aux termes de l'article 1355 du code civil, 'L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité'.

La fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée suppose, pour être retenue, l'existence de trois conditions cumulatives : une identité sur la qualité des parties ; une identité d'objet ; une identité de cause.

En l'espèce, Me [T], liquidateur de M. [J] [Z], désigné par jugement de liquidation judiciaire en date du 1er décembre 2009, avait introduit par exploit d'huissier en date du 16 décembre 2010, une action en licitation-partage contre Mme [D] [R] et M. [J] [Z], concernant le bien immobilier en indivision cadastré section A [Cadastre 2] commune de [Localité 7], fondée sur les articles 1166 et 815-17 du code civil. Il avait été débouté de son action par la cour d'appel de Chambéry par décision en date du 19 novembre 2013.

Dans la présente instance, Me [T] a introduit par exploit d'huissier en date du 8 septembre 2015, une action en partage et en licitation fondée sur l'article 815 du code civil.

Ainsi, Me [T] était partie lors de la première instance en qualité de liquidateur représentant les créanciers de M. [J] [Z] sur le fondement de l'article 815-17 lequel prévoit que ' les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles' mais qu'ils 'ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis'.

Dans la présente instance, Me [T], (actuellement la Selarl MJ Alpes) agit avec une autre qualité, celle de liquidateur de M. [J] [Z], lui-même dessaisi en vertu de l'article L 641-9 du code de commerce pendant toute la liquidation de ses droits et actions concernant son patrimoine, sur un autre fondement juridique, l'article 815 du code civil qui prévoit que 'nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention'.

En effet, le liquidateur ne dispose pas d'un droit propre de provoquer le partage et n'a pas le pouvoir d'imposer aux coïndivisaires, étrangers à la procédure collective, les conditions de la licitation prévue à la procédure de réalisation de l'actif inapplicable aux biens indivis (cour de cassation, commerciale 28 novembre 2000 pourvoi n°98-10.145). En revanche, le droit commun de l'indivision permet au liquidateur de solliciter le partage de l'indivision, soit en qualité de représentant des créanciers sur le fondement de l'article 815-17 du code civil, soit en qualité de représentant de l'indivisaire en liquidation. Dans le premier cas, il n'est pas tenu de démontrer un intérêt à agir.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'identité de qualité et de cause entre les deux procédures, l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, en date du 19 novembre 2013, n'avait pas l'autorité de la chose jugée.

II - sur le fond

Dès lors qu'il est démontré et non contesté que M. [J] [Z] est coïndivisaire avec Mme [D] [R] du bien immobilier cadastré section A [Cadastre 2] commune de [Localité 7], l'exercice de l'action en partage, comme l'ont souligné les premiers juges, est fondé sans autre condition.

Faisant valoir sa situation difficile ainsi que celle de son fils, âgé de 24 ans, Mme [D] [R] sollicite à titre subsidiaire un délai de trois ans sur le fondement de l'article 823 du code civil, lequel prévoit 'le maintien dans l'indivision ne peut être prescrit pour une durée supérieure à cinq ans. Il peut être renouvelé, dans le cas prévu au premier alinéa de l'article 822, jusqu'à la majorité du plus jeune des descendants et, dans le cas prévu au deuxième alinéa du même article, jusqu'au décès du conjoint survivant'.

Depuis l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 19 novembre 2013, Mme [D] [R] n'a formulé effectivement, comme le soulignent les premiers juges, aucune proposition d'évaluation et de rachat des droits indivis. Elle ne parvient pas à régler les sommes dues au Crédit immobilier de France au titre des prêts initiaux, malgré un arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 11 avril 2017 qui, par compensation, a nettement diminué sa dette auprès de l'organisme de prêt, lequel a toutefois été dans l'obligation de délivrer un commandement aux fins de saisie-vente en 2018, sachant que les sommes dues sont à nouveau très importantes du fait des intérêts qui ont continué à courir.

En conséquence, la cour confirme le rejet de la demande de sursis au partage et confirme également la licitation, dès lors que l'indivision repose sur un bien unique non divisible en lots, ainsi que les autres mesures ordonnées relatives aux dépens.

Mme [D] [R] sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et de sa demande relative aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens de l'instance d'appel en frais privilégiés de partage et de licitation.

Arrêt de Défaut rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le

à

la SELARL BOLLONJEON

Me COUDRAY

Copie exécutoire délivrée le

à

la SELARL BOLLONJEON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01041
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;20.01041 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award