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17/11/2022 | FRANCE | N°22/00178

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 17 novembre 2022, 22/00178


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 17 Novembre 2022





RG : N° RG 22/00178 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD4W





Appelant

M. [K] [X]

né le 13 Avril 1976

Chez Mme [V] [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

actuellement hospitalisé à L'EPSM 74

assisté de Me Jordan GOURMA

ND, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant



Mme [H] [V] (tiers demandeur, curateur -...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 17 Novembre 2022

RG : N° RG 22/00178 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD4W

Appelant

M. [K] [X]

né le 13 Avril 1976

Chez Mme [V] [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

actuellement hospitalisé à L'EPSM 74

assisté de Me Jordan GOURMAND, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant

Mme [H] [V] (tiers demandeur, curateur - mère)

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparante

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 16 novembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 17 novembre 2022,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS

M.[X] [K] a été admis en soins psychiatriques sur demande d'un tiers, en l'occurrence de sa mère, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur du 19 juin 2017 à l'établissement public de santé mentale de [6] de [Localité 5].

Le certificat médical d'admission du docteur [F] faisait mention, à cette date, des troubles mentaux suivants : « état délirant aigu, sous forme d'une bouffée délirante. Délire de persécution avec syndrome d'influence qui entraîne un trouble du comportement à type d'agitation psychomotrice'. Il y était indiqué, par ailleurs, que le risque de passage à l'acte était majeur, que sa conviction délirante était inébranlable, et que le déni de sa pathologie entravait l'adhésion aux soins.

Cette mesure d'hospitalisation complète sans consentement a été prolongée régulièrement chaque mois, la dernière décision du directeur de l'établissement datant du 21 octobre 2022.

Le dernier certificat médical mensuel du 18 octobre 2022 du docteur [U] indique : 'patient hospitalisé au long cours à l'EPSM 74 dans le cadre d'une affection chronique chimio résistante. Monsieur [X] présente un délire polymorphe (à thématiques mystique, sexuelle, de persécution...) et de mécanismes multiples (intuitif, interprétatif, imaginatif) enkysté, induisant des comportements inadaptés de mise en danger. Malgré les nombreuses adaptations thérapeutiques cet état demeure fixé, entravant notoirement la vie de relation du patient ainsi que son fonctionnement psychique et son autonomie. Monsieur [X] est anosognosique. Le patient n'est pas en mesure de consentir de façon adaptée aux soins psychiatriques, pourtant indispensables. Ces soins doivent nécessairement se poursuivre, sans alternative à l'hospitalisation complète'.

Par ordonnance du 09 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Bonneville a maintenu la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur [K] [X].

Appel de cette décision a été adressé le 10 novembre 2022 à 12h11 au greffe, sans qu'il ne soit motivé.

Suivant réquisitions écrites du 10 novembre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry a conclu à l'irrecevabilité de l'appel formé.

Dans l'avis motivé du 14 novembre 2022, le Docteur [I] se prononce en faveur de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète en raison de : « patient dans un état clinique stationnaire toujours instable délirant résistant aux traitements habituels. Demeure anosognosique, avec une tension psychique interne palpable rendant l'alliance thérapeutique fragile. Comportement dans le service alterne entre des hypersomnies et insomnies avec des demandes inappropriées. Dans ce contexte le patient est dans l'incapacité de donner son consentement éclairé aux soins.'.

Lors de l'audience du 16 novembre 2022, M.[X] a expliqué avoir fait appel de la décision de manière à ce que son avocat le 'représente' et 'voit ça de plus près', car il ne 'savait pas pourquoi il était ici et qu'elles étaient ses peines', précisant qu'il n'était pas 'la mule' (en référence au film). Il lui a été précisé que rien ne lui était reproché, qu'il était seulement question de parler de son état de santé, ce à quoi il a répondu 'Allez droit au but s'il vous plait'.

Son avocat a été entendu en ses observations. Maître Gourmand a expliqué que M. [X] voulait une 2ème analyse de son dossier, alors même qu'il n'avait aucune observation à faire sur la forme de celui-ci, et que, sur le fond, ce patient ne demandait pas la levée de sa mesure d'hospitalisation complète, se disant conscient de la nécessité des soins imposés. Il a exposé que M. [X] souhaitait seulement un peu plus de latitudes dans le cadre de cette mesure sous contrainte (plus d'activités, passer Noël avec sa famille...). Quant au défaut de motivation de son appel, Maître Gourmand s'en remettait à l'appréciation du magistrat.

Sa mère, Madame [H] [V], à la fois tiers demandeur et en charge de sa mesure de curatelle renforcée, n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes des dispositions de l'article R.3211-19 du code de la santé publique, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel.

En l'espèce, la déclaration d'appel formalisée par M. [X] [K] en date du 10 novembre 2022 n'est pas motivée, alors même que la notification de la décision du juge des libertés et de la détention du 09 novembre 2022 mentionnait clairement les dispositions de l'article R.3211-19 du code de la santé publique.

Or, ce texte ne prévoit pas de sanction à ce défaut de motivation et il n'existe pas, à ce jour, de jurisprudence de la 1ère chambre civile de la cour de cassation sur cette question.

Cette exigence de motivation posée par l'article R.3211-19 du code de la santé publique, qui ne se retrouve pas en droit commun de la procédure civile, peut surprendre, surtout lorsque l'appel est formé par le patient, dans la mesure où celui-ci, compte tenu de son état de santé psychique, n'est pas placé dans les meilleures conditions pour motiver son recours.

En outre, en l'espèce, M. [X] [K] a été mis en mesure de régulariser ce défaut de motivation par le recueil de ses explications lors de l'audience du 16 novembre 2022, laquelle est intervenue dans le délai d'appel.

Dans ces conditions, s'agissant d'une procédure orale, il convient de considérer comme recevable l'appel formé par M. [X] [K] à l'encontre de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 09 novembre 2022, contrairement aux réquisitions du parquet général.

Sur la régularité et le bien-fondé de la mesure de soins psychiatriques sans consentement :

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

En l'espèce, il apparait à la lecture des pièces transmises visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique que la procédure relative aux soins psychiatriques de M. [K] [X], depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention apparaît régulière.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

L'article L.3211-12-1 I. du code de la santé publique prévoit que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement ou par le représentant de l'Etat dans le département, ait statué sur cette mesure :

- avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ou de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète,

- avant l'expiration d'un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L.3211-12, L.3213-3, L.3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision.

L'article L.3213-3 I. du code de la santé publique mentionne que dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 du I de l'article L.3211-2-1.

En l'espèce, il ressort des dernières pièces médicales communiquées, notamment de l'avis motivé du 14 novembre 2022 et du certificat mensuel du 18 octobre 2022, et des débats, que, malgré les soins et le traitement administrés, l'état de santé psychique de M. [X] [K] n'est toujours pas stabilisé, compte tenu de la persistance d'un état délirant, le conduisant à des comportements inappropriés, voire dangereux, et impactant négativement ses relations sociales.

Par ailleurs, il est indiqué qu'il n'a pas conscience de son état et qu'il n'est pas en capacité d'émettre un consentement libre et éclairé par rapport aux soins que requiert celui-ci, même si son conseil a précisé, lors de l'audience, que M. [X] [K] n'entendait pas demander la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement du fait qu'il savait avoir besoin de tels soins.

M.[X] [K] présentant des troubles mentaux rendant impossible son consentement, lesquels imposent des soins immédiats et une surveillance médicale continue, il convient dès lors, de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 09 novembre 2022.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant le 17 novembre 2022, par ordonnance contradictoire, après débats tenus en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M. [X] [K],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 09 novembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 17 novembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00178
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;22.00178 ?
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