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17/11/2022 | FRANCE | N°22/00177

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 17 novembre 2022, 22/00177


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 17 Novembre 2022





RG : N° RG 22/00177 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD4S





Appelant

M. [X] [L]

né le 28 Janvier 1993

[Adresse 2]

[Localité 5]

actuellement hospitalisé à l'[6]

assisté de Me Jordan GOURMAND, avocat désigné d'off

ice inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

[6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

non comparant



Mme [E] [Z] (tiers demandeur - mère)

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 17 Novembre 2022

RG : N° RG 22/00177 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD4S

Appelant

M. [X] [L]

né le 28 Janvier 1993

[Adresse 2]

[Localité 5]

actuellement hospitalisé à l'[6]

assisté de Me Jordan GOURMAND, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

[6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

non comparant

Mme [E] [Z] (tiers demandeur - mère)

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparante

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 16 novembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 17 novembre 2022,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS

M.[X] [L] a été admis en soins psychiatriques sur demande d'un tiers, en l'occurrence de sa mère, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du 03 novembre 2022 du directeur de l'établissement public de santé mentale de [8] de [Localité 7].

Le certificat médical d'admission du docteur [S] du 3 novembre 2022 mentionnait au titre des troubles mentaux et caractéristiques de la maladie observés : « Comportement et langage dissocié dans contexte de consommation de kétamine. Dit vivre dans plusieurs mondes parallèles, dit se téléporter d'un monde à l'autre. Violence verbale à domicile. Mise en danger de sa personne. Insécurité des proches.'. Par ailleurs, il était indiqué que son consentement était impossible au vu de son état, se trouvant 'dans un autre monde'.

Le certificat médical de 24 heures rédigé le 4 novembre 2022 par le Docteur [D] précisait : 'nouvelle décompensation psychotique aiguë dans un contexte de rupture thérapeutique et de surconsommation de différents toxiques réguliers (kétamine, cocaïne, héroïne, LSD, cannabis). Aujourd'hui, le patient banalise et minimise son comportement et ses conduites à risque. Il présente des idées délirantes persécutoires à l'encontre de son entourage familial. Il reconnaît la consommation de toxiques mais reste dans le déni de ses troubles '.

Le certificat médical de 72 heures rédigé le 6 novembre 2022 par le Docteur [R] indiquait 'patient de 29 ans qui présente des troubles psycho comportementaux favorisés par la polytoxicomanie. Ce jour : comportement détaché, discours factuel et banalisateur sur sa consommation et ses troubles'.

Par décision du 6 novembre 2022, le directeur de l'établissement a prolongé d'un mois la mesure de soins sans consentement de M.[L] [X] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Suivant un avis motivé du Docteur [I] en date du 7 novembre 2022 il était précisé : 'Nouvel épisode dissociatif et délirant avec mise en danger et agressivité au domicile dans un contexte de consommation de toxiques et d'observance irrégulière des soins. Du fait de son agitation psychocomportementale et de propos suicidaires, il a nécessité un temps de surveillance rapprochée. Ce jour, Monsieur [L] se présente plus calme. Il n'évoque plus d'idée suicidaire et commence à critiquer l'épisode récent. Il demeure très ambivalent vis-à-vis des toxiques et évoque des croyances et des expériences perceptives inhabituelles qui sont rationalisées. La fragilité clinique est persistante et l'adhésion aux soins n'est pas acquise'.

Par ordonnance du 09 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Bonneville a maintenu la mesure d'hospitalisation complète de M.[X] [L] .

Appel de cette décision a été adressé le 10 novembre 2022 à 09h55 au greffe, M.[X] [L] 'estimant que cette décision a été prise de façon mécanique et sans vraie analyse du dossier'.

Suivant réquisitions écrites du 10 novembre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Dans l'avis motivé du 14 novembre 2022, le Docteur [F] se prononce en faveur de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète aux motifs que : «L'entretien du jour retrouve un patient toujours dispersé dans sa pensée mais on ne retrouve pas d'idée délirante, aucune autocritique par rapport à son addiction. Le contacte reste superficiel. Comportement limite dans le service avec des demandes inappropriées. Cependant on ne retrouve plus de trouble instinctuel. Dans ce contexte l'alliance thérapeutique est fragile et le risque de récidiver la consommation de produit toxique est très significatif. Le tout rendant le patient dans l'incapacité de donner un consentement éclairé aux soins'.

Lors de l'audience du 16 novembre 2022, M. [X] [L] a sollicité la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement, au bénéfice d'une hospitalisation libre. Il a indiqué qu'il était une personne hypersensible, que son cerveau travaillait énormément, et que suite au décès d'une amie proche et à divers problèmes familiaux, il avait été amené à prendre une dose trop importante de kétamine, produit qu'il consommait en automédication pour ses effets antidépresseurs, de sorte qu'il avait perdu attache avec la réalité le temps d'une soirée. Il a expliqué qu'il s'était, de lui-même, rendu à l'hôpital le plus proche pour demander de l'aide, mais que n'étant pas en capacité de faire les démarches d'internement, c'était sa mère qui avait fait la demande d'hospitalisation à sa place, alors que la prise de conscience d'un besoin de soins venait bien de lui.Par ailleurs, il a exposé, que dans sa vie quotidienne, il prenait un léger traitement méthadone ainsi que du CBD, et qu'il était suivi par un psychiatre, une infirmière, ainsi que par un addictologue et un psychologue, à l'égard desquels il était transparent par rapport à cette consommation,reconnaissant être polytoxicomane depuis l'âge de 15 ans, mais avoir réussi à se sevrer de l'héroïne, de la cocaïne, et de l'alcool, depuis plusieurs années. Il a expliqué que, désormais, il ne prenait plus de drogues pour s'amuser, mais pour se stabiliser et s'anesthésier, du fait de ses lourdes responsabilités,ceci sous contrôle médical. Il a exposé, par ailleurs, que la psychiatre de l'établissement assurant sa prise en charge, laquelle lui reprochait des comportements inappropriés (pompes dans les couloirs, demande d'utilisation de sa carte bancaire pour avoir des colis dans sa boîte aux lettres à son retour), confondait sa personnalité atypique avec des troubles psychiatriques.

Son avocat a été entendu en ses observations. Maître [Y] a expliqué que M. [L], dont l'état s'était amélioré et qui présentait, à ce jour, un discours cohérent, était parfaitement conscient de la nécessité d'être aidé, dans la mesure où il s'était rendu de lui-même à l'hôpital lors de sa rechute. Il consentait à la poursuite de son hospitalisation, mais de manière libre et non plus dans un cadre contraint, dans la mesure où il était désormais en capacité d'y consentir,avant d'envisager, de lui-même, un programme de soins.

Sa mère, Madame [Z] [E], tiers demandeur, n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [X] [L] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 09 novembre 2022 dans les délais et les formes prescrites par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article L3211-12-1 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort, par ailleurs, des éléments de procédure que les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats et qu'elles sont motivées.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure de l'hospitalisation complète sous contrainte doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 du I de l'article L.3211-2-1.

Quant au bien-fondé de la mesure d'hospitalisation complète de M. [L] [X], il ressort des certificats et avis médicaux circonstanciés figurant à la procédure, que si certains troubles initialement observés se sont atténués (propos suicidaires, agressivité, idées délirantes..) , il subsiste un comportement limite, et le risque qu'ils ne réapparaissent est important du fait de la fragilité persistante de l'intéressé à l'égard des toxiques, laquelle est directement à l'origine de sa dernière décompensation psychotique aigüe.

D'autre part, M. [L] [X] ne formule pas réellement de critiques à l'égard de sa consommation problématique, la légitimant, au contraire, par des explications rationalisées.

Si son discours, au sujet de sa volonté de poursuivre son hospitalisation dans un cadre non contraint se veut rassurant, les professionnels de santé assumant sa prise en charge au quotidien considèrent que son adhésion aux soins n'est pas acquise.

Il convient, à cet égard, de constater que lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention en première instance, M. [L] avait, au contraire de celle du 16 novembre 2022, indiqué vouloir sortir de l'hôpital immédiatement du fait qu'il avait une petite fille de 18 mois et qu'il bénéficiait d'un suivi à l'extérieur par différents intervenants.

Dans ces conditions, il y a lieu d'émettre certaines réserves sur sa capacité actuelle à consentir véritablement à de tels soins psychiatriques, lesquels, revêtant la forme d'une hospitalisation complète, apparaissent nécessaires et adaptés à ses besoins.

Dès lors, dans la mesure où M. [L] [X] souffre de troubles mentaux ne lui permettant pas de consentir de manière libre et éclairée aux soins prodigués et où son état mental impose une prise en charge médicale spécialisée immédiate avec une surveillance continue, il convient de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 09 novembre 2022, qui a ordonné la poursuite de sa mesure d'hospitalisation complète sans consentement.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant le 17 novembre 2022, par ordonnance contradictoire, après débats tenus en audience publique, au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.[L] [X],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 09 novembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 17 novembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00177
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;22.00177 ?
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