La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°22/00176

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 17 novembre 2022, 22/00176


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 17 Novembre 2022





RG : N° RG 22/00176 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD33





Appelant

M. [B] [H]

né le 18 Mars 1967 à

[Adresse 2]

[Localité 3]

actuellement hospitalisé au CHS de la SAVOIE

assisté de Me Jordan GOURMAND, avocat dés

igné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 4]

non comparant



Mme [V] [H] (mère - tiers demandeur à l'admission)

[A...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 17 Novembre 2022

RG : N° RG 22/00176 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD33

Appelant

M. [B] [H]

né le 18 Mars 1967 à

[Adresse 2]

[Localité 3]

actuellement hospitalisé au CHS de la SAVOIE

assisté de Me Jordan GOURMAND, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 4]

non comparant

Mme [V] [H] (mère - tiers demandeur à l'admission)

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparante

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 16 novembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 17 novembre 2022,

***

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par décision du 28 octobre 2022, le directeur du CHS de la Savoie a réadmis M.[B] [H] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, sur la base d'un certificat du Docteur [C] indiquant à cette date: 'Monsieur [H] présente un nouvel épisode maniaco-délirant, probablement consécutif à une mauvaise compliance thérapeutique. En effet, les infirmières n'intervenaient plus à son domicile dernièrement suite à la survenue de troubles comportementaux sévères (il les enfermait dans son appartement'). Celui-ci présente un délire persécutoire en réseau à l'encontre de sa famille (sa mère est une menteuse, son fils lui tend des pièges') et des soignants (les infirmières sont des emmerdeuses'). Il est très interprétatif et se montre très exalté (le ton est haut, véhément'). Il n'existe aucune critique des troubles. En conséquence, les soins en programme de soins ambulatoires ne sont plus justifiés sous cette forme et doivent se poursuivre en hospitalisation complète.'

M.[B] [H], initialement admis dans le cadre d'une procédure de soins psychiatriques initiée le 9 mai 2011 en urgence à la demande d'un tiers, en l'occurrence de sa mère, a été amené à bénéficier de plusieurs programmes de soins, le dernier, mis en place le 26 juillet 2022, prévoyant l'existence d'un traitement médicamenteux, de soins ambulatoires (3 visites par semaine à l'hôpital de jour de [Localité 5]) et de soins à domicile (passage d'une infirmière libérale matin et soir pour la distribution du traitement médicamenteux).

Un avis pour la saisine à 12 jours du juge des libertés et de la détention du 3 novembre 2022 rédigé par le docteur [P] précisait : ' Patient soigné depuis des années pour une psychose chronique, il a bénéficié dans le dernier temps de soins ambulatoires dans le cadre d'un programme de soins, mais il a dû être réintégré en hospitalisation complète à cause de la dégradation de son état psychique avec quelques troubles du comportement, agressivité (essentiellement verbale) et mauvaise observance du traitement. Il n'a pas bien respecté les obligations de son programme de soins. Depuis sa réadmission dans l'hôpital, sous traitement psychotrope, son état s'améliore progressivement, mais le patient reste encore très tonique, il présente encore une tendance à la logorrhée et son discours comporte beaucoup d'affirmations qui se contredisent mutuellement et d'autres troubles de la pensée. Il dit qu'il n'est pas schizophrène, 'qu'être schizophrène signifie d'être assassin', que le traitement psychiatrique qu'il reçoit le 'rend agressif' etc. Le patient ne critique pas ses troubles du comportement et n'adhère que d'une manière très superficielle au traitement qui lui est imposé. L'état psychique du patient n'est pas encore compatible avec les soins hors de l'hôpital'.

Par ordonnance du 08 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Chambéry a prononcé la poursuite de l'hospitalisation complète de Monsieur [B] [H] au sein du centre hospitalier spécialisé de [Localité 4] au-delà du 12ème jour.

Appel de cette décision a été réceptionné le 10 novembre 2022 à 10h45 au greffe, M. [H] [B] mentionnant: ' je vous informe catégoriquement que je suis apte à rejoindre mon logis'.

Suivant réquisitions écrites du 10 novembre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Dans le certificat de situation du 14 novembre 2022, le Docteur [P] se prononce en faveur de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète aux motifs que : « Le patient souffre depuis des années d'une psychose chronique, avec des idées délirantes de persécution qui, dans les périodes d'aggravation, l'ont amené à plusieurs reprises à prendre des décisions néfastes pour sa sécurité et pour sa situation matérielle, comme par exemple prendre le taxi de [Localité 7] à [Localité 6] en se croyant en danger sur le territoire français, ou en partant sans moyens suffisants en Israël, en se croyant persécuté sur le territoire français, d'où il a dû être rapatrié après une hospitalisation psychiatrique de plusieurs semaines dans ce pays. Malgré de multiples échecs provoqués par son comportement délirant, le patient n'a toujours pas accepté le fait qu'il est malade, ni que le traitement antipsychotique apporte du bénéfice à son équilibre émotionnel. Il considère les soins et surtout ses hospitalisations toujours comme injustifiées, d'où la nécessité des soins sans consentement pour assurer la prise du traitement dont il a besoin. Dans le dernier temps, le patient a bénéficié d'une période de suivi en programme de soins en ambulatoire dans le cadre de ses soins sans consentement, mais suite à l'aggravation de son état psychique, avec en particulier l'agressivité verbale envers les infirmières qui assuraient la délivrance bi quotidienne de son traitement antipsychotique, la poursuite de ce programme de soins ambulatoires semblait impossible. En conséquence le patient a dû réintégrer en hospitalisation complète. Depuis sa réintégration, malgré l'absence de la critique de son état et malgré la réticence envers les soins, le patient prend bon gré, mal gré le traitement prescrit et son état psychique semble lentement s'améliorer. Néanmoins son adhésion aux soins est extrêmement superficielle, et son état psychique est encore trop fragile pour pouvoir envisager les soins hors des murs de l'hôpital. Les soins psychiatriques sans consentement, en hospitalisation complète, restent donc indispensables.'.

Lors de l'audience du 16 novembre 2022, M. [B] [H] a fait valoirqu'à ce jour il était calme et qu'il n'avait pas d'idées délirantes, que la posologie de son traitement avait été revue à la hausse et qu'il le supportait bien. Il a reconnu, toutefois, qu'il était 'fragile nerveusement', en ce qu'il pouvait se mettre en colère. Il contestait avoir voulu séquestrer les infirmières à son domicile, lesquels 'cherchaient les embrouilles', et ne comprenait pas avoir été réhospitalisé 'pour si peu'. Il a demandé à pouvoir bénéficier, à nouveau, d'un programme de soins, tel que défini antérieurement, précisant que celui-ci lui convenait et que ses activités dans le cadre de l'hôpital de jour lui manquaient.

Son avocat a été entendu en ses observations. Maître Gourmand, au soutien de sa demande de mainlevée de l'hospitalisation complète sous contrainte, a indiqué que M. [H] avait conscience de la nécessité de respecter son programme de soins, qu'il savait qu'il ne pouvait pas arrêter son traitement, que son discours était cohérent, de sorte qu'il pouvait y consentir librement. Il a mentionné, par ailleurs, que les actes au cours desquels il s'était mis en danger étaient anciens, mais qu'à ce jour il n'y avait plus de dangerosité relevée, et que M. [H] avait uniquement voulu protéger son appartement en fermant celui-ci à clé lors des passages des infirmières. Enfin, il a fait état, de ce qu'il disposait d'une vie stable à l'extérieur, en ce qu'il était locataire, avait de la famille à proximité, et des loisirs rythmant son quotidien.

Sa mère, Mme [H] [V], tiers demandeur, n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

M.[B] [H] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 08 novembre 2022 dans les délais et les formes prescrites par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

En l'espèce, il apparait à la lecture des pièces transmises visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique que la procédure relative aux soins psychiatriques de M.[B] [H], depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention apparaît régulière.

L'article L.3211-12-1 I. du code de la santé publique prévoit que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement ou par le représentant de l'Etat dans le département, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission ou de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète. Cette disposition a été respectée en l'espèce.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

L'article L.3211-11du code de la santé publique précise que :

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.

Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade propose de modifier la forme de prise en charge de celle-ci, le directeur de l'établissement est tenu de la modifier sur la base du certificat médical ou de l'avis mentionnés à l'article L. 3211-11 (article L.3212-4).

En l'espèce, il ressort de la procédure qu'au cours de l'année 2022, M. [B] [H] a bénéficié de plusieurs programmes de soins, qui se sont tous soldés, à plus ou moins brève échéance, par des décisions de réadmission en hospitalisation complète, la dernière datant du 28 octobre 2022.

Les pièces médicales les plus récentes communiquées, notamment le certificat de situation du 14 novembre 2022, l'avis du 3 novembre 2022, et le certificat du 28 octobre 2022, suffisamment motivées et circonstanciées, font état que M. [B] [H], souffrant d'une psychose chronique, a présenté un nouvel épisode délirant, en lien possiblement avec une mauvaise observance de son traitement, au cours duquel ses troubles du comportement, qualifiés de sévères, ont pu inquiéter les professionnels de santé assurant sa prise en charge au quotidien, du fait, notamment, de son agressivité et de conduites inappropriées.

Si une amélioration est observée sur le plan clinique, il est, toutefois, noté que ce patient demeure, pour l'instant, trop fragile, pour envisager une mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, et que son adhésion aux soins n'est qu'apparente, étant précisé qu'à l'audience son discours a fait clairement ressortir une minimisation des troubles présentés, ainsi que de leurs conséquences.

Dès lors, dans la mesure où M. [B] [H] souffre de troubles mentaux ne lui permettant pas, actuellement, d'émettre un consentement libre et éclairé, et où son état mental impose des soins immédiats et une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, il convient de confirmer la décision du Juge des Libertés et de la Détention de Chambéry du 08 novembre 2022, qui a prononcé la poursuite de cette mesure au delà du 12ème jour.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant par ordonnance contradictoire, le 17 novembre 2022, après débats tenus en audience publique, au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M. [H] [B],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry en date du 08 novembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public,

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 17 novembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00176
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;22.00176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award