COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 10 Novembre 2022
N° RG 21/02492 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G373
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d'ANNECY en date du 19 Novembre 2021, RG 21/00120
Appelante
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES dont le siège social est sis [Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL PERSPECTIVES MEROTTO FAVRE, avocat au barreau d'ANNECY
Intimés
M. [L] [V]
né le [Date naissance 8] 1977 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3]
Mme [E] [H]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3]
M. [L] [V] es qualité de représentant légal de son fils mineur, [N] [L] [V]-[H], né le [Date naissance 5] 2008 à [Localité 14] (74) demeurant [Adresse 3]
Mme [F] [R]
née le [Date naissance 9] 2001 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3]
Mme [C] [R]
née le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3]
Mme [B] [X] [V]
née le [Date naissance 7] 1996 à [Localité 13], demeurant [Adresse 12]
Représentés par la SARL CABINET BEATRICE BONNET CHANEL, avocat au barreau d'ANNECY
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S.A.S. GRAS SAVOYE dont le siège social est sis [Adresse 10] - prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
Mutuelle PRO BTP - BTP PREVOYANCE dont le siège social est sis [Adresse 11] - prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
LA CPAM DE LA HAUTE-SAVOIE, dont le siège social est sis [Adresse 6]
prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 20 septembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 07 janvier 2019, M. [L] [V], assuré par la MACIF, qui circulait sur l'autoroute A43, sur une section à trois voies, a perdu le contrôle de son véhicule et a percuté un camion qui circulait sur la voie de droite, qui a poursuivi sa route. Après le choc, M. [V] a immobilisé son véhicule sur la voie de droite, puis en est sorti pour se placer sur la bande d'arrêt d'urgence.
Un troisième véhicule, conduit par M. [Z], assuré par la compagnie MMA IARD assurances mutuelles (MMA), gêné par un semi-remorque, s'est déporté sur la voie de droite, sur laquelle se trouvait le véhicule de M. [V]. En voulant éviter ce véhicule, M. [Z] s'est encore déporté sur sa droite, sur la bande d'arrêt d'urgence, et a percuté M. [V] qui s'y trouvait, lui occasionnant de graves blessures. Cet accident de trajet a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie à titre professionnel.
Au cours de la phase amiable engagée entre les assureurs des véhicules, la MACIF a réduit le droit à indemnisation de M. [V] à 50 %, tandis que la compagnie MMA a opposé la faute commise par celui-ci comme étant de nature à exclure son droit à indemnisation.
M. [V] a contesté toute faute de nature à réduire ou exclure son droit à indemnisation.
C'est dans ces conditions que, par actes délivrés les 17, 18 et 31 décembre 2020, M. [L] [V] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant légal de son fils mineur [N], Mme [E] [H], sa compagne, Mme [B] [V] fille majeure de M. [V] et Mmes [F] et [C] [R], filles majeures de Mme [H] ont fait assigner la MMA et en déclaration de jugement commun la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, la SAS Gras Savoye et la Mutuelle Pro BTP-BTP Prévoyance, devant le tribunal judiciaire d'Annecy pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Les demandeurs ont saisi le juge de la mise en état aux fins d'expertise médicale de M. [V] et pour obtenir la condamnation de la compagnie MMA :
- à payer à M. [V] une provision de 280.637,33 € à valoir sur ses préjudices, et, subsidiairement, de 140.318,66 € (50 %),
- à Mme [H] une provision de 23.032,86 € à valoir sur ses préjudices, et subsidiairement, de 11.516,43 € (50 %).
La compagnie MMA s'est opposée aux demandes de provisions comme se heurtant à des contestations sérieuses.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, la SAS Gras Savoye et la Mutuelle Pro BTP-BTP Prévoyance n'ont pas constitué avocat devant le tribunal.
Par ordonnance rendue le 19 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy a:
déclaré la décision commune à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Savoie, la SAS Gras Savoye et la Mutuelle Pro BTP-BTP Prévoyance,
accordé à M. [V] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
condamné en tant que de besoin la MMA à lui verser ladite somme et aux éventuels frais d'exécution forcée,
accordé à Mme [H] une provision de 2.500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
condamné en tant que de besoin la MMA à lui verser ladite somme et aux éventuels frais d'exécution forcée,
ordonné une mesure d'expertise médicale, confiée au docteur [I] [Y], avec la mission habituelle en matière d'indemnisation du préjudice corporel, aux frais avancés de M. [V],
condamné la MMA à verser à M. [V] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné le sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. [I] [Y] désigné par la présente ordonnance,
constaté l'impossibilité de toute diligence procédurale jusqu'à la survenance de l'événement justifiant le sursis à statuer,
ordonné la radiation de l'affaire du rôle des affaires en cours,
précisé que dans le cas d'espèce la radiation prononcée ne revêt aucun caractère de sanction,
rappelé que par application des dispositions de l'article 392 alinéa 2 du code de procédure civile, le délai de péremption de l'instance est interrompue à compter de la présente décision de sursis à statuer et qu'un nouveau délai commencera à courir à compter de la survenance de l'événement ayant justifié le sursis,
dit que l'instance sera remise au rôle sur justification de la survenance de l'événement attendu par la partie la plus diligente ou d'office,
réservé les dépens d'incident comprenant les frais d'expertise médicale.
Par déclaration du 23 décembre 2021, la MMA a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 06 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société MMA IARD assurances mutuelles demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy du 19 novembre 2021 en toutes ses dispositions,
condamner M. [V] et Mme [H] aux dépens.
En réplique, dans leurs conclusions notifiées le 15 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [L] [V], Mme [E] [H], M. [N] [L] [V]-[H] représenté par son représentant légal M. [L] [V], Mme [F] [R], Mme [C] [R], Mme [B], [X] [V] demandent à la cour de:
déclarer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel adverse et, sur le fond, le rejeter en ce qu'il est infondé et injustifié,
confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy du 19 novembre 2021 en toutes ses dispositions et condamner la MMA à payer 2.000 euros à M. [V] ainsi que 2 000 euros aux autres parties intimées, Mme [H], Monsieur [N] [L] [V]-[H] représenté par son représentant légal M. [V], Mme [F] [R], Mme [C] [R], Mme [B], [X] [V], en cause d'appel, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la MMA aux entiers dépens d'instance, qui comprendront l'ensemble des frais d'expertise et des frais d'exécution forcée, en cas d'exécution forcée, avec application au profit de la société Bonnet Chanel des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel de la MMA a été signifiée à la CPAM de la Haute-Savoie, la société Gras Savoye et la Mutuelle Pro BTP-BTP Prévoyance par actes des 02 et 03 février 2022, remis respectivement à personne habilitée. Ces parties intimées n'ont pas constitué avocat.
L'affaire a été clôturée à la date du 4 juillet 2022 et renvoyée à l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 10 novembre 2022.
MOTIFS ET DÉCISION
En application de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour, notamment :
- allouer une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable,
- ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction.
La compagnie MMA soutient en premier lieu que le droit à indemnisation de M. [V] et de ses proches est sérieusement contestable en ce qu'il a commis une faute de nature à le limiter ou l'exclure.
Les intimés soutiennent que la compagnie MMA a d'ores et déjà reconnu le droit à indemnisation de M. [V], au moins à concurrence de 50 %, au cours de la phase amiable entre assureurs, et qu'en outre M. [V] avait la qualité de piéton lorsqu'il a été percuté.
L'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
En l'espèce, compte tenu des circonstances de l'accident relatées ci-dessus, il est possible qu'une faute puisse être retenue par le juge du fond à la charge de la victime, dont l'appréciation ne relève pas du juge de la mise en état, non plus d'ailleurs que le fait de déterminer s'il avait la qualité de piéton ou de conducteur au moment du deuxième accident.
Pour autant, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la faute d'imprudence commise par M. [V] lors de la première collision n'est à l'évidence pas la cause exclusive du deuxième accident dans lequel il a été gravement blessé, l'imputabilité des blessures à la deuxième collision n'étant pas sérieusement contestable.
De ce fait, que M. [V] ait la qualité de conducteur ou de piéton, son droit à indemnisation, au moins partiel, par l'assureur du véhicule qui l'a percuté alors qu'il était sur la bande d'arrêt d'urgence à côté de son propre véhicule, n'est pas sérieusement contestable.
Aussi, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de la mise en état a alloué des provisions à M. [V] et à Mme [H], dont le montant tient compte des contestations de l'assureur, dont le bien-fondé sera apprécié par le juge du fond.
Concernant l'expertise, la compagnie MMA ne s'y était pas opposée en première instance, mais elle entend aujourd'hui d'abord faire trancher la responsabilité avant l'expertise.
Toutefois, la compagnie MMA est l'assureur du véhicule qui a percuté M. [V], et compte tenu des motifs qui précèdent, il y a lieu de confirmer la mesure d'expertise ordonnée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [V] la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie MMA, qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SARL Cabinet Béatrice Bonnet-Chanel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy le 19 novembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la compagnie MMA à payer à M. [L] [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
Condamne la compagnie MMA aux entiers dépens de l'appel, avec distraction au profit de la SARL Cabinet Béatrice Bonnet-Chanel, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente