COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
du 10 Novembre 2022
N° RG 20/00327 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GNRA
Appelante
S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, dont le siège social est sis [Adresse 3]
Représentée par la SCP PIANTA & ASSOCIES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
contre
Intimé
M. [S] [P], demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Didier BESSON, avocat au barreau de CHAMBERY
*********
Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d'appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante le 10 Novembre 2022 après examen de l'affaire à notre audience du 13 Octobre 2022 et mise en délibéré :
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement contradictoire rendu le 24 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains a :
condamné M. [S] [P] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (la Banque Populaire) la somme de 4.505,90 €, outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016 au titre du solde débiteur du compte chèques n° [XXXXXXXXXX01], la somme de 5.059,10 €, outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016, au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX02] et la somme de 14.584,75 €, outre intérêts au taux contractuel de 3,95 % à compter du 15 décembre 2016, au titre du prêt professionnel consenti le 5 juillet 2012,
condamné la Banque Populaire à payer à M. [P] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du défaut de mise en garde avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
ordonné la compensation entre les sommes dues par M. [P] et celles dues par la Banque Populaire,
rejeté la demande de vérification d'écritures,
déclaré irrecevables les demandes de M. [P] fondées sur le contrat de prêt immobilier du 4 décembre 2012,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [P] et la Banque Populaire au paiement par moitié chacun des dépens de l'instance.
Par déclaration du 2 mars 2020 la Banque Populaire a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance rendue le 19 novembre 2020, sur incident soulevé par la Banque Populaire, le conseiller de la mise en état a :
dit que la demande de dommages et intérêts de M. [P] au titre de la responsabilité de la Banque Populaire en raison d'un manquement à son devoir de mise en garde est irrecevable,
dit que l'action de la Banque Populaire en recouvrement du solde débiteur du compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX02] ouvert par M. [P] est recevable,
dit que l'action de la Banque Populaire en recouvrement du solde débiteur du compte courant de particuliers n° [XXXXXXXXXX01] ouvert par M. [P] est recevable,
dit irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [P] au titre de la créance de la Banque Populaire s'agissant du prêt immobilier de 245.000 € souscrit le 4 décembre 2012,
condamné M. [P] à payer à la Banque Populaire la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que la Banque Populaire supportera les dépens de l'incident.
Par ordonnance rendue le 9 décembre 2021, le conseiller de la mise en état, saisi d'un deuxième incident par la Banque Populaire, a :
dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir présentées par les parties,
réservé les dépens de l'incident qui suivront le sort des dépens d'appel,
dit n'y avoir lieu à aucune application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 13 juin 2022, la Banque Populaire a saisi le conseiller de la mise en état d'un troisième incident, et demande :
Vu les articles 907 et 789 du code de procédure civile,
Vu l'arrêt de la 2ème chambre de la cour d'appel de Chambéry du 17 mars 2022,
déclarer irrecevables l'ensemble des demandes de M. [P] au titre des actes de prêts notariés des 4 décembre 2012 et 26 juin 2014,
condamner M. [P] à payer à la Banque Populaire la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamner aux dépens de l'incident.
La Banque Populaire fait valoir essentiellement que les demandes réitérées en appel par M. [P] dans ses conclusions au fond, et relatives aux actes de prêt notariés, seraient irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 17 mars 2022 sur l'appel du jugement d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains du 7 mai 2021.
Par conclusions notifiées le 6 octobre 2022, M. [P] demande au conseiller de la mise en état de :
Statuant notamment sur le fondement des dispositions des articles 750 et suivants du code de procédure civile, du code des procédures civiles d'exécution, de la réponse ministérielle publiée au JO le 18 juin 2019 - question n° 19005, et sous réserve de l'application des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile,
rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions éventuelles de la Banque Populaire,
déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour connaître de ces demandes, et en conséquence les rejeter,
juger les demandes de la Banque Populaire présentées dans le cadre du présent incident au conseiller de la mise en état irrecevables,
subsidiairement, les juger infondées,
condamner la Banque Populaire à payer à M. [P] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'incident.
A cet effet M. [P] soutient essentiellement que l'incident soulevé échappe à la compétence du conseiller de la mise en état, tout comme le précédent, et, subsidiairement, que l'arrêt rendu sur appel du jugement d'orientation n'a que fixé la créance de la banque pour les besoins de la procédure.
MOTIFS ET DÉCISION
En application de l'article 907 du code de procédure civile, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.
L'article 789 dispose que, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de tout autre formation du tribunal, pour, notamment (6°) statuer sur les fins de non-recevoir.
La détermination par l'article 907 des pouvoirs du conseiller de la mise en état par renvoi à ceux du juge de la mise en état ne saurait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi. Seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée.
Il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (2ème civ. avis du 3 juin 2021 n° 21-70.006).
En outre, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel. Conformément à l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires.
Il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état (2e Civ., 11 octobre 2022, avis n° 22-70.010).
En l'espèce, l'incident soulevé par la Banque Populaire tend à faire juger par le conseiller de la mise en état que toutes les demandes formées par M. [P] au titre des prêts notariés devraient être jugées irrecevables, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 17 mars 2022.
Or l'examen d'une telle fin de non-recevoir relève de l'appel et non de la procédure d'appel.
En effet, le jugement déféré a statué au fond sur la recevabilité de la demande formée par M. [P] au titre de ces prêts, de sorte que, par l'effet dévolutif de l'appel, seule la cour est saisie de ce point.
Ainsi, la fin de non-recevoir invoquée par la Banque Populaire, tirée de l'autorité de la chose jugée, suppose que le conseiller de la mise en état tranche un élément objet de l'appel, ce qui ne se peut, et ce quand bien même ce moyen serait apparu après le jugement déféré.
En conséquence la Banque Populaire ne peut qu'être déboutée de ses demandes.
S'agissant du troisième incident soulevé par l'appelant, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Banque Populaire supportera les dépens de l'incident.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Disons que la fin de non-recevoir soulevée par la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes relative à l'autorité de la chose jugée ne relève pas des pouvoirs du conseiller de la mise en état,
Déboutons en conséquence la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de ses demandes,
Condamnons la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [S] [P] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens de l'incident.
Ainsi prononcé le 10 Novembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat