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02/11/2022 | FRANCE | N°22/00172

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 02 novembre 2022, 22/00172


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES



du Mercredi 02 Novembre 2022







RG : N° RG 22/00172 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDSO





Appelant

M. [C] [T]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 12]

[Localité 4]

hospitalisé à l'EPSM74

assisté de Me Médard NKEL

E, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 3]

CS20 149

[Localité 5]



Association UDAF 74 (curateur - tiers demandeur à l'admission)...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 02 Novembre 2022

RG : N° RG 22/00172 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDSO

Appelant

M. [C] [T]

né le 01 Avril 1977 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 12]

[Localité 4]

hospitalisé à l'EPSM74

assisté de Me Médard NKELE, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 3]

CS20 149

[Localité 5]

Association UDAF 74 (curateur - tiers demandeur à l'admission)

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 2 novembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 2 novembre 2022 après-midi,

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Le 12 octobre 2022, M. [T] [C], admis depuis le 2 juillet 2022 à l'établissement public de santé mentale 74 en soins psychiatriques en cas de péril imminent, voyait sa mesure levée, sur la base d'un certificat médical du docteur [P] [E] indiquant à cette date: ' il s'agit d'un patient aux antécédents de pathologie psychotique chronique, associée à un trouble de la personnalité psychopathique, hospitalisé depuis juillet dans les suites d'un voyage pathologique sur [Localité 11] en lien avec une consommation de toxiques. Son état clinique est stable depuis plusieurs semaines, sans éléments psychotiques, le contact est de bonne qualité, le discours est cohérent et adapté, il n'y a pas d'hallucination ni d'éléments de désorganisation psycho-comportementale. La clinique actuelle est dominée par des traits de personnalité psychotiques, caractérisés par une intolérance à la frustration, une hypertrophie du moi, une absence de remise en question. Il ne présente pas de fausseté du jugement ni d'altération de son discernement. Il ne représente en l'état pas de danger pour lui-même ou pour autrui, par ailleurs si dangerosité il y a, elle est uniquement d'ordre criminologique et pas à rattacher à une quelconque pathologie psychiatrique'.

Dès le 13 octobre 2022, M. [T] était à nouveau admis en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, sur décision du directeur du centre hospitalier [9] à [Localité 8], sur la base d'un certificat médical indiquant :' délire mystique se prend pour l'archange [S], va se faire convoquer par le pape, passage du coq à l'âne, veut être président de la république, a un programme et des ministres, veut porter plainte contre [G], pas idées noires'.

Le certificat de 24 heures, daté du 14 octobre 2022, émanant du Docteur [R] [I] (CH [F]), mentionne : 'patient revu ce jour. Le contact est bon et le patient est calme. Pour autant les éléments délirants, mécanismes, intuitifs et interprétatifs et thème de grandeur de mission divine et de projets électoraux restent présents. Son comportement l'a également, dans un contexte de rapport à la réalité altérée, amené à se mettre nu dans la rue, ce qu'il ne critique pas afin d'attirer l'attention en vue de ses visions électorales. Les soins restent nécessaires et les troubles mentaux rendent impossible le consentement, en conséquence les soins psychiatriques doivent être maintenus au regard des conditions d'admission, conformément à l'article L.3211-2-2".

Le certificat de 72 heures, daté du 16 octobre 2022, émanant du Docteur [A] [Y] (CH [F]), indique : 'M. [T] est hospitalisé dans notre établissement depuis le 13 octobre 2022 pour décompensation d'un trouble psychiatrique déjà connu de son secteur, surconsommation de toxiques. M.[T] a été amené par les forces de l'ordre suite à des troubles du comportement sur la voie publique. En effet, il a été rapporté par les forces de l'ordre qu'il se serait déshabillé complètement à la Part-Dieu. En entretien, M.[T] explique ce geste par des idées de grandeur, en disant qu'il voulait attirer l'attention médiatique pour faire passer un message politique. Il a des propos mégalomaniaques, expliquant en effet qu'il serait 'un meilleur président que [G]', et qu'il souhaitait expliquer cela aux médias. Il tient également des propos délirants : dit être un archange, venu ici 'pour sauver le monde', et projetait de voyager à Rome pour rencontrer le pape. Il n'existe aucune critique de ces propos. M.[T] ne reconnaît pas ses troubles, son état psychique ne lui permet pas de comprendre les soins nécessaires à ceux-ci.Les soins restent nécessaires et les troubles mentaux rendent impossible le consentement, en conséquence les soins psychiatriques doivent être maintenus au regard des conditions d'admission, conformément à l'article L.3211-2-2.'

Le directeur du centre hospitalier [9] a prolongé la mesure de soins psychiatriques sous la forme de l'hospitalisation complète en date du 16 octobre 2022.

Un avis médical avant audience en date du 17 octobre 2022 émanant du docteur [X] [L] (CH [9]) mentionne : 'patient connu et suivi sur son secteur dans un contexte de troubles délirants chroniques qui est hospitalisé suite à des troubles comportementaux à type de désinhibition sur la voie publique. Le patient a été retrouvé dénudé sur la voie publique. Il est logorrhéique, tient des propos à thématique mégalomaniaque et mystique et souhaitait initialement se rendre au Vatican afin de plaider pour le bien-être de l'humanité. Le patient est dans un déni de ses troubles mais son état clinique lui permet d'assister à l'audience auprès du JLD'.

M. [T] [C] a été transféré à l'EPSM 74 le 18 octobre 2022 pour poursuite de sa prise en charge.

Il a adressé un mail à l'attention du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 17 octobre 2022 ayant pour objet ' levée de SPI cette semaine', pour faire part de sa situation et transmettre certains écrits figurant sur son site internet, notamment ses propositions électorales et la composition de son ministère, en vue de l'audience à venir. Celui-ci a été enregistré comme une requête par le greffe.

Par ordonnance du 19 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville, également saisi par requête de Mme la directrice de l'EPSM 74 de la Roche-sur-Foron en date du 17 octobre 2022, a ordonné la jonction des deux dossiers ouverts, ainsi que le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M.[C] [T].

Sur le récépissé de réception d'une notification d'ordonnance du juge des libertés et de la détention adressé, M. [C] [T] a mentionné : 'La juge n'a pas pris en compte mes courriers et l'avis de levée du placement du docteur [P]. GROSSE PUTE ET SALOPE!!!. Merci de porter plainte. Cordialement. Gros bisous'.

M.[T] [C] a relevé appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville le 24 octobre 2022 par courrier motivé.

Suivant réquisitions écrites du 27 octobre 2022, le procureur général près la cour d'appel de Chambéry s'est prononcé en faveur d'une confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 19 octobre 2022.

Dans l'avis motivé du 28 octobre 2022 émanant du docteur [P] [E], concluant à la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, il est indiqué: ' Il s'agit d'un patient bien connu des services de psychiatrie, ayant fait l'objet de multiples hospitalisations en soins sous contrainte dans des contextes de décompensation délirante ayant mené à des troubles de l'ordre public. On note depuis environ un an, une aggravation des troubles avec un échec des tentatives de sorties d'hospitalisation. En effet lors des deux dernières sorties d'hospitalisation le patient a été retrouvé nu à [Localité 11] puis plus récemment à [Localité 10] le jour même de sa sortie de notre service, tenant alors des propos délirants mégalomaniaques ce qui a nécessité sa réhospitalisation en psychiatrie. Il s'agit d'un individu qui présente de graves troubles des conduites et du comportement avec essentiellement une hétéro-agressivité sous forme de crises plastiques, de menaces de mort adressées aux proches, famille, intervenants sociaux, soignants, fugues, de perturbation de l'ordre public avec notamment exhibitionnisme. On note également plusieurs passages à l'acte hétéro-agressif, y compris sur des soignants au décours de ses prises en charge. Depuis son transfert du CH du Vinatier, le contact est hostile, M.[T] nie tout trouble psychiatrique, est en désaccord total avec sa réhospitalisation. Les éléments délirants mégalomaniaques et mystiques persistent 'je suis l'archange [C], j'ai le projet d'aller au Vatican afin de plaider pour le bien-être de l'humanité' 'je suis haut potentiel, vous ne pouvez pas comprendre ce que je vous dis'. Il a présenté une crise classique se montrant de nouveau menaçant et agressif, a détruit du mobilier au décours de son hospitalisation dans un contexte de frustration. Cet épisode d'agitation a nécessité l'intervention de l'équipe de sécurité ainsi qu'une mise en chambre d'isolement. Le patient ne remet par ailleurs aucunement en cause ses agissements. On note donc chez ce patient des troubles du comportement secondaires à des convictions délirantes mettant en jeu sa sécurité personnelle ainsi que celle des autres. Il demeure particulièrement impulsif et imprévisible, ce qui participe au risque imminent de passage à l'acte hétéro-agressif. En conséquence les soins psychiatriques sur décision du directeur restent justifiés et doivent être maintenus à temps complet'.

L'UDAF de la Haute-Savoie a fait parvenir une note de situation datée du 31 octobre 2022 faisant état des difficultés à accompagner M. [T] dans le cadre de sa mesure de curatelle renforcée compte tenu de son état de santé et de l'absence de continuité dans les soins lors des sorties. Il est indiqué que depuis le début d'année 2022, ce dernier a été hospitalisé de manière complète à plusieurs reprises dans le cadre de soins psychiatriques sous contrainte, et qu'à chacune de ses sorties de l'EPSM 74, il a quitté le département sans possibilité pour l'UDAF de préparer son projet de sortie et d'engager un accompagnement. Par ailleurs, la gestion de son budget s'avère très complexe, du fait des dettes générées par l'intéressé qui, à chacune de ses sorties, prend les transports en commun, va au restaurant, dort à l'hôtel, utilise divers services, sans payer, en communiquant le numéro de téléphone de l'UDAF. Ainsi, M. [T] a pu utiliser, lors d'un séjour en Suisse, les services d'un taxi de nuit pour effectuer une longue distance et se rendre dans un établissement médical sans carte vitale européenne. Par ailleurs, il est fait état des menaces (d'être cité sur ses blogs internet), proférées par M.[T], face à un refus de lui faire parvenir de l'argent supplémentaire. Enfin, il est indiqué qu'une rencontre est prévue pour le 8 novembre 2022 avec l'équipe pluridisciplinaire de l'EPSM 74.

Lors de l'audience du 02 Novembre 2022, M. [T] a expliqué avoir fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention car ce magistrat l'avait 'jugé en 1 minute'. Il a repris l'ensemble des éléments indiqués dans les divers certificats médicaux pour les expliquer et les contester. Il a exposé avoir 'envie d'un monde meilleur, de justice et de paix' comme beaucoup de gens qui le soutenaient, qu'il était humain, qu'il ne se prenait pas pour un archange, qu'il faisait des voyages 'conscients et non pathologiques', qu'il avait des convictions, qu'il écrivait beaucoup de choses sur internet, qu'il avait lancé un parti politique, qu'il avait un programme humain, social, avec une liste de personnes susceptibles d'être de bons éléments. Il a reconnu s'être exhibé à 4 reprises en public, précisant que ses agissements, d'une durée maximum de 5 minutes, réalisés 'consciemment' et non dans un cadre délirant, avaient pour but d'alerter les médias et de provoquer l'intervention des forces de l'ordre, afin qu'il puisse déposer plainte contre '[G]' à raison de ce qu'il avait fait contre 'les gilets jaunes'. Il a fait le parallèle entre son action et celle des femmes qui manifestent 'seins nus' pour se faire entendre. D'autre part, il a précisé qu'il était stable dans le service, mentionnant s'être énervé uniquement à l'encontre de son psychiatre car celui-ci refusait qu'il fasse appel à un neuropsychologue. Il a reconnu qu'il pouvait s'énerver et qu'il n'aimait pas trop qu'on lui dise non, qu'il fumait du cannabis, mais que, pour autant, il n'était pas dangereux. Il a indiqué avoir effectivement dit à son ancienne curatrice, avec laquelle c'était compliqué, qu'il mettrait son nom sur internet. A propos de son traitement, il a expliqué que celui-ci avait été changé à 8 reprises en l'espace d'une année et qu'il souhaitait en être sevré au regard des effets secondaires observés (troubles de l'érection, au niveau de ses selles, difficultés à réfléchir, arrêt de son imagination...), précisant que, désormais, il n'entendait plus de voix. Enfin, il a terminé en indiquant qu'il voulait faire l'objet d'un bilan neuropsychologique afin qu'il soit constaté qu'il est haut potentiel intellectuel et pour que les psychiatres arrêtent, enfin, de le considérer comme malade,alors qu'ils ne sont pas capables de poser un diagnostic précis, ne disant jamais la même chose à son sujet.

Son avocat, Maître Nkele Médard a été entendu en ses observations. Au sujet de la procédure, elle lui est apparue régulière, notamment en ce que les droits de M.[T] lui avaient été notifiés lors de son admission, puis de son transfert. Pour autant, il a entendu critiquer la décision du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle n'avait pas relevé l'irrégularité affectant les certificats médicaux rédigés par les professionnels du CH [9], lesquels ne nommaient pas la pathologie psychiatrique dont souffrait M. [T].

L'UDAF (curatelle renforcée), n'a pas comparu, mais sa note de situation a été portée à la connaissance de la personne hospitalisée et de son conseil lors du débat contradictoire.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le directeur d'établissement n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 02 Novembre 2022 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION

Par courriel reçu au greffe de la cour d'appel le 24 octobre 2022 à 15h22, M.[T] [C] a fait appel de la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville en date du 19 octobre 2022, soit dans les délais et les formes prescrits par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du juge des libertés et de la détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui sont communiqués, dont le juge ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3212-1 du code de la santé publique qu' une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 du I de l'article L.3211-2-1.

Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission, lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1 du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1 . Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade ».

L'article L.3211-2-2 du code de la santé publique énonce : Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article ».

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article L.3211-12-1 du code de la santé publique et le greffe de la cour d'appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort des éléments de procédure que les pièces visées à l'article R.3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats et qu'elles sont motivées. Il apparait à leur lecture que la procédure relative aux soins psychiatriques de M.[T] [C], depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention, s'avère régulière.

L'avocat de M.[T] a entendu soulever, lors de l'audience, une irrégularité liée au fait que les certificats médicaux rédigés avant son transfert, par les psychiatres du CH [9], ne désignent pas la pathologie mentale dont il serait atteint.

Or, il convient de préciser que les textes régissant le contentieux, sus-visés, n'imposent pas aux médecins de poser un diagnostic précis en nommant la pathologie psychiatrique présentée par la personne hospitalisée sans son consentement, mais seulement de décrire les caractéristiques des troubles mentaux observés, ce qui a été régulièrement fait en l'espèce, de sorte que ce moyen de défense doit être écarté.

En effet, il ne peut être raisonnablement exigé des médecins, qui ne connaissent pas forcément le parcours antérieur de la personne hospitalisée, qu'ils effectuent un tel diagnostic dans leurs certificats des 24 et 72 heures, à si faible distance de l'admission, sans compter qu'une personne hospitalisée peut, également, être amenée à présenter, de manière ponctuelle, des troubles mentaux, sans nécessairement être atteinte d'une pathologie au long cours.

Quant au bien-fondé de la mesure d'hospitalisation complète, il ressort des certificats et avis médicaux figurant à la procédure, suffisamment motivés et circonstanciés, que M.[T] [C], hospitalisé à de multiples reprises en soins sous contrainte à raison d'une pathologie psychotique chronique et/ou de traits de personnalité psychotiques, sous couvert d'être animé par des intentions supérieures, peut toujours être amené à adopter un comportement dangereux, pour lui-même et pour autrui, troublant l'ordre public (exhibitionnisme, menaces, agressivité, agitation, fugues, dégradation de matériel, crises clastiques, impulsivité), dès lors, notamment, qu'il se voit entravé dans ses divers projets, ne supportant pas la frustration et l'opposition.

Plusieurs sorties d'hospitalisation ont été tentées au cours de l'année 2022, dès lors que l'état de santé de M.[T] parvenait à être davantage stabilisé, mais elles se sont toutes soldées très rapidement par un échec, en lien notamment avec la reprise d'une consommation de cannabis, non critiquée par l'intéressé, alors que celle-ci est manifestement incompatible avec sa problématique de santé.

Le corps médical observe une aggravation de ses troubles du comportement, avec des passages à l'acte hétéro-agressif, à tel point qu'il a dû, un temps, être placé en chambre d'isolement. Le risque d'un nouveau passage à l'acte est qualifié d'imminent dans le dernier avis motivé du 28 octobre 2022.

Bien qu'il reconnaisse certains des agissements dénoncés, M. [T] [C] ne les critique pas et les justifie, au contraire, par ses convictions, qu'il ne perçoit pas comme étant délirantes, et la nécessité de se faire entendre.

Il se montre particulièrement opposant aux soins et à sa prise en charge médicale en milieu spécialisé, bien que celle-ci apparaisse adaptée à ses besoins actuels, qu'il n'est manifestement pas en capacité d'appréhender.

Dès lors, dans la mesure où il souffre de troubles mentaux rendant impossible son consentement et où son état mental impose des soins immédiats et une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, il convient de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 19 octobre 2022, qui a prononcé la poursuite de cette mesure au delà du 12ème jour.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, statuant par ordonnance contradictoire, après débats en audience publique, au siège de ladite cour d'appel, assistée de Sophie MESSA, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M.[C] [T].

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bonneville du 19 octobre 2022.

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 02 novembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00172
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;22.00172 ?
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